2017 TSSTC 18

Date : 2017-08-31

No de dossier : 2017-02

Entre :

Brink’s Canada Limitée, requérante (appelante dans l’appel)

et

Michael Childs et Unifor, intimés

Indexé sous : Brink’s Canada Ltée c. Childs et Unifor

Affaire : Requête en vue de faire rejeter l’appel en raison de son caractère théorique

Décision : La requête est rejetée.

Décision rendue par : M. Pierre Hamel, agent d’appel

Langue de la décision : Anglais

Pour la requérante : Me James D. Henderson, avocat, Grosman, Grosman & Gale LLP

Pour les intimés : Me Niki Lundquist, avocate-associée, service juridique, Unifor

Référence : 2017 TSSTC 18

Motifs de la décision

[1] Les présents motifs concernent une demande de Brink’s Canada Limitée, l’appelante (la requérante dans la présente décision), en vue de faire rejeter l’appel ou de fermer le dossier en raison de son caractère théorique et font suite à un courriel daté du 23 août 2017 émanant du Tribunal de santé et sécurité au travail (Tribunal) informant les parties que la demande a été rejetée, et que les motifs allaient suivre. Les motifs à l’appui de ma décision sont énoncés ci-après.

Contexte

[2] Le présent appel porte sur une instruction émise le 29 décembre 2016 par M. Lewis Jenkins, en qualité de représentant délégué par le ministre du Travail (le délégué ministériel). M. Jenkins a émis son instruction aux termes de son enquête sur le refus de travailler exercé par M. Michael Childs, un employé de Brink’s Canada Limitée (Brink’s ou l’employeur), au motif que le modèle du déploiement complet de l’équipe à l’extérieur du véhicule, auquel l’employeur avait recours, n’était pas sécuritaire et représentait un danger pour l’employé.

[3] Le délégué ministériel Jenkins a conclu que le modèle du déploiement complet de l’équipe à l’extérieur du véhicule représentait un danger pour M. Childs et a émis une instruction en conséquence, conformément au paragraphe 145(2) du Code canadien du travail (le Code). Aux fins de la présente demande, il suffit de mentionner que l’instruction de M. Jenkins ressemble grandement à une instruction émise dans des circonstances similaires par le délégué ministériel, Jason Elliott, à la suite du refus de travailler de M. Robert Dendura, un employé de Brink’s à Edmonton, en Alberta (l’affaire d’Edmonton).

[4] Le 3 mars 2017, j’ai accueilli la demande de l’employeur visant à obtenir la suspension de la mise en œuvre de l’instruction faisant l’objet d’un appel, pour les motifs exposés dans Brink’s Canada Lée c. Childs et Unifor, 2017 TSSTC 4.

[5] Le 16 juin 2017, le Tribunal a publié la décision que j’ai rendue dans Brink’s Canada Limitée c. Dendura, 2017 TSSTC 9 (Dendura), concernant l’affaire d’Edmonton. Dans cette décision, j’ai accueilli l’appel de l’employeur et j’ai conclu que le danger que représentait le modèle du déploiement complet de l’équipe à l’extérieur du véhicule, auquel l’employeur avait recours dans le cadre de ses activités à Edmonton, constituait une condition normale de l’emploi, selon les éléments de preuve présentés dans le cadre de cet appel.

[6] Le 17 juillet 2017, Brink’s a demandé au Tribunal de rendre une ordonnance déclarant l’appel théorique. La demande était accompagnée d’une copie d’une lettre manuscrite signée par M. Michael Childs déclarant qu’il [traduction] « retirait son refus de travailler » et qu’il estimait que [traduction] « le modèle du déploiement complet à l’extérieur du véhicule d’une équipe formée de deux hommes était sécuritaire ».

Observations de la requérante

[7] Les motifs à l’appui de la demande peuvent être résumés comme suit.

[8] Premièrement, la requérante souligne que M. Jenkins a émis son instruction en se fondant principalement sur une instruction similaire que le délégué ministériel Jason Elliott a émise concernant le refus de travailler de M. Dendura à Edmonton. Le renvoi de M. Jenkins au paragraphe 129(3.1) du Code indique clairement que sa conclusion d’existence de danger et son instruction ne sont pas rattachées à un lieu spécifique et qu’elles reposent uniquement sur l’application de la décision de son collègue d’Edmonton. Le présent appel soulève les mêmes questions que celles examinées dans l’affaire d’Edmonton. La décision et l’instruction ont depuis été annulées par l’agent d’appel dans Dendura. La requérante cite abondamment cette décision pour étayer son observation selon laquelle toutes les questions soulevées dans le cadre de l’appel ont été examinées et tranchées. Par conséquent, cette décision devrait déterminer l’issue du présent appel et [traduction] « l’appel devrait être rejeté ou le dossier, fermé ».

[9] Deuxièmement, la requérante fait valoir que M. Childs a retiré son refus de travailler et confirmé qu’il juge maintenant le modèle du déploiement complet de l’équipe à l’extérieur du véhicule comme étant sécuritaire. La question à l’origine de l’instruction a donc disparu.

[10] Par conséquent, la requérante fait valoir que, compte tenu de ce qui précède, il n’existe plus de question concrète et tangible à trancher et la doctrine du caractère théorique s’applique. La requérante cite l’arrêt de principe Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342 (Borowski), et Manderville c. Service correctionnel Canada, 2015 TSSTC 3 (Manderville), et soutient que tous les éléments de l’analyse énoncés dans ces décisions permettant de conclure au caractère théorique sont réunis.

[11] La requérante cite également la décision que j’ai rendue dans Agence canadienne d’inspection des aliments c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2015 TSSTC 1 (ACIA), dans laquelle j’ai ordonné la fermeture des dossiers lorsque les employés et leur syndicat ont informé le Tribunal que toutes les questions soulevées dans l’appel ont été résolues à leur satisfaction. Comme M. Childs a retiré son refus de travailler et changé d’avis à propos du même processus de travail dont il était question dans l’affaire d’Edmonton, affirmant à présent qu’il est sécuritaire, la requérante fait valoir que la question est théorique et demande à l’agent d’appel de [traduction] « rejeter l’appel ou, à titre subsidiaire, de clore le dossier ».

[12] Le 28 juillet 2017, la requérante a précisé le redressement qu’elle sollicite dans sa demande sur le caractère théorique et demandé à ce que le Tribunal annule officiellement l’instruction du délégué ministériel Jenkins au motif que le modèle du déploiement complet de l’équipe à l’extérieur du véhicule ne représente aucun danger.

Observations de l’intimé Unifor

[13] L’intimé a présenté de brèves observations au Tribunal le 28 juillet 2017 sans avoir eu l’occasion d’examiner la décision rendue dans Dendura puisque la décision est visée par une ordonnance de confidentialité concernant sa publication. Le 26 juillet 2017, j’ai ordonné qu’un exemplaire du texte intégral de la décision soit transmis à l’intimé avec les restrictions appropriées énoncées dans une lettre datée du 27 juillet 2017.

[14] Unifor a déposé ses observations auprès du Tribunal le 9 août 2017. Unifor s’oppose à la demande pour les motifs suivants.

[15] L’intimé note d’abord les précisions apportées par la requérante quant à sa demande d’annulation de l’instruction, ce qui constitue un changement important par rapport à sa position initiale voulant que l’appel soit rejeté ou que le dossier soit clos.

[16] L’intimé fait remarquer que dans la décision Dendura, l’employé ayant refusé de travailler n’était pas représenté par un avocat et n’avait pas l’aide ni le soutien de son syndicat, un syndicat différent d’Unifor. En conséquence, la preuve de l’employeur était largement incontestée. L’intimé souligne également que le syndicat en l’espèce a opposé que le modèle du déploiement complet de l’équipe à l’extérieur du véhicule n’était pas sécuritaire.

[17] L’intimé soutient que les critères énoncés dans l’arrêt Borowski concernant le caractère théorique ne sont pas remplis. De plus, le Tribunal a reconnu que pour se prononcer sur le « caractère théorique », il faut distinguer la partie au litige des circonstances ou des éléments factuels réels du litige, lesquels ne devraient pas être touchés par le caractère temporaire, donc non définitif, de l’absence de la partie au litige (Schmahl c. Service correctionnel du Canada, 2016 TSSTC 3, par. 110).

[18] L’intimé soutient que, bien que M. Childs se soit rétracté, le Tribunal dispose du pouvoir résiduel, dans l’intérêt du public, d’entendre la question de savoir si le modèle du déploiement complet de l’équipe à l’extérieur du véhicule pose ou non un risque sérieux pour la santé et la sécurité des employés, comme le conclut le délégué ministériel Jenkins. Une audience permettrait de mieux prévenir les accidents et les maladies conformément à l’article 122.1 du Code.

[19] L’intimé fait également valoir que la requérante, qui a reformulé sa position le 28 juillet 2017, demande un jugement sommaire annulant l’instruction et une décision établissant que le modèle du déploiement complet de l’équipe à l’extérieur du véhicule est sécuritaire, sans aucune preuve ni processus quasi judiciaire. Le Tribunal a indiqué à maintes reprises que la conclusion d’existence d’un danger est fondée sur les circonstances et faits précis de chaque cas (Samson c. Service correctionnel du Canada, 2015 TSSTC 18). Il se peut que la preuve présentée dans le cadre du présent appel diffère sur les points importants de celle présentée dans Dendura. Par conséquent, la question devrait faire l’objet d’une audience sur le fond.

Motifs de décision

[20] Comme il a été mentionné précédemment, j’ai décidé de rejeter la demande d’annuler l’instruction en raison de son caractère théorique. Je ferai d’abord observer que les observations initiales de l’employeur selon lesquelles l’appel devrait être rejeté ou le dossier clos m’ont laissé perplexe. Accueillir la requête telle que présentée à l’origine aurait entraîné le maintien en vigueur de l’instruction et la suspension de la mise en œuvre accordée le 3 mars 2017 aurait cessé d’avoir effet, ce qui aurait vraisemblablement été contraire à l’objectif poursuivi par l’employeur en présentant sa demande.

[21] Les précisions que l’employeur a apportées le 28 juillet 2017 concernant l’ordonnance demandée sont plus sensées et j’ai examiné la question à la lumière de ces précisions.

[22] D’abord, je suis d’avis que l’employeur n’a pas rempli les critères énoncés dans l’arrêt Borowski pour établir que la question en l’instance est théorique dans le contexte législatif dans le cadre duquel le litige est survenu en vertu du Code. La question en litige porte sur la validité de l’instruction émise dans les circonstances prévalant au moment du refus de travailler. Il existe à mon avis un différend qui se poursuit entre les parties à l’appel et concernant la validité de l’instruction. Même si la décision rendue dans Dendura peut porter sur des questions similaires en apparence, les intimés dans cette affaire ne sont pas les mêmes qu’en l’espèce. L’employé n’était pas représenté par un avocat et la preuve que l’employeur a présentée était largement incontestée. Le syndicat impliqué dans le présent dossier est un syndicat différent et celui-ci est manifestement préoccupé par le modèle du déploiement complet de l’équipe à l’extérieur du véhicule, qui, selon le délégué ministériel Jenkins, constitue un danger pour les employés.

[23] De plus, il a été établi depuis longtemps que le processus d’appel est un processus de novo. En examinant les circonstances de l’instruction et les motifs de celle-ci, comme l’exige l’article 146.1 du Code, l’agent d’appel peut tenir compte de tout élément de preuve pertinent, que cet élément de preuve ait été présenté au délégué ministériel ou non et que celui-ci en ait tenu compte ou non. Ainsi, l’agent d’appel est habilité, entre autres, à fixer lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie la possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations (alinéa 146.2(h) du Code).

[24] Reprenant l’affaire depuis le début comme il se doit, il est fort possible que les circonstances que les parties peuvent démontrer dans leur preuve diffèrent de celles démontrées dans Dendura. De nombreux facteurs ont été pris en considération dans l’affaire Dendura pour conclure à une condition normale d’emploi; la décision relative au présent appel doit être prise à la lumière de toutes les circonstances pertinentes prévalant au moment du refus de travailler. À l’opposé, il se pourrait que la preuve ne révèle aucune différence importante à l’égard des éléments principaux de l’analyse factuelle. Quoi qu’il en soit, je suis mandaté par le Code de suivre un processus d’audience approprié pour trancher ces questions et je ne peux pas simplement préjuger de l’affaire sans un tel processus, comme l’employeur me le demande.

[25] L’affirmation selon laquelle il ne subsiste plus de question en litige entre les parties à l’appel n’est donc pas étayée par les faits. Dans la décision Manderville, par exemple, les faits ont établi que les circonstances avaient changé, ce qui rendrait la décision purement théorique. Dans cette affaire, l’appelant était l’employé ayant refusé de travailler et non l’employeur, et le détenu qui avait occasionné le refus de travailler avait été transféré dans un autre établissement, rendant ainsi théorique toute affirmation de l’employé d’être mis en danger par le comportement de cette personne. Ce changement de situation a amené l’agent d’appel à conclure que l’appel interjeté par l’employé était théorique. Ce n’est pas le cas ici. Ce qui a changé est qu’une décision a été rendue dans une autre affaire soulevant une série de questions prétendument semblables et mettant en cause le même employeur, mais un employé et un syndicat différents, et que l’employé a changé de point de vue sur la situation.

[26] Le premier critère énoncé dans l’arrêt Borowski n’étant pas rempli, il n’est pas nécessaire de pousser plus loin cette analyse. L’affirmation de la requérante selon laquelle la question est théorique s’appuie clairement sur le fait que l’employeur a réussi à soulever dans un autre appel des questions semblables. Dans cette mesure, je suis d’avis que l’objectif réel de la demande est d’obtenir un jugement sommaire en appliquant simplement l’issue de la décision rendue dans Dendura au présent appel. À mon avis, le Code n’autorise pas un agent d’appel à procéder de cette manière. Bien que cette décision soit incontestablement pertinente et qu’elle pourra avoir une valeur de précédent en l’espèce, le présent appel doit être examiné de novo en fonction des faits qui lui sont propres, comme il est expliqué ci-dessus.

[27] Cela m’amène aux deuxième point soulevé par l’employeur, le fait que l’employé ayant refusé de travailler ait retiré son refus et reconnu que le modèle du déploiement complet de l’équipe est sécuritaire.

[28] En l’espèce, bien que ce soit le refus de travailler de M. Childs qui ait déclenché l’enquête puis l’émission d’une instruction, l’instruction a une application générale et ne se limite pas à la situation particulière de M. Childs. En fait, j’ai accordé une importance considérable à cet élément au moment d’accueillir la demande de l’employeur de suspendre la mise en œuvre de l’instruction dans le cadre du présent appel.

[29] À mon avis, le fait que M. Childs ait retiré son refus de travailler (en supposant que cette action soit même prévue dans le Code à ce stade-ci) n’a aucune conséquence sur la question soulevée dans l’appel. Une instruction peut découler, comme en l’espèce, du refus de travailler d’un employé, d’une plainte formulée par un employé ou un syndicat ou d’une inspection ponctuelle du lieu de travail par le représentant du ministre. Une fois que le délégué ministériel émet une instruction, la question prend une dimension de politique publique et le litige soulevé dans un éventuel appel porte sur le bien-fondé de l’instruction.

[30] Bien que le changement d’avis de M. Childs soit un facteur dont il peut être tenu compte au moment d’examiner l’appel sur le fond, c’est-à-dire en évaluant si la conclusion d’existence de danger et l’instruction du délégué ministériel Jenkins sont bien fondées, cela ne rend pas automatiquement l’instruction dénuée de fondement et sujette à annulation.

[31] Pour étayer son argument, l’employeur a cité la décision que j’ai rendue dans ACIA. Dans cette affaire, j’ai ordonné la fermeture des dossiers lorsque les parties ont unanimement reconnu que les différends ayant mené à l’émission de l’instruction avaient évolué et qu’ils avaient été adéquatement résolus. L’instruction ordonnait à l’employeur de nommer une personne compétente pour enquêter sur les plaintes de violence dans le lieu de travail que les employés avaient déposées. Contrairement au présent appel, la question ayant donné lieu à l’instruction et l’objet de celle-ci étaient entièrement liés aux employés eux-mêmes et au présumé comportement inapproprié de l’employeur contre eux personnellement. Manifestement, la nature de la contravention, la portée étroite et personnalisée de l’instruction et le fait que toutes les parties reconnaissent que tous les différends avaient été résolus à leur satisfaction sont des facteurs convaincants qui m’ont amené à adopter une démarche pragmatique à la demande conjointe des parties de clore le dossier sans une audience, laissant l’instruction « en suspens », si l’on peut dire. J’ai énoncé ce qui suit aux paragraphes 19, 22 et 26 de la décision en question :

[19] Une fois émise, une instruction, qui vise à corriger une situation à l’égard de laquelle l’agent de santé et de sécurité conclut qu’il s’agit d’une contravention au Code, a aussi une dimension de politique publique qui dépasse les seuls intérêts des parties. Il s’agit d’une ordonnance émise par un fonctionnaire public exigeant la plupart du temps de l’employeur qu’il se conforme à une obligation prescrite par le Code. Le défaut de se conformer à une telle ordonnance constitue une infraction aux termes du Code. L’agent de santé et de sécurité lui-même n’est pas autorisé par la loi à modifier sa propre instruction une fois qu’elle est émise. Seul un agent d’appel peut modifier ou annuler une instruction, pour des motifs juridiques ou factuels appropriés touchant la validité et le bien-fondé de l’instruction dans les circonstances présentes. C’est la tâche confiée aux agents d’appel par l’article 146.1 du Code.

[...]

[22] Je ne suis pas convaincu que la formulation de l’article 146.1 du Code m’autorise à aller de l’avant de la manière proposée par l’appelante. Cet article prévoit qu’un agent d’appel peut, après une enquête sommaire sur les circonstances de l’instruction et sur la justification de celle-ci, la modifier ou l’annuler. La question soulevée par la présente demande consiste à déterminer si le Code autorise l’agent d’appel à annuler l’instruction, comme l’employeur l’a initialement proposé dans ses observations, pour la seule raison que l’employé, dont la plainte formulée auprès d’une agente de santé et sécurité a déclenché une enquête ayant mené à la formulation de l’instruction, ne travaillait plus pour l’employeur au moment de l’appel et, dans deux des trois dossiers visés par un appel, ne souhaite plus poursuivre les démarches. Une telle proposition laisse entendre d’annuler une instruction sans tenir compte de son bien-fondé, c’est-à-dire sans décider s’il y a eu ou non contravention au Code dans les circonstances qui existaient au moment où l’agente de santé et sécurité a émis cette instruction. À mon avis, la formulation de l’article 146.1 du Code ne me permet pas d’envisager de prendre une telle mesure.

[...]

[26] Comme je l’ai expliqué précédemment, le Code ne stipule pas expressément la possibilité qu’un agent d’appel annule (soulignement dans l’original) une instruction ou mette fin à la procédure pour la seule raison que les parties ont résolu le différend qui a pu être l’élément déclencheur de l’enquête d’une agente de santé et sécurité et de la formulation d’une instruction. L’agente de santé et sécurité qui émet une instruction le fait en qualité de fonctionnaire publique investie de pouvoirs de contrainte en vertu du Code et exerce des fonctions d’intérêt public. Les mesures de contrainte de l’agente de santé et sécurité transcendent, à mon avis, les intérêts immédiats des parties touchées par de telles mesures, et c’est le Code qui prescrit la conduite des parties à la suite de l’instruction. Le Code ne donne pas le droit aux parties de convenir qu’après tout l’instruction n’est pas nécessaire ou qu’elles ne sont pas tenues de s’y conformer. Le Code prescrit l’effet exécutoire de l’instruction. Le fait que l’employé dont la plainte est à l’origine de l’enquête ne travaille plus pour l’employeur n’est pas, en soi, une raison de rendre purement théorique l’instruction et de mettre fin à la procédure.

[c’est moi qui souligne]

[32] À l’inverse, lorsque les parties ne conviennent pas que le différend est résolu, j’ai conclu, au paragraphe 37, qu’un litige persiste entre les parties, malgré le fait que l’employé n’était plus employé au moment de l’appel :

[37] Par conséquent, pour toutes les raisons susmentionnées, je suis d’avis qu’il reste une question à résoudre dans ce dossier. Je ne peux donc pas accéder à la demande de l’appelante d’annuler l’instruction ou de fermer le dossier selon les motifs invoqués par l’avocate de l’appelante dans les observations qu’elle a présentées le 21 juillet 2014. Faute de consentement ou de retrait mutuel de l’appel par l’appelante, j’ai le devoir rester saisi de cet appel.

[33] Cette analyse a été faite en tenant compte du fait que l’employé ne travaillait plus pour l’employeur. À mon avis, une telle analyse s’applique également à la présente situation où l’employé ayant refusé de travailler a changé d’avis. La question à laquelle il faut répondre dans le processus d’appel consiste à déterminer la validité de l’instruction que le délégué ministériel Jenkins a émise en se fondant sur sa conclusion d’existence de danger, lorsqu’il a exercé un pouvoir ministériel que le Code lui confère. Le litige n’est plus entre les mains de M. Childs, dont le refus de travailler revêt une importance secondaire dans le processus d’appel une fois l’instruction émise.

[34] Pour les motifs susmentionnés, la demande de l’employeur est rejetée et l’appel fera l’objet d’une audience sur le fond, dont la date sera fixée en temps voulu.

Pierre Hamel

Agent d’appel

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