2015 TSSTC 16

ate :

2015-08-28

Dossier :

2012-42 & 2013-37

Entre :

Société Terminaux Montréal Gateway, appelante

et

Syndicat des débardeurs de Montréal, SCFP, section locale 375, intimé

et

Association Internationale des Débardeurs, section locale 1657, intimée

Indexé sous : Société Terminaux Montréal Gateway c. Syndicat des débardeurs de Montréal, SCFP et Association Internationale des Débardeurs

Affaire :

Appel en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail de deux instructions émises par un agent de santé et de sécurité

Décision :

La première instruction est modifiée.

La seconde instruction est modifiée.

Décision rendue par :

M. Jean Arteau, Agent d’appel

Langue de la décision :

Français

Pour l’appelante :

Me Nicola Di Iorio, avocat et Me Geneviève Beaudin, avocate

Langlois Kronström Desjardins S.E.N.C.R.L.

Pour les intimés :

Me Isabelle Leblanc, avocate, Lamoureux Morin Lamoureux, pour le Syndicat des débardeurs de Montréal, SCFP, section locale 375

M. Christian Parent, représentant, Association Internationale des Débardeurs, section locale 1657

Référence :

2015 TSSTC 16

MOTIFS DE DÉCISION

[1] La présente décision concerne deux appels interjetés par Société Terminaux Montréal Gateway (STMG) en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail (le Code) à l’encontre d’instructions émises par M. Alain Testulat, agent de santé et de sécurité (agent de SST), la première le 18 juin 2012, et la seconde le 12 juin 2013.

[2] Le syndicat des débardeurs, SCFP section locale 375(ci-après SCFP) qui représente quelque 850 débardeurs au Port de Montréal et le syndicat internationale des débardeurs, section locale 1657(ci-après l’AID) qui représente quelque 120 vérificateurs sont les intimés dans cette affaire.

Contexte

La première instruction

[3] Le 16 mai 2012, à la suite de deux plaintes déposées par les membres employés du comité de santé et de sécurité les 20 et 23 avril 2012, M. Alain Testulat, agent de SST, a rencontré MM. Erick Paré, spécialiste de la santé et de la sécurité au travail à STMG, Christian Parent, employé membre du comité de santé et de sécurité au travail à l’Association Internationale des Débardeurs (AID), Alexandre Gagnon, directeur, santé et sécurité au travail à l’Association des employeurs maritimes (AEM), Steve Desjardins, coprésident du comité de santé et de sécurité au travail et débardeur, et Eric Collin, représentant de santé et de sécurité du Syndicat des débardeurs de Montréal, SCFP. MM. Parent et Desjardins alléguaient que, depuis plus d’un an à l’époque, le comité local n’était plus consulté dans le cadre des enquêtes portant sur des situations comportant des risques.

[4] Selon M. Paré, le seul moment où l’employeur consulte le comité de santé et de sécurité au travail dans le cadre d’une enquête sur les situations comportant des risques était lorsqu’un employé était blessé, jamais lorsqu’un incident ne faisait que des dommages matériels. À la question de l’agent de SST sur les situations précises associées à des dommages matériels, comme la chute de conteneurs d’expédition ou les dommages liés à des machines et à du matériel, M. Paré a répondu que le comité local ne participait pas aux enquêtes menées sur ces situations. M. Collin a remis à l’agent de SST un document daté de 2008 expliquant les procédures d’enquête de STMG sur les situations comportant des risques, mais M. Paré a dit que ces procédures n’étaient plus respectées depuis belle lurette. M. Paré a demandé quelle était la définition juridique de « situations comportant des risques ». L’agent de SST a remis à M. Paré une promesse de conformité volontaire (PCV), mais l’employeur a refusé de la signer parce qu’il contestait l’interprétation que faisait l’agent de SST des « situations comportant des risques » et de l’obligation de l’employeur de faire participer le comité local à toutes les enquêtes.

[5] À la suite du refus de l’employeur de signer la PCV, l’agent de SST a rencontré à nouveau MM. Paré, Parent, Gagnon, Desjardins et Collin. Comme M. Paré est resté sur sa position, l’agent de SST Testulat a émis l’instruction suivante le 18 juin 2012:

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU
PARAGRAPHE 145.1 a)

Le 16 mai 2012, l’agent de santé et de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par Société Terminaux Montréal Gateway., employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail et sis aux terminaux 62 et 77 du port de Montréal à Montréal, QC (CP 360, Station K, Montréal, QC).

Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du Travail sont enfreintes

125. (1) c) - Partie II du Code canadien du Travail.

15.4 (1) - Règlement canadien sur la santé et sécurité au travail.

L’employeur n’a pas avisé les membres employés du comité local de santé et de sécurité pour que ceux-ci puissent participer pleinement aux enquêtes de situation comportant des risques lors de la chute de conteneurs sur les terminaux ou d’accidents sur les lieux du travail impliquant de la machinerie ou de l’équipement et qui n’implique pas de blessure invalidante.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145.(1) a) de la partie II du Code canadien du travail, a cesser toute contravention au plus tard le 3 juillet 2012.

Fait à Montréal ce 18e jour de juin 2012.

[signé]
Alain Testulat
[…]

À : M. Éric Paré
Société Terminaux Montréal Gateway […]
[…]

[6] Le 29 juin 2012, M. Paré a déposé un avis d’appel de la première instruction auprès du Tribunal de santé et sécurité au travail Canada (Tribunal). Le 23 juillet 2012, M. Paré a demandé la suspension de la mise en œuvre de l’instruction. L’agent d’appel a rejeté la demande dans la décision Société Terminaux Montréal Gateway et Syndicat des débardeurs S.C.F.P., section locale 375 et l’Association Internationale des Débardeurs, section locale 1657, 2012 TSSTC 31.

La seconde instruction

[7] Le 8 avril 2013, l’agent de SST Testulat a eu un entretien téléphonique avec M. Paré au sujet de sa visite prochaine à STMG au Port de Montréal. M. Paré a mentionné qu’il ne pourrait pas parler franchement en présence des employés en raison de l’appel en cours de la première instruction. Il a également informé l’agent de SST que le comité local ne serait ni informé de l’inspection de l’agent de SST, ni ne serait invité à y participer. L’agent de SST a fait remarquer que cette pratique n’était pas conforme au Code.

[8] Le 10 avril, au lieu de travail de l’appelante, l’agent de SST Testulat a rencontré MM. Paré, Pratt, Lavoie, Collin et Parent. MM. Collin et Parent ont confirmé que STMG n’avait pas pour politique d’informer le comité de santé et de sécurité au travail ni de l’inviter à participer aux enquêtes sur les situations comportant des risques. M. Paré a mentionné que des délégués en santé et sécurité au travail étaient mandatés pour mener les enquêtes, ce à quoi l’agent de SST a répondu que la politique et la pratique de l’appelante n’étaient pas conformes au Code.

[9] Après avoir reçu la correspondance de M. Paré dans le cadre de ses efforts en vue de remplir une PCV, l’agent de SST Testulat a établi que l’appelante était toujours en violation du Code. Dans un entretien téléphonique le 11 juin 2013, M. Paré a répété que STMG ne changerait pas ses pratiques étant donné l’appel en cours de la première instruction. L’agent de SST a également informé M. Paré que les conventions collectives conclues avec des syndicats ne pouvaient autoriser ou causer des contraventions au Code.

[10] Le lendemain, l’agent de SST Testulat a rencontré MM. Paré, Gagnon, Lavoie, Provost, Lapierre, Desjardins et Parent au bureau de l’appelante. M. Lavoie a expliqué que, lorsqu’une enquête sur les situations comportant des risques est nécessaire, le surintendant du lieu de travail appelle le comité local pour savoir si un membre se trouve dans le lieu de travail et est disponible pour participer à l’enquête. Dans le cas contraire, un délégué en santé et sécurité au travail désigné par l’employeur (ci-après, un « délégué ») le remplace. L’agent de SST a indiqué que cette pratique contrevenait à l’exigence contenue au Code, qui exige qu’un membre du comité local soit appelé où qu’il soit et, si personne n’est disponible, le représentant soit un délégué désigné par le comité local, et non par l’employeur.

[11] À la suite de cette rencontre, l’agent de SST Testulat a émis l’instruction suivante, le 12 juin 2013 :

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU
PARAGRAPHE 145.1 a)

Le 12 juin 2013, l’agent de santé et de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par Société Terminaux Montréal Gateway., employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail et sis aux terminaux 62 et 77 du port de Montréal à Montréal, QC

Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du Travail sont enfreintes

135. (7) e) - Partie II du Code canadien du travail.
15.4 (1) - Règlement canadien sur la santé et sécurité au travail.

L’employeur n’a pas avisé sans délai les membres employés du comité local de santé et de sécurité pour que ceux-ci puissent participer pleinement aux enquêtes de situation comportant des risques lors d’accidents sur les lieux du travail impliquant une ou des blessures invalidantes et blessures légères chez un ou des employés.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145. (1) a) de la partie II du Code canadien du travail, a cesser toute contravention au plus tard le 21 juin 2013.

Fait à Montréal ce 12e jour de juin 2013.

[signé]
Alain Testulat
[…]

À : M. Éric Paré
Société Terminaux Montréal Gateway […]
[…]

[12] Après avoir reçu l’instruction, M. Paré a insisté à nouveau pour dire que l’appelante ne changerait pas ses pratiques d’enquête sur les situations comportant des risques. L’agent de SST a informé M. Paré que l’employeur était tenu de respecter les instructions, sauf si un agent d’appel du Tribunal statue autrement. M. Paré a répété que l’appelante maintiendrait ses pratiques actuelles, ce à quoi l’agent de SST a répondu qu’elles n’étaient pas conformes au Code.

[13] Le 8 juillet 2013, M. Paré a déposé un avis d’appel de la seconde instruction, que l’agent d’appel a annexée plus tard au dossier de la première instruction.

Questions en litige

[14] Je dois déterminer si l’agent de SST Testulat a eu raison d’émettre la première instruction en vertu du paragraphe 145(1) identifiant une contravention à l’alinéa 125(1)c) du Code et du paragraphe 15.4(1) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (le Règlement).

[15] Je dois également déterminer si l’agent de SST a eu raison d’émettre la seconde instruction en vertu de l’alinéa 135(7)e) du Code et du paragraphe 15.4(1) du Règlement.

Observations des parties

A) Observations de l’appelant

[16] STMG a présenté les témoins suivants : M. Jean-Nicolas Lavoie, M. Nicolas Dolbec, M. Daniel Beaubien, M. Alexandre Gagnon et M. Erick Paré.

[17] M. Jean-Nicolas Lavoie, directeur des Opérations a témoigné au sujet des opérations de MGT dans le port de Montréal. Il a expliqué le milieu de travail dans lequel les débardeurs et vérificateurs doivent travailler. Il a indiqué que c’est le surintendant qui effectue les enquêtes lors d’incidents et que celui-ci doit choisir un délégué sur place pour faire enquête. Il de plus mentionné que le surintendant s’assure de la présence d’un délégué lors des enquêtes mais que le comité ne participe pas en général.

[18] M. Nicolas Dolbec directeur adjoint aux opérations maritimes pour l’AEM a décrit le rôle et les responsabilités de l’Association des employeurs maritimes concernant le déploiement et la classification de la main-d’œuvre au Port de Montréal. En contre-interrogatoire, M. Dolbec a affirmé que la classification « délégué » n’est pas un critère considéré lors du déploiement de la main-d’œuvre pour le déploiement. Il a de plus confirmé qu’il n’y a pas de certitude qu’il y aura un membre du comité local ou un délégué présent à tous les quarts de travail.

[19] M. Daniel Beaubien, surintendant aux opérations de STMG, a décrit le rôle et les responsabilités des surintendants. Il a indiqué que lors d’accidents, il demande au grand contremaître de trouver un délégué pour participer à l’enquête. Il a en outre indiqué qu’avant la remise de la première instruction, s’il n’y avait pas de blessés ou lorsqu’il n’y avait que des dommages matériels, l’enquête se limitait à une prise de photos et de notes sans la présence d’un délégué.

[20] M. Alexandre Gagnon, directeur de la SST à l’AEM, a indiqué qu’il y a au port, les catégories d’incidents suivants : 1) les dommages matériels, 2) les quasi-incidents ou les « oups » ou « passé proche, 3) les incidents impliquant une blessure légère sans perte de temps, 4) les incidents impliquant une blessure invalidante, 5) les maladies professionnelles. Il a indiqué que pour les accidents ou incidents sans blessures (les oups ou passé-proche) aucune enquête n’est tenue et aucun délégué n’est appelé.

[21] M. Érick Paré, Spécialiste en SST chez STMG a expliqué le processus d’enquête suivi par STMG en cas d’accidents, de maladies professionnelles ou de d’autres situations comportant des risques. Il précise qu’un délégué n’est pas toujours appelé en cas d’as d’incident surtout s’il n’y a pas de blessés. Lorsqu’il y a blessure invalidante le surintendant et un délégué font enquête. Il affirme que le temps d’attente d’un membre du comité local aurait des impacts sur les clients.

Les instructions sont vagues et ambiguës

[22] L’employeur conteste les deux instructions d’abord au motif qu’elles ont été émises aux termes de l’alinéa 145.1a) du Code, lequel alinéa n’existe pas. Les instructions devraient avoir été émises aux termes de l’alinéa 145(1)a) du Code, et le défaut de l’agent de SST d’indiquer correctement l’autorité sous laquelle il a émis ses instructions invalide ces dernières.

[23] L’appelante affirme ensuite que les deux instructions sont vagues et ambiguës, citant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Association des employeurs maritimes c. Harvey, [1991] F.C.J. no 325, p.4 et la décision de ce Tribunal dans l’affaire Sky Harbour Aircraft Refinishing et Tracy Chambers, No de la décision : 06-032 (Le 4 octobre 2006). L’appelante indique que ces affaires confirment le principe selon lequel un agent de SST doit émettre des instructions qui expliquent clairement et précisément en quoi l’employeur n’a pas respecté les normes du Code ou du Règlement et quels résultats seraient considérés conformes. Dans le cas qui nous occupe, l’appelante dit n’être au fait d’aucun événement précis sur lequel l’agent de SST s’est fondé pour émettre son instruction. De plus, l’appelante fait remarquer qu’elle ignore comment se conformer à l’instruction, car la contravention qui y est décrite est elle-même vague.

[24] L’appelante soumet que le libellé des deux instructions sont vagues et ambigus ce qui l’empêche de connaître précisément ce qui lui est reproché, et ce qui doit être fait pour s’y conformer. Ces éléments sont des informations élémentaires à la validité même d’une instruction et leur absence doit entrainer la nullité des instructions.

[25] STMG fait valoir que les incidents qui n’entrainent que des blessures légères ou des dommages matériels ne justifient pas la tenue d’une enquête en vertu du Code ou du Règlement, et que d’exiger la tenue d’une enquête sans obligation expresse dans le Code ou le Règlement est une erreur de droit de l’agent de SST.

Activités de l’appelante au Port de Montréal et le comité local

[26] L’appelante explique que la répartition des débardeurs entre les sept terminaux du Port de Montréal relève de AEM - duquel est membre l’appelante -, selon les besoins de chaque terminal, et ce, pour les trois quarts de travail quotidiens. Les débardeurs, qui sont chacun affectés à un terminal principal et à au moins deux terminaux secondaires, sont détachés au terminal qui leur est affecté pour la journée. La plupart du temps, les débardeurs devraient travailler à leur terminal principal, mais il n’y a pas de garantie de lieu d’affectation.

[27] Par exemple, M. Dolbec a déclaré que Benoit Gareau, membre du comité local, se trouvait au terminal Racine de STMG durant 60 % de ses quarts de travail, alors que Steve Desjardins, qui était coprésident du comité en mai 2013, se trouvait au terminal Cast de STMG durant 75 % de ses quarts de travail. L’appelante soumet qu’au moins un délégué est présent à chaque quart de travail.

[28] En ce qui concerne le comité local, l’appelante a indiqué qu’au moment de l’audience, le SCFP n’avait que deux postes comblés sur une possibilité de trois, alors que l’AID n’en avait qu’un. Selon les conventions collectives, d’autres personnes qui ne sont pas membres peuvent participer aux réunions du comité. Par exemple, des représentants syndicaux peuvent participer aux rencontres, à titre de conseillers ou d’invités.

[29] L’appelante indique que l’employeur et chacun des syndicats ont droit à trois représentants au sein du comité local. Le SCFP a deux représentants permanents et l’AID en a un. STMG cite les témoignages de MM. Parent et Beaubien selon lesquels beaucoup de postes au comité du côté des syndicats sont comblés en fonction des disponibilités de leurs collègues des syndicats. Quiconque siège au comité en tant que membre représentant les employés est également un délégué.

[30] Sur le plan logistique, étant donné le nombre limité de membres du comité et le fait que les membres du comité peuvent être déployés à d’autres terminaux que ceux de STMG ou ne pas être de service, le recours à des délégués permet de poursuivre les activités des terminaux de l’AEM comportant une contrainte de temps, tout en évitant d’empiéter sur la vie des membres du comité à l’extérieur du travail.

[31] STMG a fait valoir qu’à chacune de ses neuf réunions pendant l’année, le comité local peut consulter les déclarations des témoins et les photos prises au moment d’une enquête, ainsi que le témoignage de toutes les personnes en cause.

[32] Le syndicat désigne un groupe de membres pour agir comme délégués et choisit ses représentants au comité local parmi ce groupe. L’appelante affirme également que, dans les situations d’accidents et de refus de travailler, les délégués sont les suppléants convenus des membres du comité local dans le cadre de l’enquête. STMG soutient que les délégués aux termes des conventions collectives représentent une alternative au sens du paragraphe 135.1(6) du Code, puisque les délégués sont choisis par le syndicat, et non par l’employeur.

[33] STMG indique qu’il y actuellement 90 débardeurs, ou un débardeur du SCFP sur huit, qui sont désignés comme délégués, dont une vingtaine sont principalement affectés aux terminaux de STMG. Il n’y a pas de nombre maximal de délégués.

[34] Les témoins de l’employeur et de l’intimé ont indiqué que l’AEM donnait de la formation à tous les délégués sur la tenue des enquêtes, l’interrogatoire des témoins, les mesures préventives et la partie II du Code en général. Ils reçoivent aussi une formation de leur syndicat respectif.

[35] L’employeur explique qu’il tient un registre de tous les incidents qui surviennent dans le lieu de travail, incidents qu’il classe selon qu’il s’agit de blessures invalidantes, de blessures légères, d’« autres situations comportant des risques », de « oups » (sic) ou de quasi-incidents (sic). Le comité peut consulter ce registre à chacune de ses réunions et sur demande.

Chute de conteneurs d’expédition

[36] L’appelante indique que, normalement, les conteneurs vides ne sont pas placés avec les conteneurs pleins. Ils sont identifiés de façon à les distinguer des autres. Lorsqu’on trouve un conteneur vide avec des conteneurs pleins, la zone est sécurisée.

[37] Pour éviter la chute de conteneurs causée par de forts vents, STMG a mis en place une directive portant sur les vents excessifs qui a été élaborée en tenant compte des risques possibles de grands vents basée sur une étude faite par une firme d’ingénieures.

[38] Lorsque les vents atteignent 72 km/heure, l’employeur ferme des sections des terminaux et arrête le chargement et le déchargement des conteneurs par grue. Les règles spéciales sur l’utilisation des chariots élévateurs s’appliquent, et une interruption totale des activités peut même survenir. Les employés sont informés par radio.

[39] Le surintendant Daniel Beaubien a témoigné qu’il n’avait eu connaissance d’aucune situation où un conteneur était tombé sans que STMG n’ait eu le temps de sécuriser la zone et de confirmer l’évacuation de toutes les personnes présentes.

[40] Lorsqu’un conteneur d’expédition tombe lors d’un épisode de grands vents, il tombe du côté de la pile de conteneurs, et le surintendant rédige un rapport sans la présence d’un délégué parce qu’il ne s’agit que de dommages matériels.

[41] M. Alexandre Gagnon de l’AEM a expliqué que ce genre de situation survenait trois ou quatre fois par année Chez STMG mais il n’y a jamais eu de blessé lors d’une chute de conteneur. mais que ce n’était jamais arrivé aux terminaux de l’appelante

Blessures légères

[42] L’appelante invoque que l’article 15.7 du Règlement referme la portée complète des obligations relatives aux incidents entraînant une blessure légère, telle que définie à l’article 15.1, c.-à-d. qu’il faut inscrire une telle blessure dans le registre tenu à cette fin mais qu’une enquête n’est pas nécessaire. L’appelante fait valoir que l’obligation de faire enquête prévue à l’article 15.4 du Règlement ne vise pas les blessures légères.

Définition d’« accident »

[43] L’appelante soutient qu’il y a trois catégories distinctes d’incidents qui doivent faire l’objet d’une enquête aux termes du paragraphe 15.4(1) du Règlement : les accidents, les maladies professionnelles et les « autres situations comportant des risques ». En ce qui concerne les « accidents », l’appelante a suggéré deux définitions possibles. La première provient du Guide du programme de prévention des risques du Programme du travail, accessible en ligne :

On s’entend généralement pour dire qu’un accident du travail est un événement désagréable et non souhaité attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail et entraînant un décès, une blessure physique ou une intoxication aiguë lorsqu’il y a exposition à un produit toxique sur une très courte période de temps.

[44] La seconde définition d’« accident » est tirée de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles québécoise, RLRQ c A-3.001, qui définit un « accident de travail » comme étant « un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle. »

« Autres situations comportant des risques »

[45] L’appelante soutient également que l’expression « autres situations comportant des risques » au paragraphe 15.4(1) du Règlement peut être interprétée comme étant différente de l’expression « situations comportant des risques ». Pour appuyer cette affirmation, elle cite le document du Programme du travail, accessible en ligne, « Rapport annuel de l’employeur concernant les situations comportant des risques : Foire aux questions », qui porte sur le formulaire exigé aux fins de l’article 15.10 du Règlement. L’appelante affirme que les « autres situations comportant des risques » se limitent aux situations suivantes : une explosion; l’endommagement d’une chaudière ou d’un appareil sous pression qui a provoqué un incendie ou la rupture de la chaudière ou du réservoir sous pression; l’endommagement d’un appareil élévateur le rendant inutilisable ou la chute libre d’un appareil élévateur; l’évanouissement d’un employé causé par une décharge électrique ou par l’exposition à des gaz toxiques ou à de l’air à faible teneur en oxygène; la nécessité de recourir à des mesures de sauvetage ou de réanimation ou à toute autre mesure d’urgence semblable; ou un incendie.

[46] M. Paré a fait valoir que, dans les communications avec les employeurs relevant de la compétence fédérale, le Programme du travail a insisté sur le fait que cette définition des « autres situations comportant des risques » était différente de celle des « situations comportant des risques » en général. Pour qu’une situation soit considérée comme une « autre situation comportant des risques », elle doit avoir entraîné l’une ou l’autre des répercussions mentionnées ci-dessus.

[47] L’appelante soutient que l’approche de l’organisme de réglementation justifie une certaine retenue et qu’il n’appartient pas au Tribunal de rejeter l’approche du gouvernement en ce qui concerne la réglementation des employeurs relevant de la compétence fédérale.

Procédure d’enquête

[48] Une enquête est menée en cas de blessure invalidante, lorsqu’un employé est incapable de finir son quart de travail et consulte un médecin ou en cas de maladie professionnelle ou d’une « autre situation comportant des risques ». Il n’y a pas d’enquête lorsqu’un incident n’entraîne que des dommages matériels ou des blessures légères.

[49] Lors d’une enquête, le surintendant suit d’abord les procédures d’urgence pour s’assurer que, si une personne est blessée, elle reçoit les soins médicaux appropriés, y compris en appelant une ambulance, au besoin. Il évalue également le lieu de travail afin de déterminer s’il y a un danger. Par la suite, il procède à la cueillette des faits, examine l’information avec un délégué, s’assure qu’aucun matériel n’a été déplacé, prend des photos, identifie les lieux et la séquence des événements et consigne tous les dommages subis. Il peut également interroger les témoins. Les activités reprennent à moins qu’il n’y ait un blessé. Le surintendant détermine ensuite quelles mesures doivent être prises pour éviter que l’incident se reproduise.

[50] Le surintendant recueille les déclarations de tous les employés touchés par l’incident. Toutes les mesures sont prises en présence d’un délégué ou d’un membre du comité local. Le surintendant soumet son rapport au spécialiste en santé et sécurité au travail de STMG, et à d’autres membres du personnel au besoin. Le spécialiste entre ensuite les renseignements dans un registre, conformément au Code, et le rapport est envoyé au Programme du travail, au comité local et au syndicat de l’employé touché. Pour chaque enquête, STMG utilise le formulaire Rapport d’enquête de situation comportant des risques annexé à la partie XV du Règlement.

[51] Lorsqu’un employé informe son supérieur d’un danger potentiel dans un lieu de travail, que ce soit par écrit ou verbalement, des mesures de suivi sont mises en place. Les employés membres du comité local peuvent demander une copie de la plainte et des évaluations et formuler des recommandations. Si un employé n’est pas satisfait des mesures prises par l’employeur, le Code prévoit d’autres recours.

[52] Dans le cas d’un incident qui n’est pas un accident, une maladie professionnelle ni « une autre situation comportant des risques », en particulier un incident qui n’entraîne que des dommages matériels, l’employeur remplit une « déclaration d’incident » dans un registre et utilise ces renseignements pour aider à gérer le risque futur et les communique à différents services de STMG et de l’AEM. D’autres mesures peuvent être appliquées, comme la prise de photos ou la rédaction d’un rapport. Le comité local peut consulter le registre et formuler des recommandations à la lumière de son examen.

[53] L’appelante soutient que d’exiger de l’employeur qu’il fasse enquête dans les cas de « oups », quasi-incident et dommage matériel avec la participation d’un délégué comme il le fait en cas incident ayant entraîné une blessure invalidante ou une « autre situation comportant des risques » limiterait considérablement ses activités. Le cadre actuel est satisfaisant aux fins du Code, de la prévention et de l’utilisation du Port et des installations dans les délais requis. Un retard dans l’utilisation des terminaux par un client se répercute sur l’ensemble de l’horaire, ce qui nuit à STMG à la fois sur le plan financier et sur celui de la réputation. Selon l’appelante, un tel risque n’est justifié qu’en cas de blessures, et non en cas de simples dommages matériels.

Qui doit participer à une enquête?

[54] D’après l’appelante, rien dans le Code n’indique que la participation du comité passe nécessairement par un représentant-employé. L’obligation d’informer s’applique à l’employeur à l’égard du comité et non à une catégorie précise de membres du comité. Pour appuyer ce point de vue, l’appelante cite SCFP c. Air Canada, 2010 CF 103, paragraphe 44 :

Le Code n’exige pas la tenue d’une enquête mixte. Seule la participation du comité local est exigée. Comme je l’ai déjà mentionné, l’adjectif « mixte » semble avoir été adopté par les personnes qui travaillent dans ce domaine. Cependant, l’utilisation d’un tel adjectif ne peut primer les termes exprès de la loi ni conférer des droits substantiels.

[55] STMG affirme que lorsqu’un surintendant apprend l’existence d’une situation qui justifie la tenue d’une enquête, il est également informé de quel membre du comité ou de quel délégué est disponible pour participer à l’enquête. Suite à l’émission de la première instruction, si un membre du comité est présent pendant le quart de travail, il doit être appelé en priorité. Autrement, on pourra faire appel à un délégué. Le délégué ou le membre du comité choisi devrait gêner le moins possible les activités du Port. Le membre ou le délégué assiste à toute l’enquête, à moins que la personne refuse sa présence, ce qui n’arrive que lors d’incidents mineurs.

[56] L’appelante insiste sur le fait que les employés membres du comité et les délégués disposent de tous les moyens voulus pour communiquer ensemble avant, pendant et après l’enquête, notamment par radio, puisque chaque syndicat diffuse sur sa propre fréquence. Même si M. Parent a reconnu être généralement satisfait de la procédure d’enquêtes menée avec des délégués, il souhaite tout de même en être informé et de pouvoir y participer s’il le souhaite. L’appelante estime que les délégués pourraient simplement informer un membre du comité de la tenue d’une enquête par radio, et que rien n’empêcherait alors un membre du comité local de participer. L’appelante soumet que le fait que monsieur Parent a indiqué que l’employeur ne l’a jamais empêché de participer à une enquête est un aveu judiciaire très important.

[57] L’appelante affirme que les syndicats n’ont apporté aucune preuve démontrant que la société aurait omis d’avertir un membre ou un délégué d’un accident du travail.

[58] Compte tenu des faits mis en preuve, de la législation et de la règlementation, l’appelante demande l’annulation des deux instructions émises par l’agent de SST Testulat.

B) Observations des intimés

Observations du SCFP

[59] Le SCFP a présenté les témoins suivants : M. Christian Parent et M. Éric Collin

[60] M. Christian Parent est représentant syndical pour le ILA 1657 et membre du Comité local chez MGT. Il se souvient d’une ancienne politique de l’employeur qui visait à l’informer de tous les incidents, et il pouvait ensuite décider d’enquêter ou non. L’employeur lui envoyait tous les documents liés à l’incident dans les heures suivant celui-ci. Plus tard, la pratique a changé et l’information n’a plus été transmise au comité que des semaines après l’incident. Il a confirmé que la participation des délégués aux enquêtes est très rare que ceux-ci se contentent de signer les rapports. Il a cité l’exemple d’une collision ayant entrainé un bris de vitre et des coupures légères à des employés. Le comité n’a pas été informé et le délégué avait seulement signé le rapport.

[61] M. Éric Collin était, au moment de l’émission de la première instruction, représentant de SST au SCFP. Il a quitté ses fonctions en juin 2013 pour retourner débardeur sur le quai. Il affirme que l’employeur ne respecte pas les obligations du code en citant des exemples de cas où il n’y a pas eu d’enquêtes. Il indique que l’employeur n’implique pas les membres du comité et que le délégué est seulement présent pour signer les papiers. Il a raconté un incident où l’on n’avait pas appelé de délégué parce que l’employé impliqué n’en avait pas demandé.

Caractère vague et ambigu des instructions

[62] En ce qui concerne l’argument de l’appelante selon lequel l’agent de SST n’a pas cité la bonne disposition lui conférant l’autorité d’agir en l’espèce, le SCFP fait remarquer que le titre des instructions cite effectivement de façon incorrecte l’alinéa 145.1a) non existant, mais le contenu des instructions cite la bonne disposition, soit l’alinéa 145(1) a), comme étant l’autorité sous laquelle l’agent de SST a émis les instructions. Il souligne que les contraventions décrites dans les instructions reflètent bien l’intention et l’autorité de l’agent de SST et que de mettre l’accent sur le titre ne vise qu’à tromper le Tribunal.

[63] Le SCFP ne conteste pas l’affirmation de l’appelante selon laquelle l’affaire Sky Harbour impose une obligation de spécificité pour les instructions émises en vertu des paragraphes 145(1) ou 145(2). Toutefois, il affirme que les différences entre les paragraphes 145(1) et 145(2) indiquent clairement que le premier peut s’appliquer de façon générale, en autant qu’une disposition du Code ou du Règlement soit citée, et que le second prévoit une instruction à la suite d’un événement précis. Il a reproduit les paragraphes pertinents du Code pour faire remarquer que seul le paragraphe 145(2) met l’accent sur un événement précis :

145. (1) S’il est d’avis qu’une contravention à la présente partie vient d’être commise ou est en train de l’être, l’agent de santé et de sécurité peut donner à l’employeur ou à l’employé en cause l’instruction :

a) d’y mettre fin dans le délai qu’il précise;

b) de prendre, dans les délais précisés, les mesures qu’il précise pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

[…]

(2) S’il estime que l’utilisation d’une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l’accomplissement d’une tâche constitue un danger pour un employé au travail, l’agent :

a) en avertit l’employeur et lui enjoint, par instruction écrite, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu’il précise, à la prise de mesures propres :

(i) soit à écarter le risque, à corriger la situation ou à modifier la tâche,

(ii) soit à protéger les personnes contre ce danger [souligné par le SCFP]

[64] Le SCFP affirme donc que l’agent de SST n’a pas à relever d’événement, de moment, de lieu ni d’autre aspect précis au-delà de la citation des dispositions particulières du Code et du Règlement et de l’explication associée pour une instruction émise en vertu de l’alinéa 145(1)a).

[65] Le SCFP indique que les deux instructions comme elles sont rédigées sont tout à fait claires quant aux résultats souhaités des activités de l’employeur pour assurer sa conformité au Code. L’affaire Association des employeurs maritimes c. Harvey renforce l’idée d’une obligation générale imposée à l’employeur de cesser de contrevenir au Code ou au Règlement plutôt que d’exiger que l’agent de SST définisse les mesures exactes que l’employeur doit prendre pour être en conformité.

[66] Le SCFP présente des entrées provenant du registre de l’employeur, qui montrent qu’aucun membre du comité local ni même un délégué n’ont participé aux enquêtes portant sur des incidents de blessures légères. Dans certains cas, le délégué présent ne faisait pas partie du comité local, et dans un cas de blessure invalidante, le comité local n’avait pas été informé. Selon le SCFP, cela explique pourquoi il est très difficile pour les employés membres du comité local de parler de situations comportant des risques lors de réunions ou à d’autres occasions.

Les conventions collectives

[67] Le SCFP soutient que STMG n’est pas l’employeur aux fins de la convention collective. Il affirme que l’employeur est l’AEM et que STMG est entièrement lié par le Code. Quoi qu’il en soit, le Code prévoit des normes minimales que tout employeur doit respecter, et le Tribunal est habilité à intervenir en cas de non-respect du Code, même si la convention s’applique. Il cite la décision de ce Tribunal dans l’affaire Brink’s Canada Limited et M. Phil Prince Décision no. 98-014 (23 décembre 1998), où l’agent a déclaré que la collaboration entre l’employeur et les employés était toujours assujettie aux normes minimales précisées dans la partie II du Code.

[68] Le SCFP affirme que le seul article de la partie II du Code qui fait référence aux conventions collectives est le paragraphe 135(6) :

135 (6) Si, aux termes d’une convention collective ou d’un autre accord conclu entre l’employeur et ses employés, il existe déjà un comité qui, selon le ministre, s’occupe suffisamment des questions de santé et de sécurité dans le lieu de travail en cause pour qu’il soit inutile de constituer un comité local, les dispositions suivantes s’appliquent :

a) l’agent peut, par arrêté, exempter l’employeur de l’application du paragraphe (1) quant à ce lieu de travail;

b) le comité existant est investi, en plus des droits, fonctions, pouvoirs, privilèges et obligations prévus dans la convention ou l’accord, de ceux qui sont prévus par la présente partie;

c) ce comité est, pour l’application de la présente partie, réputé constitué en vertu du paragraphe (1), les dispositions de la présente partie relatives au comité local et aux droits et obligations des employeurs et des employés à son égard s’y appliquant, avec les adaptations nécessaires.

[69] Le SCFP affirme que les parties n’ont pas respecté les exigences mentionnées ci-dessus pour permettre à leurs conventions collectives de remplacer les dispositions du Code relatives au comité local.

[70] Avant l’arrivée de M. Paré, le SCFP soutient que le système des délégués fonctionnait bien. Les délégués intervenaient lorsque c’était nécessaires, les représentants syndicaux étaient considérés comme des membres suppléants, et étaient systématiquement informés de tous les incidents dans un délai très court. Le SCFP indique maintenant que les seuls renseignements accessibles sont ceux apparaissant dans le registre des incidents et que ces renseignements ne sont accessibles que quelques jours avant la réunion du comité local.

Qu’est-ce qui doit faire l’objet d’une enquête

[71] Le SCFP affirme que le paragraphe 122.2 demande une interprétation large et libérale du Code. À cette fin, l’alinéa 125(1)c) du Code prévoit que l’employeur fasse enquête sur trois types de situations : les accidents, les maladies professionnelles et les autres situations comportant des risques.

[72] En ce qui concerne les accidents, le SCFP a présenté la même définition en vertu de la Loi sur les accidents et maladies professionnelles québécoise que STMG. Il a également soumis la définition que l’AEM utilise dans son manuel de formation des délégués :

Toutefois, on pourrait définir un accident comme étant un événement imprévu (non désiré) qui met obstacle à l’accomplissement d’une tâche, que cela entraîne ou non des lésions corporelles ou des dommages matériels.

[73] Étant donné l’approche interne large de l’AEM à l’égard des accidents, le SCFP estime que STMG ne peut raisonnablement suivre une approche restrictive vis-à-vis des dommages matériels.

[74] Le SCFP affirme que le mot « accident » désigne généralement une certaine conséquence, ce qui, dans le contexte du Code, devrait être une blessure légère ou invalidante. Rien n’indique dans le Code ou le Règlement qu’une distinction entre les deux catégories de blessure soit pertinente pour déterminer si une enquête devrait avoir lieu ou non. Toutefois, l’employeur a admis faire cette distinction en n’informant pas le comité et ne menant pas d’enquête sur des incidents de blessures légères.

[75] Le SCFP convient que l’ampleur de l’enquête devrait être proportionnelle à la gravité de l’incident et des blessures subies. Une enquête dans le cadre d’un accident avec blessure mineure n’aura pas la même ampleur qu’un accident entraînant le décès d’un travailleur. Le Code impose une norme minimale : l’employeur doit enquêter et aviser le comité local;

Situations comportant des risques et « autres situations comportant des risques »

[76] Le Syndicat des débardeurs de Montréal, SCFP soutient que la foire aux questions en ligne à laquelle l’appelante fait référence n’est ni exécutoire ni n’encourage une interprétation large des protections exigées par le Code.

[77] Néanmoins, le SCFP souligne que la preuve de l’appelante, soit le « Guide du programme de prévention des risques », publié en 2010 par le Programme du travail, définit les « risques liés à une occupation sécuritaire du lieu de travail » d’une façon très semblable à ce qui est sur les « autres situations comportant des risques » dans la foire aux questions. Le Guide du programme de prévention des risques indique également, au sujet d’autres situations dangereuses, que « lorsqu’un risque particulier n’est pas mentionné dans le Règlement, le Programme de prévention des risques peut être utilisé afin d’établir une stratégie pour faire face à ce risque et ainsi prévenir les accidents et les blessures liés au milieu de travail. » Cela appuie la position des intimés, selon laquelle les « autres situations comportant des risques » ne constituent pas une catégorie limitée aux événements précis que l’appelante a mentionnés.

[78] Le SCFP a également fait référence à la preuve de l’appelante, soit le rapport d’incident interne qui comporte une catégorie « autres » pour les événements comportant un risque. L’AEM a un rapport semblable sur les situations comportant des risques qui comporte aussi une catégorie « autres » pour les situations comportant des risques, ainsi qu’une catégorie pour les dommages matériels.

[79] Le SCFP a précisé que, dans le manuel de formation des délégués de l’Association des employeurs maritimes, qui est préparé par l’AEM, un passage souligne la nécessité de faire enquête sur les incidents qui n’entraînent pas de blessures, pour éliminer les risques pour l’AEM.

[80] Citant la directive 935-1 du programme d’activités du Programme du travail, le SCFP affirme que la définition de « situations comportant des risques » devrait être :

désigne accident, une maladie professionnelle ou toute autre situation découlant du travail de l’employé qui a causé et qui causera vraisemblablement une blessure à l’employé ou toute autre personne.

[81] Le SCFP soutient que, selon cette définition, les accidents et les maladies professionnelles sont des formes de situations comportant des risques, et que les « autres situations comportant des risques » sont des « situations découlant du travail de l’employé qui a causé ou qui causera vraisemblablement une blessure à l’employé ou toute autre personne. » Cela correspond également à la compréhension habituelle des mots contenus dans la loi.

[82] Le SCFP affirme que, même si la chute d’un conteneur d’expédition n’a encore jamais coûté la vie à un travailleur, cela reste une situation comportant des risques en vertu du Code. Dans les cas de forts vents, le lieu de travail n’est pas fermé avant que les vents atteignent une force dangereuse, mais une fois qu’ils ont atteint cette force dangereuse. Dans le cadre actuel du STMG, il est inévitable qu’une blessure invalidante voire pire se produise si des conteneurs d’expédition tombent.

Qui doit prendre part à une enquête

[83] Le SCFP affirme que l’alinéa 135(7)e) du Code indique sans contredit que le comité local doit obligatoirement participer à toutes les enquêtes. Il est donc essentiel que le comité soit avisé de l’enquête afin qu’il puisse y participer. Une fois avisé, il appartient au comité de désigner la personne qui participera à l’enquête.

[84] Le SCFP cite la décision du Tribunal dans l’affaire Halterm Limited Décision: 92-001 (9 janvier 1992), au soutien de sa proposition à l’effet qu’un membre du comité local doit être présent lors de l’enquête. L’affaire SCFP c. Air Canada, 2010 C.F. 103 étend la portée de la décision Halterm pour tenir compte des moyens de communication modernes, qui font que la présence physique du membre du comité n’est pas nécessaire. Le SCFP précise qu’il revient aux membres du comité de déterminer qui participera et si cette participation sera en personne ou à distance. Il soutient que, comme ni le surintendant ni la grande majorité des délégués ne font partie du comité, l’employeur enfreint le Code. Le comité doit à tout le moins être mis au courant des incidents pour pouvoir jouer le rôle prévu par la loi.

[85] Le SCFP soutient que contrairement aux affirmations de STMG, il n’appartient pas à l’employeur de décider qui seront les membres suppléants pour les membres employés. Selon l’article 135.1(6), il appartient aux employés de nommer les membres suppléants et STMG ne peut présumer que les délégués sont des membres suppléants au sens du Code.

[86] Le comité doit minimalement être avisé d’une enquête afin qu’il puisse exercer son rôle. Le comité devra ensuite décider du degré de sa participation tel que l’avait décidé l’agent d’appel dans la décision Public Works and Government Services Canada and Mark Hawkins, Decision No. 05-003 (January 7, 2005).

[87] Le SCFP affirme que dans le présent dossier, la preuve indique que le surintendant fait enquête seul ou avise le délégué mais n’avise pas le comité local. Il n’y a pas de preuve que le surintendant fait partie du comité et les règles de déploiement ne garantissent pas la présence d’un délégué. De plus, le surintendant n’a pas pour instruction d’aviser le comité local pour que celui-ci puisse décider s’il participe physiquement ou à distance à l’enquête.

Observations de l’AID

Caractère vague et ambigu des instructions

[88] L’AID n’a présenté aucun témoin. Leur représentant, Mr. Christian Parent a été appelé à témoigner par le STFP.

[89] L’AID a indiqué que la spécificité des circonstances menant à une instruction par un agent de SST est limitée aux situations qui justifient une instruction de danger en vertu du paragraphe 145(2) du Code, et non aux contraventions au Code aux termes du paragraphe 145(1).

[90] Plus particulièrement, concernant le renvoi de l’agent de SST aux « accidents sur les lieux de travail impliquant de la machinerie ou de l’équipement » et l’affirmation de l’employeur selon laquelle « machinerie ou équipement» est une expression trop vague, l’AID a affirmé que l’employeur avait utilisé le mot équipement pour identifier la machinerie. Traditionnellement, au Port de Montréal, le terme machinerie est utilisé. L’équipement fait plutôt référence au matériel utilisé avec la machinerie pour manipuler le cargo. L’AID soutient donc que l’affirmation de l’employeur selon laquelle l’instruction de l’agent de SST est ambiguë est sans fondement.

[91] La plainte de l’employé qui a donné lieu à la seconde enquête et à l’instruction qui a suivi faisait suite au témoignage de l’employeur, qui disait ne pas respecter la première instruction en attendant l’appel. L’AID affirme que le registre contenait 26 situations comportant des risques et que le comité local n’avait pas été informé d’une grande majorité de ces situations, notamment la chute d’un conteneur d’expédition.

Enquêtes

[92] Au sujet des enquêtes en général, l’AID ne croit pas que le Code donne aux employeurs le droit de choisir quels incidents feront l’objet d’une enquête, quelles méthodes d’enquête doivent être utilisées et qui participera à l’enquête. Il appartient aux membres du comité local de déterminer la façon dont elle participera aux enquêtes.

[93] En ce qui concerne les personnes qui peuvent participer à une enquête, l’AID affirme que des membres suppléants - ou des délégués, en l’occurrence - en vertu du paragraphe 135.1(6) sont seulement acceptables comme remplaçants que s’il y a empêchement pour les membres du comité d’exercer leurs fonctions dans le cadre des enquêtes. Elle considère illogique que des membres du comité soient remplacés par des délégués différents à chaque enquête.

[94] L’AID précise que sa plainte sur le recours aux délégués repose sur le fait que les délégués ne sont pas redevables au comité une fois qu’ils ont exercé leurs fonctions de suppléants en vertu du paragraphe 135.1(6), ce qui empêche le comité de jouer son rôle lié au maintien de la sécurité du lieu de travail. De plus, les représentants de l’employeur et des syndicats qui siègent au comité sont responsables de relayer l’information du comité vers leur organisation respective. Le fait que les véritables membres du comité soient exclus au profit de délégués nuit au bon fonctionnement du système et à la protection des droits des travailleurs.

[95] L’AID soutient que, si M. Paré n’estime pas nécessaire d’informer en priorité les membres du comité local, M. Lavoie a quant à lui déclaré que les délégués ne devraient être informés que lorsqu’il est impossible d’informer d’abord les membres du comité.

[96] L’AID a présenté une preuve selon laquelle l’employeur a exercé unilatéralement les fonctions du comité, malgré le paragraphe 135.1(8) du Code, qui réserve expressément les fonctions par défaut du comité aux employés membres du comité. De plus, le registre ne fait souvent que reprendre le point de vue du surintendant sans qu’une véritable enquête ne soit menée, ce qui empêche le comité d’assumer ses fonctions liées à l’examen des rapports.

[97] Selon l’AID, même si la convention collective reprend les exigences du Code et du Règlement adopté en vertu de celui-ci, elle insiste pour dire que la convention ne vise pas à se dérober aux obligations prévues par le Code. L’AID cite aussi le propre témoin de l’employeur, M. Dolbec, en guise de confirmation que la convention collective ne garantit pas qu’un employé désigné en tant que délégué ou membre du comité local travaillera à un quart de travail à l’un des six employeurs au Port de Montréal. En effet, les employés choisis à titre d’exemple par l’employeur pour 2012, MM. Gareau et Desjardins, se trouvaient dans des lieux de travail de STMG seulement 72 % et 77 % de leurs quarts de travail, respectivement. Cela comprend les congés et le nombre réduit de quarts de travail en 2012.

[98] L’AID prétend que les pratiques actuelles de l’employeur sont là pour laisser les membres des syndicats dans le noir quant aux questions de sécurité au travail et pour les priver de leur droit d’être informés de la tenue des enquêtes et d’y participer. L’AID pense que le but de l’employeur est de faire appel à des délégués plutôt qu’à des membres du comité dans la majorité des enquêtes.

[99] L’employeur a déclaré que le comité examinait les rapports d’enquête pour s’assurer que les enquêtes étaient menées convenablement, et qu’il pouvait consulter les témoignages recueillis et les photos prises à ce moment-là. De plus, les employés membres du comité peuvent inviter les délégués aux réunions du comité local pour qu’ils leur donnent toute l’information utile. L’AID n’est pas d’accord et affirme que, souvent, le comité n’apprend les faits que plusieurs mois après un incident et qu’il n’a pas facilement accès aux rapports.

[100] L’AID déclare enfin que les employés qui siègent au comité possèdent une certaine expertise du fonctionnement du comité en vertu du Code, des accidents récurrents, des procédures dans le lieu de travail, des droits des travailleurs et des obligations des employeurs, ce qui peut être intimidant pour un surintendant qui ne connaît pas bien le Code.

Situations comportant des risques et « autres situations comportant des risques »

[101] Concernant la question de l’objet de l’enquête par l’employeur, l’AID a expliqué que la tentative de l’employeur de présenter les « autres situations comportant des risques » comme un concept distinct des « situations comportant des risques » ne vise qu’à réduire ses obligations en vertu du Code et n’a pas de fondement en droit. Les exemples d’incidents qui, selon l’employeur, définissent les « autres situations comportant des risques » sont simplement ceux énumérés à l’article 15.5 et au paragraphe 15.8(1) du Règlement et lesquels imposent à l’employeur des obligations de rapport distinctes. Le principe général de la partie XV est qu’un employeur doit faire enquête sur toutes les situations comportant des risques, dont certains s’accompagnent d’obligations additionnelles de rapport dans des délais rapides, comme le mentionnent certains articles de la partie XV. Il n’y a aucune indication comme quoi les « autres situations comportant des risques » en vertu du paragraphe 15.4(1) sont limitées à des circonstances précises.

[102] À l’instar du SCFP, l’AID s’appuie sur la définition de « situations comportant des risques » fournie dans la directive 935-1 du Programme du travail. Elle affirme en outre que le mot « autres » laisse entendre que la liste n’est pas exhaustive et qu’il comprend les mots placés avant lui. C’est le cas à l’alinéa 125(1)c) du Code et au paragraphe 15.4(1) du Règlement, ce qui voudrait dire que les accidents et les maladies professionnelles sont des exemples généraux de « situations comportant des risques ».

Chute de conteneurs d’expédition

[103] Il est déjà arrivé que des conteneurs, vides ou pleins, tombent. Outre les anémomètres défectueux qui ont été réparés en 2013, aucune enquête n’a été menée afin de déterminer si la chute des conteneurs représentait ou pouvait représenter un risque pour les employés.

D) Réplique

Qui doit enquêter

[104] L’appelante avance que bien que le SCFP ait indiqué que seuls les membres du comité local peuvent participer aux enquêtes et non les délégués, la propre preuve du syndicat appuie le recours à des suppléants dans une enquête. La directive 935-004 énonce clairement que le comité peut déléguer ses fonctions d’enquête à une personne qui n’est pas membre du comité.

[105] L’appelante soumet que contrairement aux prétentions du SCFP, l’article135(6) du Code n’est aucunement applicable en l’espèce, puisqu’il a toujours été clair pour toutes les parties que le comité local était effectivement établi aux termes du paragraphe 135(1) et conformément au paragraphe 135.1 du Code. Les conventions collectives n’ont pas pour but de créer un autre comité que le comité local, mais de désigner des membres suppléants aux termes de l’alinéa 135.1(6). Les délégués étant des membres suppléants au sens du Code ont les mêmes droits et responsabilités que les membres du comité en ce qui concerne les enquêtes sur les accidents auxquelles ils participent.

[106] L’appelante fait valoir que le comité local peut obtenir des renseignements auprès des délégués qui participent aux enquêtes par une multitude de moyens. La crainte soulevée par l’AID que les réunions du comité deviennent chaotiques parce que chaque délégué serait invité à présenter ses observations n’est pas fondée, car il n’y a pas assez d’incidents pour justifier une telle crainte.

[107] L’appelante rappelle au Tribunal que l’AID a indiqué que les syndicats ont toujours considéré que le fait d’informer leur représentant des incidents respectait l’obligation d’informer le comité local aux termes de l’alinéa 15.4(1)b), puisque les syndicats considèrent que les représentants sont des membres suppléants en vertu du Code. Ceci va directement à l’encontre de l’argumentation du SCFP, selon laquelle l’avis doit être présenté au comité lui-même et que c’est le comité qui doit participer. STMG fait valoir que les délégués sont également des suppléants en vertu du Code et que, par conséquent, les mêmes considérations s’appliquent à leur participation aux enquêtes.

[108] L’appelante soumet qu’en convenant que le système mis en place par la convention collective fonctionnait autrefois à la satisfaction des syndicats, le SCFP confirme que l’employeur respecte la convention collective et que le fait d’informer un délégué répond aux exigences aux termes du paragraphe 15.4(1) du Règlement.

Accidents

[109] L’appelante fait valoir que la prétention des deux syndicats à l’effet que tout dommage matériel nécessite une enquête n’a aucun fondement juridique et va à l’encontre même du libellé du paragraphe 15.4(1) qui indique que l’enquête doit être menée dans le cas d’un « accident […] qui touche un employé au travail » Interpréter le Code comme exigeant une enquête sur les dommages matériels irait à l’encontre de l’objectif du législateur.

[110] L’appelante indique également que le manuel de formation des délégués de l’AEM de 2008 adopte une approche large des accidents aux fins de la gestion des risques, qui dépasse les exigences minimales du Code et qui ne peut lier STMG. C’est d’autant plus vrai que, aux dires mêmes du SCFP, STMG n’est pas l’employeur aux fins de la convention collective.

[111] L’appelante fait valoir que, quoi qu’il en soit, le SCFP a convenu que l’« accident » nécessite à tout le moins qu’il cause une blessure. L’article 15.7 du Règlement décrit l’obligation entière de l’employeur à l’égard des blessures légères. L’article en soi fait référence à de tels événements comme à des « situations » et non à des « accidents ». STMG soutient que le SCFP réclame un régime absurde selon lequel les blessures légères feraient l’objet d’une enquête et auraient leur propre registre aux termes du paragraphe 15.4(1), alors que les blessures invalidantes feraient uniquement l’objet d’une enquête. STMG indique donc que toute preuve d’un défaut de faire enquête ou d’informer le comité d’une blessure légère ou de dommages matériels seuls n’est pas pertinente au cas qui nous occupe.

[112] L’appelante prétend que bien que l’employeur puisse prendre des mesures afin de mener une enquête et de prévenir les incidents qui ne constituent pas des blessures invalidantes ou des incidents énumérés dans le Règlement, le paragraphe 15.4(1) n’exige pas que l’employeur prenne ces mesures préventives.

[113] Le registre des blessures légères est mis à la disposition des membres du comité local, qui peuvent l’examiner, l’analyser et formuler des recommandations à cet égard, mais la mise en œuvre de ces mesures préventives n’est pas une obligation spécifique prévue au Règlement.

Situations comportant des risques et « autres situations comportant des risques »

[114] STMG soumet qu’il est inapproprié pour les syndicats de référer à des extraits de dictionnaire non spécialisés pour tenter de définir la notion de « autres situations comportant des risques » puisqu’ils tentent de définir une expression employée par le législateur en référant à une définition générale de chacun des termes pris isolément.

[115] De plus, selon STMG, les deux syndicats dans leurs argumentations écrites confondent « la notion de situation comportant des risques » et la notion de « autres situations comportant des risques »

[116] STMG soumet que la notion de « autres situations comportant des risques » retrouvée à paragraphe 15.4(1) et à l’article 15.10 du Règlement est la même et que par conséquent, considérant le principe d’interprétation voulant que le législateur est présumé être cohérent à l’intérieur d’une même loi, on ne peut que conclure que cette notion doit être interprété de la même façon aux deux endroits.

Analyse

[117] D'entrée de jeu, j'aimerais me prononcer sur l'argument de l'appelante voulant que les instructions ne s'appuient sur aucun évènement en particulier, sont de nature trop générale et que par conséquent, l'employeur n'est pas en mesure de savoir ce qu’il doit faire pour s’y conformer.

[118] La jurisprudence citée par l'employeur, au soutien de cet argument mentionne effectivement qu'il appartient à l'agent de SST d'émettre des instructions claires et précises de façon à permettre à l'employeur de comprendre ce que l'on attend de lui. Cette jurisprudence repose cependant sur des appels d'instructions émises en vertu du paragraphe 145(2) du Code; instructions dites de « danger ». Ces instructions ont comme but de décrire une situation considérée comme dangereuse au sein du lieu de travail et d’enjoindre à l'employeur de prendre, sans délai, des mesures pour protéger l'employé ou les employés. L'identification précise du danger est donc primordiale afin de permettre à l'employeur de répondre adéquatement à la situation.

[119] Dans le cas qui nous occupe, les instructions furent émises en vertu du paragraphe 145(1) du Code. Il s'agit de ce que l'on appelle des instructions de « contraventions ». Ces instructions identifient les contraventions au Code ou à ses règlements d'application qui sont en train d’être commises ou viennent de l’être. La disposition statutaire ou réglementaire sur laquelle repose l'instruction est clairement identifiée constituant, par le fait même, le fondement de l'obligation du récipiendaire de l'instruction.

[120] Un agent de SST n’a pas besoin d’attendre qu’un évènement précis ne survienne avant d’émettre une instruction, lorsqu’il possède suffisamment d’informations lui permettant de conclure que l’employeur est en violation du Code ou du Règlement de manière générale, et de faire en sorte d’empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

[121] Les instructions émises soulèvent deux questions sur lesquelles je dois me pencher. Je dois tout d’abord examiner la portée de l’obligation d’enquête lors de situation comportant des risques et ensuite je dois examiner la question du droit du comité local d’être avisé et de participer aux enquêtes menées par l’employeur.

[122] L’alinéa 125(1)c) prévoit ce qui suit :

125(1)c) Selon les modalités règlementaires, d’enquêter sur tous les accidents, toutes les maladies professionnelles et autres situations comportant des risques dont il a connaissance, de les enregistrer et de les signaler aux autorités désignés par Règlement.

[123] Le paragraphe 15.4(1) du Règlement précise la manière dont l’obligation d’enquêter doit être remplie en prévoyant ce qui suit :

15.4 (1) L’employeur qui prend conscience d’un accident, d’une maladie professionnelle ou d’une autre situation comportant des risques qui touche un employé au travail doit sans délai :

a) nommer une personne qualifiée pour faire enquête sur la situation;

b) aviser le comité local ou le représentant de la situation et du nom de la personne nommée pour faire enquête;

c) prendre les mesures nécessaires pour empêcher que la situation ne se reproduise.

[124] La preuve qui m’a été soumise dans ses dossiers révèle que la pratique de l’employeur est de faire enquête dans deux situations particulières, soit lorsqu’un employé subit une blessure invalidante et doit consulter un médecin ou soit lorsqu’un employé subit une maladie professionnelle. Aucune enquête n’est tenue lors d’incidents n’impliquant que des dommages matériels et des blessures légères. STMG prétend que cette pratique est conforme aux obligations prévues au Code et au Règlement puisque le Code n’impose aucune obligation d’enquêter des blessures légères ou des incidents n’ayant causés que des dommages matériels.

[125] Les deux syndicats intimés ainsi que l’agent de SST Testulat sont d’avis que cette pratique de l’employeur ne respecte pas ses obligations en vertu du Code puisque toutes les situations comportant des risques qui se produisent sur le lieu de travail doivent être enquêtées, peu importe qu’il y ait blessure ou pas. L’agent de SST Testulat a d’ailleurs identifié, dans les deux instructions sous appel, des situations qui selon lui, devraient faire l’objet d’une enquête par l’employeur. Ces situations incluent notamment la chute de conteneurs au terminal ou tout accident qui implique de la machinerie.

[126] Pour résoudre cette affaire, je devrai ainsi tout d’abord décider si la pratique de STMG en matière d’enquête est en conformité avec les exigences du Code et du Règlement. Pour ce faire, je devrai d’abord évaluer la portée de l’alinéa 125(1)c) du Code et 15.4(1)a) du Règlements pour déterminer les types de situations qui déclenchent l’obligation d’enquête par un employeur.

[127] Après avoir déterminé l’étendue de l’obligation d’enquêter prévue à l’alinéa 125(1)c) du Code et 15.4(1)(a) du Règlement, je devrai me pencher sur la question de savoir si l’employeur a respecté son obligation d’aviser le comité local de santé et de sécurité conformément à l’alinéa 15.4(b) pour que celui-ci puisse participer aux enquêtes conformément à l’alinéa 135(7)e) du Code.

1) Qu’est-ce qui doit faire l’objet d’une enquête selon l’alinéa 125(1)c) du Code et 15.4(1)a) du Règlement?

[128] Il m’apparaît important de noter que l’objet de la partie II du Code prévu à l’article 122.1, soit de « prévenir les accidents et les maladies liées à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions », en oriente l’interprétation. Comme ce Tribunal l’a conclu dans Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 2014 TSSTC 17, au paragraphe 75, la partie II du Code et le Règlement pris en application de celui-ci sont de « nature réparatrice » et visent à « promouvoir la santé et la sécurité dans le lieu de travail » et devraient être interprétés de façon large.

[129] Le Code et le Règlement constituent donc un régime législatif préventif, et leurs dispositions jouissent d’une interprétation large et libérale. En l’occurrence, il est raisonnable d’interpréter l’objectif poursuivi par le législateur en imposant une obligation d’enquête comme étant d’identifier les causes des situations comportant des risques mais surtout d’éviter que de telles situations ne se reproduisent.

[130] Les parties dans ces deux dossiers ont des interprétations qui diffèrent des expressions « situation comportant des risques », « autre situation comportant des risques » et « accident ». L’interprétation de ces termes et expressions aidera à déterminer les types d’événements nécessitant une enquête aux termes du Code et du Règlement.

Situations comportant des risques

[131] L’appelante s’interroge sur le sens à donner aux expressions « situation comportant des risques » et « autre situation comportant des risques ». Ni le Code ni le Règlement ne définissent ces expressions.

[132] STMG n’a pas présenté de définition de « situation comportant des risques », puisqu’elle a maintenu tout au long de ses observations que l’expression clé à examiner était « autre situation comportant des risques » et qu’il s’agit d’un concept distinct de « situation comportant des risques ».

[133] Le SCFP a, pour sa part, présenté la directive du Programme des opérations 935-1 publiée en 2012, enquêtes de situation comportant des risques par les agents de SST du Programme du travail, dans ce qui était Ressources humaines et Développement des compétences Canada.

[134] Bien que de telles directives n’aient pas force de loi, elles ont un effet de persuasion, puisqu’elles reflètent l’intention de l’organisme de réglementation. Cependant, la définition doit résister à un examen rigoureux basé sur les exigences statutaires.

[135] Afin d’établir les obligations de l’employeur et les éléments déclencheurs correspondants, je dois déterminer l’intention du législateur derrière l’expression « situation comportant des risques ».

[136] La partie XV du Règlement porte sur les responsabilités de l’employeur relativement aux enquêtes, à la tenue de dossiers et aux rapports au Programme du travail en cas de « situation comportant des risques ». Elle porte également sur la responsabilité de l’employé de signaler ces situations à l’employeur. Les obligations dans la partie XV reconnaissent que, bien que les situations comportant des risques ne puissent pas toutes être évitées, les enquêtes sur toutes ces situations et les rapports au Programme du travail tiennent les employeurs responsables de s’assurer qu’ils prennent toutes les dispositions nécessaires pour éviter que de telles situations se reproduisent. Les mesures relatives aux rapports et à la responsabilité sont proportionnelles à la gravité de la situation, et le législateur a envisagé l’éventail le plus large possible de situations qui pourraient être des « situations comportant des risques ».

[137] L’économie générale de la partie XV est conçue de façon à ce que l’employeur doive s’acquitter des obligations contenues au paragraphe 15.4(1) lorsque survient une situation comportant des risques. La personne qualifiée nommée pour faire enquête aux termes de l’alinéa 15.4(1)a) mène alors son enquête avec la participation du comité local ou de son suppléant. Selon la gravité de la blessure subie par la victime ou la nature des dommages matériels, l’employeur s’acquitte de ses obligations de déclaration supplémentaires aux termes des articles 15.5, 15.6, 15.7 ou 15.8, selon les circonstances. Dans tous les cas, les mesures prises aux termes des articles 15.5, 15.6, 15.7 ou 15.8 le sont après que les obligations aux termes du paragraphe 15.4(1) ont été remplies.

[138] Certains types d’événements parmi les plus extrêmes ou les plus graves de l’éventail des situations comportant des risques sont énumérés aux articles 15.5, 15.6 et 15.8. Le législateur et, par extension, l’organisme de réglementation prennent très au sérieux les incidents entraînant des blessures graves, un décès ou des dommages matériels potentiellement mortels qui ne font pas de victimes, comme les explosions ou les ruptures de réservoirs. L’article 15.5 oblige l’employeur à faire rapport à un agent de SST d’un incident prescrit de grande gravité (alinéas a) à g)). L’article 15.6 vise précisément la consignation et la transmission des enquêtes et des mesures correctives suivant un incident de dommages matériels potentiellement mortel aux termes des alinéas 15.5(1)f) ou g). L’article 15.8 énumère les conséquences précises d’une sévérité importante et les résultats des enquêtes subséquentes doivent être consignés dans la forme réglementaire et signalés au comité local et à un agent de SST au bureau régional ou au bureau de district.

[139] Le rapport de situation comportant des risques fait partie de la partie XV. Il est mentionné à l’article 15.8 et figure à l’annexe du Règlement. Les formulaires annexés à des textes de loi sont instructifs en ceci qu’ils permettent de préciser et de mieux comprendre les obligations prévues par la loi en présentant un exemple d’obligation. Dans le rapport réglementaire, la directive no 5 des « Instructions à l’employeur sur le rapport d’enquête de situation comportant des risques » mentionne que l’organisme de réglementation a pris note que des situations comportant des risques ont eu lieu à la suite de différents facteurs qui, ensemble, créent la situation en question. Idéalement, les enquêtes et les rapports fournissent de nombreux renseignements permettant aux employeurs et aux employés d’améliorer les conditions présentes dans le milieu de travail, afin de prévenir la répétition de telles situations. À l’article 15.8, un formulaire précis et obligatoire montre que l’organisme de réglementation est particulièrement intéressé à éliminer les causes premières de situations qui entraînent des blessures et des incidents graves (comme des explosions) des lieux de travail de compétence fédérale.

[140] Dès le départ, il est clair que l’organisme de réglementation met l’accent sur le fait d’être tenu au courant des situations comportant des risques qui entraînent des blessures graves ou invalidantes, ou des événements identifiés comportant de dommages matériels. De plus, les articles 15.5, 15.6, et 15.8 du Règlement indiquent clairement que des événements qui peuvent résulter en de simples dommages matériels, comme un incendie ou une explosion, peuvent être majeurs au point de justifier des devoirs accrus en matière d’enquêtes et de rapports.

[141] Le Règlement exige que des enquêtes et des rapports soient faits rapidement à l’organisme de réglementation dans le cas de blessures graves et des événements comportant des risques de dommages matériels. Ceci ne veut pas dire que les autres situations sont exclues de l’application du paragraphe 15.4(1). Les articles 15.3 et 15.7 de la partie XV indiquent qu’un employeur a également l’obligation d’enquêter les situations comportant des risques entraînant des blessures légères ou d’autres cas de gravité semblable ou inférieure à celle des événements énumérés aux articles 15.5, 15.6 et 15.8.

[142] Pour ce qui est des blessures légères, au sens de l’article 15.1, l’article 15.7 exige que l’employeur tienne un registre de ces incidents pour pouvoir utiliser ces données afin de prévenir d’autres incidents. L’article 15.7 ne remplace pas les obligations contenues au paragraphe 15.4(1) lorsqu’un employé subit des blessures légères. L’article 15.7 ne réfère qu’à un simple registre et n’écarte pas le devoir d’enquêter la situation de façon à éviter qu’elle ne se reproduise. Cela ne signifie pas pour autant que de telles situations ne tombent pas sous l’application du paragraphe 15.4(1). À mon avis, il serait totalement illogique de limiter les responsabilités d’un employeur en matière d’enquêtes après un événement potentiellement tragique pour la simple raison que la victime a été assez chanceuse pour n’avoir subi qu’une blessure mineure. Une telle interprétation irait complètement à l’encontre de l’objectif préventif du Code tel qu’exprimé à l’article 122.1.

[143] Aux termes de l’article 15.3, un employé est tenu d’informer l’employeur d’un « accident ou de toute autre situation survenant dans le cadre de son travail qui est la cause ou est susceptible d’être la cause d’une blessure à lui-même ou à une autre personne ». L’exigence qu’une situation fût ou est susceptible d’être la cause d’une blessure s’inscrit parfaitement dans l’analyse qui précède relativement à l’étendue des circonstances et aux conséquences couvertes par les différentes obligations de rapports et de consignation aux registres aux termes de la partie XV.

[144] L’article 15.3 éclaire sur l’interprétation de l’expression « situation comportant des risques » au paragraphe 15.4(1) en ce sens que les types de situations devant faire l’objet d’une enquête par un employeur sont très larges et doivent inclure celles qu’un employé serait tenu de signaler. Le législateur a conservé l’objectif de prévention large du régime législatif en exigeant des employés qu’ils signalent toute situation qui est au moins « susceptible d’être la cause d’une blessure ». Je n’interprète pas l’article 15.3 comme le soumet l’appelant comme exigeant qu’un employé soit présent ou blessé, ou excluant des événements ne comportant que des dommages matériels, lorsqu’une telle situation doit être signalée aux termes de l’article 15.3.

[145] Le paragraphe 15.4(1) ajoute l’expression « qui touche un employé au travail » après les mots « situation comportant des risques ». L’appelante fait valoir que toute obligation de l’employeur d’entreprendre une enquête doit découler d’un incident qui a touché un employé. De l’avis de l’appelante, ceci n’est pas le cas lorsqu’il n’y a que des dommages matériels.

[146] Dans la décision Corporation de Gestion de la Voie Maritime du Saint-Laurent, 2012 TSSTC 42, aux paragraphes 32 et 33, l’agent d’appel a interprété « qui touche un employé dans au travail » comme signifiant que le risque en question pourrait directement ou indirectement toucher les employés dans le cadre de leurs fonctions habituelles. Je ne vois aucune raison de s’éloigner de ce raisonnement qui offre des protections libérales dans le lieu de travail. Adopter l’interprétation étroite de l’appelante de « qui touche un employé » ne servirait pas à faire avancer les objectifs préventifs du Code.

[147] À la lumière de l’analyse qui précède, je conclus que les « situations comportant des risques » au sens du Règlement couvrent un très large éventail de situations qui ont été ou sont susceptibles d’être la cause d’une blessure au travail, y compris les situations n’ayant entrainés que des dommages matériels. Cette interprétation s’harmonise d’ailleurs avec la définition proposée par les intimés et que suggère le Programme du Travail à ses agents de santé et de sécurité à l’intérieur de la DPO 935-1 qui se lit comme suit :

“Hazardous Occurrence” means an accident, occupational disease or other occurrence arising in the course of or in connection with the employee’s work that has caused or is likely to cause injury to the employee or any other person.

« situation comportant des risques » désigne un accident, une maladie professionnelle ou toute autre situation découlant du travail de l’employé qui a causé ou qui causera vraisemblablement une blessure à l’employé ou toute autre personne.

« Autres situations comportant des risques »

[148] L’appelante allègue que l’expression « autres situation comportant des risques », comme elle figure à l’alinéa 125(1)c) du Code et au paragraphe 15.4(1) du Règlement, se distingue du sens commun - et de l’interprétation ci-dessus - de « situation comportant des risques ».

[149] Je comprends pourquoi l’appelante met de l’avant une telle position. Cependant je ne suis pas d’accord avec cette interprétation. L’appelante cite le guide du Programme du travail intitulé « Rapport annuel de l’employeur concernant les situations comportant des risques - Renseignements et ressources supplémentaires » sur la façon de remplir le rapport annuel réglementaire aux termes du paragraphe 15.10(1) du Règlement. En effet, le Programme du travail indique qu’aux fins du Rapport annuel de l’employeur concernant les situations comportant des risques, les « autres situations comportant des risques » sont limitées aux suivantes : une explosion; l’endommagement d’une chaudière ou d’un appareil sous pression qui a provoqué un incendie ou la rupture de la chaudière ou du réservoir sous pression; l’endommagement d’un appareil élévateur le rendant inutilisable ou la chute libre d’un appareil élévateur; l’évanouissement d’un employé causé par une décharge électrique ou par l’exposition à des gaz toxiques ou à de l’air à faible teneur en oxygène; la nécessité de recourir à des mesures de sauvetage ou de réanimation ou à toute autre mesure d’urgence semblable; un incendie.

[150] L’appelante cite l’article 15.5 et le paragraphe 15.8(1) du Règlement comme des dispositions qui éclairent l’interprétation du paragraphe 15.4(1), selon le guide publié par le Programme du travail sur la manière de remplir le Rapport annuel de l’employeur concernant les situations comportant des risques. Cependant, l’opposé est vrai : tant dans l’article 15.5 que dans le paragraphe 15.8(1), le libellé est totalement clair à savoir que les dispositions ne sont que les types de conséquences d’une situation comportant des risques que vise le paragraphe 15.4(1) relativement à la présentation de rapports. Par conséquent, le paragraphe 15.4(1) informe l’article 15.5 et le paragraphe 15.8(1), et non le contraire.

[151] L’obligation de présenter des rapports annuels et leur forme réglementaire aux termes du paragraphe 15.10(1) offrent une indication claire à l’effet que la « situation comportant des risques » englobe un vaste éventail d’incidents possibles, allant des stricts dommages matériels aux blessures graves, voire au décès. L’article 15.10 se lit comme suit :

15.10 (1) L’employeur doit, au plus tard le 1er mars de chaque année, soumettre au ministre un rapport écrit indiquant le nombre d’accidents, de maladies professionnelles et d’autres situations comportant des risques, dont il a connaissance, ayant touché un ou plusieurs de ses employés au travail au cours de la période de 12 mois se terminant le 31 décembre de l’année précédente.

(2) Le rapport doit être rédigé en la forme établie à l’annexe II de la présente partie, doit contenir les renseignements qui y sont demandés et doit être accompagné d’une copie de tout rapport établi en vertu du paragraphe 19.8(1).

[152] Le rapport annuel prescrit fait partie du Règlement par renvoi. Il est informatif quant à la portée de « situation comportant des risques » aux termes des paragraphes 15.10(1) et 15.4(1). Le paragraphe 15.10(1) se rapporte au « nombre d’accidents, de maladies professionnelles et d’autres situations comportant des risques ». Ces situations sont plus particulièrement catégorisées par l’importance des conséquences dans le formulaire réglementaire, qui comporte des espaces pour les blessures invalidantes, les décès, les blessures légères et les « autres situations comportant des risques », tout comme le paragraphe 15.4(1) [souligné par l’auteur]. Cela appuie l’analyse ci-dessus qu’une « situation comportant des risques » n’exige pas qu’une blessure ait été subie, puisque le formulaire prévoit des espaces pour toutes les situations comportant des risques qui n’ont pas entraîné une blessure ou un décès, mais qui sont susceptibles d’être la cause d’une blessure au travail. Un incident de stricts dommages matériels ferait partie en fait de cette catégorie.

[153] Le Tribunal a examiné dans le passé la portée de l’expression « autres situations comportant des risques ». Dans Banque Royale du Canada, 2012 TSSTC 5, l’agent d’appel s’est exprimé comme suit au paragraphe 19 :

L’expression « situation comportant des risques » n’est pas définie dans le Code ni dans le Règlement. Elle comprend toutefois manifestement un accident ou une maladie professionnelle puisque, après avoir précisé les deux expressions, le libellé du paragraphe fait ensuite référence aux « autres situations comportant des risques » (non souligné dans l’original). Cet ajout semble indiquer que les rédacteurs ou le législateur n’étaient pas convaincus du fait que les deux expressions précédentes incluraient toutes les situations susceptibles de comporter un risque et ont souhaité qu’elles incorporent d’autres circonstances non déterminées, dans le cadre de l’application de ces dispositions.

[154] J’endosse l’approche de l’agent d’appel dans Banque Royale du Canada, qui reflète les observations des intimés sur l’usage habituel et le sens du mot « autre ». L’appelante n’a pas démontré en s’appuyant sur la législation et l’objet du Code qu’« autre situation comportant des risques » comporte la définition restreinte employée par le Programme du travail aux fins de la présentation des formulaires réglementaires.

[155] Je ne vois pas comment l’interprétation de l’appelante peut s’inscrire dans l’économie générale de la Partie XV du Règlement. L’instrument de politique Programme du travail sur la façon de faire rapport ne constitue pas une limite aux obligations régulières prévues au Règlement à l’endroit des employeurs. Il n’existe aucune raison législative de restreindre les « autres situations comportant des risques » aux incidents précis énumérés ci-dessus.

Accidents

[156] L’alinéa 125(1)c) du Code stipule que l’employeur est tenu d’enquêter sur « tous les accidents, toutes les maladies professionnelles et autres situations comportant des risques[…] ». Le paragraphe 15.4(1) confie une responsabilité relative aux enquêtes à l’employeur pour tout « accident, maladie professionnelle ou autre situation comportant des risques ». Ici encore, le libellé est clair concernant le fait que les accidents et les maladies professionnelles sont des situations comportant des risques; une situation comportant des risques qui justifie une enquête et n’est pas sous-catégorisée comme un accident ou une maladie professionnelle est généralement considérée comme une « situation comportant des risques ».

[157] Bien qu’il semble n’y avoir aucun débat entre les parties quant au moment où une enquête doit être menée relativement à une maladie professionnelle, il en existe un pour ce qui est d’un « accident ». Le Code ne définit pas « accident ». STMG fait valoir que les incidents entraînant des dommages évités de justesse ou des dommages matériels seulement ne sont pas des accidents, et que les blessures légères sont entièrement visées par l’article 15.7 du Règlement. Il fait valoir que seuls les incidents causant des blessures invalidantes sont des « accidents » qui justifient une enquête.

[158] Le SCFP allègue que l’alinéa 125(1)c) du Code et le paragraphe 15.4(1) du Règlement ne font pas la distinction entre les accidents selon la gravité d’une blessure subie par un employé, soulignant que le Code prévoit une enquête pour « tous les accidents » [souligné par le SCFP].

[159] Le SCFP et l’AID s’appuient sur la même définition d’« accident du travail » que STMG, tirée de la loi québécoise intitulée Loi sur les accidents et les maladies professionnelles du Québec, RLRQ c A-3.001 :

Un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle.

[160] Le SCFP allègue que le sens usuel d’« accident » nécessite une conséquence - plus particulièrement une blessure de quelque gravité qu’elle soit - et que la loi ne prévoit pas que l’employeur doit utiliser sa discrétion quant aux blessures qui justifient une enquête sur un accident en vertu du paragraphe 15.4(1) du Règlement. Si le législateur avait l’intention de faire une distinction entre les accidents causant des blessures légères et des blessures invalidantes, il l’aurait fait explicitement. Une interprétation large et libérale du Code et du Règlement ne se prête pas à l’imposition d’une telle distinction.

[161] De plus, il indique que le devoir de mener une enquête ne dépend pas de la gravité de la blessure, cependant, la portée de l’enquête elle-même pourrait varier selon la blessure.

[162] Je trouve la position des intimés nuancée et convaincante. Un « accident » est « une situation comportant des risques » de nature soudaine et imprévue causant à l’employé une blessure au travail. Selon moi, ni le Code ni le Règlement ne font une distinction quant aux responsabilités de l’employeur en matière d’enquête sur les accidents en fonction de la blessure subie par un employé. Un employeur doit enquêter tous les accidents.

[163] Pour ce qui est de l’exhaustivité d’une enquête, celle-ci pourrait être proportionnelle à la blessure. Cependant, il y a lieu de faire preuve de bon jugement au moment de déterminer la portée d’une enquête. Une blessure heureusement mineure dans le cadre d’un événement susceptible de causer un accident catastrophique n’est pas une excuse pour que l’enquête soit compromise.

[164] La preuve est très claire à l’effet qu’avant l’émission de la première instruction l’employeur ne faisait pas enquête sur toutes les situations comportant des risques. En effet, les témoins de l’appelant, M. Beaubien et M. Gagnon ont confirmés qu’aucune enquête n’était effectuée lors d’incidents qui impliquent des dommages matériels, des quasi-incidents et des incidents avec blessures légères. M. Beaubien a même confirmé que lors de la chute de conteneurs, l’employeur ne procédait à aucune enquête et aucun délégué n’était appelé. Or, tel que mentionné précédemment, l’article 15.4 est formulé de façon à inclure un très large éventail de situations qui pourraient se produire sur un lieu de travail pouvant affecter la santé et la sécurité des employés, incluant des évènements qui n’ont causé que des dommages matériels et blessures légères.

[165] Dans la première instruction qu’il a émise, l’agent de SST Testulat a identifié la chute de conteneurs sur les terminaux et les accidents sur les lieux de travail impliquant de la machine ou de l’équipement comme des exemples des situations qui doivent faire l’objet d’une enquête par l’employeur. À la lumière de mon analyse de l’ensemble de la Partie XV du Règlement, je suis également d’avis que ce sont des situations devant être enquêtées par l’employeur.

[166] Pour toutes ces raisons, je conclus que l’employeur a contrevenu à l’alinéa 125(1)c) du Code et à l’alinéa 15.4(1)a) du Règlement.

2) L’employeur a-t-il avisé le comité local conformément à l’alinéa 15.4(1)b)

[167] En plus d’avoir l’obligation de faire enquête sur les situations comportant des risques, l’employeur doit aussi, selon l’alinéa 15.4(1)b), aviser le comité local, le cas échéant, le représentant de la situation et du nom de la personne qui fera enquête. J’ai déjà déterminé dans la première partie de cette analyse que l’employeur a manqué à son obligation d’enquêter toutes les situations comportant des risques. Il me reste maintenant à décider si, lorsqu’une enquête est effectuée, l’employeur se conforme à son obligation d’aviser le comité local.

[168] STMG soumet que ses procédures en matière d’enquêtes rencontrent les exigences du Code et du Règlement. Lorsqu’une enquête doit avoir lieu, le surintendant vérifie si un membre du comité local est présent sur le lieu de travail. Si c’est le cas, celui-ci sera avisé pour participer à l’enquête. Par contre, s’il n’y a aucun de des membres du comité de présent, un délégué à la santé et sécurité sera désigné pour que celui-ci puisse participer à l’enquête.

[169] L’appelante allègue ainsi que puisque les délégués à la santé et sécurité sont des membres suppléants du comité local et que l’un d’eux est systématiquement avisé et participe aux enquêtes, les obligations du Code et du Règlement sont rencontrées

[170] L’appelant affirme qu’étant conscient des difficultés d’application des exigences du Code au milieu de travail au Port de Montréal, l’employeur et les deux syndicats intimés se sont entendus, à l’intérieur de leurs conventions collectives respectives, pour avoir des délégués à la santé et sécurité qui, selon l’employeur, sont des membres suppléants tel que prévu par le paragraphe 135.1(6) du Code.

[171] L’appelante estime qu’il est primordial que la Société puisse avoir recours aux délégués pour participer aux enquêtes puisque que cette pratique n’est pas interdite par le Code et tient compte des particularités du milieu de travail au port de Montréal. L’appelante affirme que deux caractéristiques distinguent le milieu de travail en cause des autres employeurs traditionnels.

[172] Premièrement, l’aire territoriale de STMG qui s’étend sur plusieurs kilomètres sur la rive-nord et la rive-sud du fleuve Saint-Laurent. Ensuite, l’affection de la main-d’œuvre dans le port de Montréal qui s’effectue par un mécanisme de déploiement qui est pris en charge par l’AEM. Les Compagnies, incluant STMG, fournissent quotidiennement le nombre de travailleurs dont elles auront besoin pour les quarts de travail à venir. Par conséquent, les débardeurs et vérificateurs qui travaillent pour STMG peuvent également travailler pour six autres compagnies de débardages présents sur le Port de Montréal ainsi, la composition du lieu de travail change quotidiennement, voire même à chaque quart de travail.

[173] L’appelante prétend que considérant ces deux aspects, il leur est impossible d’aviser un membre du comité local à chaque fois qu’une enquête doit avoir lieu étant donné le nombre limité de membres du comité. De plus, lorsque survient un accident, les membres du comité peuvent être soit déployés à d’autres terminaux que les siens, soit à la maison ou en vacances. C’est donc pour ces raisons que les parties ont expressément convenu, dans leurs conventions collectives, une solution à cette situation en introduisant le concept de « délégué à la santé et sécurité ». L’appelante réfère à l’article 11.03 de la Convention collective intervenue entre l’AEM et le syndicat des débardeurs qui prévoit ce qui suit :

11.03 Délégués à la santé et sécurité et composition des comités locaux de santé et de sécurité.

a) Les employés délégués à santé et sécurité sont nommés par le syndicat. Un délégué à la santé et sécurité peut exercer toutes les fonctions d’un membre d’un comité représentant les employés, en l’absence de ce dernier, et ce tant lors des réunions du comité local qu’en dehors de celle-ci.

L’association des employeurs maritimes et les compagnies s’engagent à aviser un membre du comité local ou, en l’absence de ce dernier, un délégué en santé et sécurité, de tout accident ou refus de travail qui se produit sur un lieu de travail e ce, aussitôt, que l’employeur en prend connaissance qu’il y ait ou non arrêt de travail. Lors de telles éventualités, le représentant des employés assiste le ou les employés concernés.

Les membres des comités locaux de santé et sécurité représentant les employés sont désignés par le syndicat parmi les délégués à la santé et sécurité. Les représentants des employés ne peuvent agir à ce titre lorsqu’ils sont assignés à un travail de grue. [Souligné par nos soins]

[174] L’article 135(1) du Code exige la constitution d’un comité local de santé et de sécurité au travail dans tout lieu de travail comptant au moins 20 employés. Il est sans conteste qu’un comité local a été établi chez Montréal Gateway. L’article 135(1) se lit ainsi :

135(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employeur constitue, pour chaque lieu de travail placés sous son entière autorité et occupant habituellement au moins 20 employés, un comité local chargé d’examiner les questions qui concernent les lieux de travail en matière de santé et de sécurité; il choisit et nomme les membres sous réserve de l’article 135.1

[175] Le paragraphe 135.1(6) du Code permet, quant à lui, la désignation de membres suppléants aux membres du comité dans les termes suivants :

135.1(6) Tant l’employeur que les employés peuvent désigner des suppléants chargés de remplacer, en cas d’empêchement, les membres désignés par eux; les suppléants des membres désignés par les employés ou en leur nom doivent répondre aux critères prévus aux alinéas (1)a) et b)

[176] À mon avis, le paragraphe 135.1(6) doit être regardé dans le grand contexte du rôle joué par les comités locaux. Le but du comité local est d’offrir une perspective bipartite et de collaboration sur le maintien et la promotion de la santé et la sécurité, indépendamment et de la gestion et des syndicats. Les comités et les représentants en matière de santé et de sécurité sont une entité cruciale et un des piliers de la mise en œuvre du Code. Ils jouent un rôle primordial dans la prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles.

[177] Il existe d’autres articles du Code qui soulignent l’importance des comités locaux. Entre autres, le paragraphe 135(4) dresse la liste des facteurs que le Ministre doit examiner avant d’exempter un lieu de travail de l’établissement d’un comité; un lieu de travail doit satisfaire à un seuil de sécurité très élevé et présenter des antécédents de conformité au Code avant que le Ministre puisse envisager une exemption.

[178] L’alinéa 135(7)e) attribue une obligation au comité local de participer aux enquêtes qu’effectue l’employeur:

135(7) Le comité local, pour ce qui concerne le lieu de travail pour lequel il a été constitué :

e) participe à toutes les enquêtes, études et inspections en matière de santé et de sécurité des employés, et fait appel, en cas de besoin, au concours de personnes professionnellement ou techniquement qualifiées pour le conseiller;

[179] Le législateur est tout à fait catégorique sur le fait que la participation du comité local à toutes les enquêtes est obligatoire et non facultative. Il est clair que le Parlement a attribué aux comités locaux l’obligation de participer à toutes les enquêtes en matière de santé et de sécurité et n’a pas donné à l’employeur la discrétion de déterminer à quel moment l’implication du comité serait appropriée.

[180] Pour faciliter l’adhérence à cette exigence du Code, il importe que le comité soit avisé de la tenue des enquêtes. Le Code ne prévoit toutefois pas les modalités de participation du comité local aux enquêtes qu’effectue l’employeur. En revanche, comme c’est le comité qui est titulaire de cette obligation, il lui appartient d’en décider les modalités et non à l’employeur.

[181] Dans la décision Halterm, l’agent indique ce qui suit en ce qui concerne la participation du comité local aux enquêtes :

L’expression anglaise « shall participate in all inquiries and invesigations » signifie qu’il existe une exigence obligatoire aux termes de laquelle le comité de sécurité et de santé participe à tous les aspects de l’enquête. Cette interprétation se fonde sur l’analyse suivante de la disposition.

Le mot « shall » renvoie à une obligation et dans le cas présent, puisque les membres du comité de sécurité et de santé sont dégagés de toute responsabilité, signifie que le comité n’a pas à se demander s’il participe ou non à l’enquête mais à se préoccuper de la façon de le faire. Les règles de procédures concernant son fonctionnement doivent donc aider le comité dans ce sens. De plus, vu l’exigence obligatoire relative à la participation du comité de santé et de sécurité à l’enquête, toute ingérence dans le rôle du comité est illégale et répréhensible.

[Souligné par nos soins]

[182] Je souscris à l’interprétation similaire retenue par l’agent d’appel dans Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2013 TSSTC 23, au paragraphe 149 :

Par conséquent, je juge que les CLMSS et RRSS n’ont pas seulement le droit, mais aussi le devoir de participer aux inspections et aux enquêtes sur les lieux dans le cadre du processus d’ESR. Ces CLMSS et RRSS se composent de représentants de l’employeur et des employés et sont les mieux placés pour décider du niveau de participation requis. J’aimerais préciser que, si des CLMSS ou RRSS souhaitent participer à une évaluation, les évaluateurs ou les gestionnaires ne peuvent refuser puisqu’ils ne font qu’exécuter leurs fonctions conformément au Code.

[183] Il est ainsi bien établi par la jurisprudence du Tribunal qu’il appartient au comité local, à l’aide de ces règles de fonctionnement, d’établir les paramètres entourant sa participation aux enquêtes, y compris la désignation des personnes en charge d’y participer. Un employeur ne peut donc s’ingérer dans ce rôle ni ne peut unilatéralement décider quelles sont les personnes qui participeront aux enquêtes.

[184] En l’espèce, la preuve révèle que l’employeur fait seul le choix de la personne qui participe aux enquêtes au nom du comité local et ce, dans plusieurs cas, sans même avertir les membres du comité. Les témoins de l’appelante ont expliqué que la pratique est de choisir un délégué qui est présent sur le quart de travail et dont la participation aux enquêtes ne nuira pas aux opérations. On ne m’a présenté aucune preuve démontrant que cette façon de faire a été décidée ou acceptée par le comité local.

[185] En outre, la preuve révèle aussi que dans plusieurs cas ni un membre du comité local, ni un délégué n’a été appelé pour participer aux enquêtes. Lors de son témoignage, M. Lavoie a confirmé qu’il était arrivé des situations ou le surintendant n’avait contacté ni un délégué et ni un membre du comité local lors d’accidents mineurs sans blessures invalidantes. Les témoins des intimés ont de même identifié des cas où il n’y a pas eu participation à l’enquête du comité n’ayant pas été avisé.

[186] L’obligation qu’impose l’alinéa 15.4(1)b) à l’employeur se limite à aviser le comité local lorsqu’il fait enquête sur des situations comportant des risques dans son lieu de travail. Il revient au comité d’assurer leur participation aux enquêtes. Une fois avisé de la tenue d’une enquête, il appartiendra donc au comité local de désigner la personne qui fera enquête et de déterminer tous les autres aspects entourant sa participation y compris la désignation de la personne qui fera enquête en son nom. Idéalement, ces aspects devraient être prévus dans les règles de fonctionnement du comité pour leur permettre d’agir promptement lorsqu’ils sont avisés de la tenue des enquêtes.

[187] Bien que je souscrive à l’argument de l’appelante à l’effet que les délégués en santé et sécurité au travail, nommés par les syndicats, peuvent être considérés comme des membres suppléants au sens du paragraphe 135.1(6) puisque les conventions collectives permettent à ceux-ci d’exercer toutes les fonctions du comité, je ne crois pas que cela signifie que l’employeur puisse dès lors s’approprier d’un rôle qui a clairement été octroyé au comité local.

[188] Je trouve important de préciser que le paragraphe 135.1(6) permet la nomination de membres suppléants pour les cas où le comité n’est pas en mesure d’accomplir une de ses fonctions. Ce n’est pas à l’employeur de déterminer à quel moment il est approprié d’avoir recours à des membres suppléants. À mon avis, cette décision tout comme celle concernant les modalités de participation reviennent au comité local. Qui plus est, malgré son allégation que l’utilisation des délégués, qui sont des membres suppléants au sens du Code, lorsqu’il n’y a pas de membres du comité local de présent sur un quart de travail est conforme au Code, la preuve révèle que les règles de déploiement ne permettent pas d’assurer la présence ni d’un membre du comité local et ni d’un délégué sur les différents quarts de travail puisqu’il ne s’agit pas d’un critère qui est pris en compte lors du déploiement de la main-d’œuvre.

[189] Par conséquent, je suggère fortement à l’employeur et au comité local de collaborer afin d’établir des règles précises régissant la participation du comité local aux enquêtes sur les situations comportant des risques.

[190] Il me reste maintenant à adresser l’argument de l’appelante concernant les libellés des instructions émises par l’agent de SST Testulat qui indique que l’employeur doit aviser « les membres employés » du comté local lorsqu’il fait enquête. L’appelante fait valoir que l’article 15.4 du Règlement ne précise pas que les représentants du comité qui sont des employés doivent être nécessairement informés d’une enquête. La législation prévoit seulement que le comité doit être informé.

[191] Je suis d’accord avec l’appelante que selon le libellé du paragraphe 15.4(1)b), l’employeur a la responsabilité d’aviser le comité local et non précisément les représentants employés du comité. Les représentants de l’employeur et des employés sont responsables à part égale du bon fonctionnement du comité de santé et sécurité et doivent exercer leurs fonctions de manière indépendante des entités qui les nomment (c.-à-d. la direction et les syndicats). Chaque membre du comité, sans égard à la partie qu’il représente, doit s’assurer que le comité exerce ses fonctions de façon maximale.

[192] Il serait inapproprié et inexact de lire ces motifs de manière à diminuer la valeur de l’apport des employés au comité local. La représentation des employés fait partie intégrante du comité, comme le confirme le Code. Le Code prévoit que les représentants des employés sont choisis par leurs pairs et n’exercent pas de fonctions de direction. Le paragraphe 135.1(8) prévoit que les représentants des employés participent à l’exécution des fonctions du comité aux termes du paragraphe 135(7).

[193] Pour toutes ces raisons, je conclus que la pratique de l’employeur en matière d’enquête sur les situations comportant des risques ne garantit pas l’adhésion aux exigences de l’alinéa 15.4(1)b) du Règlement. L’employeur doit lorsqu’il fait enquête sur des situations comportant des risques qui se produisent sur son lieu de travail aviser le comité local de santé et de sécurité pour qu’il puisse participer aux enquêtes sur les situations comportant des risques.

Conclusion

[194] Il ressort clairement des témoignages, de la preuve soumise et de l'analyse ci-dessus, que les pratiques de STMG ne sont pas conformes au Code et au Règlement. L'agent de SST Testulat a émis la première instruction suite à la réception d’une plainte et de discussions subséquentes avec la gestion de STMG. Un an plus tard, il a émis une deuxième instruction suite à une visite au lieu de travail, où il a constaté que l’employeur ne s’était toujours pas conformé à la première instruction et ce, malgré le rejet de leur demande de suspension de ladite instruction.

[195] Après avoir examiné en profondeur toute la preuve et les observations des parties, je suis d’avis que l’agent de SST Testulat était à bon droit d’émettre les instructions identifiant une contravention à l’alinéa 125(1)c), et paragraphe135(7) ainsi qu’au paragraphe 15.4(1) du Règlement. Afin de faciliter la compréhension des parties quant aux obligations de l’employeur, je trouve cependant utile de modifier les deux instructions afin de mieux refléter l’interprétation qui est faite ci-dessus des obligations de l’employeur quant à l’objet de l’enquête et à la notification au comité local. Une modification sera également apportée pour retrancher les mots « membres employés» tel qu’expliqué au paragraphe 191 ci-dessus.

[196] Je note également que l’agent de SST Testulat a cité les autorités adéquates en vertu de laquelle il a exercé son pouvoir d’émettre ses instructions, dans le corps de ses instructions. Il a par contre cité une disposition inexistante du Code dans les titres des instructions. Les dispositions identifiants les contraventions sont cependant citées au sein des deux instructions. Le titre peut simplement être interprété comme renfermant une erreur typographique que j’ai corrigée dans les annexes.

Décision

[197] Par ces motifs, les instructions émises par l’agent de SST Testulat à l’employeur le 18 juin 2012 et le 12 juin 2013 sont modifiées et annexées à ces motifs.

Jean Arteau

Agent d’appel

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)a)
TELLE QUE MODIFIÉE PAR L’AGENT D’APPEL JEAN ARTEAU

Le 16 mai 2012, l’agent de santé et de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par Société Terminaux Montréal Gateway, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail et sis aux terminaux 62 et 77 du port de Montréal à Montréal, QC (CP 360, Station K, Montréal, QC).

Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail sont enfreintes

125(1)c) Partie II du Code canadien du travail

15.4(1) Règlement canadien sur la santé et sécurité au travail

L’employeur n’a pas fait enquête sur toutes les situations comportant des risques, c’est-à-dire des situations qui ont été ou sont susceptibles d’être la cause d’une blessure au travail, y compris les situations n’ayant entrainé que des dommages matériels.

L’employeur n’a notamment pas fait enquête lors de la chute de conteneurs sur les terminaux ou d’accidents sur les lieux de travail impliquant de la machinerie ou de l’équipement et qui n’implique pas de blessure invalidante.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, à cesser toute contravention au plus tard le 3 juillet 2012.

Fait à Montréal ce 18e jour de juin 2012.

[signé]

Alain Testulat

Agent Santé et Sécurité # ON6872

Programme du travail - RHDCC

200, boul. René-Lévesque Ouest, Tour Ouest 4e Étage

Montréal, QC, Canada, H2Z-1X4

Tel : 514-982-2553 (3095)

Alain.testulat@labour-travail.gc.ca

À : M. Éric Paré

Société Terminaux Montréal Gateway, Terminaux 62 et 77 du port de Montréal

CP 360, Station K, Montréal, QC

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)a)

TELLE QUE MODIFIÉE PAR L’AGENT D’APPEL JEAN ARTEAU

Le 12 juin 2013, l’agent de santé et de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par Société Terminaux Montréal Gateway, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail et sis aux terminaux 62 et 77 du port de Montréal à Montréal, QC

Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail sont enfreintes

135(7)e) Partie II du Code canadien du travail

15.4(1) Règlement canadien sur la santé et sécurité au travail

L’employeur n’a pas avisé le comité local pour qu’il puisse participer aux enquêtes de situations comportant des risques.

L’employeur n’a notamment pas avisé le comité local pour que celui-ci puisse participer pleinement aux enquêtes lors de situations comportant des risques lors d’accidents sur les lieux de travail impliquant une ou des blessures invalidantes et blessures légères chez un ou des employés.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, à cesser toute contravention au plus tard le 21 juin 2013.

Fait à Montréal ce 12e jour de juin 2013.

[signé]

Alain Testulat

Agent Santé et Sécurité # ON6872

Programme du travail - RHDCC

200, boul. René-Lévesque Ouest, Tour Ouest 4e Étage

Montréal, QC, Canada, H2Z-1X4

Tel : 514-982-2553 (3095)

Alain.testulat@labour-travail.gc.ca

À : M. Éric Paré

Société Terminaux Montréal Gateway, Terminaux 62 et 77 du port de Montréal

CP 360, Station K, Montréal, QC

Détails de la page

Date de modification :