2012 TSSTC 24

Référence : Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) c. Air Canada, 2012 TSSTC 24

Date : 2012-07-18
No dossier : 2011-36
Rendue à : Ottawa

Entre :

Composante d’Air Canada du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), appelante

et

Air Canada, intimée

 

Affaire : Appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail à l’encontre d’une instruction émise par un agent de santé et de sécurité

Décision : L’instruction est modifiée

Décision rendue par : M. Jean-Pierre Aubre, agent d’appel

Langue de la décision : Anglais

Pour l’appelante : Me James Robbins, avocat, Cavalluzzo Hayes Shilton McIntyre & Cornish LLP

Pour l’intimée : Me Rachelle Henderson, avocate, Droit du travail et de l’emploi, Air Canada

 

MOTIFS DE DÉCISION

 

[1]               La présente affaire concerne un appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) de la Partie II du Code canadien du travail (le Code) par la composante d’Air Canada du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) à l’encontre d’une instruction émise à Air Canada au titre du paragraphe 145(1) du Code par Luc Mayne, agent de santé et de sécurité (Ag. SS), le 8 juin 2011. L’Ag. SS a émis cette instruction après avoir enquêté sur sept plaintes déposées par des employés de l’intimée, alléguant qu’Air Canada avait omis de s’acquitter de son obligation, à titre d’employeur, de répondre aux recommandations du comité d’orientation ou du comité local de la manière énoncée à l’alinéa 125(1)z.10) du Code, contrevenant ainsi à son obligation prévue par la loi.

 

[2]               L’instruction qui fait l’objet de cet appel a été émise à l’employeur, mais il s’en est suivi une situation inhabituelle, puisque ce n’est pas la partie à laquelle l’Ag. SS a présenté l’instruction qui a interjeté appel, mais plutôt la partie à l’origine des plaintes qui ont donné lieu à l’enquête de l’Ag. SS, enquête qui s’est terminée par la présentation de l’instruction. Ladite partie, le SCFP pour être plus précis, a exercé son droit d’appel en vertu du paragraphe 146(1) du Code, car elle s’estime lésée par l’instruction émise par l’Ag. SS Mayne, parce que [traduction] « même si l’instruction signale à juste titre le défaut d’Air Canada de se conformer au Code en répondant rapidement aux recommandations, elle [l’instruction] est imprécise et ne suffit donc pas à s’assurer qu’Air Canada se conforme au Code. » L’appelante souligne que, dans sa réponse initiale à l’instruction, Air Canada n’a pas annoncé son intention de se conformer au Code dans le délai de réponse réglementaire de trente jours prévu par le Code, mais annonçait plutôt l’intention contraire. L’appel demande à l’agent d’appel soussigné de modifier l’instruction de l’Ag. SS Mayne. Par ailleurs, il n’y a pas eu d’audience en personne par l’agent d’appel soussigné dans cette affaire, bien qu’une audience ait été prévue le 27 mars 2012. L’appel est plutôt tranché à la lumière du rapport d’enquête de l’Ag. SS, qui a été obtenu à la suite du dépôt d’une ordonnance de communication par un agent d’appel le 9 décembre 2011, de deux téléconférences tenues avec les avocats des deux parties les 23 février et 27 mars 2012, et de la présentation conjointe par les deux parties, au soussigné, du protocole d’entente visant à répondre à l’instruction émise par l’Ag. SS Mayne dans cette affaire. Devant ces faits, une brève mise en contexte m’apparaît utile.

 

Contexte

[3]               Cette affaire découle du dépôt de sept plaintes contre Air Canada, toutes alléguant le défaut d’Air Canada de s’acquitter de son obligation de répondre par écrit, dans les trente jours, aux recommandations du comité local du Service en vol de Calgary. Ces plaintes ont été déposées à différentes dates et portaient sur divers sujets, comme le montre l’extrait suivant de l’instruction émise par l’Ag. SS Mayne le 8 juin 2011 :

  • Emplacement d’un sac de vol à bord d’un Embraer – le 17 septembre 2010
  • Tablette de travail abattable sur un A320 – le 5 octobre 2010
  • Objets trouvés dans le stationnement de l’aéroport de Calgary – le 2 novembre 2010
  • Remise en état d’un siège en classe « J » – le 15 février 2011
  • Droit de refus de suivre des procédures de travail dangereuses – le 8 février 2011
  • Cas suspects de maladies transmissibles – le 21 février 2011
  • Voyant de bouclage des ceintures à 10 000 pieds à bord d’un avion en partance de Calgary – le 15 février 2011

 

Au terme de son enquête sur cette affaire le 8 juin 2011, l’Ag. SS Mayne a estimé que l’employeur avait enfreint l’alinéa 125(1)z.10) du Code en omettant de répondre par écrit, dans les trente jours, aux recommandations liées aux sept plaintes mentionnées plus tôt et déposées aux dates précisées ci-dessus. L’Ag. SS a ensuite ordonné à l’intimée, Air Canada, de mettre fin aux contraventions au plus tard le 22 juin 2011, sans préciser la manière de le faire, et de « présenter ses résultats » à l’Ag. SS au plus tard le 6 juillet 2011. S’il est vrai que l’instruction a été formulée en termes très généraux, sans préciser les mesures correctives envisagées par l’Ag. SS, il convient de signaler que la lettre d’accompagnement datée du même jour par l’Ag. SS contenait toutefois un passage qui donne des indications sur ce que l’Ag. SS avait en tête. Le passage en question se lit comme suit :

[Traduction]

L’alinéa 125(1)z.10) de la partie II du Code canadien du travail énonce une obligation exécutoire conçue pour assurer le fonctionnement efficace de comités et le règlement rapide de problèmes. L’observation ne devrait pas constituer un problème, car la direction, par l’intermédiaire de ses représentants au sein du comité, est déjà au courant du besoin. L’employeur pourrait être chargé d’élaborer et peut-être de mettre en œuvre les procédures nécessaires pour respecter cette obligation. [c’est moi qui souligne].

 

[4]               Dans une lettre envoyée à l’Ag. SS dans le délai prescrit par l’Ag. SS Mayne en réponse à son instruction, l’intimée Air Canada a porté à l’attention de l’Ag. SS ce qu’elle a appelé un « processus opérationnel officiel », qui, après examen, semble avoir été mis en place afin de satisfaire à l’exigence énoncée par l’Ag. SS dans la lettre susmentionnée, soit l’élaboration et la mise en œuvre d’un protocole pour respecter l’obligation de l’employeur au titre de l’alinéa 125(1)z.10) du Code, ce qui représenterait donc une réponse à l’instruction. Ce « processus opérationnel » est décrit de la manière suivante :

 

[Traduction]

·         Le comité local sera informé de transmettre d’abord ses recommandations au Service de la santé et de la sécurité au travail (SST) du Service en vol, qui les examinera et s’assurera qu’elles contiennent tous les renseignements nécessaires;

·         Le Service de la SST du Service en vol indiquera au comité local à qui envoyer la recommandation (c.-à-d. l’employeur ayant le pouvoir de l’accepter ou de la rejeter);

·         Le comité local présentera sa recommandation au représentant désigné de l’employeur, en joignant une copie au Service de la SST du Service en vol, au directeur responsable et à Mme  Welscheid;

·         Le Service de la SST du Service en vol assurera le suivi de toutes les recommandations et leur traitement rapide.

Air Canada reconnaît que Mme Susan Welscheid, première vice-présidente, Service à la clientèle, est l’employeur de plus haut échelon représentant le Service en vol, c’est pourquoi une copie de toutes recommandations lui sera transmise.

Sans me prononcer sur le bien-fondé ou le caractère suffisant de ce processus au titre de l’alinéa 125(1)z.10), je note qu’une simple lecture du processus opérationnel actuel porte à croire, comme l’appelante semble l’avoir pensé, qu’il pourrait permettre que les recommandations du comité se retrouvent à deux reprises entre les mains de l’employeur, sans indication du moment où débuterait la période de trente jours prévue par le Code. Par la suite, deux événements se sont produits dans cette affaire qui revêtent une importance cruciale, aussi bien en raison de leur nature que du moment où ils sont survenus.

[5]               D’abord, le 8 juillet 2011, donc à l’intérieur du délai prescrit au paragraphe 146(1) du Code pour faire appel d’une instruction, l’appelante, le SCFP, a interjeté appel à l’encontre de l’instruction de l’Ag. SS Mayne dans une lettre/un avis signé par son avocat. La lecture de ce document montre clairement que, à ce moment-là, l’appelante avait déjà été informée en détail dudit « processus opérationnel » que l’employeur, Air Canada, avait élaboré afin de répondre à l’instruction de M. Mayne. Il n’est pas utile à ce stade-ci d’examiner en détail tous les éléments de l’avis d’appel, mais un passage décrit bien le nœud du problème. Ce passage se lit comme suit :

[Traduction]

Le Syndicat fait valoir que même si l’instruction signale à juste titre le défaut d’Air Canada de se conformer au Code en répondant en temps utile aux recommandations, elle manque de précisions et, par conséquent, elle ne suffit pas pour s’assurer qu’Air Canada se conforme au Code. La réponse d’Air Canada à l’instruction n’annonce pas l’intention d’Air Canada de se conformer au Code, mais annonce plutôt son intention de poursuivre la contravention [c’est moi qui souligne].

En conséquence, le Syndicat estime que l’instruction devrait être modifiée […] sous la rubrique « Redressement demandé ».

 

Selon le soussigné, le fait qu’une copie de l’avis d’appel ait été transmise à l’Ag. SS Mayne revêt une grande importance.

[6]               Le second événement a trait à un très court message électronique envoyé par l’Ag. SS Mayne à Mme Julie-Anne Lambert, d’Air Canada, qui, à en juger par son message électronique précédent transmis à l’Ag. SS, était directement engagée dans cette affaire. Le message de l’Ag. SS est daté du 13 juillet 2011, soit après que l’Ag. SS a été informé du dépôt d’un appel à l’encontre de son instruction. Il indique que l’Ag. SS « confirme que nous acceptons les mesures de l’employeur » et que [traduction]  « le protocole qui a été proposé est acceptable et que l’employeur se conformera à l’alinéa 125(1)z.10) en répondant aux recommandations du comité local dans les trente jours. » Il convient de souligner un fait incontournable, c.-à-d. qu’au moment de cette réponse, l’Ag. SS Mayne avait déjà été informé du dépôt d’un appel à l’encontre de son instruction et des raisons invoquées par l’appelante pour justifier cet appel. 
 

[7]               À titre de pratique générale, les agents d’appel préparent habituellement les audiences d’appel en tenant une conférence préparatoire avec les représentants ou les avocats des parties. Dans ce cas particulier, comme il a été mentionné plus tôt, deux conférences ont eu lieu, au cours desquelles les deux parties ont informé le soussigné qu’elles cherchaient à parvenir à une résolution mutuellement satisfaisante du problème soulevé par l’appel de l’appelante, résolution qui remédierait aux difficultés que l’appelante avait non seulement avec le manque de précisions de l’instruction, mais également avec le soi-disant « processus opérationnel » que l’intimée Air Canada avait présenté à l’Ag. SS Mayne, afin de respecter les exigences de l’alinéa 125(1)z.10).

[8]               Le 21 mars 2012, le soussigné a été informé par écrit que les parties étaient parvenues à un règlement dans cet appel, ou plutôt qu’elles s’étaient entendues sur la question au cœur de l’appel, et qu’elles demandaient au soussigné d’intégrer le protocole de cette entente dans sa décision visant à trancher l’appel de manière définitive. Le libellé du règlement convenu est très précis, non seulement en ce qui a trait à la procédure à suivre en ce qui a trait aux recommandations du comité, mais aussi en ce qui concerne les personnes à qui les recommandations doivent être adressées, avec leurs coordonnées, pour examen et réponse, ainsi que le mécanisme à mettre en place pour s’assurer de la conformité dans le délai de trente jours prévu à l’alinéa 125(1)z.10) du Code. J’estime important de reproduire en grande partie le libellé dudit document dans la présente décision, ce que je fais ci‑dessous, mais je considère tout aussi important de reproduire un passage du même document qui porte expressément sur le soi-disant « processus opérationnel » présenté initialement et unilatéralement à l’Ag. SS Mayne par Air Canada. Ce passage, sur lequel repose essentiellement le règlement, indique sans équivoque le retrait du « processus opérationnel » qu’Air Canada avait soumis à l’Ag. SS, soi-disant en réponse à l’instruction. Le passage se lit comme suit : [traduction] « Le processus opérationnel officiel mentionné dans la lettre d’Air Canada du 20 juin 2011 est remplacé par le processus suivant. » Ainsi, le processus que l’Ag. SS avait considéré comme une observation acceptable de l’instruction par Air Canada a donc été retiré, ce qui veut dire qu’il n’y aurait plus rien que l’Ag. SS puisse considérer comme une réponse d’Air Canada à son instruction.

[9]               Malgré sa longueur, j’estime nécessaire de reproduire ici le texte du règlement :

 

[Traduction]

A.      Le comité d’orientation et le comité local du Service en vol d’Air Canada présenteront toutes les recommandations formulées conjointement (les « recommandations ») au directeur désigné relativement à l’objet de la recommandation, d’après la liste des directeurs désignés jointe aux présentes (le « directeur désigné »). Les directeurs désignés dont le nom figure sur la liste ont le pouvoir de donner suite aux recommandations présentées seuls ou en consultation avec d’autres directeurs.

B. Air Canada sera chargée d’aviser, par écrit et sans délai, le comité d’orientation et le comité local du Service en vol d’Air Canada de tout changement à la liste de directeurs désignés ci-jointe et, en autant que possible, avant tout changement. Si les comités n’ont pas été avisés à l’avance du changement de directeur désigné, la période de trente jours pour répondre à la recommandation débutera tout de même à la date à laquelle la recommandation a été transmise au directeur désigné initial apparaissant sur la liste ci-jointe de directeurs désignés.

C. Une copie de toutes les recommandations transmises au directeur désigné sera également envoyée au Service de la SST du Service en vol d’Air Canada, au directeur général de la base en question (dans le cas d’une recommandation du comité local) et à la première vice-présidente, Service à la clientèle, qui est l’employeur de plus haut échelon représentant le Service en vol.

D. Le directeur désigné répondra par écrit à toutes les recommandations dans les trente jours suivant leur réception, avec mention, le cas échéant, des mesures qui seront prises et des délais prévus à cet égard. Peu importe les communications subséquentes entre l’employeur et le comité d’orientation ou le comité local au sujet de la recommandation, la date de réception de la recommandation par l’employeur aux fins de l’alinéa 125(1)z.10) du Code canadien du travail est la date à laquelle le comité l’a d’abord envoyée au directeur désigné initial.

E. Si le directeur désigné initial renvoie une recommandation à un autre directeur désigné pour que celui-ci y donne suite, cette personne devra répondre au comité à l’origine de la recommandation dans les trente jours suivant la date à laquelle le directeur désigné initial a reçu la recommandation. Le directeur désigné initial avisera le comité à l’origine de la recommandation s’il renvoie la recommandation à un autre directeur désigné.

F. Le Service de la SST du Service en vol d’Air Canada, le spécialiste en matière de retour au travail ou une autre personne désignée par Air Canada consignera la date à laquelle une recommandation a été reçue par le directeur désigné de la part du comité d’orientation ou du comité local, ainsi que la date de la réponse exigée de l’employeur, à l’aide de la grille de suivi des recommandations du comité.

G. Le comité d’orientation et le comité local tiendront également une grille de suivi de la date à laquelle la recommandation a été remise au directeur désigné, des renvois à d’autres directeurs désignés et de la date de la réponse exigée de l’employeur.

 

Le texte reproduit ci-haut est suivi dans le document de la mention à l’effet que le protocole d’entente doit être transmis au soussigné pour être intégré à l’ordonnance sur consentement qui statuera de façon définitive sur l’appel.

 

Questions

 

[10]           En formulant son instruction, l’Ag. SS Mayne s’est appuyé sur la conclusion que, dans les sept plaintes qui avaient été portées et qui sont mentionnées ci-dessus, il y avait eu contravention au Code, plus particulièrement à l’alinéa 125(1)z.10), et que cette conclusion justifiait la présentation d’une instruction ordonnant à l’employeur de mettre fin à cette contravention relevée dans le cas des plaintes en question, ainsi que dans le cas de toute autre recommandation du comité d’orientation ou du comité local. Même s’il est difficile de distinguer ou de séparer la conclusion que le Code a été enfreint dans le cas des sept plaintes – une conclusion de fait à laquelle est arrivé l’Ag. SS – de l’ordre qui s’en en suivit, le fait demeure que, dans cet appel interjeté non pas par la partie à qui l’instruction s’adressait, mais par la partie qui, en principe, est considérée comme celle qui bénéficierait de l’instruction, ce n’est pas le fait que les contraventions aient eu lieu qui est contesté, mais bien le manque de précision de l’ordre subséquent de l’Ag. SS. À cet égard, il convient de noter le fait incontournable que l’instruction ordonne simplement à Air Canada de mettre fin aux contraventions relevées avant une certaine date, sans préciser les mesures à prendre pour ce faire, mis à part l’extrait de la lettre d’accompagnement mentionnée plus tôt, laquelle ne peut et ne devrait pas être considérée comme faisant partie de l’instruction. Cela dit, et comme il ne semble faire aucun doute pour l’une ou l’autre partie que l’alinéa 125(1)z.10) a été enfreint et donc que l’instruction était justifiée, la seule question qu’il nous reste à trancher est de savoir si ladite instruction est suffisamment précise pour qu’Air Canada s’y conforme. Pour répondre à cette question, il faut prendre en considération à la fois le règlement ou l’accord intervenu entre les parties à l’appel et – élément que j’estime de première importance – le fait que l’appelante ne demande pas l’annulation de l’instruction, mais bien sa modification d’une manière qui faciliterait l’observation de la loi.

 

Observations des parties

[11]           L’exposé qui précède n’a pour but que de montrer les caractéristiques assez particulières de cette affaire, à savoir que les deux parties s’entendent en gros sur le résultat, mais demandent que ce résultat soit formulé de telle sorte que les deux parties s’entendent sur sa signification et son caractère exécutoire. C’est pour cette raison que les deux parties ont clairement indiqué ne pas souhaiter que leur règlement soit soumis à l’approbation de l’Ag. SS Mayne, l’étape suivante étant le retrait de l’appel par l’appelante, option qu’avait suggérée le soussigné à l’occasion de la dernière conférence avec les parties, le 27 mars 2012. Les parties demandent plutôt que ledit règlement soit soumis à l’examen du soussigné relativement à la question soulevée par l’appelante et aux fins de l’alinéa 125(1)z.10), afin que l’agent d’appel soussigné modifie l’instruction initiale en y intégrant le règlement, ce qui satisferait l’appelante sur le plan de la précision, ce à quoi adhère également l’intimée, tout en confirmant la nature exécutoire de la décision d’un agent d’appel.

[12]           Hormis l’intention des deux parties mentionnée ci-dessus et la position qu’elles ont exprimée à l’occasion de la conférence du 27 mars 2012 à l’effet que ce règlement respectait l’esprit et la lettre de la loi et devrait être exprimé sous la forme d’une instruction inhabituellement précise découlant d’une décision d’un agent d’appel pour s’assurer de son exécution, ce qui est en soi un objectif commun assez improbable, aucune autre observation n’a été faite à l’agent d’appel soussigné, à l’exception de la déclaration d’Air Canada comme quoi le fait qu’elle soit d’accord avec le règlement et l’instruction modifiée demandée, ainsi qu’avec le retrait du protocole soumis précédemment en réponse à l’instruction de M. Mayne, ne devait pas et ne devrait pas être considéré comme une admission que ledit protocole initial ne respectait pas les exigences du Code et donc de l’instruction.

Analyse

 

[13]           Il faut examiner cette affaire à la lumière d’un certain nombre d’éléments peu orthodoxes, voire inhabituels. D’abord, l’argument qui sous-tend cet appel n’est pas que l’instruction émise par l’Ag. SS Mayne n’était pas justifiée, mais plutôt qu’elle manquait de précisions, en ce qui a trait aux mesures à prendre, ce qui pouvait nuire à son application et à son caractère exécutoire au titre de l’alinéa 125(1)z.10). Ensuite, on ne peut pas commencer à étudier la question soulevée par l’appel sans tenir compte du fait que les deux parties ont soumis conjointement les mesures que l’instruction devrait, selon elles, contenir, et ce, avec une grande précision. Devant ce constat, je ne peux cependant pas aborder la question de la précision du règlement proposé sans d’abord déterminer si, sur le fond, ledit règlement respecte la lettre et l’intention de la loi, et plus précisément l’alinéa 125(1)z.10). Enfin, même si cet appel porte sur le prétendu manque de précisions de l’instruction, et je comprends que cela signifie que l’instruction ne précise pas les mesures correctives que doit prendre l’employeur/l’intimée pour mettre fin aux contraventions du Code relevées par l’Ag. SS, ni cet appel ni aucun autre n’a été interjeté pour contester le fait que la ou les contraventions se sont produites. Ma décision ne doit donc pas chercher à déterminer si lesdites contraventions ont bel et bien eu lieu, et elle ne le fera pas.

[14]           L’alinéa 125(1)z.10) stipule que l’employeur, en l’occurrence Air Canada, doit « répondre par écrit aux recommandations du comité d’orientation, du comité local ou du représentant dans les trente jours suivant leur réception, avec mention, le cas échéant, des mesures qui seront prises et des délais prévus à cet égard. » Le libellé de la disposition est très simple et, à mon avis, ne laisse pas vraiment place à l’interprétation. À cet égard, j’approuve entièrement le libellé utilisé par l’Ag. SS Mayne dans sa lettre d’accompagnement à l’instruction, où il indique que [traduction] « l’alinéa 125(1)z.10) de la Partie II du Code canadien du travail est une obligation exécutoire visant à assurer le fonctionnement efficace des comités et le traitement des questions soulevées ».

[15]           Il est courant que les Ag. SS et les agents d’appel libellent en termes très généraux les instructions qu’ils sont appelés à donner, évitant de définir des mesures précises qui, du fait de la nature de l’instruction, en excluraient nécessairement d’autres, privant ainsi l’employeur ou la partie assujettie à l’instruction de la souplesse dont ils pourraient avoir besoin pour adopter des mesures correctives adaptées aux caractéristiques du lieu ou de la situation de travail, tout en satisfaisant aux exigences de la loi. Cette pratique sert aussi, selon moi, à reconnaître le fait que, bien que les Ag. SS et les agents d’appel soient généralement bien informés sur les particularités, le fonctionnement et même les subtilités du lieu de travail, on ne peut pas s’attendre à ce qu’ils comprennent le fonctionnement d’un milieu, d’un contexte ou d’une situation aussi bien que les parties – l’employeur et les employés – qui évoluent de manière continue dans ce milieu, ce contexte ou cette situation. Cette pratique a pour effet direct de reporter la participation de l’autorité d’application, c.-à-d. que l’Ag. SS ne se trouve à évaluer le caractère suffisant d’une mesure prise à l’égard d’une instruction qu’après son élaboration et sa mise en œuvre. Même si je peux reconnaître l’existence d’une telle pratique, une lecture attentive de la loi renforce ma conviction qu’il n’y a rien dans la loi qui interdirait la formulation d’instructions plus précises et plus détaillées, comme ce que les parties à cet appel cherchent à obtenir en me demandant de modifier l’instruction émise précédemment par l’Ag. SS Mayne pour identifier spécifiquement comme étant la mesure corrective à mettre en œuvre pour mettre fin à la contravention relevée par l’Ag. SS, ce que les parties ont formulé conjointement pour donner suite aux recommandations du comité d’orientation ou du comité local. Je n’ai cependant aucune hésitation à affirmer, étant donné la pratique générale que je viens de mentionner, qu’une telle intervention d’un Ag. SS ou d’un agent d’appel ne devrait se produire que lorsque cela est justifié par des circonstances exceptionnelles.

[16]           À mon avis, l’affaire qui nous occupe présente de telles circonstances exceptionnelles, puisqu’une contravention a été relevée et n’a pas été contestée dans le cadre du processus d’appel, mais que les deux parties se sont entendues sur le moyen ou les mesures à prendre pour empêcher la répétition de telles contraventions, évidemment à condition que lesdites mesures préconisées par les deux parties satisfassent aux exigences de la loi.

[17]           L’alinéa 125(1)z.10) du Code énonce l’obligation de l’employeur de telle sorte que quatre éléments doivent être respectés. Il incombe à l’employeur, ou à la partie agissant ou autorisée à agir en son nom, de répondre aux recommandations du comité. Cette réponse doit être donnée par écrit, et bien que le Code ne l’exige pas expressément, on pourrait préciser, sans risquer de se tromper, que la réponse doit être donnée à l’auteur des recommandations. La réponse écrite de l’employeur doit être remise à l’auteur des recommandations dans les trente jours suivant la réception des recommandations par l’employeur. Enfin, la réponse doit mentionner les mesures qui seront prises, le cas échéant, et les délais prévus à cet égard. Comme je l’ai déjà indiqué, le libellé de la disposition est assez simple et laisse peu de place à l’interprétation. Cela ne veut pas dire qu’en élaborant un processus pour s’acquitter de son obligation et satisfaire à toutes ses exigences, une partie ne puisse pas préciser les termes généraux de la loi, sans limiter son intention et sa signification, afin de mieux tenir compte de sa situation particulière. À mon avis, c’est exactement ce que les parties ont fait en élaborant le processus décrit à l’article 9 ci-dessus en fonction de leur situation particulière, corrigeant ainsi le manque de précisions de l’instruction initiale, tout en respectant à tous égards les exigences de la loi. Les parties demandent maintenant que ce processus soit intégré à une instruction modifiée et, à mon avis, il n’y a aucune raison de ne pas le faire.

Décision

 

[18]           Pour ces raisons, je suis d’accord avec l’Ag. SS Mayne pour dire qu’il y a eu une contravention à l’alinéa 125(1)z.10) du Code. Toutefois, à la lumière de ce qui précède, je modifie l’instruction émise le 8 juin 2011 par l’Ag. SS Mayne conformément au règlement conclu entre les parties.



Jean-Pierre Aubre
Agent d’appel

 

 

ANNEXE 1

 

 

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL,
PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

 

INSTRUCTION DONNÉE À AIR CANADA EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

 

 

Luc Mayne, agent de santé et de sécurité, a enquêté sur sept plaintes déposées contre Air Canada, un employeur assujetti à la Partie II du Code canadien du travail.

 

L’agent d’appel soussigné est d’avis que les dispositions suivantes de la Partie II du Code canadien du travail ont été enfreintes :

 

125(1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

 

z.10) de répondre par écrit aux recommandations du comité d’orientation, du comité local ou du représentant dans les trente jours suivant leur réception, avec mention, le cas échéant, des mesures qui seront prises et des délais prévus à cet égard.

 

L’employeur n’a pas répondu par écrit dans les trente jours suivant la réception des recommandations suivantes du comité local du Service en vol de Calgary :

 

  • Emplacement d’un sac de vol à bord d’un Embraer – le 17 septembre 2010
  • Tablette de travail abattable sur un A320 – le 5 octobre 2010
  • Objets trouvés dans le stationnement de l’aéroport de Calgary – le 2 novembre 2010
  • Remise en état d’un siège en classe « J » – le 15 février 2011
  • Droit de refus de suivre des procédures de travail dangereuses – le 8 février 2011
  • Cas suspects de maladies transmissibles – le 21 février 2011
  • Voyant de bouclage des ceintures à 10 000 pieds à bord d’un avion en partance de Calgary– le 15 février 2011

 

Par conséquent, dès réception de la présente décision, il vous EST ORDONNÉ PAR LA PRÉSENTE, en vertu de l’alinéa 145(1)b) de la Partie II du Code canadien du travail, de mettre fin aux contraventions en adoptant et en appliquant le processus suivant, afin de répondre aux recommandations du comité d’orientation, du comité local ou du représentant en matière de santé et de sécurité :   

  • Le comité d’orientation et le comité local du Service en vol d’Air Canada présenteront toutes les recommandations formulées conjointement (les « recommandations ») au directeur désigné relativement à l’objet de la recommandation, d’après la liste des directeurs désignés jointe aux présentes (le « directeur désigné »), pour qu’elles fassent partie de la présente instruction. Les directeurs désignés dont le nom figure sur la liste ont le pouvoir de donner suite aux recommandations présentées seuls ou en consultation avec d’autres directeurs.

 

  • Air Canada sera chargée d’aviser, par écrit et sans délai, le comité d’orientation ou le comité local du Service en vol d’Air Canada de tout changement à la liste ci-jointe de directeurs désignés et, en autant que possible, avant tout changement. Si les comités n’ont pas été avisés à l’avance du changement de directeur désigné, la période de trente jours pour répondre à la recommandation débutera tout de même à la date à laquelle la recommandation a été transmise au directeur désigné initial apparaissant sur la liste ci-jointe de directeurs désignés.
  • Une copie de toutes les recommandations transmises au directeur désigné sera également envoyée au Service de la SST du Service en vol d’Air Canada, au directeur général de la base en question (dans le cas d’une recommandation du comité local) et à la première vice-présidente, Service à la clientèle, qui est l’employeur de plus haut échelon représentant le Service en vol.
  • Le directeur désigné répondra par écrit à toutes les recommandations dans les trente jours suivant leur réception, avec mention, le cas échéant, des mesures qui seront prises et des délais prévus à cet égard. Peu importe les communications subséquentes entre l’employeur et le comité d’orientation ou le comité local au sujet de la recommandation, la date de réception de la recommandation par l’employeur aux fins de l’alinéa 125(1)z.10) du Code canadien du travail est la date à laquelle le comité l’a d’abord envoyée au directeur désigné initial.
  • Si le directeur désigné initial renvoie une recommandation à un autre directeur désigné pour que celui-ci y donne suite, cette personne devra répondre au comité à l’origine de la recommandation dans les trente jours suivant la date à laquelle le directeur désigné initial a reçu la recommandation. Le directeur désigné initial avisera le comité à l’origine de la recommandation s’il renvoie la recommandation à un autre directeur désigné.
  • Le Service de la SST du Service en vol d’Air Canada, le spécialiste en matière de retour au travail ou une autre personne désignée par Air Canada consignera la date à laquelle une recommandation a été reçue par le directeur désigné de la part du comité d’orientation ou du comité local, ainsi que la date de la réponse exigée de l’employeur, à l’aide de la grille de suivi des recommandations du comité.
  • Le comité d’orientation et le comité local tiendront également une grille de suivi de la date à laquelle la recommandation a été remise au directeur désigné, des renvois à d’autres directeurs désignés et de la date de la réponse exigée de l’employeur.

L’instruction est modifiée comme il est indiqué dans le texte souligné ci-dessus, à Ottawa, le 18 juillet 2012.

 

 

 

 

Jean-Pierre Aubre
Agent d’appel

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