2019 TSSTC 4
Date : 2019-02-13
Dossiers :
2018-25
2018-34
Entre :
Ressources naturelles Canada, demanderesse
et
Institut professionnel de la fonction publique du Canada, intimé
Indexé sous : Ressources naturelles Canada c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Affaire : Demande de suspension de la mise en œuvre de deux instructions émises par une représentante déléguée par le ministre du Travail.
Décision : La demande de suspension est rejetée.
Décision rendue par : M. Jean-Pierre Aubre, agent d'appel
Langue de la décision : Anglais
Pour la demanderesse : Me Christine Langill, avocate, Centre du droit du travail et de l'emploi, ministère de la Justice du Canada, Relations de travail
Pour l'intimé : Mme Marie-Claude Chartier, agente des relations de travail,
Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Référence : 2019 TSSTC 4
Motifs de la decision
[1] La présente demande de suspension concerne deux instructions émises par une représentante déléguée par le ministre du Travail, Fancy Smith (déléguée ministérielle), le 31 août et le 5 novembre 2018, lesquelles portent sur des allégations de contravention au Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2(le Code), par la demanderesse.
[2] L'instruction émise le 31 août 2018 concerne un défaut par la demanderesse de nommer une personne compétente pour enquêter sur des plaintes de violence dans le lieu de travail non réglées. Les plaintes ont été signalées à l'employeur le 10 juin 2016. L'instruction décrit une contravention à l'alinéa 125(1)(z.16) du Code et au paragraphe 20.9(3) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS/86-304(le Règlement), et elle ordonne qu'il soit mis fin à la contravention au plus tard le 12 septembre 2018. J'appellerai cette instruction la première instruction.
[3] L'instruction émise le 5 novembre 2018 concerne le défaut subséquent de la demanderesse de se conformer à la première instruction en ne nommant pas la personne compétente requise pour enquêter sur les plaintes de violence dans le lieu de travail, contrevenant ainsi à l'alinéa 125(1)(x) du Code. Cette instruction ordonne qu'il soit mis fin à la contravention au plus tard le 19 novembre 2018. J'appellerai cette instruction la deuxième instruction.
[4] La demanderesse a interjeté appel des deux instructions aux termes du paragraphe 146(1) du Code, en demandant leur annulation. En l'espèce, la demanderesse cherche à obtenir la suspension de la mise en œuvre des deux instructions en attendant une audience et une décision en appel. Par souci de clarté, puisque les deux instructions portées en appel concernent les mêmes parties et les mêmes faits, les appels dans les numéros de dossier 2018-25 et 2018-34 sont, par les présentes, réunis aux fins d'examen et de décision.
Contexte
[5] Les circonstances entourant la présente affaire découlent d'un incident survenu en 2014. Depuis, il y a eu de nombreuses plaintes et allégations concernant de la violence, des interactions et des comportements dans le lieu de travail, ainsi que les sources, les causes et les enquêtes y afférant. La personne B est la principale personne concernée par lesdites plaintes. En l'instance, la personne B agit par l'intermédiaire de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Je dois souligner que les deux parties ont fourni des renseignements et des commentaires détaillés concernant beaucoup d'incidents s'étant produits entre 2014 et aujourd'hui; bon nombre de ces renseignements et commentaires pourront s'avérer pertinents lors de l'examen des deux appels relatifs à la présente affaire, mais peu d'entre eux sont utiles pour trancher la présente demande de suspension.
[6] En 2014, une plainte relative à de la violence dans le lieu de travail a été déposée contre la personne B par un employé relevant de cette personne. Lors de l'enquête interne subséquente menée par trois employés de la demanderesse (que la personne B avait initialement acceptés), la personne B a simplement été informée que la plainte, ci-après appelée la plainte de 2014, concernait [traduction] « des cris lancés et de l'intimidation exercée au sein du groupe que la [personne B] supervisait ». Lorsque la personne B a examiné le rapport d'enquête qu'elle a reçu en mai 2015, elle a jugé que le droit à une enquête juste et impartiale n'avait pas été respecté. Cette opinion était fondée sur un certain nombre de lacunes dans l'enquête qu'il n'est pas nécessaire d'énumérer à cette étape. Toutefois, compte tenu desdites lacunes, la personne B a également jugé que les trois enquêteurs n'avaient pas fait preuve de l'impartialité et de la compétence nécessaire pour mener une telle enquête, aux termes de l'article 20.9 du Règlement. La personne B a signalé en vain ces réserves à la demanderesse, à la Division des relations de travail et à l'enquêteur principal. En conséquence, la personne B a déposé une plainte auprès du Programme du travail d'Emploi et Développement social Canada en juin 2015, en alléguant que la demanderesse n'avait pas nommé une personne compétente pour mener l'enquête prescrite.
[7] Cette plainte a été examinée par un délégué ministériel qui a conclu, en novembre 2016, que la demanderesse n'avait pas nommé une personne respectant la définition de « personne compétente » aux termes du Règlement, plus précisément que les personnes nommées n'avaient pas fait preuve d'impartialité tout au long du processus d'enquête. Le délégué ministériel responsable de cette affaire a, par conséquent, émis l'instruction à la demanderesse de nommer une personne compétente pour mener l'enquête.
[8] En décembre 2016, la demanderesse a interjeté appel de cette instruction devant le Tribunal, en contestant le pouvoir du délégué ministériel de remettre en cause la nomination d'une personne compétente lorsque les parties se sont entendues sur une personne au moment de la nomination, un pouvoir que seule la Cour fédérale possède, selon la demanderesse.
[9] En décembre 2017, sans avoir demandé la suspension de la mise en œuvre de l'instruction, la demanderesse a avisé la personne B qu'elle ne se conformerait pas à l'instruction du délégué ministériel de procéder à une nouvelle enquête en lien avec la plainte de 2014 faisant l'objet de l'instruction portée en appel, jusqu'à ce que le Tribunal ait rendu une décision sur l'appel.
[10] En mars 2018, le Tribunal a rejeté l'appel de la demanderesse dans la décision intitulée Ressources naturelles Canada c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2018 TSSTC 1, en concluant que la demanderesse n'avait pas nommé une personne compétente satisfaisant aux exigences du Règlement. Le Tribunal a non seulement conclu que les personnes nommées n'avaient pas fait preuve d'impartialité tout au long du processus, mais également que l'une des trois personnes ne possédait pas le degré de formation, d'expérience et de connaissance requis pour mener une telle enquête. En conséquence, dans sa décision, le Tribunal a confirmé l'instruction de 2014, avec modification, et il a ordonné qu'une nouvelle enquête soit réalisée dans le cas de la personne B.
[11] En avril 2018, la demanderesse a avisé le Programme du travail qu'étant donné que la partie plaignante à l'origine de la plainte de 2014 ne souhaitait plus poursuivre l'affaire, elle ne réaliserait donc pas l'enquête ordonnée par le Tribunal, à tous égards, omettant vraisemblablement de se conformer à l'ordonnance modifiée décrivant la contravention à l'alinéa 125(1)(x) du Code. La décision de ne pas poursuivre l'affaire semble avoir été prise par la demanderesse de manière unilatérale.
[12] Environ en même temps que le cheminement de la plainte de 2014, lors de la réception du projet de rapport d'enquête concernant la plainte de 2014 et aussi par l'intermédiaire des demandes d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels (demandes d'AIPRP), la personne B a connu l'identité de toutes les personnes ayant été interrogées à l'occasion de la plainte de 2014 ainsi que la teneur de leurs dépositions. C'est ainsi qu'en février et juin 2016, la personne B a déposé des plaintes de violence dans le lieu de travail contre 11 personnes, auxquelles deux autres personnes se sont ajoutées en mai 2017.
[13] En février 2017, la demanderesse a informé la personne B qu'elle se conformerait à l'instruction émise par le délégué ministériel en novembre 2016 concernant la plainte de 2014 et qu'elle nommerait une personne compétente pour mener une enquête au sujet de ladite plainte. Au même moment, la demanderesse a également informé la personne B qu'à la demande du Programme du travail, elle demanderait aussi à la même personne compétente d'examiner les plaintes déposées en 2016 par la personne B, bien qu'elle eût déjà conclu que les allégations qui y étaient soulevées ne constituaient pas de la violence dans le lieu de travail.
[14] Par la suite, compte tenu du grand nombre de personnes concernées, il n'a pas été possible de s'entendre sur une personne compétente pour examiner les plaintes de 2016. En outre, il semble qu'après que la demanderesse et un analyste principal de politiques du Secrétariat du Conseil du Trésor ont examiné les plaintes de 2016, il a été établi que les éléments essentiels desdites plaintes n'équivalaient pas à de la violence dans le lieu de travail, comme le définit le Règlement. La personne B a été informée de cet examen et des conclusions tirées, ainsi que de la décision de la demanderesse de considérer l'affaire comme réglée.
[15] En avril 2018, la personne à l'origine de la plainte de 2014 a informé la demanderesse, c'est-à-dire l'employeur, qu'elle ne souhaitait plus maintenir la plainte originale formulée contre la personne B, alors qu'une décision dans un appel interjeté à l'encontre d'une instruction émise concernant cette même plainte avait essentiellement confirmé ladite instruction. En outre, en mai 2018, le Programme du travail a demandé des renseignements à la demanderesse, qui a informé celui-ci que les 13 personnes désignées dans les plaintes de 2016 et de 2017 étaient parties à la retraite ou en congé, qu'elles n'étaient plus à son emploi ou qu'elles avaient peu ou pas d'interactions avec la personne B.
[16] Le 31 août 2018, la déléguée ministérielle a émis une instruction à l'endroit de la demanderesse, lui ordonnant de nommer une personne compétente pour enquêter sur les plaintes déposées en juin 2016. Par la suite, le 5 novembre 2018, la même déléguée ministérielle a émis une autre instruction à l'endroit de la demanderesse, enjoignant à cette dernière de remédier à son défaut de se conformer à la première instruction de nommer une personne compétente pour enquêter sur [traduction] « les plaintes de violence dans le lieu de travail non réglées signalées à l'employeur le 10 juin 2016 ». Ces deux instructions font l'objet du présent appel et de la présente demande de suspension.
[17] Dans leurs observations, les deux parties ont fait valoir que la présente demande de suspension devrait s'appliquer à d'autres plaintes que celles décrites par la déléguée ministérielle dans les instructions, notamment [traduction] « [...] les plaintes signalées à l'employeur le 10 juin 2016 ». Toutefois, le libellé du Code, au paragraphe 146(2), indique clairement que si une suspension est accordée, elle ne s'applique qu'à l'instruction portée en appel. À cet égard, bien que les parties aient pu interpréter ou que l'on ait pu déduire que l'instruction pouvait s'appliquer à d'autres plaintes ou à des plaintes modifiées, il demeure que les instructions, telles qu'elles ont été émises, ne traitent que des plaintes du 10 juin 2016 non réglées. La compétence de l'agent d'appel d'ordonner une suspension ne s'applique qu'aux instructions et non aux plaintes pouvant avoir fait l'objet d'une enquête ou non.
Observations des parties
[18] Nulle controverse n'est soulevée à l'égard du critère applicable pour déterminer si une suspension devrait être accordée. Le critère a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 RCS 110, et RJR - Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, et il est fondé sur les trois questions suivantes :
- Existe-t-il une question sérieuse à juger?
- Le rejet de la demande de suspension causera-t-il un préjudice irréparable à la partie requérante?
- La prépondérance des inconvénients penche-t-elle en faveur de l'accueil de la demande de suspension?
[19] Il n'est pas étonnant, compte tenu du caractère et de l'objet du Code et du mandat des agents d'appel, que ces derniers aient appliqué ce critère en se conformant à ces trois éléments (caractère, objet et mandat), sans s'écarter des questions formulées par la Cour suprême.
[20] Par conséquent, les agents d'appel ont tenu compte de ce critère et l'ont appliqué dans de nombreuses décisions qu'ils ont rendues et, bien que la même terminologie n'ait pas été employée dans chaque affaire, d'un point de vue général, on peut dire que le critère à trois volets a été adapté pour se lire normalement comme suit :
- La demanderesse doit démontrer à la satisfaction de l'agent d'appel qu'il s'agit, en l'espèce, d'une question sérieuse et non pas d'une plainte frivole ou vexatoire.
- La demanderesse doit démontrer qu'elle subirait un préjudice important si la mise en œuvre de l'instruction portée en appel n'était pas suspendue par l'agent d'appel en attendant la décision de l'appel.
- La demanderesse doit démontrer, dans l'éventualité où la suspension était accordée, que des mesures seront mises en œuvre pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail.
[21] En ce qui a trait au dernier volet du critère, il doit être clair que la protection de la santé et de la sécurité des employés n'est pas différente de la protection de la santé et de la sécurité des employés pouvant être à l'origine de l'appel et de celle de tous les autres employés du lieu de travail concerné.
[22] Cela dit, la discrétion que les agents d'appel peuvent exercer dans de telles affaires est considérable et, à cet égard, je partage l'opinion exprimée par mon collègue dans la décision Brink's Canada Ltée. c. Childs et Unifor, 2017 TSSTC 4 (Brink's Canada Ltée.), selon laquelle « [c]ette discrétion doit être exercée d'une façon qui appuie les objectifs du Code et dépend largement du contexte dans lequel l'instruction est émise et de ses conséquences sur les activités de l'employeur ».
[23] Toutefois, compte tenu de l'objet premier du Code, soit la protection des employés, on ne peut pas déduire de ce qui précède que l'incidence de l'octroi de la suspension sur la situation d'un employé, jusqu'à ce qu'une décision soit rendue en appel, n'est pas aussi un facteur dont il faut tenir compte. Je partage aussi l'opinion exprimée dans la décision Brink's Canada Ltée. selon laquelle « une suspension de la mise en œuvre d'une instruction devrait seulement être accordée exceptionnellement et dans des circonstances extraordinaires ». Bien qu'il soit vrai que ce serait particulièrement le cas lorsque la décision du délégué ministériel d'émettre une instruction, portée en appel, est fondée sur une conclusion de danger, je suis aussi certainement d'avis qu'une demande de suspension peut être envisagée et examinée à l'occasion d'une contravention à une instruction, lorsque la suspension peut avoir une incidence importante sur le bien-être d'un employé.
[24] Les faits propres à une affaire ainsi que son contexte et son bien-fondé guident l'examen de celle-ci et, dans le cas où une demande de suspension est présentée au début d'une procédure d'appel, alors que seulement quelques éléments de preuve, voir aucun, ont été présentés, on doit accorder une importance primordiale aux déclarations des parties dans leurs observations à l'appui de la demande. Toutefois, la demande de suspension ne devrait pas être tranchée seulement sur les observations des parties lorsqu'une décision de première étape rendue par un délégué ministériel, dont les conclusions doivent faire l'objet d'une grande déférence, est portée en appel. À cet égard, je partage l'opinion de mon collègue exprimée dans la décision Emploi et Développement social Canada c. Longval, 2014 TSSTC 12 (Longval), selon laquelle :
[18] […] Dans l'examen d'une demande de suspension, je suis d'avis que l'agent d'appel doit accorder une déférence aux conclusions de faits de l'agent de SST telles qu'elles sont exposées à son rapport d'intervention et présumer de sa bonne foi. Ce n'est au contraire que si les conclusions de l'agent de SST sont à leur face même arbitraires, abusives ou totalement dénuées de sens, que l'agent d'appel pourrait exercer sa discrétion en faveur d'une suspension de l'instruction.
[soulignement dans l'original]
[25] Parallèlement aux circonstances susmentionnées de la présente affaire plutôt complexe, d'autres questions litigieuses ont été soulevées à l'égard de la personne B, lesquelles ont mené à l'introduction de procédures devant un autre tribunal. Comme la demanderesse l'a correctement soulevé et fait valoir, ces procédures dépassent ma compétence dans la présente demande de suspension. Ces autres procédures portent sur une plainte formulée aux termes de l'article 133 du Code (mesures disciplinaires), elles relèvent de la compétence de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans le secteur public fédéral, elles mettent en cause des personnes apparemment différentes de celles concernées par les plaintes de 2016 et elles ont trait à une allégation d'inconduite. Toutefois, une brève description desdites circonstances, telles qu'elles ont été présentées par l'intimé, sert à illustrer le climat régnant dans le lieu de travail en ce qui a trait à l'intimé.
[26] À ce titre, voici un passage des observations de l'intimé :
[Traduction] Le 28 mars 2018, deux semaines après que le Tribunal a ordonné une nouvelle enquête concernant les plaintes de 2014, on a convoqué la personne B en entretien et on lui a présenté une lettre contenant quatre allégations d'inconduite formulées contre elle. La personne B a été démise sur-le-champ de ses fonctions courantes et de gestion, et on lui a accordé 15 minutes pour vider son bureau de ses effets personnels et quitter le lieu de travail. Elle a été informée qu'elle était transférée à un autre bureau à l'extérieur du site et que l'accès à son ancien lieu de travail lui était interdit. On a aussi dit à la personne B que la direction générale avait envisagé de la suspendre sans solde et que les mesures prises contre elle étaient mises en œuvre en attendant l'issue de l'enquête administrative.
Selon les observations de l'intimé, il semble également que l'enquête administrative a été interrompue le 15 novembre 2018, à la demande de la Division des relations de travail, et que la personne B est en congé de maladie depuis le 28 mars 2018.
A) Observations de la demanderesse
[27] La demanderesse fait d'abord valoir que la décision de la déléguée ministérielle d'émettre les deux instructions portées en appel, après avoir examiné les plaintes de 2016, appartient à la catégorie des issues « arbitraires » et « inéquitables ». Par conséquent, l'agent d'appel ne serait pas tenu de faire preuve de déférence à l'égard des conclusions de la déléguée ministérielle, lors de l'examen de la présente demande de suspension puisque, selon la demanderesse, l'examen auquel la déléguée ministérielle s'est livrée présente de nombreuses lacunes.
[28] Plus précisément, la demanderesse soutient qu'après que la déléguée ministérielle a été informée de sa décision du 3 mai 2016 de classer les plaintes de 2016, elle n'a pas tenté de communiquer avec la demanderesse jusqu'à l'émission de l'instruction du 31 août 2018. La demanderesse soutient également qu'au cours de l'examen de la déléguée ministérielle, la personne B n'était pas dans le lieu de travail et que, par conséquent, elle ne pouvait pas faire l'objet de violence dans le lieu de travail. En outre, concernant l'examen, la demanderesse fait valoir que la déléguée ministérielle a omis de respecter les principes de justice naturelle et d'équité procédurale, puisqu'aucune des parties n'avait été informée que cette dernière procédait à une analyse du site, et qu'elle ne s'est pas vu accorder une occasion raisonnable de participer et de répondre à l'examen de la déléguée ministérielle concernant les plaintes de 2016.
[29] Finalement, la demanderesse soutient que la déclaration contenue dans le rapport d'enquête de la déléguée ministérielle concernant le seuil à respecter à l'égard de ces plaintes, selon laquelle [traduction] « la barre est très basse à cet égard et la règle veut que l'on suppose que l'incident s'est produit », est non seulement contraire à la justice naturelle, mais aussi qu'un critère peu rigoureux ne signifie pas qu'un décideur doive automatiquement présumé que des incidents de violence se sont produits dans le lieu de travail.
S'agit d'une question sérieuse à juger et non pas d'une plainte frivole ou vexatoire?
[30] Concernant le critère à trois volets applicable à l'espèce, on doit d'abord déduire des observations de la demanderesse que cette dernière est d'avis qu'il ne s'agit pas d'une question sérieuse à juger. Cette présomption est fondée sur l'affirmation de la demanderesse selon laquelle le dépôt, par la personne B, d'une plainte de harcèlement et de divers griefs peut entraîner une multiplicité des procédures. Pour être plus précis, la demanderesse souligne que la partie plaignante dans la plainte de 2014 n'est plus intéressée à poursuivre l'affaire, situation qui amène l'employeur à conclure que l'affaire ou le dossier est, par conséquent, classé. En outre, concernant les plaintes de 2016, au cœur du présent appel, la demanderesse soutient que la motivation derrière ces plaintes semble découler uniquement de la participation des personnes interrogées lors de l'enquête sur la plainte de 2014, lesquelles personnes font toutes maintenant l'objet d'une plainte de violence dans le lieu de travail.
[31] À cet égard, la demanderesse fait valoir que 7 des 13 personnes visées par les plaintes de 2016 ne sont plus à son emploi et que, des 6 personnes restantes, seulement deux personnes pourraient avoir des interactions limitées avec la personne B, qui est toujours en congé de maladie, et ce, depuis le mois de mars 2018. La plupart des employés désignés dans les plaintes de 2016 ont exprimé le désir de ne pas intervenir par crainte de ce que la demanderesse décrit comme d'autres représailles de la part de la personne B.
La demanderesse subira-t-elle un préjudice important si la mise en œuvre de l'instruction n'est pas suspendue?
[32] En outre, la demanderesse soutient, pour deux raisons, que l'employeur subira un préjudice irréparable si la mise en œuvre des deux instructions n'est pas suspendue et s'il est tenu d'enquêter sur les plaintes avant qu'une décision ne soit rendue en appel des instructions. La première raison concerne principalement les circonstances relatées dans le paragraphe précédent et ce que la demanderesse décrit comme le préjudice potentiel subi par les employés désignés dans les plaintes de 2016. La demanderesse fait valoir que si une enquête est commencée et qu'elle obtient par la suite gain de cause en appel, les employés nommés dans les plaintes de 2016 auront subi inutilement un processus à l'égard duquel des craintes de représailles de la part de la personne B ont été exprimées.
[33] La deuxième raison avancée par la demanderesse, portant sur le préjudice important ou irréparable qu'elle pourrait subir, concerne la responsabilité de cette dernière en ce qui a trait à l'utilisation des fonds publics. À cet égard, la demanderesse soutient que son pouvoir d'utiliser des fonds publics est assujetti à des paramètres prescrits dans la Loi sur la gestion des finances publiques, et que, compte tenu de la taille de l'organisation de la demanderesse et de ses ressources limitées, engager des fonds dans une enquête qu'un agent d'appel peut éventuellement juger comme inutile ne constituerait pas seulement un simple inconvénient ou désagrément, mais plutôt une utilisation irresponsable des fonds publics. Replaçant le tout dans son contexte, la demanderesse fait valoir qu'au-delà des coûts, la situation générale des 11 employés craignant des représailles devrait suffire pour satisfaire au deuxième volet du critère.
La demanderesse a-t-elle démontré que dans l'éventualité où la suspension était accordée, des mesures seraient mises en œuvre pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail?
[34] La demanderesse soutient que dans l'éventualité où la suspension était accordée, des mesures sont ou seront en place pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail. Reconnaissant que l'objet du Code vise à prévenir la violence dans le lieu de travail et que, par conséquent, il est clairement prévu dans le Code que les instructions sont exécutoires, bien qu'elles puissent être portées en appel et qu'une décision éventuelle puisse entraîner leur annulation, la demanderesse souligne les nombreuses mesures et circonstances qui permettent de prévenir tout acte de violence à l'égard de la personne B. Ces mesures et circonstances sont les suivantes :
- Depuis le mois de mars 2018, la personne B a été affectée à d'autres fonctions dans un lieu de travail différent.
- Bien que la personne B soit actuellement en congé de maladie, tout retour au travail immédiat s'effectuerait aussi dans un lieu de travail différent jusqu'à ce que l'enquête administrative soit terminée ainsi que le présent appel.
- Si la personne B était réaffectée à son lieu de travail habituel entre-temps, il est peu probable qu'elle ait tout contact que ce soit avec les personnes nommées dans les plaintes de 2016 et si, par inadvertance, un tel contact se produisait, il serait très restreint.
[35] Par conséquent, la demanderesse fait valoir que dans l'éventualité où la suspension était accordée, la personne B n'aurait aucun contact avec les employés nommés dans les plaintes et, ainsi, elle ne serait pas susceptible de subir de la possible violence dans le lieu de travail de la part de ces personnes.
[36] Étant donné que la personne B est absente du lieu de travail, la demanderesse conclut que sa sécurité est assurée jusqu'à ce qu'une décision soit rendue en appel, comme de telles circonstances ont été acceptées dans la décision Agence canadienne d'inspection des aliments c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 TSSTC 36.
B) Observations de l'intimé
S'agit-il d'une question sérieuse à juger et non pas d'une plainte frivole ou vexatoire?
[37] Concernant le premier volet du critère, l'intimé soutient que la question soulevée dans les présents appels et dans la présente demande porte sur l'obligation de la demanderesse, compte tenu des circonstances, d'enquêter sur la situation de violence dans le lieu de travail, comme le définit la partie XX du Règlement. L'intimé fait valoir qu'il s'agit d'une question sérieuse à juger.
La demanderesse subira-t-elle un préjudice important si la mise en œuvre de l'instruction n'est pas suspendue?
[38] Concernant la question du préjudice important que la demanderesse pourrait subir si la mise en œuvre des instructions n'est pas suspendue et, par conséquent, l'allégation de cette dernière selon laquelle elle subira un préjudice important si elle est forcée de commencer une enquête qui peut, au bout du compte, s'avérer inutile si l'appel est accueilli, l'intimé soutient que, bien qu'une enquête menée par une personne compétente soit susceptible de traiter des mêmes faits que les appels à venir, cette réalité ne constitue pas un préjudice important, et il invoque à cet égard le raisonnement du Tribunal dans la décision Longval,selon lequel la priorité doit être accordée à l'objectif de prévention :
[20] […] On peut bien sûr déplorer cette situation, la multiplicité des procédures, avec les risques de décisions contradictoires qu'elle comporte, n'étant pas souhaitable. Mais la loi est ainsi faite et la possibilité que des mesures ordonnées dans le cadre d'une instruction soient par la suite annulées est une contrainte intrinsèquement liée au cadre statutaire prévu par le Code.
[39] Concernant l'observation de la demanderesse relative au coût associé à la nomination d'une personne compétente et à l'obligation de la demanderesse d'être financièrement responsable de son utilisation des fonds publics, l'intimé fait valoir que le préjudice financier doit être évalué en se fondant, d'une part, sur ce qu'il en coûterait et, d'autre part, sur la taille et les ressources de l'employeur. Toutefois, l'intimé est d'avis que, bien qu'il soit vrai que les enquêtes sont coûteuses, l'enquête demandée en l'espèce n'entraînerait pas une dépense importante pour un ministère tel que celui de la demanderesse, établissant une analogie avec la conclusion tirée par le Tribunal dans la décision Longval à propos d'un autre ministère (ministère de l'Emploi et du Développement social du Canada) :
[22] […] En l'instance, les coûts rattachés à la nomination d'une personne compétente, qui seront constitués vraisemblablement des honoraires professionnels – ou du salaire – de cette personne, et ceux liés à la tenue de l'enquête, n'ont pas été précisés et seront somme toute minimes eu égard aux ressources considérables du ministère de l'Emploi et du Développement social du Canada.
[40] Concernant cet argument précis de la demanderesse, l'intimé soutient que les réserves de cette dernière eu égard aux fonds publics semblent très flexibles, puisqu'elle n'a pas hésité à lancer une enquête approfondie ne s'intéressant qu'au comportement de la personne B, laquelle a duré plus de huit mois et a engagé la participation de 40 témoins, plutôt que de réaliser l'enquête sur les plaintes de 2014 et de 2016, conformément aux instructions de la déléguée ministérielle. Concernant le fait que certains employés concernés par ces événements ne sont plus à l'emploi de la demanderesse, ne travaillent plus dans la même section que la personne B ou peuvent ne plus vouloir intervenir par crainte de représailles, l'intimé soutient que cela ne modifie pas les obligations de la demanderesse aux termes de l'article 20.9 du Règlement, en citant de nouveau un passage de la décision Longval selon lequel :
[23] […] Il va de soi qu'une enquête suite à une plainte de harcèlement et de violence au travail est susceptible d'entraîner certaines tensions dans le milieu de travail de l'intimée. Mais ce sont là des inconvénients ou désagréments qui ne rencontrent pas, à mon avis, le seuil du préjudice important dont la démonstration est requise pour que la suspension soit accordée.
[41] En outre, la nécessité d'aviser tous les employés désignés dans les plaintes que leur dossier serait rouvert, compte tenu de l'obligation de la demanderesse de procéder à l'enquête, ne constitue pas une revendication de préjudice valide, puisque cela permettrait à la demanderesse d'invoquer son propre comportement inconsidéré d'avoir informé ses employés qu'elle ne procéderait pas à l'enquête des plaintes déposées par la personne B, sans avoir obtenu la confirmation de la déléguée ministérielle qu'elle pouvait prendre une telle décision.
La demanderesse a-t-elle démontré que dans l'éventualité où la suspension était accordée, des mesures seraient mises en œuvre pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail?
[42] Concernant le troisième volet du critère, lequel porte sur les mesures de protection mises en place dans l'éventualité où la suspension était accordée et en attendant l'issue de l'appel, l'intimé soutient que l'employeur n'a pas démontré que des mesures appropriées avaient été prises. Selon l'intimé, démettre la personne B de ses fonctions de gestion et de ses autres tâches et la transférer à l'extérieur du site ne protège pas sa santé ni sa sécurité, puisque cette dernière est toujours soumise à un processus d'enquête inéquitable et très long fondé sur de vagues déclarations anonymes, alors que la demanderesse continue d'ignorer les plaintes de violence déposées par la personne B. Retarder le processus jusqu'à l'issue de l'appel sur les instructions ne ferait qu'empirer les choses, puisque d'autres employés pourraient quitter le lieu de travail entre-temps.
[43] En guise de conclusion, l'intimé soutient que la demanderesse n'a pas satisfait au critère obligatoire du préjudice important, afin de justifier la suspension de la mise en œuvre des instructions, puisqu'elle a tout juste démontré divers degrés d'inconvénients. Par conséquent, la demande de suspension devrait être rejetée et la suspension, refusée.
Analyse
[45] Aux termes du premier élément du critère à trois volets, le soussigné doit déterminer si, dans les circonstances de l'espèce, il s'agit d'une question sérieuse à juger et non pas d'une plainte frivole et vexatoire.
S'agit-il d'une question sérieuse à juger et non pas d'une plainte frivole ou vexatoire?
[46] Un premier examen des observations formulées par les deux parties fait ressortir un consensus selon lequel la question à trancher dans le présent appel est de savoir si l'employeur a l'obligation de nommer une personne compétente pour enquêter sur les allégations de violence dans le lieu de travail compte tenu des plaintes de 2016 et, bien qu'indirectement, de la plainte de 2014.
[47] La question serait assez simple à trancher, si ce n'était du fait que la demande de suspension concerne les appels de deux instructions différentes. En dépit du fait que les instructions soient étroitement liées, lorsqu'on les examine d'un œil plus analytique, on s'aperçoit qu'elles soulèvent deux questions : (1) l'une d'entre elles porte sur l'obligation de la demanderesse de nommer une personne compétente pour mener une enquête lorsqu'une plainte de violence dans le lieu de travail est déposée; et (2) l'autre porte sur la question de savoir s'il y a défaut de se conformer à une instruction émise par une déléguée ministérielle. Une instruction est une ordonnance prononcée en vertu du Code. Cela soulève la question sous-jacente de savoir si, aux termes du Code, il existe des motifs ou des éléments qui permettent à un employeur de ne pas respecter une instruction émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code. Lors de l'examen de cette question, il faut garder à l'esprit que chaque plainte de violence dans le lieu de travail comporte toujours deux parties, la partie plaignante et la partie contre qui la plainte est formulée, et que le processus d'enquête prévu par la loi a pour but la protection des deux parties à la plainte.
[48] Lorsque les questions sont énoncées de cette manière, et je reconnais que celles-ci n'ont pas été exprimées aussi clairement dans les observations des parties, elles peuvent être d'une très grande portée. Cela sert aussi à démontrer, à mon avis, qu'il s'agit de questions sérieuses à juger et non de plaintes frivoles ou vexatoires.
La demanderesse subira-t-elle un préjudice important si la mise en œuvre de l'instruction n'est pas suspendue?
[49] Concernant la question de savoir si la demanderesse subira un préjudice important si la mise en œuvre des instructions n'est pas suspendue, ce volet du critère, aussi appelé la prépondérance des inconvénients, ne peut, à mon avis, être tranché en faveur de la demanderesse. Cette dernière a essentiellement invoqué deux motifs pour une conclusion en sa faveur sur ce point.
[50] La demanderesse a dépeint les nombreuses plaintes déposées par la personne B comme des représailles, ce qui peut ou non être le cas et relève de l'examen des plaintes en soi. La demanderesse insiste sur le fait que, d'une part, les parties plaignantes risquent de faire inutilement l'objet d'un processus auquel elles ont toutes déjà indiqué ne plus vouloir prendre part par crainte de possibles représailles. D'autre part, la demanderesse a indiqué que plus de la moitié de ces parties plaignantes ne sont plus à son emploi et que des six personnes restantes, seulement deux personnes pourraient avoir des interactions avec la personne B. Même si ces interactions étaient minimes, étant donné que la personne B est soit transférée, soit en congé de maladie, le respect des instructions, à ce stade, et la tenue de l'enquête constitueraient, à mon avis, un peu plus qu'un inconvénient pour ces deux personnes.
[51] Aussi, bien qu'il soit vrai que la tenue de l'enquête maintenant pourrait occasionner une multiplicité des procédures, je suis d'avis que le respect de la loi ne constitue pas un préjudice important au sens du critère. À cet égard, je partage l'opinion exprimée par mon collègue dans la décision Longval, selon laquelle :
[20] […] Le législateur a en effet exprimé clairement son intention que les instructions émises par les agents de SST soient exécutoires même si un appel est logé à leur endroit et le législateur n'était pas sans savoir qu'une décision ultimement favorable à un appelant pourrait entraîner une telle situation. Le législateur a néanmoins choisi de privilégier l'objectif de prévention recherché par le Code, par l'application immédiate des ordonnances des agents de santé et sécurité.
[52] Dans le même sens, concernant la revendication de la demanderesse selon laquelle le défaut de rejeter la demande de suspension, entraînant, par conséquent, le début de l'enquête avant que les appels n'aient été entendus, pourrait, si les appels étaient accueillis, signifier que les employés désignés dans les plaintes de 2016 ont été inutilement exposés à de possibles représailles de la part de la personne B, j'ajouterais que si je devais accueillir des motifs fondés sur l'affirmation qu'une suspension devrait être accordée, faute de quoi une partie ayant introduit une procédure d'appel serait possiblement exposée aux conséquences d'une triste fin au processus lancé, il s'agirait presque d'une garantie qu'une suspension serait accordée chaque fois qu'on la demanderait. De plus, en l'espèce, la demanderesse invoque un possible préjudice pour ses employés, plutôt que pour elle-même. On s'éloigne quelque peu d'un préjudice irréparable pour la demanderesse.
[53] La deuxième raison invoquée par la demanderesse concerne le coût financier qu'elle devrait engager pour la tenue d'une enquête qui, au bout du compte, peut s'avérer inutile si les appels sont accueillis, compte tenu de la taille et des ressources de l'employeur.
[54] Bien que je ne me prononce pas sur la validité des étapes d'enquête amorcées par la demanderesse à l'égard de mesures et de griefs parallèles provenant de la personne B, laquelle validité devra être traitée dans le cadre d'un autre forum, je dirai, toutefois, que la demanderesse ne peut s'attendre à gagner sur les deux tableaux, c'est-à-dire invoquer les contraintes financières en l'espèce et procéder à une enquête approfondie dans le cadre de procédures parallèles. À cet égard, je partage l'opinion exprimée par l'intimé selon laquelle la tenue d'une enquête, en l'espèce, avant que les appels n'aient été entendus, n'aura pas une incidence importante sur la demanderesse. Sur ce point, j'adopte aussi et fais miennes les opinions citées par l'intimé et exprimées par mon collègue, toujours dans la décision Longval, selon lesquelles :
[22] […] En l'instance, les coûts rattachés à la nomination d'une personne compétente, qui seront constitués vraisemblablement des honoraires professionnels – ou du salaire – de cette personne, et ceux liés à la tenue de l'enquête, n'ont pas été précisés et seront somme toute minimes eu égard aux ressources considérables du ministère de l'Emploi et du Développement social du Canada.
[55] Je suis aussi d'avis qu'une procédure visant l'application de la loi n'équivaut pas, en principe, à un usage inapproprié des fonds publics.
[56] En conséquence, je conclus que la demanderesse ne s'est pas acquittée du fardeau de démontrer qu'elle subirait un préjudice important si la mise en œuvre des instructions n'était pas suspendue. Compte tenu de cette conclusion, il est clair que la demande de suspension de la mise en œuvre des instructions sera rejetée. Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'examiner le troisième volet du critère concernant les mesures de protection qui seraient mises en place si la suspension était accordée. J'ajouterais, néanmoins, que la situation de l'ensemble des personnes concernées, qu'il s'agisse d'employés ou d'anciens employés visés par toutes les plaintes susmentionnées ou de leur auteur, ne nécessiterait pas la mise en place d'autres mesures.
Décision
[57] Pour les motifs susmentionnés, la demande de suspension de la mise en œuvre des deux instructions est rejetée.
Jean-Pierre Aubre
Agent d'appel
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