2019 TSSTC 12

Date : 2019-05-28

Dossiers : 2018-39

Entre : Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, demanderesse

Indexé sous : Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

Affaire : Demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction émise par un représentant délégué par le ministre du Travail.

Décision : La demande de suspension est accordée.

Décision rendue par : M. Olivier Bellavigna-Ladoux, agent d’appel

Langue de la décision : Anglais

Pour la demanderesse : M. Matthew J. Macdonald, avocat, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique

Référence : 2019 TSSTC 12

Motifs de la décision

[1] La présente demande de suspension concerne une instruction émise le 30 octobre 2018 par M. Jean Nodorakis en qualité de représentant délégué par le ministre du Travail (délégué ministériel). La demanderesse a porté cette instruction en appel le 28 novembre 2018, puis a demandé une suspension de la mise en œuvre de l’instruction le 17 avril 2019. Les présents motifs portent sur la demande de suspension.

[2] Le 18 avril 2019, j’ai accordé la demande de suspension. Voici les motifs à l’appui de ma décision.

Contexte

[3] Le 17 novembre 2017, le délégué ministériel a commencé à enquêter sur un accident survenu le 8 novembre 2017 dans la gare triage de la demanderesse à Côte-Saint-Luc au Québec. L’accident a entraîné la mort de M. Dimitrios Bakirtzis, l’un des employés de la demanderesse. M. Bakirtzis faisait partie d’une équipe de trois personnes chargées de la formation et de l’aiguillage du matériel roulant.

[4] Le 6 décembre 2017, le délégué ministériel a pris des mesures techniques préliminaires qui ont démontré que les niveaux d’éclairement étaient inférieurs au minimum prévu par le Règlement sur la santé et la sécurité au travail (trains) (le Règlement). En se fondant sur ces mesures, le délégué ministériel a établi qu’une enquête technique sur les niveaux d’éclairement du triage était nécessaire.

[5] Le 8 mai 2018, le délégué ministériel a mené l’enquête technique avec Mme France De Repentigny, une technologue en hygiène industrielle à l’emploi d’Emploi et Développement social du Canada. Le coprésident des employés du comité local et un membre employé du comité local ont participé à l’enquête technique. Aucun représentant de l’employeur n’était présent. Toutes les mesures techniques ont été effectuées exclusivement dans la zone connue sous le nom de départ nord, ou traversée du triage St-Luc, où l’accident est survenu et où se trouvent la majorité des aiguillages de voie ferrée que les employés du triage sont tenus d’utiliser. Les relevés de l’enquête technique ont démontré que le système d’éclairage de la demanderesse ne fournissait pas les niveaux minimums d’éclairement prévus par le Règlement.

[6] Le 30 octobre 2018, à la suite de son enquête, le délégué ministériel a relevé des contraventions à l’alinéa 125(1)(n) du Code et aux paragraphes 3.1 et 3.4 du Règlement. Il a émis une instruction en vertu du paragraphe 145(1) du Code, qui se lit ainsi :

Dans l’affaire du Code Canadien du Travail
Partie II — Santé et Sécurité au Travail
Instruction à l’employeur en vertu du paragraphe 145(1)

Le 8 mai 2018, le représentant délégué par le ministre du Travail soussigné était présent au moment où une technologue en hygiène industrielle a effectué un test concernant les niveaux d’éclairement, dans le cadre d’une enquête portant sur le décès d’un employé (sur son lieu de travail) de la compagnie de chemin de fer canadien pacifique, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail; cette enquête s’est déroulée sur le lieu de travail de l’employeur situé au 5901 avenue Westminster, à Montréal au Québec (H4W 2J9), ledit lieu de travail étant parfois appelé le triage St-Luc.

Ledit représentant délégué par le ministre du Travail est d’avis qu’il a été contrevenu aux dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail :

No 1

Alinéa 125 (l) (n) de la partie II du Code canadien du travail, paragraphe 3.1 (1) – Règlement sur la santé et la sécurité au travail (trains).

L’employeur ne s’est pas assuré de veiller à ce que les niveaux d’éclairement du triage St-Luc soient conformes aux normes établies. Le système d’éclairage installé par l’employeur ne fournit pas les niveaux d’éclairement requis dans les aires où les employés se livrent aux opérations de signalisation, d’aiguillage et de triage du matériel roulant.

No 2

Alinéa 125 (l) (n) de la partie II du Code canadien du travail, paragraphe 3.4 (1) – Règlement sur la santé et la sécurité au travail (trains).

Le niveau moyen d’éclairement observé au triage St-Luc n’atteint pas 50 lux, ce qui correspond au niveau minimum requis dans les aires où les employés se livrent aux opérations de signalisation, d’aiguillage et de triage du matériel roulant. Cinquante-deux (52) mesures ont été prises dans la zone connue sous le nom d’extrémité nord du faisceau de départ, où les employés se livrent habituellement aux opérations d’aiguillage et où le niveau moyen d’éclairement était de 7,7 lux.

Par conséquent, il vous est donné instruction par les présentes, en vertu de l’alinéa 145(1)(a) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin aux contraventions le 1er mai 2019 au plus tard.

De plus, il vous est ordonné par les présentes, en vertu de l’alinéa 145(1)b) du Code canadien du travail, partie II, dans les délais précisés par le représentant délégué par le ministre du Travail, de prendre des mesures pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

Fait à Dorval, le 30 octobre 2018.

Jean Nodorakis
Représentant délégué par le ministre du Travail

[7] La demanderesse a porté cette instruction en appel auprès du Tribunal le 28 novembre 2018, puis a demandé une suspension de la mise en œuvre de l’instruction le 17 avril 2019. La demande de suspension a été déposée avec des observations écrites détaillées, répondant aux questions à traiter dans le cadre du test à trois volets utilisé par l’agent d’appel lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire d’accorder une suspension de la mise en œuvre de l’instruction. Le Tribunal a communiqué avec le syndicat représentant les employés du triage qui a indiqué qu’il ne souhaitait pas agir en tant qu’intimé dans le cadre du présent appel. Il n’y a pas d’intimé dans la présente affaire.

[8] Le 18 avril 2019, j’ai informé la demanderesse de ma décision d’accorder la demande de suspension jusqu’à ce qu’une décision sur le fond de l’appel soit rendue. Une audience concernant cette affaire était déjà prévue dans la semaine du 18 au 21 juin 2019. Voici les motifs à l’appui de ma décision.

Analyse

[9] Le pouvoir conféré à un agent d’appel d’accorder la suspension de la mise en œuvre d’une instruction repose sur le paragraphe 146(2) du Code :

146(2) À moins que l’agent d’appel n’en ordonne autrement à la demande de l’employeur, de l’employé ou du syndicat, l’appel n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre des instructions.

[10] En exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 146(2), l’agent d’appel doit garder à l’esprit l’objectif préventif de la partie II du Code, énoncé à l’article 122.1 :

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

[11] Les agents d’appel ont adopté un critère à trois volets tiré de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 RCS 110. Les 3  volets du critère sont les suivants :

[12] J’utiliserai ce critère afin de guider mon pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 146(2) du Code d’accorder la suspension de la mise en œuvre de l’instruction donnée à la demanderesse.

S’agit-il d’une question sérieuse à juger et non pas d’une plainte frivole ou vexatoire?

[13] Relativement au premier volet du critère, la demanderesse soutient que l’appel soulève quatre questions suffisamment sérieuses pour démontrer que la question à trancher ne constitue pas une plainte frivole ou vexatoire. Premièrement, la demanderesse indique que l’instruction n’est pas suffisamment précise pour lui permettre de savoir ce qu’il convient de faire pour se conformer au Code. Deuxièmement, la demanderesse fait valoir que se conformer à l’instruction n’est pas raisonnablement réalisable. Troisièmement, la demanderesse affirme que la méthode utilisée par la technologue d’hygiène industrielle et par le délégué ministériel pour mesurer l’éclairage réglementaire sur le lieu de travail était erronée. Quatrièmement, la demanderesse estime qu’il y a eu une violation à l’équité procédurale, car aucun détail n’a été fourni sur la manière dont ont été effectués les tests d’éclairage.

[14] Les questions soulevées par la demanderesse quant à la manière de se conformer à l’instruction donnée par le délégué ministériel et quant aux méthodes des tests effectués par la technologue en hygiène industrielle sont légitimes et non frivoles ou vexatoires. Le seuil pour satisfaire le premier volet du critère est relativement bas et je suis d’avis qu’il a été rempli.

La demanderesse subira-t-elle un préjudice important si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue?

[15] En ce qui a trait à la deuxième partie du critère, je retiens ce qui suit.

[16] La demanderesse a établi que l’installation d’un minimum de quatre tours d’éclairage supplémentaires à un coût égal ou supérieur à 600 000 $ serait nécessaire pour se conformer à l’instruction. La demanderesse affirme que la construction des tours ne pourrait pas commencer pendant la période de mise en conformité imposée par le délégué ministériel, car cette période empiète sur l’hiver, période durant laquelle le sol est gelé. La demanderesse affirme que commencer la construction et l’installation de tours d’éclairage pour découvrir par la suite qu’elles n’étaient, soit pas nécessaires, soit insuffisantes pour assurer la conformité à l’instruction, lui causerait un préjudice important et injustifié. La demanderesse estime également que la construction de tours d’éclairage représenterait un fardeau opérationnel qui n’est pas imposé à ses concurrents et aux autres acteurs de l’industrie.

[17] La demanderesse invoque la décision Termont Montréal Inc. c. Syndicat des Débardeurs, SCFP, section locale 375 et Syndicat des Vérificateurs, ILA Local 1657, 2015 TSSTC 7 (Termont),et me demande, dans le cadre de l’évaluation des risques d’une suspension de la mise en œuvre de l’instruction et du préjudice qui en résulterait si la suspension n’était pas accordée, de tenir compte du long délai accordé pour la mise en conformité au Règlement ainsi que du fait que l’instruction a été émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code et non à la suite d’une conclusion de danger imminent en vertu du paragraphe 145(2). Dans la décision Termont, l’agent d’appel a écrit ce qui suit :

[30][…] En l’instance, il s’agit d’une instruction émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code, citant une contravention d’une norme réglementaire et non d’une situation présentant un danger pour les travailleurs, au sens du Code. Je ne minimise pas l’importance pour l’employeur de se conformer aux normes réglementaires en matière de santé et de sécurité; il y est obligé. Toutefois, la distinction que je fais m’apparaît pertinente dans le cadre de l’évaluation des risques d’une suspension de l’instruction et du préjudice si la suspension n’était pas accordée. Je souligne par ailleurs que les intimés ne contestent pas l’ampleur et la complexité des mesures que Termont devrait entreprendre pour se conformer à l’instruction et les coûts importants, vus objectivement, associés à ces mesures.

[C’est moi qui souligne]

[18] La décision Termont traitait également de la question de l’amélioration des niveaux d’éclairement sur le lieu de travail. La demanderesse indique que dans la décision Termont, il a été conclu que l’impossibilité ou l’incapacité de se conformer à une instruction représentait un préjudice important. Dans la décision Termont, l’agent d’appel a écrit ce qui suit :

[28] Je suis d’avis que les arguments mis de l’avant par le demandeur établissent de façon convaincante que Termont subirait un préjudice important si la suspension n’était pas accordée. Outre le fait qu’il ne semble pas possible à court terme de se conformer à l’instruction en raison des conditions climatiques et des travaux d’ingénierie que ces travaux requièrent, les coûts de cette entreprise ne sont pas négligeables. Qu’on me comprenne bien, les coûts à eux seuls ne justifieraient pas la suspension d’une instruction, comme l’ont décidé à maintes reprises les agents d’appel dans le cadre de demandes de suspension. Il me semble cependant que le cumul des facteurs invoqués au soutien du préjudice que subirait Termont, soit les dépenses importantes occasionnées par la construction de nouvelles tours, la complexité et l’importance des travaux à entreprendre, les complexités juridiques reliées au fait que Termont n’est pas propriétaire des lieux, les risques découlant des mesures d’éclairage provisoires et les pertes économiques considérables si Termont devait modifier ses opérations de la façon exposée ci-dessus, me convainquent que le préjudice que subirait Termont si la demande était rejetée serait, à mon avis, des plus importants.

[19] À ce stade précoce de la procédure, avant que l’appel n’ait été entendu sur le fond, je m’appuie de façon importante sur le rapport du délégué ministériel, sur les observations et énoncés des faits de la demanderesse. La demanderesse indique que, pour pouvoir se conformer à l’instruction, l’installation d’un minimum de quatre tours d’éclairage supplémentaires pour un coût égal ou supérieur à 600 000 $ serait nécessaire. Les agents d’appels ont statué à maintes reprises que les coûts à eux seuls ainsi qu’un présumé désavantage concurrentiel ne justifient pas la suspension de la mise en œuvre d’une instruction (Termont; Cameron Air Service Ltd., 2017 TSSTC 20). Toutefois, je suis d’accord avec la demanderesse sur le fait que, dans les circonstances de l’espèce, si on convenait que la demanderesse était tenue d’installer des tours d’éclairage afin de se conformer à l’instruction, la construction de ces tours aurait des répercussions importantes sur les activités de celle-ci au triage.

[20] En considérant l’ensemble de ces éléments, j’estime que l’incapacité pour la demanderesse de commencer la construction des tours d’éclairage en hiver, les coûts associés à la construction de ces tours ainsi que les répercussions connexes sur les activités de la demanderesse au triage lui causeraient un préjudice important si la mise en œuvre de l’instruction n’était pas suspendue.

[21] L’instruction faisant l’objet de l’appel a été émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code,en invoquant une contravention au Règlement, plutôt qu’en vertu du paragraphe 145(2) du Code,qui permet de caractériser une activité qui représente un danger pour les employés. Les employeurs sont tenus de respecter les normes relatives à la santé et à la sécurité. Toutefois, comme l’agent d’appel l’a exprimé dans la décision Termont, la distinction qui est faite entre une instruction émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code et une instruction émise en vertu du paragraphe 145(2) est pertinente dans le cadre de l’évaluation des risques associés au fait d’accorder la suspension de la mise en œuvre de l’instruction. Une instruction émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code est moins révélatrice d’une situation à risque élevé qu’une instruction émise en vertu du paragraphe 145(2).

[22] En outre, la longue période de mise en conformité (environ 7  mois) octroyée par l’instruction est également révélatrice du niveau de risque associé aux contraventions relevées par le délégué ministériel au cours de son enquête.

[23] Compte tenu du délai de sept mois accordé par le délégué ministériel pour la mise en conformité, du fait que le syndicat représentant les employés du triage a décidé de ne pas participer à la présente procédure en tant qu’intimé ainsi que du fait que c’est une instruction relative à une contravention qui a été émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code et non une instruction relative à un danger en vertu du paragraphe 145(2) du Code, je suis d’avis qu’ordonner une suspension de la mise en œuvre de l’instruction en attendant l’audience sur le fond ne constituerait pas une source de risque élevé pour les employés du triage St-Luc. Ensemble, ces facteurs me portent à croire que le préjudice important que subirait la demanderesse si je refusais la demande de suspension l’emporte sur le faible niveau de risque associé à la suspension de la mise en œuvre de l’instruction.

[24] Pour ces motifs, le deuxième volet du critère visant à suspendre une instruction est rempli.

La demanderesse a-t-elle démontré que dans l’éventualité où la suspension était accordée, des mesures seraient mises en œuvre pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail?

[25] Le troisième volet du critère porte sur les mesures de protection à mettre en place dans l’éventualité où la suspension de l’instruction était accordée en attendant l’issue de l’appel. La demanderesse soutient qu’en l’espèce, il convient de mettre en place des mesures moins strictes parce que l’instruction qui a été émise est une instruction relative à une contravention et non une instruction relative à un danger, mais aussi parce que le délégué ministériel lui a accordé un long délai de sept mois pour se mettre en conformité. La demanderesse mentionne également que le syndicat concerné a décidé en l’espèce de ne pas agir à titre d’intimé, ce qui confirme l’absence d’un danger mesurable dans le lieu de travail.

[26] La demanderesse soutient également qu’au lieu d’utiliser des lanternes incandescentes, elle a diffusé un bulletin et a ordonné d’utiliser uniquement des lanternes DEL au triage, dépassant ainsi le rendement en matière d’éclairage des lanternes utilisées par des acteurs similaires de l’industrie. La demanderesse confirme également qu’elle est prête à installer plus d’éclairage dès que les conditions météorologiques le permettront et qu’elle sera certaine du nombre exact de tours d’éclairage à installer.

[27] Je ne suis pas entièrement en accord avec le point de vue de la demanderesse selon lequel il convient d’appliquer [traduction] des « mesures moins strictes » pour protéger la santé et la sécurité des employés ou de toute personne admise dans le lieu de travail parce que (1) le délégué ministériel a accordé un délai suffisamment généreux pour la mise en conformité; (2) l’instruction a été émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code; ou (3) le syndicat a refusé d’agir à titre d’intimé. Je conclus néanmoins que le troisième volet du critère est rempli. Les lanternes sont largement utilisées dans le cadre de l’exploitation des triages ferroviaires. Je suis convaincu que les lanternes DEL fournies par la demanderesse aideront à prévenir des préjudices à la santé et à la sécurité des employés et des personnes admises dans le lieu de travail en attendant l’issue définitive de l’appel.

[28] Le troisième et dernier volet du critère est rempli.

Décision

[29] Pour les motifs susmentionnés, la demande de suspension de la mise en œuvre de l’instruction est accordée.

Olivier Bellavigna-Ladoux
Agent d’appel

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