2015 TSSTC 4

Date : 2015-03-03

Dossier : 2014-33

Entre :

VIA Rail Canada Inc., appelante

Et

Ashika Patel, intimée

Indexé sous : VIA Rail Canada Inc. c. Patel

Affaire : Appel en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail d'une instruction émise par un agent de santé et sécurité.

Décision : L'instruction est annulée.

Décision rendue par: M. Pierre Hamel, Agent d'appel

Langue de la décision : Anglais

Pour l'appelante : M. Maxime Blais, avocat, Beauvais Truchon, S.E.N.C.R.L.

Pour l'intimée : M. Danny Andru, Représentant régional, Unifor - Conseil 4000

Citation : 2015 TSSTC 4

MOTIFS DE LA DÉCISION

[1]             La présente affaire a trait à un appel interjeté par VIA Rail Canada Inc. (« VIA Rail » ou l'« employeur ») le 18 juillet 2014, en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail (le « Code »), à l'encontre d'une instruction émise le 3 juillet 2014 par Francesco Misuraca, agent de santé et de sécurité (agent de SST) auprès du Programme du travail d'Emploi et Développement social Canada (EDSC).

[2]             Les motifs au soutien de l'appel, énoncés dans le formulaire d'appel déposé au Tribunal de santé et sécurité au travail Canada (le « Tribunal ») par Mme Marie-Claude Laporte, pour le compte de VIA Rail Canada Inc., se lisent ainsi :

[traduction] L'instruction remise à l'employeur et émise le 3 juillet par l'agent de santé et de sécurité Francesco Misuraca contre Via Rail inc. au sujet de la situation de Mme Ashika Patel est non fondée en faits et en droit.

En réalité, l'instruction n'indique aucunement que l'horaire de travail de 9 h à 17 h du lundi au vendredi et de 8 h 30 à 16 h 30 le samedi présente un danger pour la santé de Mme Patel et son fœtus.

De plus, les arguments invoqués par Mme Patel au soutien de son refus de travailler ne sont pas fondés sur l'existence d'un risque pour la santé et la sécurité pour elle-même et pour son fœtus en vertu du Code canadien du travail.

[3]             L'instruction visée par l'appel se lit ainsi:

[traduction] DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR EN VERTU DE L'ALINÉA 145(2)a)

Le lundi 30 juin 2014, l'agent de santé et de sécurité soussigné a réalisé une enquête à la suite du refus de travailler d'Ashika Patel, sur les lieux de travail exploités par Via Rail Canada Inc., laquelle est un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, sis au 50, rue Drummond, bâtiment « C », à Toronto (Ontario) M8V 4B5, ledit lieu de travail étant parfois appelé Via Rail Canada (centre d'entretien).

Ledit agent de santé et de sécurité estime que l'accomplissement d'une tâche constitue un danger pour une employée au travail :

Selon l'avis d'un médecin qualifié, un horaire de travail de 9 h à 17 h du lundi au vendredi et de 8 h 30 à 16 h 30 le samedi présente un risque pour la santé d'Ashika Patel et de son fœtus.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre immédiatement des mesures propres à écarter le risque ou à corriger la situation qui représente un danger.

Instruction émise à Toronto, ce 3e jour de juillet 2014.

[signé]

Francesco Misuraca

Agent de santé et de sécurité

[...]

[4]             L'instruction a été émise à la suite de l'enquête de l'agent de SST Misuraca au sujet du refus de Mme Patel de travailler le 27 juin 2014. Mme Patel a refusé de travailler pour les motifs invoqués dans le formulaire de refus de travail daté du 27 juin 2014, qui sont formulés ainsi :

[traduction] La demande de débuter mon quart de travail plus tôt, étant donné que je suis fatiguée à mesure que la journée avance – elle ne veut pas – elle dit qu'elle peut le faire seulement deux jours – j'exerce mon droit de refuser de travailler en vertu de l'article 132 de la partie II du Code canadien du travail, et de l'article 128 de la partie II du Code canadien du travail – en raison de l'effet cumulatif de cet horaire – il constitue un danger pour moi-même et mon enfant à naître.

[...]

Contexte

[5]             Les principaux faits pertinents au présent appel se trouvent dans le rapport de l'agent de SST Misuraca ainsi que dans une déclaration assermentée de Mme Michelle Gardner produite par l'avocat de l'appelante avec ses observations écrites, dans le contexte d'un processus que j'ai estimé approprié pour le déroulement du présent appel et que je détaillerai davantage dans mes motifs. La plupart des faits en litige ne sont pas contestés. La question en litige porte sur les conclusions qui doivent être tirées de ces faits, à savoir si Mme Patel a été ou non exposée à un danger au sens du Code lorsqu'elle a refusé d'exercer ses fonctions.

[6]             Mme Patel a été engagée par VIA Rail comme préposée au service à bord des trains le 6 octobre 2008.

[7]             Le 26 mai 2014, Mme Patel a présenté à son superviseur une note de sa sage-femme selon laquelle, étant donné qu'elle était enceinte de sept semaines, elle ne devait pas travailler selon un horaire de travail variable lui demandant de soulever des objets lourds, se pencher, exercer des tâches fatigantes physiquement, tirer ou pousser. L'employeur a pris des mesures destinées à répondre à la situation de Mme Patel en lui confiant des tâches administratives, sous la supervision de Mme Gardner, directrice du service à la clientèle. Mme Patel s'est donc vu confier des tâches modifiées, soit de classer, classifier et organiser des dossiers et des plans pour le secteur immobilier de VIA Rail. Mme Patel a également accompli des tâches administratives pour le secteur des services du train, par exemple le classement de documents et la saisie de données. Comme Mme Gardner l'a mentionné dans sa déclaration assermentée, ces tâches présentaient un risque très faible et limité, voire nul, puisqu'il s'agissait d'un travail clérical à rythme lent, sans stress ni pression.

[8]             J'insiste sur le fait que la nature des fonctions et tâches modifiées de Mme Patel n'est pas en litige dans le présent appel. Le cœur du différend concerne plutôt l'horaire de travail de Mme Patel. Son horaire était hebdomadaire et prévoyait deux jours de repos (le dimanche et le mercredi) ainsi que cinq jours de travail dont trois jours de 9 h à 17 h et deux jours de 8 h 30 à 16 h 30 (ou exceptionnellement 8 h à 16 h).

[9]             À la mi-juin 2014, Mme Patel a demandé à Mme Gardner si elle pouvait modifier ses heures de travail pour travailler cinq jours de 8 h à 16 h. Mme Gardner indique dans sa déclaration assermentée que Mme Patel voulait ce changement pour pouvoir travailler aux mêmes heures que l'une de ses collègues de travail, dont les tâches avaient également été modifiées en raison de la grossesse de celle-ci. La demande de Mme Patel a été refusée parce qu'un nombre déjà suffisant d'employés avaient l'horaire de travail qu'elle souhaitait et compte tenu d'une distribution adéquate de la charge de travail. Selon Mme Gardner, Mme Patel n'a pas mentionné être fatiguée ou éprouver des problèmes de santé liés à sa grossesse à ce moment.

[10]             Dans un courriel daté du 19 juin 2014, Mme Patel a de nouveau demandé à sa superviseure de modifier son horaire de travail pour commencer avant 9 h, invoquant le fait qu'il était très compliqué dans ce secteur [traduction] « d'attraper un autobus après 17 h ». Sa demande a de nouveau été refusée. Ce courriel a également été produit comme pièce avec les observations de l'appelante, et l'agent de SST Misucara le mentionne également dans son rapport.

[11]             Le 27 juin 2014, Mme Patel a présenté à Mme Gardner une note datée du 25 juin 2014, dans laquelle sa sage-femme, de la Midwife Alliance, recommandait qu'elle commence à travailler plus tôt, étant donné [traduction] « qu'elle devient extrêmement fatiguée en après-midi». Mme Gardner a informé le même jour Mme Patel du refus de sa demande et du fait que VIA Rail avait besoin de renseignements médicaux supplémentaires pour justifier le changement d'horaire et pour exposer plus en détail les risques liés à l'horaire actuel. Mme Patel a exercé son droit de refuser de travailler le même jour.

[12]             En réponse à la demande de l'employeur, Mme Patel a transmis une note de médecin datée du 28 juin 2014, signée par la Dre S. Kashani de la clinique médicale sans rendez-vous Lakeshore Village. La note rédigée à la main est ainsi libellée :

[traduction] La patiente susmentionnée est enceinte. Elle se sent fatiguée en après-midi. Il est dans son intérêt de commencer et de terminer sa journée de travail une heure plus tôt comme elle le souhaite.

[13]             Après avoir mené son enquête sur le refus de travailler le 30 juin 2014, l'agent de SST Misucara a conclu que l'horaire de travail de Mme Patel l'exposait et exposait son enfant à naître à un danger et a émis l'instruction qui fait l'objet de l'appel. Dans son rapport, l'agent de SST Misuraca déclare que le 2 juillet 2014, il a parlé à la Dre Kashani pour clarifier sa note. La Dre Kashani a indiqué être d'avis que si Mme Patel devait poursuivre ses fonctions courantes selon l'horaire courant, il y aurait un risque pour sa santé et celle de son fœtus. Elle a également indiqué que Mme Patel se sent très stressée compte tenu de la situation et que, comme elle en est au premier trimestre de sa grossesse, le sentiment de fatigue est davantage présent.

[14]             Les conclusions suivantes de l'agent de SST Misuraca sont exposées à la page 7 de son rapport d'enquête :

[traduction] Dans le cas qui nous occupe, l'employée a exercé son droit de refuser d'accomplir sa tâche d'employée de bureau à raison d'un horaire de cinq jours de travail par semaine, dont trois jours de 9 h à 17 h et deux jours de 8 h 30 à 16 h 30 ou de 8 h à 16 h, parce qu'elle estime que l'épuisement qu'elle ressent après 16 h représente un danger pour sa santé et celle de son fœtus. Même si la sage-femme n'est pas considérée comme un médecin qualifié à cette fin, la médecin praticienne de la clinique médicale l'est quant à elle. Ce médecin a exprimé l'avis médical confirmant que la situation sur les lieux de travail, plus précisément l'horaire et le niveau de stress de l'employée, représente un risque pour la santé de Mme Patel et celle du fœtus.

Compte tenu des circonstances au moment de l'enquête, y compris l'avis d'un médecin qualifié, un horaire de travail de cinq jours par semaine, dont trois jours de 9 h à 17 h et deux jours de 8 h 30 à 16 h 30 ou de 8 h à 16 h, constitue un risque pour la santé d'Ashika Patel et de son fœtus et représente donc un danger.

[15]             L'employeur a produit, avec ses observations, un rapport du Dr Marcel Pigeon, qu'on qualifie de chef du service médical de VIA Rail Canada depuis 1992. Le Dr Pigeon a 38 ans d'expérience en santé et sécurité au travail et déclare avoir acquis un certain niveau d'expertise en matière de risque en milieu de travail pour la femme enceinte et son enfant à naître. L'intimée ne conteste pas la compétence du Dr Pigeon. Dans son rapport, celui-ci exprime un avis sur la question de savoir si, dans les circonstances mentionnées ci-dessus et en fonction des renseignements médicaux disponibles, il est raisonnable de conclure à l'existence de risques pour la santé de Mme Patel et de son fœtus si elle continue à travailler selon l'horaire de travail qui lui était assigné au moment de son refus. L'avis du Dr Pigeon tient compte de la note de la sage-femme ainsi que de la note médicale rédigée par la Dre Kashani, mais également du dossier médical de Mme Patel fourni par la clinique de la Dre Kashani, que l'employeur a produit avec ses observations.

[16]             Selon le Dr Pigeon, les facteurs de risque auxquels s'expose la femme enceinte peuvent être regroupés en différentes catégories, comme les facteurs biologiques, chimiques, physiques ou ergonomiques. Entre autres facteurs de risque, il indique qu'il est reconnu que les patientes enceintes ne devraient pas travailler selon des quarts de travail rotatifs puisque ceux-ci peuvent perturber le cycle du sommeil et contribuer à un état de grande fatigue. Il mentionne ensuite ce qui suit :

[traduction] Dans le cas présent, je comprends que M. Misuraca a conclu que le fait que l'horaire d'un jour de travail peut varier de 30 minutes à une heure par jour représenterait, selon lui, une variation d'horaire pouvant représenter un risque pour la santé de Mme Patel ou celle de son fœtus.

Je dois dire que je n'ai pas trouvé d'étude qui démontre qu'une variation aussi minime de l'horaire de travail qui, dans le cas présent, demeure dans tous les cas un horaire de jour, pourrait entraîner des répercussions sur l'état de santé d'une femme enceinte ou celui de son enfant à naître.

[...]

J'ajouterai que la note de la Dre Kashani ne nous permet pas d'établir si Mme Patel pourrait présenter une condition médicale précise inhabituelle telle que, dans sa situation particulière, même une variation minime de son horaire de travail de jour pourrait avoir la moindre répercussion médicale vérifiable.

En conclusion, je considère qu'en l'absence d'autres renseignements médicaux spécifiques, je ne vois pas comment Mme Patel ne pourrait pas travailler selon un horaire de jour pouvant subir les variations minimes indiquées dans le dossier, compte tenu du fait qu'elle ne travaillera jamais plus de 8 heures par jour et peut donc profiter chaque jour de périodes de toute évidence suffisantes pour se reposer adéquatement.

[Le souligné a été ajouté.]

[17]             Avant d'énoncer la question en litige et les principaux arguments des parties au soutien de leur position respective, j'estime pertinent de relever certains des faits apparus pendant le traitement de l'appel par le soussigné.

[18]             Compte tenu de l'importance du facteur temps, une première téléconférence préparatoire a eu lieu le 19 août 2014, à laquelle Mme Barbara Court représentait les intérêts de l'intimée. Puisque l'employée avait soulevé des questions de santé liées à sa grossesse pour refuser de travailler, l'avocat de l'employeur a demandé qu'on produise le dossier médical de Mme Patel lié à sa grossesse, en possession de la Midwife Alliance, bien avant que soit fixée la date de l'audience, pour pouvoir obtenir un avis médical distinct à temps pour l'audience. L'audience a ultérieurement été fixée aux 21 et 22 octobre. Mme Court ne s'est pas opposée à un tel arrangement, et une entente a été conclue à la téléconférence selon laquelle Mme Patel donnerait les autorisations nécessaires pour que la Midwife Alliance transmette l'information à l'avocat de l'employeur de manière rapide et diligente. L'avocat de l'appelante a envoyé les autorisations en question à Mme Court le jour suivant, soit le 20 août 2014.

[19]             Le 2 octobre 2014, l'appelante a informé le Tribunal du fait qu'elle n'avait pas encore obtenu d'autorisation dûment datée et signée permettant à l'employeur d'avoir accès au dossier médical tenu par la sage-femme, ce qui était préoccupant étant donné que les dates d'audience approchaient rapidement. Il semble que l'employée avait postdaté son autorisation au 8 octobre 2014, de sorte que la Midwife Alliance a refusé de transmettre les documents en septembre lorsqu'on lui a demandé de le faire. Malgré plusieurs tentatives de l'avocat de l'employeur d'arranger les choses avec le représentant de l'intimée, il n'est pas parvenu à le faire.

[20]             Comme le soussigné se trouvait à l'étranger entre le 20 septembre et le 11 octobre 2014, la deuxième téléconférence préparatoire n'a pas pu avoir lieu avant le 16 octobre 2014, au cours de laquelle M. Danny Andru, Représentant régional, Unifor - Conseil 4000, représentait l'intimée. Étant donné les circonstances susmentionnées, je me suis vu contraint d'émettre une ordonnance, datée du même jour, en vertu de l'alinéa 146.2(d) du Code, enjoignant à Mme Patel d'obtenir de la Midwife Alliance une copie de son dossier médical et de la transmettre à l'avocat de l'employeur au plus tard le 22 octobre 2014. Entre-temps, les dates d'audition des 21 et 22 octobre ont été annulées, et le Tribunal a entrepris de fixer des dates d'audience en novembre 2014.

[21]             Le 24 octobre 2014, M. Andru a indiqué au Tribunal par courriel que Mme Patel n'avait pas respecté l'ordonnance, qu'elle n'était plus suivie par la sage-femme et avait pris un rendez-vous avec son médecin « à la fin octobre ». Elle avait alors l'impression qu'il n'était plus pertinent d'obtenir le dossier de la sage-femme. À la lumière de ces renseignements, une troisième téléconférence préparatoire a eu lieu le 3 novembre 2014, à laquelle M. Andru a confirmé qu'il avait rappelé à Mme Patel son obligation de respecter l'ordonnance, mais qu'elle avait répondu qu'elle ne le ferait pas et qu'elle ne travaillait plus depuis le 29 septembre 2014 en raison, apparemment, de stress lié au travail. M. Andru a ajouté qu'il était alors possible que Mme Patel ne soit pas en mesure de participer à l'instruction du présent appel.

[22]             J'ai demandé à M. Andru de faire savoir au Tribunal, avant le 5 novembre 2014, si et quand Mme Patel transmettrait son dossier médical en possession de la Midwife Alliance, soit elle-même directement soit par l'intermédiaire de son médecin traitant. De plus, avant de fixer une nouvelle date d'audience, j'ai également demandé à M. Andru de voir si Mme Patel pourrait assister à l'audition de la présente cause et, dans la négative, d'indiquer par quel autre moyen il prévoyait présenter la preuve de Mme Patel, par exemple par une déclaration assermentée ou par témoignage par vidéoconférence.

[23]             Le 4 novembre 2014, M. Andru a indiqué au Tribunal par courriel que [traduction] « les intentions de Mme Patel sont qu'elle ne sera pas en mesure de divulguer les renseignements médicaux demandés d'ici le 5 novembre 2014 et qu'elle n'a pas l'intention de les divulguer à court terme, si elle le fait. Mme Patel m'a également fait savoir qu'elle n'assisterait pas à une audience orale. »

[24]             Dans les circonstances, j'ai décidé que l'appel procéderait au moyen d'observations écrites, sur le fondement du dossier soumis au Tribunal et des documents justificatifs supplémentaires, y compris la preuve documentaire ou les déclarations assermentées que les parties produiraient au Tribunal au soutien de leur position au sujet de l'appel.

Question en litige

[25]             La question soulevée par le présent appel est de savoir si Mme Patel – ou son fœtus- ont été exposés à un danger au sens du Code en raison de son horaire de travail, et de déterminer si l'instruction visée par le présent appel, qui a été émise après la conclusion d'existence d'un danger, est bien fondée en faits et en droit, dans les circonstances en l'espèce de cette affaire.

Observations des parties

A) Observations de l'appelante

[26]             En résumé, l'avocat de l'appelante soutient que l'agent de SST Misuraca a erré en jugeant que l'horaire de travail de Mme Patel le jour de son refus constituait un danger pour elle ou pour son enfant à naître. Après une revue des dispositions pertinentes du Code, à savoir les articles 128 et 132, l'avocat de l'employeur insiste sur le fait qu'une conclusion de danger ne peut être fondée sur une spéculation ou une hypothèse, mais doit plutôt découler de la probabilité raisonnable que le risque pour la santé de l'employée ou de son fœtus se matérialisera dans les circonstances. (Martin c. Canada (Procureur général) 2005 CAF 156; Société canadienne des postes c. Pollard, 2008 CAF 305; Verville c. Canada (Service correctionnel), 2004 CF 767).

[27]             L'avocat de l'employeur estime que la conclusion de danger à laquelle l'agent de SST en est venu dans la présente affaire a été tirée en l'absence de preuve factuelle ou de motifs médicaux. La preuve médicale présentée par Mme Patel est imprécise et n'explique pas de quelle manière l'horaire de travail de celle-ci présente un danger pour elle ou son enfant à naître ni pourquoi une variation aussi minime dans son horaire de travail supprimerait le risque pour sa santé. L'avocat soutient également que, peu importe que l'on considère la situation en vertu de l'article 128 ou de l'article 132 du Code, la preuve n'établit pas que les fonctions ou tâches présentent un risque pour la santé de l'employée ou de son fœtus. En fait, l'avocat de l'appelante estime que la preuve médicale présentée par Mme Patel est complaisante et doit être examinée dans le contexte de ses demandes antérieures de modification de son horaire de travail pour d'autres motifs que son état de santé. L'avocat conclut que l'avis du Dr Marcel Pigeon, selon lequel, tout compte fait, aucun risque raisonnable de problème de santé pour l'employée ou son fœtus n'a été établi, est concluant et devrait être privilégié.

[28]             L'avocat de l'employeur a également souligné le manque de collaboration de Mme Patel dans le processus d'appel et renvoie aux articles 142, 143, 146.1 et 146.2 du Code. À son avis, l'intimée devrait être empêchée de soumettre des preuves ou des conclusions supplémentaires compte tenu de son attitude et de son comportement à l'égard du processus d'appel.

B) Observations de l'intimée

[29]             Le représentant de l'intimée soutient que l'instruction est bien fondée. Il suggère d'abord que Mme Gardner a mal interprété les motifs de la demande de changement d'horaire de Mme Patel et, après avoir commenté le style de gestion de Mme Gardner, a soumis son avis selon lequel la preuve contenue dans sa déclaration assermentée n'est pas entièrement crédible et devrait être abordée avec prudence.

[30]             Le représentant de l'intimée soutient également que la note de la sage-femme de Mme Patel a confirmé que celle-ci était extrêmement fatiguée en après-midi et qu'il est raisonnable de conclure qu'elle serait plus fatiguée à 17 h qu'à 16 h. Il insiste sur le fait que, bien que l'employeur n'ait pas accepté les conclusions de la sage-femme parce que celle-ci n'est pas médecin, le recours aux sages-femmes est de plus en plus fréquent et leur expertise est largement admise, comme le reflète une publication de l'Organisation mondiale de la santé, qu'il cite dans ses observations. Par conséquent, il était déraisonnable que VIA Rail exige l'avis d'un médecin, étant donné que l'employée était suivie par une sage-femme depuis le début de sa grossesse et que, de toute évidence, un médecin ne serait pas au courant des antécédents de cette patiente. Il estime que VIA Rail doit prendre une partie du blâme puisqu'elle n'a pas reconnu la sage-femme de Mme Patel comme médecin et qu'elle a obligé celle-ci à consulter un médecin.

[31]             Le représentant de l'intimée souligne que le Dr Pigeon n'a jamais questionné ou examiné Mme Patel et qu'il n'a pas eu de contact avec son médecin ou sa sage-femme. L'agent de SST Misuraca était donc justifié de fonder ses conclusions et l'existence d'un danger sur la preuve médicale soumise, et l'instruction devrait donc être maintenue.

C) Réponse

[32]             L'avocat de l'appelante insiste pour que l'agent d'appel ne tienne pas compte des observations de l'intimée au sujet du style de gestion ou de la crédibilité de Mme Gardner, puisqu'elles ne sont fondées ni sur un témoignage ni sur une déclaration écrite.

[33]             L'avocat de l'appelante souligne que c'est le Code qui établit qui doit donner une justification médicale en vertu de l'article 132 et refuse la prétention selon laquelle ce serait le fait que VIA Rail aurait décidé unilatéralement qui accepter comme médecin qui aurait causé le problème. Quoi qu'il en soit, le point en litige n'est pas la question de savoir si une sage-femme devrait être considérée comme un « médecin » au sens de l'article 132, mais bien si l'horaire de Mme Patel constituait un risque (ou un danger) pour elle ou son enfant à naître. D'une façon ou d'une autre, la note médicale de la sage-femme et celle de la Dre Kashani ne donnent pas suffisamment de détails, et sont imprécises, non scientifiques, non concluantes et complaisantes, surtout dans le contexte du refus de Mme Patel de communiquer son dossier médical complet, d'assister à l'audience ou de se soumettre à un contre-interrogatoire.

Analyse

[34]             Après avoir examiné la preuve au dossier et les observations des parties, je suis d'avis d'annuler l'instruction, et ce, pour les motifs suivants.

[35]             L'instruction a été émise à la suite de l'enquête de l'agent de SST Misuraca sur le refus de travailler de Mme Patel le 27 juin 2014. L'article 128 du Code autorise l'employé à exercer le droit de refus dans les termes suivants :

128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche s'il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

  1. l'utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;
  2. il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;
  3. l'accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[36]             Le « danger » est défini à l'article 122 du Code de la manière suivante, selon le libellé en vigueur au moment du refus de travailler :

122. (1) « danger » Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats -, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[37]             La nature de l'analyse qui doit être faite avant de conclure au danger a fait l'objet de plusieurs jugements, qui nous donnent la marche à suivre pour appliquer la définition de danger relativement à une situation sur les lieux de travail ou, comme l'indique l'agent de SST Misuraca dans son instruction, l'accomplissement d'une tâche.

[38]             Pour ce qui concerne la notion de situation susceptible de causer des blessures ou de rendre une personne malade, la Cour d'appel fédérale a déclaré, dans Martin c. Canada (Procureur général) 2005 CAF 156 :

[37]             Je conviens qu'une conclusion de danger ne peut reposer sur des conjectures ou des hypothèses. Mais lorsqu'on cherche à déterminer si l'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un risque éventuel ou une activité future cause des blessures avant que le risque puisse être écarté ou que la situation soit corrigée, on traite nécessairement de l'avenir. Les tribunaux administratifs sont régulièrement appelés à interpréter le passé et le présent pour tirer des conclusions sur ce à quoi on peut s'attendre à l'avenir. Leur rôle en pareil cas consiste à apprécier la preuve pour déterminer les probabilités que ce qu'affirme le demandeur se produise plus tard.

[Le soulignement a été ajouté.]

[39]             Dans le même ordre d'idées, la Cour d'appel fédérale a écrit, dans Société canadienne des postes c. Pollard, 2008 CAF 305 :

[16]             Aux paragraphes 71 à 78 de ses motifs, l'agent d'appel a passé en revue la jurisprudence de la notion de « danger ». Se fondant plus particulièrement sur la décision de notre Cour dans Martin c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 156, et sur celle de la juge Gauthier dans Verville c. Canada (Service correctionnel), 2004 CF 767, l'agent d'appel a déclaré que le risque, la situation ou la tâche peuvent être existants ou éventuels; qu'en l'espèce, le risque était éventuel en soi; que, pour conclure à la présence d'un danger, il faut déterminer dans quelles circonstances le risque éventuel est raisonnablement susceptible de causer des blessures, et établir que ces circonstances se présenteront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable; que pour conclure à la présence d'un danger, il s'agit de déterminer les probabilités que ce qu'affirme le plaignant se produise plus tard; que le risque doit être raisonnablement susceptible de causer des blessures avant qu'il ne soit écarté; et qu'il n'est pas nécessaire d'établir à quel moment précis le risque surviendra, ni qu'il survient chaque fois.

[17]             Cet énoncé du droit est irréprochable ou, à tout le moins, il est raisonnable au sens de l'arrêt Dunsmuir.

[Le soulignement a été ajouté.]

[40]             Dans Verville c. Canada (Service correctionnel), 2004 CF 767, la Cour fédérale a déclaré :

[36]             Sur ce point, je ne crois pas non plus qu'il soit nécessaire d'établir précisément le moment auquel la situation ou la tâche éventuelle se produira ou aura lieu. Selon moi, les motifs exposés par la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Martin, susmentionnée, en particulier le paragraphe 57 de ses motifs, n'exigent pas la preuve d'un délai précis à l'intérieur duquel la situation, la tâche ou le risque se produira. Si l'on considère son jugement tout entier, elle semble plutôt reconnaître que la définition exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que telles circonstances se produiront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.

[Le soulignement a été ajouté.]

[41]             Le danger peut donc être prospectif dans la mesure où la tâche peut avoir lieu ultérieurement et où elle est raisonnablement susceptible de causer des blessures à la personne qui y est exposée ou de la rendre malade avant qu'on puisse modifier la tâche. Les règles formulées par ces extraits de jugement pertinents sur l'application de l'article 128, et la définition de « danger » sont fondées sur l'obligation de l'agent d'appel de réaliser une appréciation prudente des faits dans chaque cas. Le fait qu'un danger soit immédiat ou prospectif ou la conclusion qu'une situation est raisonnablement susceptible de causer des blessures ou de rendre une personne malade doivent être fondés sur une preuve solide et convaincante.

[42]             En l'espèce, la preuve en cause est essentiellement de nature médicale, à la lumière des motifs invoqués par Mme Patel pour refuser de travailler, qui concernent sa grossesse. Le processus d'appel a été décrit comme un processus de novo dans lequel l'agent d'appel n'est pas lié par les conclusions de l'agent de santé et de sécurité ni les conclusions factuelles énoncées dans son rapport d'enquête (Société canadienne des postes, 2010 TSSTC 002; Service correctionnel du Canada (SCC) Établissement Millhaven (Le 10 août 2006), No de la décision : 06-026). Il incombe aux parties de présenter une preuve qui permettra à l'agent d'appel de tirer des conclusions éclairées sur l'existence d'un danger fondées sur les faits de la cause.

[43]             Après avoir étudié la preuve médicale au dossier, je suis d'avis qu'il n'a pas été établi de manière concluante que l'horaire de travail de Mme Patel en vigueur lors de son refus de travail représentait des risques pour sa santé ou celle de son enfant à naître, qui pourraient être jugés comme constituant un danger au sens du Code.

[44]             La note de la Dre Kashani est au mieux énigmatique et n'indique d'aucune manière, à mon avis, que l'horaire de travail de Mme Patel est susceptible de lui causer ou de causer à son fœtus des blessures ou de les rendre malades. La Dre Kashani n'est pas le médecin traitant de Mme Patel. Sa note est fondée uniquement sur la déclaration de Mme Patel selon laquelle elle se sent fatiguée en après-midi et ne mentionne aucun examen médical qui aurait révélé une question de santé particulière ou une pathologie liée à la grossesse. En fait, la note utilise les mots [traduction] « dans son intérêt » de commencer à travailler plus tôt et [traduction] « comme elle le souhaite ». On peut difficilement affirmer que cette mention établit que Mme Patel sera exposée à un danger, c.-à-d. à une probabilité raisonnable de maladie ou de blessures si elle continue à travailler selon l'horaire en cours.

[45]             Pour ce qui est de la note de la sage-femme de Mme Patel datée du 25 juin 2014, cette note mentionne la [traduction] « fatigue causée par la grossesse » et recommande que son horaire débute plus tôt étant donné qu'elle [traduction] « devient extrêmement fatiguée en après-midi », selon ce que lui aurait dit Mme Patel. Je suis d'accord avec l'appelante quand celle-ci soutient que la sage-femme n'est pas « médecin » selon ce qui est prévu à l'article 132 et défini à l'article 166 du Code, et à ce titre ne pouvait donc pas respecter les exigences de l'article 132 pour justifier la réaffectation préventive de ses tâches. Puisque l'instruction n'a pas été émise sur le fondement de l'article 132, je considère cette question non pertinente pour disposer de l'appel. Je suis toutefois disposé à examiner l'avis de la sage-femme, contenu dans sa note, comme preuve pertinente pour établir si oui ou non un danger existait. L'importance qu'on doit donner à cette preuve devient alors la question à trancher. Comme dans le cas de la note de la Dre Kashani, je suis également d'avis que cette note n'établit pas que Mme Patel risquait d'être en danger si elle continuait de travailler selon l'horaire qui lui avait été attribué. Je ne suis tout simplement pas en mesure de tirer du court libellé de cette note la conclusion que, selon des probabilités raisonnables, Mme Patel ou son fœtus seraient exposés à un danger pour leur santé si l'horaire n'est pas modifié par un déplacement d'une heure du début et de la fin du quart de travail pour les trois jours sur cinq pendant lesquels son horaire est de 9 h à 17 h.

[46]             Aucune de ces notes ne mentionne de situation particulière ou anormale liée à la grossesse de Mme Patel qui expliquerait pourquoi un changement aussi subtil de son horaire de travail pourrait supprimer le risque éventuel pour sa santé ou celle de son fœtus auquel on me demande de conclure, et qui expliquerait pourquoi l'absence de changement à l'horaire présenterait un danger pour elle. En l'absence de preuve plus précise de ces personnes sur la nature de la maladie ou des blessures et le lien de causalité avec l'horaire de travail, je me demande comment cette conclusion pourrait s'expliquer. J'accepte donc l'avis du Dr Pigeon, selon son évaluation des circonstances, selon lequel les notes d'évaluation ou la note de la Dre Kashani pour le 28 juin 2014 ne nous permettent pas d'établir si Mme Patel pouvait présenter un état médical précis inhabituel tel que, dans sa situation particulière, même une variation si minime de son horaire de travail de jour pourrait avoir les moindres répercussions médicales vérifiables.

[47]             L'accomplissement de tâches exigeantes physiquement, l'exposition à certains agents chimiques ou, comme l'indique le Dr Pigeon, le travail selon des quarts rotatifs, ne nécessitent pas de justification médicale approfondie pour soutenir la conclusion que ces activités peuvent présenter des risques inacceptables pour une employée enceinte. Il est toutefois difficile de tirer la même conclusion en l'absence de justification médicale plus poussée au sujet du type de changement d'horaire demandé par Mme Patel. J'insiste sur le fait que ni la Dre Kashani ni la sage-femme de Mme Patel n'ont été appelées à témoigner ou à transmettre une preuve par déclaration assermentée, ce qui aurait permis d'établir de manière plus persuasive que l'horaire de Mme Patel présentait un danger pour elle ou son fœtus, plutôt qu'un inconvénient ou un inconfort. En fait, j'oserais dire que ces notes décrivent la fatigue et l'inconfort associé que vivent fréquemment plusieurs femmes enceintes au début de leur grossesse. Pour en venir à une conclusion de danger dans un tel contexte, je suis d'avis qu'une évaluation médicale plus détaillée de l'état de santé de la patiente et de l'enfant à naître, des symptômes de l'employée, des antécédents médicaux de la patiente, de l'environnement de travail ainsi qu'une explication des risques possibles de complication qui s'ensuivent sont nécessaires.

[48]             Par conséquent, en l'absence de preuve médicale persuasive liant sans équivoque l'horaire de Mme Patel à une menace potentielle pour sa santé et celle de son fœtus, je ne suis tout simplement pas en mesure de conclure à un danger.

[49]             De plus, et c'est là que le comportement de Mme Patel dans le contexte de la présente instance devient également pertinent pour ma décision selon laquelle son horaire de travail ne l'a pas exposée et n'a pas exposé son fœtus à un danger au sens du Code. Mme Patel aurait pu témoigner quant aux symptômes ressentis ou à ses antécédents médicaux qui peuvent être pertinents au présent litige, ne fut-ce que pour réfuter l'allégation selon laquelle elle aurait soulevé un danger uniquement en raison du rejet de sa demande de changement d'horaire pour des motifs apparemment pratiques et non liés à sa santé. Elle a malheureusement choisi d'adopter une attitude désinvolte relativement au processus d'appel et a informé le Tribunal, par l'intermédiaire de son représentant, qu'elle ne communiquerait pas son dossier médical détenu par sa sage-femme, malgré que j'aie rendu une ordonnance en ce sens, et ne participerait d'aucune manière à l'audience d'appel, sans explication ou justification.

[50]             Dans ce contexte, je n'ai d'autre choix que de tirer des conclusions défavorables contre la prétention de Mme Patel selon laquelle elle était exposée à un danger le 28 juin 2014, lorsqu'elle a refusé de travailler. De plus, je ne peux pas mettre de côté la preuve non contestée qu'elle a demandé à deux reprises, peu avant son refus de travailler, de modifier son horaire de travail pour débuter plus tôt, sans invoquer de problèmes de santé. En l'absence de témoignage de sa part pour élucider certains de ces faits et de preuve médicale plus précise et persuasive liée à sa situation particulière, je ne suis pas enclin à donner beaucoup d'importance aux déclarations de Mme Patel qui, comme je l'ai déjà mentionné, formaient la partie principale de la preuve médicale qu'elle a remise à son employeur ou soutien de sa demande.

[51]             Il est regrettable que Mme Patel, en raison de son attitude dans la présente instance, ait nui à sa cause. Son omission initiale, suivie par son refus catégorique de respecter l'ordonnance de production de l'agent d'appel est inacceptable et méprisante du processus d'appel. Ces mesures constituent, en vertu du Code, une infraction exposant Mme Patel à des poursuites pénales. Les pouvoirs de l'agent d'appel concernant le respect de ses ordonnances sont limités et, dans cette mesure, le système d'appel est grandement fondé, en fin de compte, sur la bonne volonté des parties de collaborer. La décision d'une partie de ne pas collaborer et de ne pas participer non plus au processus, comme l'a fait Mme Patel, nuit à la bonne administration de la justice et ne peut que nuire aux intérêts de cette partie.

[52]             En dernier lieu, je suis conscient du fait que d'ici à ce que ces motifs soient publiés, la question en litige ne sera plus pertinente puisque Mme Patel aura donné naissance à son enfant. Les parties n'ont pas soulevé le caractère théorique du litige. Je ne peux pas m'empêcher d'être préoccupé par le fait que l'absence de coopération de Mme Patel, qui a entraîné des retards dans la gestion de la cause en appel, a servi des motivations personnelles compte tenu de l'importance du facteur temps et de l'obligation légale de l'employeur de respecter l'instruction pendant l'appel. Néanmoins, j'espère que ces motifs fourniront une orientation aux parties pour les situations de même nature qui pourraient survenir à l'avenir.

[53]             Pour tous ces motifs, je conclus que la preuve médicale qui m'a été présentée n'établit pas de manière concluante que l'horaire de travail de Mme Patel l'a exposée à une situation qui est raisonnablement susceptible de lui causer des blessures ou de la rendre malade ou de rendre son fœtus malade lorsqu'elle a refusé de travailler le 27 juin2014. Ainsi, l'instruction de l'agent de SST Misuraca n'est pas fondée en faits et en droit. Par conséquent, l'appel est accueilli et l'instruction est par les présentes annulée.

Décision

[54]             Pour ces motifs, j'annule l'instruction émise le 3 juillet 2014 par l'agent de SST Misuraca.

Pierre Hamel
Agent d'appel

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