2012 TSSTC 35
Référence : Martin Collin c. Société Terminaux Montréal Gateway, 2012 OHSTC 35
Date : 2012-10-12
No. Dossier : 2012-54
Rendu à : Ottawa
Entre :
Martin Collin, appelant
et
Société Terminaux Montréal Gateway, intimé
Affaire : Demande de prorogation de délai pour déposer un appel.
Décision : La demande est rejetée.
Décision rendue par : M. Michael Wiwchar, Agent d’appel
Langue de la décision : Français
Pour l’appelant : M. Éric Collin, Conseiller syndical à la santé et sécurité, Syndicat des débardeurs SCFP, Section locale 375
Pour l’intimé : M. Alexandre Gagnon, Directeur, Santé et sécurité au travail, Association des employeurs maritimes
MOTIFS DE DÉCISION
[1] Cette affaire concerne une demande de prorogation du délai pour déposer un appel en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (le Code) introduit par M. Martin Collin à l’encontre d’une décision d’absence de danger rendue verbalement par l’Agent de santé et sécurité (Ag.SS) Alain Testulat le 9 juillet 2012.
Contexte
[2] Le 4 juillet, M. Martin Collin, débardeur employé par la Société Terminaux Montréal Gateway, a exercé son droit de refuser de travailler tel que prévu à l’article128 du Code, puisque ce dernier prétendait subir des secousses et des contrecoups anormales à l’intérieur de la grue portique lors d’opérations de chargement et de déchargement de matériel.
[3] Le même jour, l’Ag.SS Testulat s’est rendu sur le lieu de travail pour enquêter la situation. Le 9 juillet 2012, l’Ag.SS Testulat s’est rendu à nouveau sur le lieu de travail pour rendre verbalement sa décision d’absence de danger.
[4] Le 10 août 2012, soit plus de 30 jours suivant la réception verbale de la décision de l’Ag.SS, une demande d’appel en vertu du paragraphe 129(7) du Code, accompagnée d’une demande de prorogation de délai, a été reçue par le présent Tribunal.
Question en litige
[5] La question sur laquelle je dois me pencher dans cette affaire consiste à déterminer si je devrais exercer ma discrétion afin de proroger le délai de dix jours prévu au paragraphe 129(7) du Code pour en appeler d’une décision d’absence de danger.
Arguments de l’appelant
[6] Les motifs de l’appelant ont été présentés par son représentant, M. Éric Collin, Conseiller syndical à la santé et sécurité pour le Syndicat des débardeurs SCFP, Section locale 375.
[7] D’abord, M. Collin avance qu’il lui a été impossible de présenter une demande d’appel dans les délais prescrits par le Code puisqu’il était suspendu pas son employeur jusqu’au 19 août 2012. Par conséquent, il prétend ne pas avoir eu accès à plusieurs témoins, dont l’Ag.SS Testulat qui était en vacance au moment de l’envoi de la demande d’appel, ainsi qu’à des éléments de preuve pouvant motiver la décision de porter la décision de l’Ag.SS en appel.
[8] Également, M. Collin soutient que la personne le remplaçant dans ses fonctions lors de son absence ne possédait pas la formation et l’expérience nécessaire pour intervenir dans ce type de dossier.
[9] Pour ces raisons, M. Collin demande à l’Agent d’appel d’exercer la discrétion que lui confère le Code d’accorder une prorogation du délai pour déposer un appel. Il demande subséquemment que sa demande d’appel soit acceptée.
Arguments de l’intimé
[10] L’intimé, représenté par M. Alexandre Gagnon, Directeur, Santé et sécurité au travail pour l’Association des employeurs maritimes, soutient pour sa part que la demande de prorogation devrait être refusée.
[11] Pour appuyer sa position, M. Gagnon a soumis au présent Tribunal une décision
[12] M. Gagnon a également soumis à ce Tribunal un deuxième document qui consiste en une plainte déposée par M. Collin le 24 juillet 2012 auprès du CCRI. M. Gagnon soutient que cette plainte démontre que M. Collin était en mesure de représenter les travailleurs pendant le période du 9 juillet au 10 août 2012.
[13] Enfin, M. Gagnon conclue en résumant que M. Martin Collin pouvait désigner la personne de son choix pour le représenter ou bien porter lui-même en appel la décision d’absence de danger, qu’il avait accès à un représentant syndical pour l’assister avant que le délai soit prescrit, et que le représentant affecté au dossier, M. Éric Collin, était disponible du 9 juillet au 10 août 2012 pour déposer un appel au nom de l’employé avant que le délai soit prescrit.
Analyse
[14] Cette demande de prorogation de délai a été déposée de concert avec une demande d’appel d’une décision d’absence de danger d’un agent de santé et sécurité en vertu du paragraphe 129(7) du Code, qui prévoit un délai de dix jours suivant la réception de la décision pour en appeler de celle-ci. Ce paragraphe se lit comme suit :
129(7) Si l’agent conclut à l’absence de danger, l’employé ne peut se prévaloir de l’article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois — personnellement ou par l’entremise de la personne qu’il désigne à cette fin — appeler par écrit de la décision à un agent d’appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci. [Je souligne]
[15] Cependant, en vertu de l’alinéa 146.2f) du Code, l’agent d’appel peut, à sa discrétion, proroger les délais applicables pour l’introduction d’une demande d’appel. Cette disposition se lit comme suit :
146.2 Dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 146.1(1), l’agent d’appel peut :
f) abréger ou proroger les délais applicables à l’introduction de la procédure, à l’accomplissement d’un acte, au dépôt d’un document ou à la présentation d’éléments de preuve;
[16] La prorogation d’un délai en vertu de l’alinéa 146.2f) consiste à rétablir, à la discrétion de l’agent d’appel, un droit d’appel qui est éteint au moment où l’employé en fait la demande. Il ne s’agit donc pas d’un droit garanti et absolu, mais plutôt d’une procédure qui permet à l’agent d’appel d’agir avec une certaine flexibilité en présence de circonstances particulières et hors du commun dans lesquelles l’application rigoureuse d’un délai risquerait de causer préjudice à une partie.
[17] Par exemple, dans l’affaire Len Van Roon et Première nation Kinonjeoshtegon
11 À titre d’agent d’appel, je reconnais que je devrais accorder une certaine latitude à une partie qui se représente elle-même et qui, par manque de connaissances et par inexpérience de la procédure, prend du temps pour bien comprendre le processus et pour apaiser ses préoccupations ainsi que pour faire appel.
12 Je crois que le délai n’est pas un délai strict, sinon le législateur fédéral n’aurait pas conféré à l’agent d’appel les pouvoirs d’abréger ou de proroger ce délai.
13 Je suis d’avis que le retard était minime et non intentionnel et que l’appelant croyait de bonne foi qu’il devait présenter un dossier complet pour faire appel. J’estime en outre que le retard dans la production de l’appel ne causerait pas un préjudice à l’employeur. Par conséquent, comme l’alinéa 146.2f) du Code canadien du travail m’habilite à le faire, je proroge le délai d’appel à la date à laquelle il a été officiellement inscrit, soit le 21 juin 2007.
[18] Dans cette décision, l’agent d’appel accorde également une importance particulière à la bonne foi de l’appelant et à l’absence de négligence de sa part, ainsi qu’à l’absence de préjudice subi par l’employeur si la demande de prorogation du délai est accueillie.
[19] Bien que je ne constate aucun préjudice important que pourrait subir l’employeur si la demande de prorogation est accueillie, il m’est toutefois difficile de conclure, suite à la lecture des arguments présentés par l’appelant, que ce dernier a fait preuve de suffisamment de diligence dans ce dossier.
[20] Même faisant fi de la preuve soumise par l’intimé au sujet de la capacité de M. Éric Collin de vaquer à ses fonctions en tant que représentant syndical entre le 9 juillet et le 10 août 2012, je suis d’avis que ce dernier n’a pas tout fait en son pouvoir pour assurer que la demande d’appel soit déposée en bonne et due forme. S’il n’était véritablement pas en mesure de représenter l’employé durant cette période, M. Collin avait tout de même la responsabilité de s’assurer que le dossier soit acheminé au Tribunal par l’entremise d’un autre représentant avant que le délai n’arrive à échéance, ou bien de prendre des mesures telles qu’entrer en contact avec le Tribunal pour en aviser de la situation.
[21] D’autre part, il faut noter que la demande a été reçu par ce Tribunal 31 jours suivant la réception par l’employé de la décision d’absence de danger rendue par l’Ag.SS, ce qui constitue un retard de 21 jours après que le délai de dix jours prévu au paragraphe 129(7) du Code soit prescrit.
[22] Bien que je sois d’avis que le pouvoir discrétionnaire conféré à l’agent d’appel en vertu de l’alinéa 146.2f) démontre l’intention du législateur de mettre en place un délai qui ne soit pas un délai de rigueur, j’estime toutefois que le délai de dix jours qui figure au paragraphe 129(7) du Code reflète l’intention d’assurer que les appels d’une décision d’absence de danger soit déposés dans un délai plus bref que, par exemple, celui de 30 jours prévu pour porter en appel une instruction d’un Ag.SS en vertu du paragraphe146(1) du Code. À cet égard, je conclus que le retard de 21 jours suivant l’écoulement du délai de dix jours prévu au Code constitue un retard important.
[23] C’est pour ces raisons que je suis de l’avis que je ne devrais pas exercer ma discrétion pour accorder une prorogation du délai. En effet, rien ne m’indique dans le cas présent que appelant a éprouvé un empêchement assez important pour justifier un tel retard, ou qu’il y avait la présence de circonstances particulières ou hors du commun qui m’interpellerais à exercer ma discrétion. Au contraire, j’estime que malgré la suspension de M. Éric Collin, l’appelant disposait de suffisamment de moyens pour assurer que la demande d’appel soit acheminée au Tribunal à l’intérieur du délai prévu par le Code.
Décision
[24] Je conclus donc que la demande de prorogation du délai est rejetée. Par conséquent, l’appel de la décision d’absence de danger est irrecevable.
Michael Wiwchar
Agent d’appel
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