2012 TSSTC 7

Référence : Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,
2012 TSSTC 7

Date : 2012-02-08

No dossier :  2011-44

Rendue à : Ottawa

Entre :

Société canadienne des postes, appelante

et

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, intimé


Affaire : Appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail à l’encontre d’une instruction donnée par un agent de santé et de sécurité

Décision : L'instruction est modifée

Décision rendue par : M. Michael McDermott, agent d’appel

Langue de la décision : Anglais

Pour l’appelante : M. Dean Hammond, agent de santé et de sécurité et M. Ray Schindler, chef de groupe, Santé et Sécurité, Région du Centre

Pour l’intimé : M. Gerry Deveau, directeur national, Région de l’Ontario

MOTIFS DE DÉCISION

[1]               La présente décision porte sur un appel formé aux termes du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail (le Code) contre une instruction émise par l’agent de santé et de sécurité (Ag. SS) Lindsay S. Harrower le 3 août 2011, aux termes de l’alinéa 145(2)a) du Code. L’appelante est la Société canadienne des postes (la Société) et l’intimé est le Syndicat des travailleurs et travailleuses des Postes (STTP).

Contexte

[2]               L’instruction a été émise par l’Ag. SS à la suite d’une enquête au sujet d’un refus de travailler décidé le 26 juillet 2011, aux termes du paragraphe 128(1) du Code, par le facteur Remegius Cheeke et de la constatation de l’existence d’un danger. Le refus de travailler et la décision de l’Ag. SS concernent pour l’essentiel les conditions routières, ainsi que les conditions de l’accotement et de la circulation sur certaines parties du chemin Eramosa à Guelph en Ontario. L’instruction émise à la Société énonce ce qui suit :

[traduction] DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

Instruction à l’employeur en vertu de l’alinéa 145(2)a)

Le 28 juillet 2011, l’agent de santé et de sécurité soussigné a effectué une enquête à la suite du refus de travailler décidé par M. Remegius Cheeke dans un lieu de travail exploité par la SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES, à savoir un employeur assujetti à la Partie II du Code canadien du travail, au 250, chemin Woodlawn ouest, Guelph (Ontario) N1H 6B0, ledit lieu de travail étant parfois appelé Guelph – Soc. canadienne des postes.

Ladite agente de santé et de sécurité considère que l’accomplissement d’une tâche constitue un danger pour un employé au travail : 

Plus précisément, la distribution du courrier à pied aux points de remise situés aux adresses 705 à 671 du chemin Eramosa à Guelph, en Ontario, constitue, de l’avis de l’agente de santé et de sécurité, un danger pour le facteur qui doit assurer la livraison à ces points de remise, parce qu’il risque d’être heurté par un véhicule.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145 (2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de procéder immédiatement à la prise de mesures propres à écarter le danger ou à corriger la situation.

Fait à London (Ontario) le 3 août 2011.

[L’Ag. SS Harrower a signé ici]

Lindsay S. Harrower

Agent de santé et de sécurité

Numéro de certificat : GL9494

À : Société canadienne des postes

                250, chemin Woodlawn ouest

                Guelph (Ontario)

                N1H 6B0

[3]               Lorsque l’appelante a interjeté appel, elle a également demandé la suspension de la mise en œuvre de l’instruction. J’ai rendu une décision accordant la suspension le 16 septembre 2011. La suspension facilitait en partie la poursuite des consultations entre les parties en vue de trouver une solution mutuellement acceptable qui prendrait en compte les risques identifiés et supprimerait le danger auquel le facteur serait exposé s’il livrait le courrier dans les points de remise en cause.

[4]               Comme l’explique la décision accordant la suspension, l’appel de la société demanderesse reproche essentiellement à l’Ag. SS d’avoir commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la distribution du courrier à pied aux points de remise situés aux adresses 705 à 671 se trouvant du côté sud du chemin Eramosa constituait un danger au sens du Code. La Société affirme que la zone de danger vise les points de remise 741 à 705 situés du même côté du chemin Eramosa et que le danger est relatif à l’accès à ces points de remise plutôt qu’aux points en tant que tels. Le défendeur, par contre, soutient qu’il est justifié de conclure à un danger en ce qui concerne les points de remise 705 à 671.

[5]               J’ai tenu trois conférences téléphoniques avec les représentants des parties depuis l’octroi de la suspension. La première conférence, tenue le 7 décembre 2011, avait uniquement trait aux aspects logistiques de l’audience prévue. Les représentants des parties ont dit qu’ils étaient prêts de s’entendre sur les mesures susceptibles de supprimer les dangers constatés par l’Ag. SS pour ce qui est du circuit que suivait le facteur. Ils se sont engagés à proposer une formulation modifiant l’instruction qui refléterait leur accord. J’estime que le texte envoyé au Tribunal le 9 décembre 2011 n’était pas acceptable. Il mentionnait des mesures qui semblaient répondre à l’instruction pour un certain nombre de points de remise, un aspect qui, à strictement parler, ne devait pas être pris en compte par l’agent d’appel, mais qui avait pour effet de prévoir une livraison en personne à deux des points de remise en cause, contrairement à l’instruction de l’AG. SS. Le projet d’instruction modifié contenait également des termes qui auraient autorisé les parties à en modifier les conditions conjointement, une carte blanche que je n’étais pas disposée à accorder. J’ai signalé ces aspects aux parties au cours d’une deuxième conférence téléphonique tenue le 20 décembre 2011.

[6]               Le début de l’audience a été fixé au 10 janvier 2012 à Toronto, avec la possibilité de tenir une troisième conférence téléphonique préalable à l’audience le 9 janvier 2012. La Société a informé le greffier du Tribunal le 4 janvier 2012, qu’elle ne serait pas en mesure d’assister à l’audience, mais qu’elle souhaitait participer à la conférence téléphonique. Le 9 janvier 2012, M. Dean Hammond de la Société a envoyé un courriel au greffier dans lequel il indiquait que les parties souhaitaient que soient supprimés de l’instruction les points de remise 671 et 673 pour le motif qu’ils avaient été inclus à tort et que la livraison en personne à ces points de remise n’était pas associés aux dangers identifiés par l’Ag. SS. À l’appui de cette position, une preuve photographique était jointe et montrait que l’accès à ces deux points de remise s’effectuait en empruntant un trottoir public en retrait de la chaussée du chemin Eramosa par ce qui semblait être, malgré le fait que les lieux étaient recouverts de neige dans les deux photographies fournies, un bas-côté gazonné. Au cours de la conférence téléphonique tenue le 9 janvier 2012, M. Gerry Deveau du STTP a confirmé que l’intimé souscrivait à la position présentée. Il a également dit que l’accord intervenu entre les parties prévoyait que le facteur serait transporté par véhicule au point où le trottoir réapparaît aux deux points de remise en question. J’ai terminé la conférence téléphonique en disant qu’il serait tenu compte des représentations des parties et confirmé que la date de l’audience à Toronto serait reportée.

[7]               Par la suite, j’ai demandé et obtenu confirmation par courriel de la part des parties des deux principaux points présentés au cours de la conférence téléphonique du 9 janvier 2012. Premièrement, je voulais que les deux parties confirment les assurances verbales fournies par M. Deveau selon lesquelles le facteur serait transporté par véhicule à l’endroit où le trottoir public réapparaît aux 671 et 673, chemin Eramosa. Deuxièmement, étant donné que le bas-côté recouvert de neige qui figurait dans les photographies soumises indiquait clairement que celles-ci n’avaient pas été prises en juillet 2011, j’ai demandé qu’il me soit confirmé que le trottoir décrit existait dans le même état, moins la neige, au moment où l’Ag. SS avait effectué son enquête et émis l’instruction en question.

Analyse

[8]               Les parties m’ont confirmé les deux points présentés au cours de la conférence téléphonique tenue le 9 janvier 2012, à la suite de quoi j’ai examiné attentivement le libellé de l’instruction émise par l’AG. SS le 3 août 2011. La preuve photographique soumise montre que la remise en personne aux points de remise 671 et 673, chemin Eramosa, s’effectue en empruntant un trottoir public bien construit, qui existait en juillet 2011. Le facteur n’est pas confronté à ces deux points de remise à la situation décrite dans le corps du rapport d’enquête de l’Ag. SS, notamment la présence de traces de pneu visibles dans le bas-côté recouvert de gravier dans la zone qu’il devait emprunter à pied et la nature du bas-côté de la route qui ne comportait aucune zone accessible pouvant servir de refuge. Avant l’entente des parties selon laquelle le facteur serait transporté à l’endroit où le trottoir public réapparaît sur le chemin Eramosa, l’accès aux deux points de remise était certainement dangereux à l’endroit où passait son trajet. Cependant, l’instruction parle de la livraison en personne aux points de remise énumérés, et non pas d’accès à ces points de remise. C’est pourquoi je conclus que la livraison en personne aux points de remise 671 et 673, chemin Eramosa, ne constitue pas, et ne constituait pas, le 26 juillet 2011, l’exécution d’une activité qui représentait un danger pour l’employé sur son lieu de travail. L’instruction sera donc modifiée pour la déclarer inapplicable à ces deux points de remise.

[9]               Avant d’exposer ma décision, il serait peut-être utile d’aborder un autre aspect qui a été soulevé par l’appelante au cours des conférences téléphoniques. La portée de l’appel a été sensiblement réduite depuis sa présentation dans le cadre de la demande de suspension. L’appelante soutenait initialement qu’aucun des points de remise situés entre le 705 et le 671, chemin Eramosa, n’était dangereux alors que d’autres points de remise visés par l’instruction l’étaient. La demande actuelle, qui est appuyée par l’intimé, vise uniquement à supprimer de l’instruction deux des points de remise énumérés. Entre-temps, il est apparu clairement que l’appelante craignait que, si l’instruction demeurait en vigueur sans être modifiée, cela aurait pour effet d’interdire la livraison en personne à tous les emplacements qui y étaient mentionnés, ce qui risquait de constituer une contravention au Code dans le cas où les circonstances auraient permis la reprise de la livraison en personne sans danger à une date ultérieure. Je n’estime pas que cela soit nécessairement le cas. La décision d’un Ag. SS n’est jamais prise sans raison. Dans le cas de la constatation de l’existence d’un danger, la décision est prise après avoir tenu compte des circonstances qui, selon ce qu’a révélé l’enquête, existaient au moment du refus de travail. Si les circonstances changent de façon importante, de sorte qu’un risque qui constitue un danger n’en est plus un, alors je ne vois aucun obstacle à ce que soient mises en œuvre les mesures qui avaient été précédemment interdites à la suite de la constatation de l’existence d’un danger et de la formulation d’une instruction corrective. En l’espèce, l’Ag. SS a tenu compte de la configuration de la route, de l’absence de trottoir et de la circulation. Si la municipalité décidait par exemple d’améliorer la route, de prolonger le trottoir public et de mettre en œuvre des mesures connexes, comme cela a été mentionné au cours des conférences téléphoniques, il se pourrait alors fort bien que l’instruction initiale devienne superflue. Il serait toutefois souhaitable que les parties consultent un Ag. SS, éventuellement par le truchement de leur comité de santé et de sécurité conjoint, avant d’apporter des modifications.

Décision

[10]           Pour les motifs exposés au paragraphe huit ci-dessus et conformément au pouvoir que m’accorde l’alinéa 146.1(1)a) du Code, je modifie par la présente l’instruction émise par l’Ag. SS le 3 août 2011, en excluant les numéros 671 et 673, chemin Eramosa, des points de remise pour lesquels la remise en personne a été jugée une activité constituant un danger pour l’employé au travail.

Michael McDermott

Agent d’appel

Annexe

[traduction] DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

Instruction à l’employeur en vertu de l’alinéa 145(2)a)

Le 28 juillet 2011, l’agente de santé et de sécurité Lindsay S. Harrower a effectué une enquête à la suite du refus de travailler décidé par M. Remegius Cheeke dans un lieu de travail exploité par la SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES, à savoir un employeur Ag. SSujetti à la Partie II du Code canadien du travail, au 250, chemin Woodlawn ouest, Guelph (Ontario) N1H 6B0, ledit lieu de travail étant parfois appelé Guelph – Soc. canadienne des postes -- Guelph.

Ladite agente de santé et de sécurité considère que l’accomplissement d’une tâche constitue un danger pour un employé au travail :

Plus précisément, la distribution du courrier à pied aux points de remise situés aux adresses 705 à 671 (à l’exclusion des adresses 671 et 673), chemin Eramosa à Guelph, en Ontario, constitue, de l’avis de l’agente de santé et de sécurité, un danger pour le facteur qui doit Ag. SSurer la livraison à ces points de remise, parce qu’il risque d’être heurté par un véhicule.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145 (2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de procéder immédiatement à la prise de mesures propres à écarter le danger ou à corriger la situation.

Modifié à l’endroit indiqué par le texte souligné ci-dessus, à Ottawa (Ontario), le 8 février 2012.

Michael McDermott

Agent d’appel

À :       Société canadienne des postes

            250, chemin Woodlawn ouest

            Guelph (Ontario)
            N1H 6B0

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