2012 TSSTC 13

Référence : Pêches et Océans Canada - Garde côtière canadienne, 2012 TSSTC 13

Date : 2012-04-19

Dossier : 2011-18

Rendue à : Ottawa

Entre : Pêches et Océans Canada - Garde côtière canadienne, appelant

Affaire : Appel en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail d'une instruction émise par un agent de santé et de sécurité

Décision : L'instruction est confirmée

Décision rendue par : M. Michael Wiwchar, agent d'appel

Langue de la décision : Anglais

Pour l'appelant : M. Brian LeBlanc, directeur régional de la Flotte

MOTIFS DE DÉCISION

[1] La présente décision porte sur un appel en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail (le Code) d'une instruction émise par M. Anwar Khurshid, agent de santé et de sécurité (l'agent), le 28 février 2011.

Contexte

[2] Le 25 février 2011, l'agent Khurshid a effectué une inspection de santé et sécurité au travail en milieu maritime sur le navire NGCC Griffon, exploité par l'appelant, alors qu'il était accosté à Sarnia (Ontario).

[3] Au cours de l'inspection dans la soute à cargo avant du navire, l'agent a remarqué une plate-forme nouvellement installée le long des deux côtés de la soute vers l'avant et vers l'arrière. L'agent a noté que cette plate-forme, que l'appelant appelle une passerelle, mesurait environ 30 pieds (9,1 m) de long, 14 pieds (4,3 m) de haut et 1,5 pied (0,46 m) de large de chaque côté de la soute. La plate-forme comportait un système de protection contre les chutes sous forme de quatre dispositifs d'arrêt des chutes auxquels les employés devaient s'attacher en portant un harnais de sécurité. Toutefois, la plate-forme n'avait pas de rambarde.

[4] Pendant l'inspection, l'agent a noté que la plate-forme devait avoir une rambarde en vertu de l'article 16 du Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime (le Règlement) et que, à son avis, ce type de système de protection contre les chutes sans une rambarde n'était pas pratique et ne devait donc pas être utilisé par les employés. En réponse, l'appelant a affirmé que le système de protection contre les chutes de la plate-forme était suffisant pour que la plate-forme soit conforme au Règlement. L'agent n'était pas satisfait de cette réponse et a décidé de recevoir une promesse de conformité volontaire (PCV), pratique de conformité administrative dont il n'est pas question dans le Code, en espérant que l'appelant accepte de s'y conformer volontairement et de s'engager à installer une rambarde sur la plate-forme conformément aux exigences de l'article 16.

[5] L'appelant a renoncé à la possibilité de se conformer volontairement et d'installer une rambarde sur la plate-forme. Par conséquent, l'agent a émis une instruction en vertu du paragraphe 145(1) du Code en date du 28 février 2011. L'instruction exigeait l'installation d'une rambarde sur la plate-forme du navire afin de remédier à la violation par l'appelant de l'alinéa 125(1)b) du Code et au paragraphe 16(1) du Règlement. L'instruction mentionnait ce qui suit :

[TRADUCTION] […] Puisqu'il s'agit d'un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, [j'ai] remarqué que la plate-forme nouvellement construite dans la soute à cargo avant n'avait pas de rambarde. L'agent de sécurité est [donc] d'avis qu'il y a contravention des dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail et du Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime : partie II du Code canadien du travail, alinéa 125(1)b); Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime, paragraphe 16(1). […]

[6] Les dispositions susmentionnées du Code se lisent comme suit :

CODE CANADIEN DU TRAVAIL

125(1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève : […]

b) d’installer des dispositifs protecteurs, garde-fous, barrières et clôtures conformes aux normes réglementaires;

RÈGLEMENT SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL EN MILIEU MARITIME

16(1) Lorsqu’un employé a accès à une structure surélevée ou à une ouverture dans un pont avec un surbau d’une hauteur de moins de 900 mm, qui présente une dénivellation de plus de 1,2 m, des rambardes sont installées.

[7] En date du 12 avril 2011, l'appelant a installé un système de rambarde sur la plate-forme. Il est indiqué que l'installation et la mise à l'essai de ce système de rambarde auraient eu lieu entre le 21 mars 2011 et le 12 avril 2011.

[8] Le 7 septembre 2011, j'ai demandé des observations écrites, que l'appelant a fournies le 29 septembre 2011.

Question en litige

[9] Je dois déterminer si la décision de l'agent d’émettre l'instruction à l'appelant était justifiée relativement à la contravention à l'alinéa 125(1)b) du Code et au paragraphe 16(1) du Règlement.

Observations de l'appelant

[10] Malgré le fait qu'il a installé une rambarde sur la plate-forme, l'appelant soutient que l'instruction n'était pas justifiée en raison d'un conflit apparent dans les dispositions du Règlement. L'appelant alléguait qu'il y avait conflit entre le paragraphe 16(1) intitulé « Rambardes et butoirs de pied » et le sous-alinéa 144(1)a)(i) portant sur les dispositifs de protection contre les chutes. Cette disposition se lit comme suit :

144(1) L’employeur fournit un dispositif de protection contre les chutes à toute personne — autre que l’employé qui installe ou démonte un tel dispositif — autorisée à avoir accès :

a) à tout secteur non protégé qui est :

(i) soit à plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche,

[11] L'appelant demande à l'agent d'appel de clarifier le lien entre les dispositions mentionnées parce qu'il perçoit un conflit entre l'article 16 et le sous-alinéa 144(1)a)(i) du Règlement.

[12] L'appelant affirme qu'il existe un conflit entre ces deux dispositions parce que l'article 144 du Règlement permet l'existence d'un « secteur non protégé » (unguarded work area), alors que l'article 16 exige que ces structures surélevées comportent des rambardes.

[13] L'appelant conteste aussi l'instruction émise en affirmant qu'en appliquant l'article 16 de façon stricte, comme l'avait fait l'agent, toute structure surélevée devrait comporter des rambardes. L'appelant affirme que ce n'est pas le cas actuellement et soutient que, lorsque cela est nécessaire, les surfaces de travail non protégées (les plates-formes construites) comportent un système de protection contre les chutes conforme à l'article 144 du Règlement.

[14] L'appelant affirme que l'instruction de l'agent n'était pas justifiée en raison du conflit apparent entre les deux dispositions du Règlement.

Analyse

[15] Le paragraphe 146.1(1) du Code décrit ainsi le rôle de l'agent d'appel :

146.1(1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées. [C'est moi qui souligne]

[16] Dans cet appel, mon rôle se limite donc à décider de modifier, d'annuler ou de confirmer l'instruction émise par l'agent Khurshid, en date du 28 février 2011. J'ai décidé en fin d’analyse de confirmer l'instruction de l'agent exigeant l'installation d'une rambarde aux plates-formes conformément au paragraphe 16(1) du Règlement pour les raisons suivantes.

[17] Je tiens compte des préoccupations de l'appelant sur les conflits apparents entre le paragraphe 16(1) (à propos des rambardes) et le sous-alinéa 144(1)a)(i) (qui traite des dispositifs de protection contre les chutes) du Règlement. Par conséquent, je tenterai de clarifier un peu la relation entre ces dispositions, surtout pour ce qui touche le présent appel.

[18] Bien qu'une lecture rapide des dispositions en question offre une indication claire de la raison pour laquelle l'appelant perçoit un conflit entre les deux dispositions, je suis toutefois d'avis qu'il n'existe pas réellement de conflit.

[19] Pour faciliter la consultation, j'ai recopié ici les paragraphes que l'appelant conteste :

RÈGLEMENT SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL EN MILIEU MARITIME

16(1) Lorsqu’un employé a accès à une structure surélevée ou à une ouverture dans un pont avec un surbau d’une hauteur de moins de 900 mm, qui présente une dénivellation de plus de 1,2 m, des rambardes sont installées.

et

144(1) L’employeur fournit un dispositif de protection contre les chutes à toute personne — autre que l’employé qui installe ou démonte un tel dispositif — autorisée à avoir accès :

a) à tout secteur non protégé qui est :

i) soit à plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche, […]

[20] L'appelant demandait valablement comment il pouvait y avoir un « secteur non protégé » (unguarded work area), selon l'alinéa 144(1)a), alors que le paragraphe 16(1) exige que les structures soient protégées, notamment par une rambarde.

[21] Je comprends qu'on puisse se demander comment ces deux dispositions peuvent coexister dans le même Règlement sans entrer en conflit. Toutefois, une lecture plus approfondie des dispositions permet de constater qu'elles couvrent deux aspects différents du lieu de travail.

[22] Alors que l'application de l'alinéa 144(1)a) se limite à un « secteur » (work area), le paragraphe 16(1) s'applique uniquement à une « structure surélevée ou à une ouverture dans un pont ».

[23] Les termes « structure surélevée » et « ouverture dans un pont » du paragraphe 16(1) peuvent être compris en ne tenant compte que du sens ordinaire de ces mots. Le paragraphe 16(1) contient suffisamment de détails pour bien comprendre quelles parties d'un lieu de travail sont visées par le règlement, c'est-à-dire les « structures surélevées » et les « ouvertures dans un pont ». D'autre part, ni le Code ni le Règlement ne donnent de ligne directrice définitive ou évidente sur ce qui constitue un « secteur » (work area) au sens de l'alinéa 144(1)a), ce qui explique en partie, selon moi, la confusion de l'appelant.

[24] Cela étant dit, le paragraphe 155(2) du Règlement contient un tableau qui indique clairement ce que le Règlement considère comme une « aire de travail » (work area). Dans ce tableau, les espaces de travail suivants sont appelés des « aires de travail » (work area) : « bureau », « aires d’entreposage de marchandises sèches », « ateliers », « locaux de service — au haut de chaque escalier, échelle ou écoutille », « cuisines », « logement de l'équipage », « cabinets de toilette », « salles à manger et de loisirs », « salles des chaudières », « salles des machines » et « salles des génératrices »,

[25] Rien n'indique dans le Règlement que le tableau du paragraphe 155(2) constitue une liste exhaustive de ce qui est considéré comme une « aire de travail » (work area) sur le lieu de travail, ni que ce tableau doit servir à interpréter l'alinéa 144(1)a) du Règlement ou toute autre disposition qu'il contient, mis à part le paragraphe 155(2).

[26] Toutefois, en considérant le Règlement dans son ensemble et en interprétant le Règlement de façon large et libérale, je suis d'avis que ce tableau constitue une bonne indication de ce que signifie le terme « secteur » (work area) utilisé à l'alinéa 144(1)a).

[27] Donc, bien qu'on puisse comprendre la frustration de l'appelant, j'ai souligné la compréhension susmentionnée de « structure surélevée ou à une ouverture dans un pont » du paragraphe 16(1) et celle de « secteur » (work area) de l'alinéa 144(1)a) pour mieux illustrer que ces dispositions doivent s'appliquer à deux types d'espaces différents sur le lieu de travail.

[28] Il est à noter qu'il ne faut pas en déduire qu'une structure surélevée ou une ouverture dans un pont ne peut pas être par exemple un « local de service » ou une « aire d’entreposage de marchandises sèches » (ce qui est peut-être le cas des plates-formes construites dont il est question dans le présent appel). Mais cela ne signifie pas qu'il existe un conflit entre le paragraphe 16(1) et l'alinéa 144(1)a) du Règlement.

[29] Même s'il y a chevauchement et qu'une structure surélevée ou une ouverture dans un pont auquel un employé a accès sert également d'aire de travail, si cette structure surélevée présente une dénivellation de plus de 1,2 m, elle est assujettie au paragraphe 16(1) et doit comporter une rambarde, devenant alors une structure surélevée qui est « protégée ». Par conséquent, puisque l'alinéa 144(1)a) ne vise que les secteurs « non protégés », l'alinéa 144(1)a) ne s'appliquerait pas à cette structure surélevée ou ouverture dans un pont hypothétique qui est aussi une aire de travail.

[30] Bref, si une structure surélevée ou une ouverture dans un pont auquel un employé a accès sert également d'aire de travail et que cette structure surélevée ou cette ouverture dans un pont présente une dénivellation de plus de 1,2 m, elle est automatiquement assujettie au paragraphe 16(1) et doit donc comporter une rambarde, ce qui fait que l'alinéa 144(1)a) ne s'applique pas parce que son application se limite aux secteurs non protégés.

[31] Il est compréhensible que l'appelant perçoive un conflit entre les dispositions citées, mais les motifs de la décision expliquent pourquoi il n'y a pas de conflit.

[32] En installant un système de protection contre les chutes au cours de la construction de la plate-forme surélevée, l'appelant démontrait clairement son intérêt et son approche proactive pour préserver la sécurité et la sûreté de ses employés. Il convient de souligner que l'ajout d'un système de protection contre les chutes par l'appelant démontre aux employés que leur santé et leur sécurité constituent une priorité pour leur employeur.

[33] Néanmoins, ce système de protection contre les chutes ne permet pas à la plate-forme de satisfaire au Règlement. Plus particulièrement, malgré la présence du système de protection contre les chutes, la plate-forme doit tout de même avoir une rambarde, conformément au paragraphe 16(1).

[34] L'appelant ne nie pas que la plate-forme répond à la définition d'une structure surélevée ou d'une ouverture dans un pont, ni le fait que les employés ont accès à cette plate-forme. De plus, l'appelant ne conteste pas le rapport de l'agent qui affirme que la plate-forme se trouve à environ 14 pieds ou 4,3 m au-dessus du sol, créant donc une dénivellation de cette hauteur.

[35] Le paragraphe 16(1) exige que les structures surélevées comme cette plate-forme aient une rambarde si elles créent une dénivellation de plus de 1,2 m. Par conséquent, compte tenu de cette condition qui n'est pas contestée et de la nature de la plate-forme, le paragraphe 16(1) s'applique. Ce qui signifie, bien sûr, que la plate-forme doit comporter une rambarde.

[36] Au moment où l'agent a émis l'instruction, la plate-forme ne comportait pas de rambarde comme l'exige le Règlement. L'appelant contrevenait donc au paragraphe 16(1) à ce moment.

Décision

[37] Pour ces motifs, je confirme par les présentes l'instruction émise en date du 28 février 2011 par l'agent Khurshid.

Michael Wiwchar
Agent d'appel

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