2011 TSSTC 29
Référence : Caron Transportation Systems Partnership, 2011 TSSTC 29
Date : 2011-12-02
Dossier : 2011-59
Rendue à : Ottawa
Entre :
Caron Transportation Systems Partnership, appelante
Affaire : Demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction
Décision : La suspension du point 4 de l’instruction est accordée.
Décision rendue par : M. Douglas Malanka, agent d’appel
Langue de la décision : Anglais
Pour le défendeur : Mme Lilie MacInnis, coordonnatrice de la sécurité et de la conformité, Caron Transportation Systems Partnership
MOTIFS DE DÉCISION
[1] Le 25 novembre 2011, Mme Lilie MacInnis, gestionnaire, sécurité et conformité chez Caron Transportation Systems Partnership (« Caron Transportation ») a présenté une demande écrite en vue d’obtenir la suspension de la mise en œuvre du point 4 de l’instruction que l’agente de santé et de sécurité Dawn MacLeod (l’« Ag. SS ») a émise à l’entreprise le 9 novembre 2011.
[2] En plus de la demande écrite de suspension, Mme MacInnis et M. Bill Pattison, vice-président des opérations chez Caron Transportation, ont participé à une audience téléphonique le 30 novembre 2011. Une seconde audience téléphonique a eu lieu le 1er décembre 2011. Mme MacInnis a également fait parvenir des documents additionnels au Tribunal à la suite de ces deux audiences.
[3] Il n’y a pas de défendeur dans le cas en l’espèce.
[4] La requête en vue d’obtenir la suspension de la mise en œuvre d’une instruction a été déposée conformément au paragraphe 146(2) du Code canadien du travail (le « Code »). Ce paragraphe se lit comme suit :
146(2) À moins que l’agent d’appel n’en ordonne autrement à la demande de l’employeur, de l’employé ou du syndicat, l’appel n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre des instructions.
CONTEXTE
[5] L’instruction donnée par l’Ag. SS MacLeod à Caron Transportation en vertu du paragraphe 145(1) du Code fait mention de quatre contraventions. La quatrième contravention indique que :
[traduction]
Contravention nº : 4
Alinéa 125(1)q) du Code canadien du travail, partie II, et l’alinéa 14.24b) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail:
Les employés qui travaillent en tant que techniciens dans une aire de lavage doivent déplacer divers types de camions, tels que des camions à deux ou à trois essieux, des camions de type Super B, etc., de la cour aux aires de lavage afin de les nettoyer. L’employeur n’exige pas que ces employés détiennent un permis d’opérateur valide (classe 1, classe 3, etc. pour des configurations d’essieux particulières), ce qui n’est pas conforme aux règlements provinciaux et aux exigences énoncées par le manufacturier applicables aux opérateurs.
Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) du Code canadien du travail, partie II, de mettre fin à la contravention au plus tard le 30 novembre 2011.
En outre, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)b) du Code canadien du travail, partie II, et dans le délai prescrit par l’agente de santé et de sécurité, de prendre des mesures pour mettre fin à la contravention et éviter qu’elle se reproduise.
Fait à Edmonton, ce 9e jour de novembre 2011.
[6] Les trois autres contraventions auxquelles il est fait mention dans l’instruction se rapportent à des renseignements fournis aux entrepreneurs travaillant sur le site de Caron Transportation et à des employés de Caron Transportation qui ont déplacé des véhicules ne sachant pas que des entrepreneurs étaient en train d’effectuer des travaux sous les véhicules en question. Ces trois conclusions ne font pas l’objet d’un appel.
Analyse
[7] Le pouvoir des agents d’appel d’accorder une suspension découle du paragraphe 146(2) susmentionné et l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire doit correspondre à l’objet de la Loi énoncé à l’article 122.1 du Code ainsi qu’à toute autre disposition applicable.
122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.
[8] Pour trancher cette demande de suspension, j’ai appliqué le critère en trois volets adopté par le Tribunal. Selon ce critère :
- Le demandeur doit démontrer à la satisfaction de l’agent d’appel qu’il s’agit d’une question sérieuse à traiter et non pas d’une plainte frivole et vexatoire;
- Le demandeur doit démontrer que le refus par l’agent d’appel de suspendre l’application de l’instruction lui causera un préjudice important;
- Le demandeur doit démontrer que, dans l’éventualité où une suspension serait accordée, des mesures seraient mises en place pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail.
S’agit-il d’une question sérieuse à juger par opposition à une plainte frivole ou vexatoire?
[9] Mme MacInnis a fait valoir que, selon Caron Transportation, l’art. 51 de la partie 3, division 1 de l’Alberta Traffic Safety Act, intitulé « permis d’opérateur », s’applique aux opérateurs de véhicule à moteur qui conduisent sur des autoroutes, et qu’il ne s’applique pas à ses employés qui déplacent des véhicules à deux et à trois essieux et des véhicules de type Super B uniquement sur la propriété privée de Caron Transportation et non sur des voies publiques. En conséquence, ils ont conclu que ces opérateurs en particulier n’avaient pas besoin de détenir un permis d’opérateur valide.
[10] Mme MacInnis a ajouté que les associations de camionneurs de l’Alberta et de l’Ontario ont confirmé que c’est une pratique courante des entreprises de camionnage suivent les employés travaillant sur leurs sites. Elle a conclu que la question à juger dans le cadre de l’appel de l’instruction n’est ni frivole ni vexatoire.
[11] Compte tenu de tout ce qui précède, je suis d’avis qu’il s’agit d’une question sérieuse à trancher.
Le demandeur subira-t-il un préjudice important si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue?
[12] Mme MacInnis a soutenu que le fait de se conformer au point 4 de l’instruction avant l’instruction de l’appel sur le fond aurait pour effet d’imposer un fardeau financier important à Caron Transportation. Elle a ajouté que l’entreprise estime qu’elle devrait débourser, au total, près de 162 400 $ pour permettre à ses employés de suivre une formation d’opérateur de classe 1 dans une école de conduite et pour payer leurs salaires durant la formation.
[13] Mme MacInnis a ajouté que Caron Transportation subirait d’importantes pertes en terme d’heures de productivité et que l’entreprise a un nombre limité d’employés dans certains de ses lieux de travail. Mme MacInnis a fait valoir que Caron Transportation subirait un préjudice important si la suspension de l’instruction n’était pas accordée.
[14] Compte tenu des facteurs soulevés par Mme MacInnis, je suis convaincu que ce volet du critère est respecté.
Quelles mesures seront mises en place pour préserver la santé et la sécurité des employés ou de toute personne admise dans le lieu de travail dans l’éventualité où la suspension de la mise en œuvre de l’instruction serait accordée?
[15] Mme MacInnis a déclaré que Caron Transportation a pris les mesures suivantes après que l’instruction eut été donnée :
Caron Transportation a communiqué avec les entrepreneurs auxquels elle a donné accès aux sites dont elle est propriétaire et leur a demandé de se conformer aux politiques de sécurité de l’entreprise. Ces politiques exigent que les entrepreneurs affichent un avis de danger du côté des têtes d’accouplement du véhicule sur lequel leurs employés effectuent des travaux et qu’ils placent un cône devant le véhicule;
Les superviseurs de Caron Transportation surveillent les activités des entrepreneurs et veilleront à ce que ceux-ci respectent les politiques de sécurité, faute de quoi on leur refusera l’accès aux sites de Caron Transportation;
Caron Transportation veille désormais à ce que les entrepreneurs vendeurs (p. ex. les entreprises de pneus) s’inscrivent dès leur arrivée pour que les superviseurs sachent où ils se trouvent sur le site;
Caron Transportation a mis en œuvre un programme de formation en emploi au terme duquel les employés reçoivent un nouveau formulaire qui prouve qu’ils ont suivi une formation auprès d’un superviseur détenant un permis d’opérateur de classe 1;
Lors de la formation en emploi, le superviseur qualifié s’assure que les employés maîtrisent les procédures de base autres que celles liées à la conduite d’un véhicule, telles que celles qui consistent à arrimer une remorque à un camion et à la décharger et à effectuer des vérifications préalables et postérieures, lorsqu’elles sont terminées;
Lorsqu’un superviseur déclare qu’un employé maîtrise les procédures autres que celles liées à la conduite, l’employé suit une formation sur la conduite des véhicules sur le site, laquelle consiste en une formation en classe, une formation sur la route donnée par un superviseur qui détient un permis d’opérateur de classe 1, et un test sur route;
La formation en classe porte sur les points suivants :
- Inspection du véhicule avant et après un déplacement;
- Caractéristique d’un véhicule de classe 1;
- Formulaires visant à signaler les défectuosités;
- Ouverture et fermeture d’un capot;
- Pièces d’un camion.
Formation sur la route :
- Déplacement du véhicule;
- Ce qu’il faut vérifier;
- Facteurs relatifs à la hauteur et au poids excédentaire;
- Conduite en milieu peu éclairé;
- Stationnement des véhicules;
- Utilisation des klaxons;
- Utilisation des freins pneumatiques en rapport avec les mouvements du véhicule ailleurs que sur une autoroute.
Caron Transportation fait ensuite passer un test écrit aux employés pour évaluer leurs connaissances et un test pratique au cours duquel les employés devront avancer et reculer un véhicule de manière sécuritaire sur un parcours établi.
Seuls les employés ayant réussi la formation pourront déplacer les véhicules sur les sites de Caron Transportation.
[16] Mme MacInnis a confirmé que le programme de formation pour veiller à la santé et la sécurité des employés et de toute personne admise sur le lieu de travail est maintenant en place.
[17] Compte tenu de ces observations, je suis convaincu que le programme de formation établi et mis en œuvre par Caron Transportation préservera la santé et la sécurité des employés ou de toute personne admise sur le lieu de travail si la suspension était accordée.
Décision
[18] Pour ces motifs, la requête de Caron Transportation en vue d’obtenir la suspension de la mise en œuvre du point 4 de l’instruction donnée par l’Ag. SS MacLeod le 9 novembre 2011 est accordée jusqu’à ce que l’affaire soit entendue sur le fond et qu’une décision soit rendue par un agent d’appel.
Douglas Malanka
Agent d’appel
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