2012 TSSTC 18

Référence : Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 2012 TSSTC 18

Date : 2012-06-19
No dossier : 2012-29
Rendue à : Ottawa

Entre :

Bell Canada, demanderesse

et

Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, défendeur

 

Affaire : Demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction

Décision : La suspension de la mise en œuvre de l’instruction est accordée.

Décision rendue par : M. Douglas Malanka, agent d’appel

Langue de la décision : Anglais

Pour la demanderesse : Mme Cheryl A. Edwards, avocate, Heenan Blaikie S.E.N.C.R.L.

Pour le défendeur : M. Keith McMillan, représentant national en santé et sécurité − Région de l’Ontario, Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP)

 

MOTIFS DE DÉCISION

[1]          Le 8 mai 2012, Mme Edwards, au nom de Bell Canada (Bell), en a appelé de l’instruction donnée à Bell Canada le 23 avril 2012 par l’agent de santé et de sécurité (Ag. SS) Régis Tremblay.  Mme Edwards a également demandé une suspension de la mise en œuvre de l’instruction.

[2]          La demande de suspension de la mise en œuvre de l’instruction est déposée en vertu du paragraphe 146(2) du Code canadien du travail (le Code). Ce paragraphe se lit comme suit :

146(2) À moins que l’agent d’appel n’en ordonne autrement à la demande de l’employeur, de l’employé ou du syndicat, l’appel n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre des instructions.

 

[3]          Jeudi, le 7 juin 2012, les parties ont été informées que la suspension avait été accordée et que ma décision écrite avec motifs suivrait sous peu. 

Contexte

 

[4]          L’instruction adressée à Bell Canada par l’Ag. SS MacLeod en vertu du paragraphe 145(1) du Code est reproduite ci-dessous.

 

[Traduction]
Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail a été enfreinte.

 

Alinéa 125(1)l) de la partie II du Code canadien du travail et alinéa 11.3d) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail

 

L’employeur ne précise pas quel est l’équipement de sécurité et de secours à utiliser par quiconque participe au sauvetage d’une personne se trouvant dans un espace clos ou à une intervention d’urgence autre dans un espace clos.

Les espaces clos visés sont les puits d’accès « désignés » et « spéciaux », ainsi que les nomme Bell Canada.

 

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à cette contravention au plus tard le 7 mai 2012.

 

De plus, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre, au plus tard dans le délai imparti par l’agent de santé et de sécurité, les mesures pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

 

Fait à St-Bruno (Québec), en ce 23e jour d’avril 2012.

 

[5]          Mme Edwards et M. Keith McMillan, représentant national en santé et sécurité − Région l’Ontario, SCEP, ont participé à l’audience téléphonique que j’ai dirigée le 17 mai 2012.  Les parties ont par la suite transmis leurs observations écrites.

 

Analyse

 

[6]          Le pouvoir de l’agent d’appel d’accorder une suspension lui est conféré par le paragraphe 146(2) susmentionné et l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire doit être conforme à la déclaration d’objet de l’article 122.1 et de toute autre disposition applicable.

 

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

 

[7]          En décidant de la suspension de la mise en œuvre de l’instruction, j’ai appliqué le test en trois volets adopté par le Tribunal, dont voici les critères :

 

·           le demandeur doit démontrer à la satisfaction de l’agent d’appel qu’il s’agit d’une question sérieuse à traiter et non pas d’une plainte frivole et vexatoire;

·           le demandeur doit démontrer que le refus par l’agent d’appel de suspendre l’application de l’instruction lui causera un préjudice important;

·           le demandeur doit démontrer que dans l’éventualité où la suspension était accordée, des mesures seraient mises en place pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail.

 

La question à juger est-elle sérieuse plutôt que frivole ou vexatoire?

 

[8]          Dans ses observations écrites, Mme Edwards soutient que le présent appel soulève la question de savoir si les politiques, pratiques et procédures actuelles de Bell Canada (Bell) sont conformes aux exigences du Code et du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail en matière d’accès aux espaces clos et de travail dans les espaces clos.  Mme Edwards ajoute que, pour l’essentiel, les pratiques actuelles de Bell sont en vigueur depuis plus de 20 ans, au vu et au su de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) et de son prédécesseur, Travail Canada.  Mme Edwards fait valoir que les motifs de Bell Canada d’en appeler sont à première vue bien établis, et que son appel de l’instruction donnée par l’Ag. SS Tremblay n’est ni frivole, ni vexatoire.

 

[9]          Dans ses observations écrites, M. McMillan confirme que le Syndicat ne s’oppose pas à la suspension et convient que l’appel porte sur une question sérieuse.

 

[10]      Sur la base des observations, je suis convaincu que l’appel soulève une question sérieuse.

 

La demanderesse subira-t-elle un préjudice important si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue?

 

[11]      Mme Edwards allègue que, si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue, Bell subira un préjudice important et irréparable. En effet, elle devra fondamentalement modifier des politiques et procédures établies depuis longtemps en matière d’accès aux espaces clos, en raison d’un litige sur l’interprétation à donner aux articles 11.3, 11.4 et 11.5 du Règlement.

 

[12]      Mme Edwards fait valoir que si la suspension n’est pas accordée, Bell devra engager des dépenses importantes pour revoir ses désignations de puits d’accès, acquérir de l’équipement et former ses employés.  Mme Edwards soutient que si Bell apporte de tels changements, que l’appel aboutit et qu’il faille revenir à la structure établie, Bell aura défrayé des coûts inutiles et aura subi des inconvénients pour lesquels elle ne sera pas indemnisée.  Mme Edwards ajoute que le Règlement actuel fait l’objet d’un examen à RHDCC. Par conséquent, tous les changements apportés par Bell avant la décision sur l’appel pourraient être remplacés par un nouvel ensemble d’exigences réglementaires.

 

[13]      M. McMillan soutient que l’instauration de procédures d’urgence dans les espaces clos en conformité avec l’instruction représenterait un important changement de culture au sein de Bell.  Il affirme que des travaux préparatoires seront nécessaires afin d’éviter des mesures disciplinaires en raison de communications préparées à la hâte à propos des modifications demandées par les employés.  En outre, il souligne que la sélection de l’équipement de secours peut prendre du temps. De plus, même s’il n’est pas « nécessairement » d’accord quant à l’existence d’un préjudice important pour Bell, le Syndicat admet que tout cela entraînera une certaine « douleur organisationnelle ».

 

[14]      Les observations de Mme Edwards m’ont convaincu du préjudice important qui sera subi par Bell si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue.

 

Quelles seront les mesures mises en place pour préserver la santé et la sécurité des employés ou de toute personne admise sur le lieu de travail?

 

[15]      Mme Edwards soutient que la question sous appel ne concerne pas un danger, et l’Ag. SS Tremblay n’a pas conclu à l’existence d’un danger en lien avec son instruction.

 

[16]      Mme Edwards affirme que les employés de Bell sont entrés plus de 92 000 fois dans les puits d’accès. Même s’il avait été disponible, jamais les employés de Bell Canada n’ont vécu de situation exigeant l’équipement de protection et de secours précisé dans l’instruction de l’Ag. SS Tremblay.

[17]      Par ailleurs, Mme Edwards soutient que dans certaines situations, l’utilisation de l’équipement de secours envisagé par l’Ag. SS Tremblay pourrait empirer le danger pour un employé travaillant dans un espace clos.  Bien que Mme Edwards ne donne pas le détail de telles situations, M. McMillan ne conteste pas cette assertion dans sa réponse.

[18]      Mme Edwards affirme que Bell, sans porter atteinte à sa position à l’égard de l’appel, a présenté un plan d’action à l’Ag. SS Tremblay le 7 mai 2012 visant à mettre en œuvre plusieurs évaluations additionnelles des risques d’ici 2013 pour les différentes catégories de puits d’accès « désignés ».  Elle fait valoir que le but de ces évaluations est de déterminer s'il y aurait des avantages à fournir de nouveaux équipements ou de nouvelles mesures de protection, ou à prendre d'autres mesures de prévention ou d’atténuation des risques lorsqu’une personne pénètre dans ces puits d’accès.  Elle soutient que les évaluations additionnelles des risques seront réalisées dans les espaces clos « désignés » actuels, dans cet ordre :

 

·           les puits d’accès dans lesquels se trouvent des produits chimiques ou d’autres contaminants;

·           les puits d’accès dans lesquels on entre en passant par un tunnel;

·           les autres puits d’accès désignés;

·           les puits d’accès « spéciaux ».

 

[19]      Mme Edwards a ajouté que Bell allait tester et mettre en œuvre les mesures de protection supplémentaires établies dans le cadre des évaluations.

 

[20]      M. McMillan fait valoir que le Syndicat soutient la demande de suspension, sur la base de la poursuite du dialogue, de la coopération et des mesures ci-dessus prises par Bell quant à cette question.

 

[21]      À la lumière de tous ces faits, je suis convaincu que la santé et la sécurité des employés de Bell seront protégées même si la suspension est accordée.

 

Décision

 

[22]      La demande de Bell Canada visant la suspension de la mise en œuvre de l’instruction donnée par l’Ag. SS Tremblay le 23 avril 2012 est accordée, jusqu’à ce que l’affaire soit entendue sur le fond et qu’une décision soit rendue par un agent d’appel.

 

 

 

Douglas Malanka
Agent d’appel

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