2019 TSSTC 17

Date : 2019-08-13

Dossier : 2018-37

Entre :

Victor Lambe, appelant

et

McKevitt Trucking Limited, intimée

Indexé sous : Lambe v. McKevitt Trucking Limited

Affaire :

Appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail à l’encontre d’une décision rendue par un représentant délégué par le ministre du Travail.

Décision :

La décision est confirmée.

Décision rendue par : Olivier Bellavigna-Ladoux, agent d’appel

Langue de la décision : anglais

Pour l’appelant : lui-même

Pour l’intimée : Brad Smith, avocat, Weilers Law

Citation : 2019 TSSTC 17

Motifs de la décision

[1] Les présents motifs concernent un appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7) par M. Victor Lambe à l’encontre d’une décision d’absence de danger rendue le 2 novembre 2018 par M. Azmat Jadoon, en qualité de représentant délégué par le ministre du Travail (le délégué ministériel).

[2] Pour les raisons qui suivent, je confirme la décision rendue par le délégué ministériel.

Contexte

[3] Le 21 septembre 2018, l'appelant a exercé son droit de refuser de travailler en vertu de l'article 128 du Code. Au moment du refus de travailler, l'appelant était superviseur d'entrepôt pour l'intimée. L'appelant affirme que les plaques de liaison à son lieu de travail ne sont pas sécuritaires et que son employeur, l'intimée, refuse de les réparer. Une plaque de liaison est une pièce d'équipement placée dans l'espace entre un camion de livraison et un quai de chargement. Pour libérer les plaques de liaison de leur position d'attente, les employés de l'intimée doivent se placer debout dans l'entrepôt, près de la plaque de liaison, et tirer la poignée de la plaque de liaison à l'aide de ce que l'on a appelé durant l'audience un « extracteur de goupille ». D'après ce que je comprends, l'outil qu'utilisent les employés du quai de chargement n'est pas un extracteur de goupille classique, mais sa forme est similaire. L'extracteur de goupille utilisé par les employés du quai est un outil de métal d'une longueur d'environ 3 pieds. Il comporte une poignée à un bout et est courbé à 90 degrés à l'autre bout.

[4] Lorsque la plaque de liaison est tirée à l'aide de l'extracteur de goupille, une plaque de liaison fonctionnelle normale se soulève, s'allonge entièrement et vient se déposer sur la remorque qui recule dans le quai. Cependant, au moment du refus de travailler de l'appelant, certaines plaques de liaison de l'entrepôt de l'intimée étaient défectueuses et ne fonctionnaient pas comme elles le devaient. Ce fait n'est pas contesté. Pour utiliser les plaques de liaison défectueuses, l'employé devait se trouver dans la remorque plutôt que dans l'entrepôt, attraper et tirer la plaque de liaison vers le haut avec l'extracteur de goupille, puis se placer sur la plaque de liaison afin d'utiliser son propre poids pour abaisser la plaque de liaison sur la remorque. Une fois la plaque de liaison abaissée, l'employé utilise l'extracteur de goupille pour tirer un tambour de frein d'environ 45 livres sur la plaque pour qu'elle demeure abaissée. L'appelant affirme que l'utilisation d'une plaque de liaison défectueuse constitue un danger pour lui et pour les autres employés.

[5] Après le refus de travailler de l'appelant, l'intimée a mené une enquête sur le lieu de travail et en est venue à la conclusion qu'il n'existait pas de danger. À propos du rapport d'enquête sur le refus de travailler de l'employeur, l'intimée mentionne ce qui suit : [Tradution] « cinq plaques de liaison ont besoin qu'un vieux tambour de frein soit utilisé pour garder une pression sur le ressort. Une des plaques de liaison est hors service. Les plaques sont toujours utilisées ». L'intimée a indiqué avoir trouvé une entreprise de réparation qui a accès à des pièces de remplacement, lesquelles avaient été commandées.

[6] L'appelant n'était pas satisfait des résultats de l'enquête de l'intimée et n'a pas repris le travail. Le comité local de santé et de sécurité (le comité) a effectué une enquête sur le problème et a aussi conclu qu'il n'existait pas de danger. Le rapport du comité mentionne que les plaques des portes 1, 2, 5, 7, 9 et 12 avaient besoin d'un poids pour demeurer abaissées parce que les ressorts devaient être ajustés et que certaines pièces étaient à remplacer. Selon le comité, les problèmes décrits précédemment résultaient d'un entretien inadéquat au fil des ans, et il recommandait que l'intimée répare la plaque et adopte un calendrier d'entretien.

[7] Puisque l'appelant a laissé savoir qu'il n'était pas satisfait des constatations du comité, l'intimée a contacté le Programme du travail et, le 29 octobre 2018, le délégué ministériel a mené une enquête sur le refus de travailler de l'appelant au 1540, route Britannia Est, à Mississauga (Ontario). Le délégué ministériel a établi les faits suivants :

[8] Le rapport du délégué ministériel comprend également un rapport d'incident d'un conducteur daté du 22 août 2018, accompagné d'un certificat médical daté du 23 août 2018, indiquant que l'appelant s'était déjà blessé en soulevant une plaque de liaison, ce qui l'avait amené à demander des soins médicaux pour des problèmes au dos. Le rapport comprend un document intitulé Promesse de conformité volontaire (PCV) signé par l'intimée le 2 novembre 2018, dans lequel le délégué ministériel mentionnait que l'intimée n'avait pas veillé à ce que la surface des plaques de liaison dans le lieu de travail ne présente pas d'irrégularités, notamment l'utilisation de tambours de frein pour que les plaques de liaison demeurent abaissées, et il demandait que la situation soit rectifiée au plus tard le 16 novembre 2018. Dans le même document, le délégué ministériel notait également que les plaques de liaison dans le lieu de travail ne comportaient aucune marque ni étiquette indiquant clairement la capacité de chargement sécuritaire maximale, et il demandait que cette situation soit rectifiée au plus tard le 16 novembre 2018. Malgré ces observations, le délégué ministériel concluait qu'il n'existait pas de danger pour l'appelant.

[9] Le 2 novembre 2018, le délégué ministériel a remis en main propre à l’appelant une décision affirmant qu'il n'existait pas de danger. L'appelant a interjeté appel de la décision du délégué ministériel le 16 novembre 2018, trois jours après le délai prescrit au paragraphe 129(7) du Code. Le même jour, le registraire du Tribunal a communiqué avec l'appelant pour l'informer de la fin du délai et lui donner l'occasion de présenter une demande de prorogation du délai. J'ai approuvé la demande de prorogation de l'appelant le 22 janvier 2019.

[10] J'ai entendu l'appel sur le fond à Toronto le 25 mars 2019. J'ai entendu les témoignages du délégué ministériel, de l'appelant, de M. Jeff Lightle, un autre employé au quai travaillant pour l'intimée, et de M. Michael McKevitt, gestionnaire du terminal à l'emplacement de Mississauga de McKevitt Trucking Limited. Au moment de l'audience, il a été annoncé que la PCV remise à l'intimée par le délégué ministériel avait été respectée.

Question en litige

[11] La question en litige est de savoir si l’appelant était exposé à un danger au sens du Code dans les circonstances qui prévalaient au moment de son refus de travailler.

Observations des parties

Observations de l’appelant

[12] À l'audience tenue à Toronto le 25 mars 2019, puisque M. Lambe se représentait lui-même au cours des procédures, j'ai revu avec les parties le droit et la jurisprudence pertinents pour le dossier et leur incidence. À la fin de l'audience, on a donné à l'appelant jusqu'au 23 avril 2019 pour présenter ses observations finales à propos de son appel.

[13] Le 27 mars 2019, le registraire du Tribunal a envoyé une lettre aux parties soulignant les délais accordés pour transmettre leurs observations finales et, à ma demande, leur donner les directives suivantes :

[Traduction] Comme l'a mentionné l'agent d’appel à l'audience, les observations devraient aborder la définition de « danger » (présentée au paragraphe 122(1) du Code canadien du travail) et la jurisprudence du Tribunal. On rappelle aux parties que le critère juridique permettant d'interpréter la définition de « danger » est résumé au paragraphe 199 de la décision ci-jointe, Service correctionnel du Canada c. Ketcheson (2016 TSSTC 19). On s'attend à ce que les parties traitent de ce critère dans leurs observations.

[14] Le 17 avril 2019, l'appelant a transmis ses observations finales au Tribunal. Après examen de ces observations, et comme l'a souligné l'intimée le 24 avril 2019, les documents semblaient porter sur des procédures dans le cadre d'une autre affaire. Le 24 avril 2019, le Tribunal a communiqué avec l'appelant et lui a demandé de confirmer que les observations qu'il a transmises étaient ses observations finales relativement à l'appel interjeté à l'encontre de la décision d'absence de danger rendue par le délégué ministériel le 2 novembre 2018.

[15] Le 25 avril 2019, l'appelant a transmis au Tribunal une série de documents. Après avoir dûment étudié ces documents, je conclus que les observations de l’appelant ne se rapportent pas à un danger dans son lieu de travail. L'appelant n'a pas abordé la définition de danger donnée au paragraphe 122(1) du Code ni le critère juridique permettant d'interpréter la définition de « danger », malgré les directives données pendant l'audience et dans la lettre envoyée après l'audience, datée du 27 mars 2019.

Observations de l’intimiée

[16] L'intimée a abordé la question du critère juridique présenté au paragraphe 199 de la décision Service correctionnel du Canada c. Ketcheson , 2016 TSSTC 19 (Ketcheson) pour établir si l'appelant était exposé à un danger au sens du Code le jour de son refus de travailler.

[17] L'intimée affirme que l'appelant n'a pas indiqué quels aspects des plaques de liaison comportaient un danger, au sens du Code. Aux fins de l'analyse, l'intimée mentionne que les risques décelés par l'appelant viennent du fait que le déplacement vertical des plaques de liaison par rapport à leur position de départ horizontale n'est pas conforme à leur utilisation normale.

[18] L'intimée ne conteste pas le fait que certaines parties des plaques de liaison étaient défaillantes en raison de leur utilisation et de leur usure normale, mais elle note qu'il n'y a pas eu d'incident ni de blessure réel. L'intimée affirme que le déplacement vertical des plaques causé par la défaillance était lent et que les employés en étaient bien au courant. L'intimée observe que tout risque potentiel résultant des plaques de liaison n'était ni imminent ni une menace sérieuse à la vie ou à la santé d'une personne qui y était exposée.

[19] L'intimée affirme avoir pris des mesures pour réduire ces risques, soit : 1) l'utilisation d'un tambour de frein comme poids pour que les plaques demeurent abaissées; 2) l'inspection et la réparation des plaques de liaison. L'intimée observe donc que des mesures correctives ont été prises avant qu'il existe une menace pour la vie ou la santé.

[20] L'appelant n'a pas répondu aux observations de l’intimée.

Analyse

[21] Je suis saisi d'un appel en vertu du paragraphe 129(7) du Code à l'encontre d'une décision d'absence de danger rendue par le délégué ministériel. Le paragraphe 146.1(1) du Code décrit le pouvoir dont jouit un agent d’appel saisi d'un appel interjeté à l’encontre d’une décision d’absence de danger :

146.1 (1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

(a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

[22] L’appelant a exercé un refus de travailler en vertu de l'alinéa 128(1)(a) du Code :

128(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

(a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

[23] L'appelant est d'avis que l'utilisation des plaques de liaison défaillantes dans son lieu de travail constitue un danger pour lui-même et pour d'autres employés. Le concept de danger au sens du Code est défini au paragraphe 122(1) :

122(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

danger Situation, tâche ou risque qui pourrait vraisemblablement présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée avant que, selon le cas, la situation soit corrigée, la tâche modifiée ou le risque écarté.

[24] Pour prendre la décision de confirmer ou d'annuler la décision d'absence de danger rendue par le délégué ministériel, j'appliquerai le critère juridique décrit dans la décision Ketcheson aux faits du dossier qui nous occupe afin d'établir si l'appelant était exposé à un danger au sens du Code.

[25] Le critère est décrit comme suit :

  1. Quel est le risque allégué, la situation ou la tâche?
    1. Ce risque, cette situation ou cette tâche pourrait-il vraisemblablement présenter une menace imminente pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée?
      ou
    2. Ce risque, cette situation ou cette tâche pourrait-il vraisemblablement présenter une menace sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée?
  2. La menace pour la vie ou pour la santé existera-t-elle avant que, selon le cas, la situation soit corrigée, la tâche modifiée ou le risque écarté?

Que lest le risqué allégué, la situation ou la tâche?

[26] Tout compte fait, l'appelant n'a pas présenté d'observations finales à propos de la définition de « danger ». Néanmoins, j'utiliserai la preuve obtenue pendant mon enquête pour évaluer si le danger allégué par l'appelant au moment de son refus de travailler constitue un danger au sens du Code.

[27] D'après le témoignage de l'appelant, et comme l'a souligné l'intimée, le danger allégué par l'appelant vient du fait que le déplacement vertical des plaques de liaison par rapport à leur position de départ horizontale n'est pas conforme à leur utilisation normale.

Ce risque, cette situation ou cette tâche pourrait-il vraisemblablement présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée?

[28] La deuxième partie du critère requiert que j’établisse si on pourrait raisonnablement s'attendre à ce que le danger allégué soit une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou la santé de l'appelant.

[29] Je dois d'abord décider s'il est vraisemblable que le danger allégué par appelant soit une menace imminente pour la vie ou la santé de l'appelant. L'agent d’appel dans la décision Ketcheson a interprété le concept de menace imminente comme suit :

[205] Une menace imminente existe quand il est vraisemblable que le risque, la situation ou la tâche entraîne rapidement (dans les prochaines minutes ou les prochaines heures) des blessures ou une maladie. La gravité du préjudice peut aller de faible (sans être négligeable) à grave. Le caractère vraisemblable comprend la prise en compte de ce qui suit : la probabilité qu’une personne soit en présence du risque, de la situation ou de la tâche; la probabilité que le risque cause un évènement ou une exposition; et la probabilité que l’évènement ou l’exposition cause un préjudice à une personne.

[30] Dans le dossier qui nous occupe, je dois donc décider s'il est vraisemblable que le déplacement vertical de la plaque de liaison par rapport à sa position de départ horizontale d'une manière qui n'est pas conforme à son utilisation normale pourrait causer une blessure à l'appelant dans les minutes ou les heures suivant son refus de travailler.

[31] La définition du mot « danger » au paragraphe 122(1) du Code mentionne clairement qu'un danger est une « [s]ituation, tâche ou risque qui pourrait vraisemblablement présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée avant que, selon le cas, la situation soit corrigée, la tâche modifiée ou le risque écarté » [italique ajouté].

[32] Pour évaluer si le danger décelé par l'appelant pourrait raisonnablement présenter une menace imminente, je trouve utile le paragraphe 205 de la décision Ketcheson, reproduit précédemment. Je dois évaluer si ce danger se manifestera en présence de l'appelant ou d'un autre employé, si le danger causera un événement et la probabilité que cet événement cause un préjudice à l'appelant ou à un autre employé qui y est exposé.

[33] Dans la décision Verville c. Canada (Service correctionnel), 2004 CF 767, la juge Gauthier affirme que « la définition [de danger] exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que telles circonstances se produiront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable ». La décision Verville portait sur la définition antérieure du mot « danger » conformément au Code, mais la Cour fédérale a confirmé dans la décision Canada (Procureur général) c. Laycock, 2018 CF 750, qu'elle demeurait utile pour guider l'interprétation du concept de « vraisemblance ».

[34] L'appelant a affirmé dans son témoignage que, lorsqu'il retirait le tambour de frein d'une plaque de liaison défaillante pour la relâcher, la plaque de liaison bougeait beaucoup plus rapidement qu'elle ne le faisait normalement et qu'elle pouvait le frapper ou frapper un autre employé au visage ou au bras. Il a affirmé également que, si un morceau de bois se trouvait sur une plaque, il pouvait être propulsé lorsque la plaque était relâchée et frapper un employé. Cependant, l'appelant n'a jamais été témoin d'un tel incident, ni n'a eu connaissance d'un incident où un autre employé a été blessé par une plaque de liaison comme il le décrit. M. McKevitt a également confirmé dans son témoignage que les plaques de liaison n'ont jamais causé d'accident ni de blessure réel. À mon avis, les scénarios décrits par l'appelant sont purement hypothétiques et ne répondent pas aux critères prescrits pour être considérés comme une possibilité raisonnable.

[35] Selon la preuve qui m'a été présentée, principalement le témoignage de l'appelant dans lequel il a admis que le danger qu'il allègue ne s'était jamais manifesté, je crois qu'on ne peut s'attendre raisonnablement à ce que le danger allégué par l'appelant aurait pu se manifester dans les minutes ou les heures suivant son refus de travailler. Je conclus que le déplacement vertical de la plaque de liaison par rapport à sa position de départ horizontale, même d'une manière qui n'est pas conforme à son utilisation normale, ne constituait pas une menace imminente au moment où l'appelant a refusé de travailler.

[36] Je dois maintenant établir si ce mouvement constitue une menace sérieuse. Dans la décision Ketcheson, l’agent d’appel a aussi écrit ce qui suit :

[210] Une menace sérieuse fait qu’il est vraisemblable que le risque, la situation ou la tâche cause des blessures ou une maladie grave à un moment donné à l’avenir (dans les jours, les semaines, les mois ou, dans certains cas, les années à venir). Une chose qui est peu probable dans les prochaines minutes peut être très probable lorsqu’un laps de temps plus long est pris en compte. Le préjudice n’est pas mineur; il est grave. Le caractère vraisemblable comprend la prise en compte de ce qui suit : la probabilité qu’une personne soit en présence du risque, de la situation ou de la tâche; la probabilité que le risque cause un évènement ou une exposition; et la probabilité que l’évènement ou l’exposition cause un préjudice à une personne.

[37] Une plaque de liaison frappant un employé au visage de la manière décrite par l'appelant causerait une blessure grave; cependant, la preuve qui m'a été présentée indique que ce scénario est peu probable. Les plaques de liaison sont peu susceptibles de constituer une menace imminente pour un employé en raison de la très faible probabilité d'un incident, et, selon moi, le déplacement vertical de la plaque ne pourrait pas causer une blessure grave à un employé.

[38] J'ai entendu les témoignages du délégué ministériel et de MM. McKevitt et Lightle. Ces trois témoins ont affirmé catégoriquement que les plaques de liaison, peu importe si elles sont défectueuses, ne pourraient pas se déplacer assez rapidement ni assez haut pour blesser un employé de la manière décrite par l'appelant. Comme il est indiqué dans son rapport, le délégué ministériel a remarqué pendant son enquête que les plaques de liaison défectueuses bougeaient plus rapidement et plus haut qu'une plaque de liaison fonctionnant normalement, mais pas à une vitesse alarmante.

[39] En tentant d'illustrer la hauteur et la vitesse d'une plaque de liaison défectueuse au moment où elle est libérée, le délégué ministériel a décrit qu'un bol d'eau laissé sur une plaque de liaison défectueuse ne serait pas lancé, mais qu'il glisserait tout simplement le long de la plaque libérée. Cette comparaison me donne à croire que la vitesse et la hauteur de relâchement d'une plaque de liaison, même défectueuse, sont trop faibles pour causer toute blessure à un employé en train d'utiliser les plaques de liaison ou marchant simplement tout près.

[40] On ne m'a pas présenté de preuve crédible démontrant que le déplacement vertical de la plaque de liaison par rapport à sa position de départ horizontale d'une manière qui n'est pas conforme à son utilisation normale pourrait constituer une menace sérieuse pour la vie ou la santé de l'appelant. Compte tenu de ce qui précède, je constate que l'appelant, au moment où il utilise les plaques de liaison, ne pouvait raisonnablement pas s'attendre à ce que la plaque le frappe au visage ou au bras et qu'il subisse une blessure grave.

[41] Puisqu'on ne peut raisonnablement pas s'attendre à ce que le danger décelé par l'appelant soit une menace sérieuse ou imminente pour sa vie ou sa santé, il n'est pas nécessaire d'aborder la dernière partie du critère énoncé dans la décision Ketcheson quant à savoir si la menace pour la vie ou la santé existera avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou l'activité modifiée.

Décision

[42] Pour ces motifs, je confirme la décision rendue par le délégué ministériel le 2 novembre 2018 et je rejette l'appel.

Olivier Bellavigna-Ladoux

Agent d’appel

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