2012 TSSTC 39

Référence : Tanya Thiel c. Service correctionnel Canada, 2012 TSSTC 39

Date : 2012-10-23
No dossier : 2010-04
Rendue à : Ottawa

Entre :

Tanya Thiel, appelante

et

Service correctionnel Canada, intimé

Affaire : Requête visant à faire rejeter la cause en raison de son caractère théorique

Décision : L’appel est rejeté en raison de l’absence de qualité pour agir

Décision rendue par : M. Douglas Malanka

Langue de la décision : Anglais

Pour l’appelante : Christine Langill, ministère de la Justice, Groupe du droit du travail et de l’emploi

Pour l’intimé : Jack Haller, conseiller syndical

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MOTIFS DE LA DÉCISION

[1]               Pour les motifs qui suivent, je tranche en faveur de Service correctionnel Canada (SCC) dont la requête fait valoir que l’agente correctionnelle (AC) Tanya Thiel n’a pas qualité pour agir dans le présent appel. Je tranche également en faveur de cette requête pour déclarer l’appel théorique puisque M. Carter n’est plus employé par SCC. La demande de rejet de l’appel est par la présente accordée.

Contexte

[2]               L'appel devant le Tribunal a été présenté en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail, partie II (le Code) et a été déposé au nom de M. Carter par Tanya Thiel, une agente correctionnelle de SCC et représentante syndicale du Syndicat des agents correctionnels du Canada – Confédération des Syndicats Nationaux (SACC -CSN). L’AC Thiel est également membre du comité conjoint de santé et de sécurité de l'Établissement Nova (Nova). La présente affaire concerne un appel interjeté à l’encontre de la décision du 12 février 2012 de l’agent de santé et de sécurité (agent de SST) Ron Thibault en vertu du paragraphe 129(4) du Code. L’agent de SST Thibault a conclu à l’absence de danger pour M. Carter lorsqu’il a refusé de travailler le 30 novembre 2009.

[3]               La requête visant à rejeter l'appel a été déposée par Mme Langill au nom de SCC quelques jours avant l'audience prévue le 22 mai 2012, après que M. Haller eut confirmé que M. Carter n’assisterait pas à l'audience et qu'il n'était plus employé par SCC. Compte tenu de la date tardive de cette nouvelle information, les parties ont convenu de procéder à l'audience et d’examiner la requête en rejet d’appel de SCC durant l'audience. Alors qu'il avait été initialement convenu que j'instruirais à la fois la requête et le fond de l'affaire, j'ai par la suite ajourné l'audience le 22 mai 2012 après avoir entendu les témoignages et les observations des parties sur la requête en rejet de l'appel.

[4]               La décision qui suit en l’espèce ne porte que sur la requête en rejet de l'appel déposée par l’intimé. Cependant, pour une meilleure compréhension de la décision, il est utile de revoir brièvement les circonstances de l'affaire avant la requête en rejet fondée à la fois sur la qualité pour agir de l’AC Thiel et le caractère théorique.

[5]               Le 30 novembre 2009, M. Carter a exercé son droit en vertu de l'article 128 du Code et a refusé d'escorter un entrepreneur externe à l’intérieur des installations accompagné seulement d’un commissionnaire. M. Carter a écrit une lettre dans laquelle il estimait que d’amener cet entrepreneur sans être accompagné d’un autre agent correctionnel présenterait des risques graves pour la santé et la sécurité qui pourraient donner lieu à des agressions, des prises d'otages et autres problèmes de sécurité. M. Carter a déclaré qu'il escorterait une personne qui n'est pas un agent correctionnel qualifié, et qu’il n’y a pas de surveillance visuelle directe, dans les installations à sécurité moyenne et à sécurité minimale. L’AC Thiel a plus tard témoigné que M. Carter avait écrit cette lettre parce qu'il était en congé et qu’il n’était pas disponible.

[6]               L’AC Thiel a déclaré qu'elle et la directrice adjointe d’établissement Laurie Bernard ont mené l’enquête conjointe de l'employeur au sujet du refus de M. Carter de travailler et ne s’entendaient pas sur l’absence de danger. L’AC Thiel a en outre déclaré qu'elle avait reçu un appel téléphonique de M. Carter en présence de la directrice adjointe d’établissement Bernard et M. Carter lui a demandé de le représenter dans le cadre de son refus de travail au cours de cet appel téléphonique. L’AC Thiel a témoigné que c’est elle qui avait le pouvoir de représenter M. Carter de façon permanente dans le cadre de son refus de travail.

[7]               Après l’enquête conjointe de l'employeur relative au refus de travail de M. Carter menée par l’AC Thiel et la directrice adjointe d’établissement Bernard, celle-ci a écrit à l’agent de SST Thibault, le 9 décembre 2009 et a confirmé qu'elles ne s’entendaient pas sur l’absence de danger pour M. Carter. Elle a demandé à l’agent de SST Thibault de se présenter et d’enquêter le refus de travail de M. Carter. Le courriel se lisait comme suit :

[Traduction]

Veuillez trouver ci-joint le rapport d’enquête du Comité conjoint de la sécurité et de la santé au travail relativement à une demande invoquée en vertu de l’article 128 par l'intervenant de première ligne Andrew Carter le 30 novembre 2009. Veuillez noter que la représentante en santé et sécurité du SACC Tanya Thiel et moi-même avons été incapables de parvenir à un consensus sur cette question. À ce titre, je demande à RHDCC [Ressources humaines et Développement des compétences Canada] d’enquêter sur cette demande faite en vertu de l’article 128. Pourriez-vous s'il vous plaît m’aviser lorsque vous serez en mesure de venir à Nova?

[8]               L’AC Thiel a témoigné lors de l'audience, qui s'est tenue le 22 mai 2012, qu’elle représentait M. Carter quand elle a signé le document de RHDCC intitulé Enregistrement d'un refus de travailler daté du 11 janvier 2010. L’AC Thiel a également confirmé qu'elle avait signé la demande d'appel auprès du Tribunal de santé et sécurité au travail Canada le 2 février 2010 à la suite de la décision d’absence de danger de l'agent de SST Thibault pour M. Carter, en tant que représentante de ce dernier.

[9]               L’AC Thiel a également confirmé en contre-interrogatoire que M. Carter n'avait pas participé à l'enquête sur son refus de travail par l'agent de SST Thibault; elle ne pouvait pas se rappeler si elle avait informé M. Carter de la décision d’absence de danger de l'agent de SST Thibault à son égard relativement à son refus de travail; elle n'a pas informé M. Carter qu'elle interjetait appel de la décision d’absence de danger de l'agent de SST Thibault pour lui, car il n'était pas au travail à ce moment-là; elle n'a jamais communiqué avec M. Carter en ce qui concerne les nombreux ajournements liés à l'appel et ne lui a pas fourni un avis d’audience; et elle n'a pas eu de communication avec M. Carter depuis son refus de travail en 2010.

[10]           L’AC Thiel a également confirmé que, selon elle, M. Carter n'est plus un employé de SCC et qu'elle n'était pas au courant de l'adresse actuelle de M. Carter.

[11]           La directrice adjointe d’établissement Bernard a témoigné à l'audience tenue le 22 mai 2012 et a fourni la preuve que l’AC Thiel ne travaillait pas dans l’Établissement Nova le jour où M. Carter a exercé son refus de travailler et que M. Carter était revenu d'un congé autorisé le 23 novembre 2009. La preuve a également établi que M. Carter avait été réaffecté ailleurs le 15 octobre 2010; il a pris un congé parental du 26 novembre 2010 au 9 août 2011; et il a démissionné de SCC le 20 septembre 2011.

Question en litige

[12]           Il s’agit en l’espèce de savoir si l’AC Thiel a qualité pour présenter l’appel en question et si l’affaire est de nature théorique étant donné que M. Carter n’est plus employé par SCC.

Observations des parties

A) Observations du requérant (intimé)

[13]           Les principales observations de Mme Langill en vue d’appuyer sa requête visant à ce que l’appel soit rejeté portaient sur le fait que l’AC Thiel n’a pas qualité pour agir et que l’affaire est théorique.

Qualité pour agir

[14]           Mme Langill a fait valoir que le sens ordinaire du paragraphe 129(7) est que l'employé qui a refusé de travailler peut interjeter appel de la décision d'absence de danger pour l'employé prise par un agent de santé et de sécurité. Mme Langill a en outre soutenu que le paragraphe 129(7) prévoit que l'avis d'appel doit être remis à un agent d'appel dans les dix (10) jours suivant la réception de la conclusion d'absence de danger, l’appel doit être fait par écrit et doit être déposé par l’employé ou une personne désignée par l'employé à cette fin. Mme Langill a jugé que le Code n'autorise pas la personne désignée à poursuivre la procédure d'appel sans que l'employé qui a refusé de travailler participe aux conférences préparatoires, demande des ajournements et assiste en fin de compte à l’audience de l’appel.

[15]           Mme Langill a conclu que l’AC Thiel n’a pas qualité pour agir parce que la désignation prévue au paragraphe 129(7) du Code a uniquement pour but de permettre de présenter un appel devant le Tribunal de la décision d’absence de danger pour l'employé qui a refusé de travailler prise par l'agent de santé et de sécurité.

[16]           Mme Langill a fait valoir que l’AC Thiel n'a pas été autorisée verbalement ou par écrit à déposer un appel pour M. Carter en vertu du paragraphe 129(7) du Code. Mme Langill a insisté sur la preuve établissant que l’AC Thiel a été incapable de fournir à M. Carter une copie de la décision d’absence de danger pour M. Carter prise par l’agent de SST  Thibault, parce qu'elle était incapable de communiquer avec lui et était incertaine quant à son sort. Mme Langill a conclu que l’AC Thiel a fait défaut dans les circonstances d’obtenir des directives ou une désignation claires. Mme Langill a ajouté que M. Carter n'a pas assisté à l'audience du 22 mai 2012 et n’a pas fourni la preuve d'une désignation. En conséquence, Mme Langill a soutenu que la prétention selon laquelle la personne désignée était l’AC Thiel constitue une preuve par ouï-dire et que même si M. Carter avait prouvé une telle autorisation générale, le Code ne le permet pas. Mme Langill a fait valoir que ces seuls faits suffisent à justifier un rejet.

[17]           Mme Langill a également fait valoir que la désignation prévue au paragraphe 129(7) ne prévoit pas une autorisation générale pour une prise en charge intégrale de toutes les procédures relatives à l'appel en vertu de cette disposition. Elle a statué qu'une telle autorisation générale serait contraire au Code puisque le droit de refus est un droit individuel. Mme Langill a fait référence à plusieurs lois qui autorisent une personne déléguée à agir pour une autre personne ou à prendre des décisions au nom d’une autre personne et a indiqué que les garanties prévues dans ces lois ne sont pas incluses dans le Code. Je m’abstiens d’élaborer plus à ce niveau, mais ces dispositions ont fait l’objet d’un examen minutieux.

[18]           Mme Langill a ajouté que, même si l’AC Thiel a été désignée par M. Carter aux fins de l'application du paragraphe 129(7), elle a déposé son propre appel et non celui de M. Carter. À cet égard, Mme Langill a indiqué que l’AC Thiel n'avait pas réussi à s'identifier en tant que représentante et s'est identifiée sur l'avis d'appel comme étant la « plaignante ». Mme Langill a statué que dans la décision Eugenia Martin‑Ivie c. Agence des services frontaliers du CanadaFootnote 1 , le Tribunal avait limité l'appel aux employés ayant refusé de travailler qui avaient été nommés dans l'avis d'appel. Mme Langill a fait valoir que le pourvoi devrait être rejeté au motif que l’AC Thiel n'a pas prouvé qu'elle avait été désignée par M. Carter pour déposer un appel en son nom en vertu du paragraphe 129(7).

[19]           Mme Langill a fait référence à la règle du sens le plus vraisemblable (plausible meaning rule) discutée dans Driedger on the Construction of StatutesFootnote 2  (Driedger), et a fait valoir qu'il est peu vraisemblable d'interpréter le mot « désigne » au paragraphe 129(7) comme signifiant autre chose que le fait qu'une personne désignée peut déposer une demande d'appel au nom de l'employé qui a exercé son droit de refus. Mme Langill a déclaré que, accepter que le paragraphe 129(7) permette plus que le dépôt d'un appel, irait `l’encontre de l'esprit du Code puisque le refus de travailler est un droit individuel, par opposition à un droit collectif. Mme Langill a ajouté que permettre à un employé de poursuivre un appel concernant le refus de travail d’une autre personne irait à l'encontre de l'article 128 du Code. Mme Langill en outre soutenu que, si cet appel peut être instruit sur son bien‑fondé en l'absence continue de M. Carter, ce dernier n’apprendra probablement les circonstances de l'appel et son issue que lorsque la décision de l’agent d'appel sera rendue publique.

[20]           À cet égard, Mme Langill a en outre prétendu que, si une personne désignée en vertu du paragraphe 129(7) est habilitée à poursuivre l’instance de l'employé qui a refusé de travailler en son absence, un certain nombre de problèmes de procédure et de preuve se posent. Par exemple, le témoignage de l'appelante constituerait du ouï-dire et l'intimé serait privé de la possibilité de contre-interroger la bonne partie au litige. Mme Langill a ajouté que la preuve du refus de travail de M. Carter serait celle apportée par l’AC Thiel et ses deux témoins identifiés, dont aucun d'entre eux n’était présent lors du refus de M. Carter de travailler. Ainsi, l'intimé serait tenu de répondre à un énoncé général plutôt qu’à des faits liés au refus spécifique de M. Carter de travailler.

[21]           Enfin, Mme Langill a indiqué que le paragraphe 129(7) n'accorde pas de pouvoir pour qu’une personne, autre que la partie, joue un rôle participatif dans la poursuite en justice de la partie que l'on trouve dans d'autres lois lorsque ce pouvoir est accordé. À cet égard, Mme Langill a cité les lois suivantes lorsque le législateur accorde à une personne le pouvoir d'exercer une procédure judiciaire pour une autre personne en vertu d’un pouvoir exprès et clairement défini, et dans des situations particulières :

·         Loi sur la faillite et l’insolvabilité;

·         Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés;

·         Loi sur les droits de la personne;

·         Code des droits de la personne de l’Ontario;

·         Règles des cours fédérales.

[22]           Mme Langill a fait valoir que les situations particulières dont il est fait mention ci-dessus comprennent : le fait d’exiger de la personne agissant pour une autre partie qu’elle obtienne son autorisation par écrit; exprimer les limites du rôle que joue la personne qui n’est pas partie au litige, y compris ses droits et obligations; le fait de nécessiter de l'appelant qui est représenté à demeurer la partie au litige et à assumer un rôle direct.

[23]           Mme Langill a soutenu que le fait de permettre à l’AC Thiel, en vertu du paragraphe 129(7), de continuer à prendre des décisions pour M. Carter au sujet de ses problèmes juridiques sans le consulter serait un pouvoir exceptionnel qui va bien au-delà de ce que la plupart des lois prévoient et ne devrait être envisagé qu’en dernier recours. Mme Langill a statué qu’un congé parental ne fait pas en sorte qu’une personne devient incapable de gérer ses affaires juridiques et de prendre des décisions. Mme Langill a soutenu que rien ne justifie d’accorder un tel pouvoir à l’AC Thiel à l’égard du refus de travailler de M. Carter.

Caractère théorique

[24]           Mme Langill a indiqué que le refus de travailler est théorique parce que M. Carter n'est plus un employé. À cet égard, Mme Langill renvoie au témoignage de la directrice adjointe d’établissement Bernard selon lequel M. Carter a démissionné de Nova le 10 septembre 2011. Mme Langill a fait référence à l'affaire Harper c Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments)Footnote 3  dans laquelle le Tribunal a conclu que l'employé qui n'était plus employé par l'Agence canadienne d’inspection des aliments n’était plus exposé à la condition de travail alléguée et la question liée à la santé et la sécurité était devenue théorique.

[25]           Mme Langill a soutenu que, même s'il est statué que l’AC Thiel a qualité pour poursuivre l'appel, l'appel est théorique puisque M. Carter n'est plus un employé et ne sera plus exposé au danger allégué. Mme Langill a estimé que cela constitue un motif de rejet.

B) Observations de l’intimée (appelante)

[26]           M. Haller a convenu que la question liée à la requête en rejet de l’appel de SCC est de savoir si l’AC Thiel a qualité en vertu du paragraphe 129(7) pour représenter M. Carter dans cet appel et si la présente affaire est théorique ou non.

Qualité pour agir

[27]           M. Haller a fait valoir que l’AC Thiel avait qualité pour agir parce que le paragraphe 129(7) du Code permet à un employé de désigner une autre personne dans le but de faire appel de la décision d'un agent de santé et de sécurité qui décide d’une absence de danger pour cet employé.

[28]           M. Haller a indiqué que la preuve établit que l'employeur et l'agent de SST Thibault étaient au courant que l’AC Thiel n'était pas l'employé ayant exercé son droit de refus mais ils ont poursuivi leurs enquêtes alors qu’elle représentait M. Carter. Il a fait référence au témoignage de l’AC Thiel selon lequel elle avait reçu un appel téléphonique de M. Carter en présence de Mme Bernard l’autorisant à être sa personne désignée. M. Haller a également renvoyé à la lettre de refus de M. Carter datée du 30 novembre 2009.

[29]           M. Haller a fait valoir que l'employeur ne peut faire objection pour des motifs fondés sur la qualité pour agir et sur le caractère théorique, car ces questions n'ont pas été soulevées au moment du dépôt de l'appel et après celui-ci.

[30]           M. Haller a fait valoir qu'une interprétation large et libérale de l’expression employée dans la loi au paragraphe 129(7) comprend le droit d'un représentant de santé et de la sécurité de faire appel au nom de l'employé qui a refusé de travailler.

[31]           M. Haller a soutenu que le Code ne précise pas que seul l'employé ayant exercé son droit de refus peut fournir des preuves lors de l’appel. Au contraire, dit-il, le Code autorise l'employé qui a refusé de travailler et qui interjette appel de la décision de l'agent de SST à désigner par écrit une autre personne pour faire appel de la décision.

[32]           M. Haller a ajouté qu'on peut inférer du libellé du paragraphe 129(7) que la personne désignée peut poursuivre l'appel, puis représenter l'employé lors de l'audience tenue en vertu du paragraphe 146.1(1). M. Haller a fait valoir que l’AC Thiel avait reçu l'autorisation verbale de M. Carter de non seulement le représenter lors de l'enquête, mais de le représenter dans cet appel en tant que personne désignée par lui.

[33]           M. Haller a noté que l’alinéa 146.2g) du Code permet à un agent d'appel d'ajouter une partie à une procédure à tout moment si l'agent estime que cette nouvelle partie a le même intérêt que l'une des parties et pourrait être concernée par la décision. M. Haller a indiqué que l’AC Thiel avait un intérêt dans l'appel en tant que représentante de santé et de la sécurité dans le lieu de travail en question et qu’elle pouvait être concernée par cette décision.

Caractère théorique

[34]           M. Haller a contesté l’argument que la question est théorique parce que M. Carter était un employé dans le lieu de travail quand il a exercé son droit de refus. M. Haller a estimé que les éléments de preuve en l’espèce établissent qu'il s'agit d'une question de santé et de sécurité importante encore en cours à l'Établissement Nova. M. Haller a indiqué que M. Carter avait demandé à l’AC Thiel de poursuivre cet appel en son nom et au nom d'autres employés qui croient encore qu'il est dangereux pour un agent correctionnel d'escorter seul, vers un logement de l’Établissement Nova, un entrepreneur qui porte sur lui des outils.

[35]           M. Haller a noté que l’AC Thiel avait témoigné qu'elle refuserait pareillement de travailler si on lui demandait de faire le même travail que celui de M. Carter.

[36]           M. Haller a soutenu que l'intimé n'a pas démontré de quelle manière M. Carter subirait un préjudice si cet appel était entendu.

[37]           M. Haller a fait valoir que, même si je décide que la question est théorique parce que M. Carter n'est plus employé à l'Établissement Nova, il est logique d’entendre l’affaire sur le fond plutôt que d'attendre un autre refus de travail, une enquête et un appel. M. Haller a estimé que la question en est toujours une d'actualité pour les autres employés dans le lieu de travail.

[38]           M. Haller a fait valoir que la requête en rejet de l'appel fondé sur la qualité pour agir et le caractère théorique devrait être rejetée et que l’appel devrait procéder.

C) Observations en réponse du requérant (intimé)

[39]           Mme Langill a fait valoir que rien n’appuie l'interprétation large du paragraphe 129(7) proposée par M. Haller. Mme Langill a fait référence à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Barrette c Crabtree (Succession de)Footnote 4 , où la Cour a mis en garde contre une interprétation large d'une disposition d'une loi dans la mesure où une telle interprétation aurait pour effet de modifier la disposition. Mme Langill a fait valoir que la lecture du paragraphe 129 (7) de la manière citée par M. Haller aurait comme effet d’ajouter au texte du paragraphe.

[40]           Mme Langill a estimé que les mots « à cette fin », dans le paragraphe 129 (7), ne favorisent pas une interprétation large. Elle a indiqué que l'expression similaire « à cette fin » reconnue dans Driedger comme étant un qualificatif utilisé par les rédacteurs pour restreindre, et non élargir, le champ d'application d'une disposition.

[41]           Mme Langill a indiqué que pour conférer le pouvoir large et continu d’agir en lieu et place d'une autre personne dans une procédure judiciaire, des mots supplémentaires seraient utilisés, tels que ceux indiqués au paragraphe 34 (5) et à l’article 34.6 du Code des droits de la personne de l’Ontario (CDPO). Selon Mme Langill, le paragraphe 34(5) du CDPO dispose qu'une personne « peut présenter une requête auprès du Tribunal au nom d'une autre personne en vue d’obtenir une ordonnance visée à l’article 45.2 », et le paragraphe 34(6) du CDPO énonce que la personne qui présente la requête au nom d'une autre personne « peut participer à l’instance ». Mme Langill a maintenu qu'aucune telle formulation ne figurait au paragraphe 129(7) du Code et qu’une telle interprétation élargie comme le demande l’intimée à la requête serait incompatible avec le libellé de la loi utilisé par le législateur pour confirmer le pouvoir d'une personne n’étant pas partie au litige ou d’un représentant de participer de façon importante à une instance judiciaire au nom d'une personne.

[42]            Mme Langill a soutenu que le refus de travailler est un droit individuel et il serait absurde qu’un employé n’ayant pas refusé de travailler puisse remplacer un employé qui a refusé de travailler et récupérer son droit d’interjeter appel en l'absence de l'employé qui a exercé son droit de refuser.

[43]           Mme Langill a exprimé son désaccord face à la position de l'intimée voulant que la question liée à la qualité pour agir et au caractère théorique soit irrecevable. Elle a indiqué que les audiences devant le Tribunal sont de novo et que les agents d'appel tirent leur compétence du Code et non de la question de savoir quels sont les pouvoirs qui peuvent ou ne peuvent pas être exercés par les parties. Mme Langill a indiqué que la question de la qualité pour agir et du caractère théorique correspond précisément aux questions de compétence que le Tribunal a le pouvoir de trancher, et ce, que ces questions soient soulevées ou non par une partie.

[44]           Mme Langill a contesté l'argument subsidiaire de l'intimée voulant que l'agent d'appel fasse de l’AC Thiel une partie en vertu de l’alinéa 146.2g) du Code et lui permettre de participer à l'appel de la décision d’absence de danger pour M. Carter prise par l'agent de SST Thibault. Mme Langill a indiqué que l'alinéa 146.2g) ne s'applique pas en l’espèce et l’AC Thiel ne devrait pas être autorisée à invoquer l'alinéa 146.2g) pour faire indirectement ce qu'elle ne peut pas faire directement en vertu du paragraphe 129(7).

[45]           Sur la question du caractère théorique, Mme Langill a fait référence au renvoi qu’a fait le Tribunal dans l'affaire Tremblay c Air CanadaFootnote 5  à l’arrêt Borowski c CanadaFootnote 6  de la Cour suprême du Canada, qui énonce ce qui suit :

Un appel est théorique lorsque la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Un litige actuel doit exister non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision [...].

[46]           Mme Langill a indiqué qu'il n'y a pas de litige actuel entre M. Carter et SCC puisque M. Carter est à la retraite et ne travaille plus auprès de l’intimé.

[47]           Mme Langill a indiqué que rejeter le présent pourvoi n'empêche pas un intervenant de première ligne de refuser d'accompagner un entrepreneur vers un logement lorsque, conformément à la politique de l'employeur, l’intervenant de première ligne est seulement accompagné par un commissionnaire.

[48]           Mme Langill a fait valoir que même si l’AC Thiel peut avoir fait part de ses préoccupations pour les autres à qui on a pu demander ou à qui on pourrait demander d’effectuer les mêmes tâches que celles que M. Carter a refusé de faire, son utilisation des ressources et des processus du Tribunal comme plate-forme pour soulever ces préoccupations n'est pas la solution. Mme Langill a indiqué que le droit individuel de refuser de travailler est une mesure d'urgence qui ne doit pas être invoquée afin de forcer une décision sur des différends en cours.

Analyse

[49]           Pour les raisons qui suivent, je conclus que la question est théorique. De plus, je choisis de ne pas exercer mon pouvoir discrétionnaire pour entendre cet appel.

Mme Thiel a-t-elle été « désignée » pour déposer un appel au nom de M. Carter?

[50]           La question dont je suis saisi repose sur le droit de refuser d’effectuer un travail dangereux qui a été invoqué le 30 novembre 2009 par l'ancien agent correctionnel Andrew Carter. Maintenant à la retraite, M. Carter n'est plus un employé de l'intimé, Service correctionnel du Canada (SCC). Employé de SCC au moment du refus, le droit que M. Carter a exercé en vertu du paragraphe 128(1) du Code canadien du travail se lit comme suit :

128(1)  Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[51]           À la suite de son refus de travail, mais avant la réalisation d'une enquête menée par un agent de santé et de sécurité, il a été allégué par l’appelante dans le présent appel, Mme Thiel, que M. Carter a eu une conversation téléphonique avec l'appelante. Mme Thiel a témoigné qu'au cours de cette conversation, M. Carter a exprimé son intérêt que Mme Thiel, qui est la représentante en santé et sécurité de l'agent de négociation local, prenne en charge l'affaire en poursuivant l’appel en son nom.

[52]           En particulier, Mme Thiel soumet qu’au cours de cette conversation téléphonique préalable à l’enquête, M. Carter lui a donné son autorisation verbale pour : qu’elle le représente au cours de l'enquête de l’agent de SST; qu’elle dépose un appel et qu’elle le représente également dans le cadre de son appel à titre de personne désignée.

[53]           Il est suggéré par l'appelante qu’elle a reçu ce pouvoir de M. Carter, car ce dernier n'était pas en mesure de déposer un appel de la décision d’absence de danger de l’agent de SST dans les délais prévus par la loi étant donné qu'il était absent du lieu de travail à l'époque. L’appelante a également soutenu que M. Carter ne pouvait pas témoigner à l'audience pour corroborer le témoignage de L’AC Thiel, car, à cette époque, il avait pris sa retraite et n'a pas pu être repéré.

[54]           Il est important de noter que le droit de refuser un travail dangereux est un droit individuel et une fois qu’une décision d’absence de danger est rendue par un agent de santé et sécurité conformément au paragraphe 129(7) du Code, seul l'employé qui refuse ou une personne désignée par lui peut déposer un appel auprès d’un agent d'appel. Le paragraphe 129(7) se lit comme suit :

129(7)   Si l’agent conclut à l’absence de danger, l’employé ne peut se prévaloir de l’article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois — personnellement ou par l’entremise de la personne qu’il désigne à cette fin — appeler par écrit de la décision à un agent d’appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci. [c’est moi qui souligne]

[55]           Quant à la question de savoir si Mme Thiel a été désignée, j'ai conclu que les arguments que l'intimé a invoqués à l'appui de la position voulant que Mme Thiel n'ait pas été désignée étaient utiles, voire instructifs, et j’y ai beaucoup réfléchi. Cependant, je suis convaincu par le témoignage de Mme Thiel que, conformément au paragraphe 129(7), elle a été désignée par M. Carter pour représenter ses intérêts dans le cadre de son refus de travail, y compris pour déposer un appel auprès du Tribunal, et de le faire en fonction de la décision d’absence de danger de l’agent de SST Thibault pour M. Carter.

[56]           La preuve non contestée dans cette affaire est que Mme Bernard, directrice adjointe d’établissement auprès de l'employeur, était présente dans la salle avec Mme Thiel lorsque M. Carter a désigné verbalement celle-ci par téléphone pour qu’elle le représente dans le cadre de son refus de travail. La directrice adjointe d’établissement Bernard a témoigné qu'elle n'avait pas entendu les mots réels prononcés par M. Carter, mais cela a peu d'importance. Le paragraphe 129(7) ne précise pas quels mots doivent être prononcés pour procéder à la désignation ou si la désignation doit être faite par écrit. Ainsi, je suis convaincu que Mme Thiel a été désignée par M. Carter pour déposer son appel.

[57]           Néanmoins, lorsque l'audience a débuté à Halifax le 22 mai 2012, M. Carter n'était pas présent et Mme Thiel a confirmé que M. Carter ne travaillait plus à SCC et qu'elle ne savait pas où il se trouvait. Par conséquent, il était tout simplement impossible que Mme Thiel puisse représenter M. Carter dans le processus d'appel parce qu'elle ne pouvait pas communiquer avec lui de quelque façon que ce soit ou recevoir des instructions de sa part. À partir de ce moment, le rôle de Mme Thiel est devenu celui de l'appelant, puisqu’elle avait essentiellement pris en charge l'appel.

[58]           Je suis d’avis que Mme Thiel avait essentiellement pris en charge cet appel pour un certain nombre de raisons, y compris le fait que :

·         Mme Thiel n'a pas fourni à M. Carter un avis d'audience;

·         Elle n'a eu aucune communication avec M. Carter depuis son appel téléphonique suite à son refus de travailler en 2009. Mme Thiel ne pouvait donc pas recevoir d'instructions de la part de M. Carter;

·         Mme Thiel ne connaît pas l'adresse actuelle de M. Carter; et

·         M. Carter n'était pas sur la liste des témoins fournie par son syndicat.

[59]           Le Code ne permet pas à la personne désignée de déposer un appel au nom d’un employé qui a refusé de travailler pour prendre effectivement en charge l’appel de la façon dont Mme Thiel l’a fait. L'appelant approprié dans cette affaire était et demeure M. Carter. À ce titre, c’est l'appel de M. Carter que j'ai maintenant devant moi et à l’égard duquel je dois rendre une décision.

[60]           Étant donné que M. Carter n'est plus employé par SCC, l'avocat de SCC a également fait valoir que je devrais rejeter le pourvoi au motif qu'il est maintenant théorique.

Concernant le caractère théorique

[61]           Pour les raisons qui suivent, je conclus que l'appel est théorique, et j'ai choisi de ne pas exercer mon pouvoir discrétionnaire pour entendre l'appel.

[62]           La décision de principe sur la doctrine du caractère théorique est formulée dans l'arrêt Borowski, précité. Dans Borowski, la Cour Suprême a déclaré que l'approche à l'égard du caractère théorique comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. Si c'est le cas, la deuxième étape requiert du décideur qu’il détermine si le tribunal devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre une affaire théorique.

[63]           En ce qui concerne la deuxième étape de l'analyse du caractère théorique, la Cour suprême a indiqué que l’autorité décisionnelle doit être guidée par l'étude des assises mêmes de la doctrine du caractère théorique. La Cour dans l'arrêt Borowski décrit ces raisons d’être :

La première raison d'être de la politique en matière de causes théoriques tient à ce que la capacité des tribunaux de trancher des litiges a sa source dans le système contradictoire. […] La deuxième raison tient à l'économie des ressources judiciaires […] La troisième raison d'être de la doctrine tient à la nécessité pour les tribunaux d'être sensibles à l'efficacité et à l'efficience de l'intervention judiciaire et d'être conscients de leur fonction juridictionnelle dans notre structure politique. […]

[64]           Le droit de refuser un travail dangereux, en vertu du paragraphe 128(1) du Code renvoie à « un employé ». Cela signifie que ce droit est un droit individuel détenu par une personne qui possède le statut d'un employé dans un lieu de travail régi par la réglementation fédérale. Compte tenu du fait que M. Carter n'est plus employé par SCC et étant donné que le Code n’accorde le droit de refuser un travail dangereux qu’aux employés qui travaillent pour un employeur assujetti au Code, le motif initial de l'appelante pour instituer les procédures a disparu une fois que M. Carter a quitté son emploi au sein de SCC en septembre 2011.

[65]           En outre, lorsque le droit de refuser un travail dangereux est exercé par un employé, conformément à la partie II du Code, le rôle d'un agent de SST et d’un agent d'appel est d'évaluer si le danger allégué existait et persiste et par conséquent, si l’employé ayant refusé peut continuer de refuser d’utiliser ou de faire fonctionner la machine ou l’objet, de travailler dans ce lieu ou d'accomplir cette activité.

[66]           Dans la cause qui nous intéresse, je ne vois aucune raison de donner suite à la présente procédure d'appel, car M. Carter n'est plus exposé à une condition de travail dangereuse alors qu’il travaille. Cela découle du fait que la fin de la relation d’emploi de M. Carter avec SCC l’a retiré du lieu de travail.

[67]           Après avoir évalué les arguments qui m'ont été présentés sur la question du caractère théorique, je suis convaincu par les arguments de l'intimé qui ont trait à l'applicabilité de la décision dans l'affaire Harper c Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments), précitée, au présent appel. Ce que cela signifie c'est que je conclus que le présent appel est théorique parce que la relation d’emploi nécessaire entre la personne à l’origine de la présente instance, M. Carter, et SCC (l'intimé) a été rompue le 10 septembre 2011 et est inexistante depuis cette date.

[68]           En d'autres termes, je conclus que le présent appel est théorique, car il n'y a pas de litige actuel ou de différend concret et tangible, entre les parties au présent litige, à savoir, M. Carter et SCC. Compte tenu du fait qu'il n'y a pas plus de relation d’emploi entre M. Carter et SCC, je suis aussi d'avis que de rendre une décision sur le fond du présent appel n'aurait aucun effet concret sur les droits des parties. Par conséquent, je conclus que l'appel est théorique.

[69]           À la lumière de tout ce qui précède et de la preuve dont je suis saisi, je choisis de ne pas exercer mon pouvoir discrétionnaire pour entendre cet appel théorique. Pour ce motif, je rejette l'appel.

Sur l’ajout de Mme Thiel à titre de partie

[70]           L'appelante a suggéré à titre subsidiaire qu’en vertu de l’alinéa 146.2g), Mme Thiel devrait être ajoutée comme partie à la présente procédure parce qu'elle pourrait être concernée par une décision selon laquelle un danger existait dans les circonstances qui ont mené au refus de M. Carter. Sur ce point, Mme Thiel soutient qu'elle a le même intérêt ou un intérêt suffisamment similaire dans la présente affaire pour justifier que j’instruise la présente cause, même si je conclus que l’appel est théorique.

[71]           L’alinéa 146.2g) du Code se lit comme suit :

146.2 Dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 146.1(1), l’agent d’appel peut :

g) en tout état de cause, accorder le statut de partie à toute personne ou tout groupe qui, à son avis, a essentiellement les mêmes intérêts qu’une des parties et pourrait être concerné par la décision;

[72]           À mon avis, cet alinéa ne s'applique que s’il y a une procédure en cours devant un agent d'appel à laquelle une partie pourrait être ajoutée. Étant donné ma conclusion que l'appel de M. Carter est désormais théorique, il n'y a plus de procédure en cours à laquelle je pourrais ajouter Mme Thiel. Pour ces motifs, la demande de Mme Thiel est refusée.

Décision

[73]           Pour tous les motifs énoncés, l’appel est rejeté.

 

Douglas Malanka

Agent d’appel

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