2012 TSSTC 8

Référence : Jazz Aviation LP c. Travailleurs canadiens de l’automobile, 2012 TSSTC 8

Date : 2012-02-17
No dossier :  2012-07
Rendue à : Ottawa

Entre :

Jazz Aviation LP, demandeur

et

Travailleurs canadiens de l’automobile, intimé


Affaire : Demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction

Décision : La demande de suspension de la mise en œuvre de l’instruction est accueillie

Décision rendue par : M. Richard Lafrance, agent d’appel

Langue de la décision : Anglais

Pour le demandeur : M. Guy Lavoie, avocat, Lavery, de Billy, LLP

Pour l’intimé : Mme Rosanna Dewey, Travailleurs canadiens de l’automobile

MOTIFS DE DÉCISION

[1]               La présente concerne une demande de suspension d’une instruction relative à un appel interjeté le 20 janvier 2012 par Mme Giselle Lue, directrice de santé et sécurité au travail de de l’entreprise Jazz Aviation. L’instruction a été émise à l’encontre de Jazz Aviation par l’agent de santé et sécurité (Ag.SST) Sylvain Renaud, le 13 décembre 2011.

Contexte

[2]               L’instruction dont appel a été interjeté a été émise par l’Ag.SST à la suite de l’inspection que ce dernier a effectuée chez Jazz Aviation à l’aéroport de Rouyn-Noranda, au Québec.

[3]               L’instruction émise à Jazz Aviation énonce :

[Traduction] L’employeur n’a pas veillé à ce que les employés aient accès à des procédures de travail sécuritaire que les employés pourraient comprendre. Le manuel d’entretien des aéronefs (MEA) contient des procédures de sécurité qui doivent être comprises. Le manuel n’est pas disponible en français, de sorte que les employés francophones ne peuvent pas le consulter.

[4]               Étant donné que l’appel et la demande de suspension ont été présentés huit jours après le délai imparti de 30 jours, j’ai demandé des explications au sujet de ce retard avant d’accepter la demande.

[5]               Une conférence téléphonique a été organisée le 14 février 2012 pour obtenir les soumissions de M. Guy Lavoie, avocat de Jazz Aviation, et de Mme Rosanna Dewey, conseillère en santé et sécurité au travail pour le syndicat des Travailleurs canadiens de l’automobile.

[6]               Sur la question du retard d’interjeter appel de l’instruction, M. Lavoie a expliqué que le représentant de Jazz Aviation, M. Steve Polak, directeur de l’entretien des aéronefs, qui avait été identifié pour recevoir l’instruction de l’Ag.SST Renaud, n’a reçu ladite instruction que le 18 janvier 2012.

[7]               Il a expliqué que la bonne adresse de M. Polak n’avait malheureusement pas été donnée à l’Ag.SST Renaud. Ce n’est qu’après que M. Polak avait contacté l’Ag.SST Renaud le 18 janvier pour s’enquérir de l’instruction, qu’il a pris connaissance de cette erreur. En conséquence, l’Ag.SST Renaud a envoyé une copie de l’instruction par courriel à M. Polak le 18 janvier 2012. L’instruction a été portée en appel le 20 janvier 2012.

[8]               Étant donné que l’Ag.SST Renaud a admis que les choses s’étaient bien déroulées de cette façon, j’ai prorogé le délai d’appel au 20 janvier 2012, en application de l’alinéa 146.2f) du Code canadien du travail (le Code), et j’ai accepté la demande d’appel de Jazz Aviation.

[9]               Quant à la demande de suspension de la l’instruction, ayant pris en considération les observations orales des parties, j’ordonne la suspension de l’instruction avec effet immédiat, jusqu’à ce qu’une décision sur le fond soit rendue par l’agent d’appel. Les motifs de l’ordonnance sont les suivants. 

Analyse

[10]           Sur la demande de suspension de l’instruction, le paragraphe 146(2) du Code énonce que:

146(2) À moins que l’agent d’appel n’en ordonne autrement à la demande de l’employeur, de l’employé ou du syndicat, l’appel n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre des instructions.

[11]           Je fonde mon autorité  du Code, et dois par conséquent exercer ma discrétion d’une manière qui favorise l’objet de la loi, c.-à-d., la protection de la santé et de la sécurité des employés.

[12]           Dans l’exercice de ma discrétion en matière de suspension, j’ai appliqué le critère à trois volets adopté par le Tribunal pour l’examen et la résolution de ce type de demande. Ce test requiert que :

1)      Le demandeur doit convaincre l’agent d’appel qu’il y a une question sérieuse à trancher par opposition à une plainte frivole et vexatoire.

2)      Le demandeur doit démontrer qu’il subirait un préjudice appréciable si l’instruction n’est pas suspendue.

3)      Le demandeur doit démontrer que si une suspension était accordée, des mesures seraient mises en place pour protéger la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail.

La question à trancher est-elle sérieuse par opposition à une plainte frivole ou vexatoire?

[13]           Je souscris aux arguments avancés par M. Lavoie, avocat de l’appelante, selon lesquels il s’agit d’une question qui a des répercussions sur la santé et la sécurité et qui n’est donc ni frivole ni vexatoire. Je souscris à ses arguments selon lesquels l’instruction et par conséquent, la décision qui en découlera, traitent d’aspects hautement techniques concernant la santé et la sécurité de tous les membres du personnel impliqués de Jazz Aviation ainsi que la sécurité des aéronefs et de leurs passagers. Par conséquent, je trouve qu'il existe une question sérieuse à résoudre.

La demanderesse subira-t-elle un préjudice appréciable si l’instruction n’est pas suspendue?

[14]           Sur le deuxième critère, M. Lavoie a prétendu que, si l’instruction n’est pas suspendue, Jazz Aviation aurait à payer des coûts de traduction d’un document hautement technique de plus de 400 pages, qui, dans le cas où l’instruction serait annulée, serait une perte de temps et d’argent. En plus du coût de la traduction, Jazz aurait aussi à impliquer un nombre significatif d’employés techniques  pour veiller à ce que la traduction ne contienne aucune erreur. Il a indiqué que dans un document d’une telle nature technique toute erreur pourrait entraîner des risques potentiels pour la santé et la sécurité du personnel de Jazz ainsi que pour ses passagers.

[15]           Cependant, maintenir le statu quo présentement ne présente aucun préjudice pour les employés étant donné qu’ils ont été formés en français sur toutes les procédures de travail contenues dans le document en question. En outre, chaque superviseur et chef de groupe est parfaitement bilingues et disponible en tout temps pour assister les employés relativement à toute préoccupation qu’ils pourraient avoir avec n’importe laquelle des procédures.

[16]           Par conséquent, je conviens avec M. Lavoie que Jazz Aviation subirait un préjudice appréciable si l’instruction n’est pas suspendue.

Quelles mesures seront mises en place pour préserver la santé et la sécurité des employés ou de toute personne admise dans le lieu de travail si l'instruction est accordée?

[17]           Sur ce critère, M. Lavoie affirme que le statu quo est la meilleure façon d’assurer la santé et la sécurité des employés. Les employés ont reçu toute la formation obligatoire en français sur le contenu du manuel en question. Toutes mises à jour ou modifications du contenu du manuel sont communiquées aux employés par des bulletins bilingues.

[18]           M. Lavoie insiste également sur le fait qu’il est beaucoup plus facile pour les employés d’obtenir n’importe quel renseignement auprès des superviseurs et des chefs de groupe bilingues qui sont extrêmement compétents et formés pour régler toute situation concernant les procédures contenues dans ledit manuel plutôt que d’avoir à consulter un manuel aussi volumineux.

[19]           Mme Dewey avait quelques préoccupations avec ceci en ce qu’elle sondé certains des employés et ceux-ci ont indiqué qu’ils seraient plus confortables en possédant la version française du manuel. En outre, elle n’était pas sure que des personnes bilingues étaient toujours présentes pour assister les employés.

[20]           M. Lavoie a confirmé que les chefs de groupe bilingues étaient toujours disponibles  et a indiqué qu’aucun incident ni accident en rapport avec la situation n’a jamais été rapporté

[21]           Même si que Mme Dewey avait quelques réserves sur les arguments  de M. Lavoie, elle ne m’a pas convaincu que la santé et la sécurité des employés seraient mises en danger si le statu quo était maintenu en attendant que l’agent d’appel entende l’affaire et rende une décision. De toute façon, il sera probablement plus long de traduire le manuel que de fixer l’audience dans les quelques mois à venir comme suggéré par M. Lavoie.

[22]           Par conséquent, je conviens que les mesures en place protègeront la santé et la sécurité des employés jusqu’à ce qu’une décision soit rendue par l’agent d’appel dans cette affaire.

Décision

[23]           Par conséquent, j’accorde la suspension de l’instruction mise à l’encontre de Jazz Aviation par l’agent de santé et de sécurité Renaud le 13 décembre 2011 jusqu’à ce que l’agent d’appel puisse entendre l’affaire et rendre une décision.

Richard Lafrance
Agent d’appel

Détails de la page

Date de modification :