2019 TSSTC 21

Date : 2019-11-06

Dossier : 2019-22

Entre :.

Rosedale Transport Limited, appelante

Indexé sous : Rosedale Transport Limited

Affaire : Appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail à l’encontre d’une instruction émise par un représentant délégué par le ministre du Travail.

Décision : L’instruction est modifiée.

Décision rendue par : Mme Ginette Brazeau, agente d’appel

Langue de la décision : Anglais

Pour l’appelante : M. Brian Topping, directeur, Rosedale Transport Limited

Référence : 2019 TSSTC 21

Motifs de la décision

[1] Les présents motifs concernent un appel interjeté aux termes du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail (le Code) par Rosedale Transport Limited (l’appelante) à l’encontre d’une instruction émise le 3 mai 2019 par Mme Michelle Sterling, en qualité de représentante déléguée par le ministre du Travail (la déléguée ministérielle).

Contexte

[2] Le 6 juillet 2018, la déléguée ministérielle s’est rendue au lieu de travail exploité par l’appelante afin de mener une enquête générale. À la suite de son enquête, la déléguée ministérielle a trouvé onze violations du Code. L’une des violations trouvées par la déléguée ministérielle était le défaut de l’appelante de présenter le Rapport du comité local 2017 avant le 1er mars 2018. Le 19 juillet 2018, la déléguée ministérielle a rencontré l’appelante et a obtenu une Promesse de conformité volontaire (PCV) pour les violations trouvées. La PCV, signée par l’appelante, précise que le Rapport du comité local devait être soumis au plus tard le 1er mars de chaque année. 

[3] Le 23 avril 2019, la déléguée ministérielle a procédé à une enquête de suivi auprès de l’appelante. Elle a conclu que l’appelante n’avait pas soumis le Rapport du comité local au plus tard à la date prescrite qui était le 1er mars 2019. Puisque l’appelante avait reçu une PCV concernant la même violation l’année précédente, la déléguée ministérielle a émis une instruction en vertu du paragraphe 145(1) du Code. L’instruction se lit comme suit :

Dans l’affaire du Code canadien du travail

Partie II — Santé et sécurité au travail

Instruction à l’employeur en vertu du paragraphe 145(1)

Le 23 avril 2019, la représentante déléguée par le ministre du Travail soussignée a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par Rosedale Transport Limited, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 3960, Commerce Road, London (Ontario), N6N 1P8, ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Rosedale Transport.

Ladite représentante déléguée par le ministre du Travail est d’avis qu’une contravention à la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail a été commise :

Alinéa 135.2(1)(g) – partie II du Code canadien du travail

Paragraphe 9(1) – Règlement sur les comités d’orientation, les comités locaux et les représentants en matière de santé et de sécurité

L’employeur n’a pas présenté le Rapport du comité local au ministre avant le 1er mars 2019 pour les activités du comité pendant l’année civile 2018.

Par conséquent, il vous est ordonné par les présentes, en vertu de l’alinéa 145(1)(a) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à la contravention au plus tard le 17 mai 2019.

Il vous est aussi ordonné par les présentes, en vertu de l’alinéa 145(1)(b) de la partie II du Code canadien du travail de prendre des mesures pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

Fait à London, ce 3e jour de mai 2019.

[Signé]
Michelle Sterling
Représentante déléguée par le ministre du Travail

[4] L’appelante a porté en appel cette instruction le 6 mai 2019, alléguant que l’instruction n’était pas nécessaire et que la déléguée ministérielle n’était pas impartiale à son égard. Après avoir révisé et examiné ce dossier, j’ai invité l’appelante à fournir des observations écrites complètes pour appuyer l’appel avant le 16 septembre 2019.

Observations de l’appelante

[5] L’appelante soutient que le Rapport du comité local 2018 a été rempli au début de 2019, mais que M. Greg Tonelli, le gérant de terminal à London, a oublié de le remettre. L’appelante affirme que lorsqu’elle a été avisée de l’omission, elle a immédiatement soumis le Rapport du comité local. L’appelante soutient que cette erreur était un oubli et non une tentative de contourner les obligations du Code.

[6] L’appelante croit que l’instruction n’était pas nécessaire, puisqu’elle a toujours respecté toutes les règles et tous les règlements, en particulier la partie II du Code. L’appelante est d’avis que l’instruction a été émise à la suite d’un désaccord avec la déléguée ministérielle lors d’une réunion qui a eu lieu le 6 juillet 2018.

[7] L’appelante demande que l’instruction soit annulée.

Analyse

[8] Le paragraphe 146.1(1) du Code décrit le pouvoir d’un agent d’appel lorsqu’une instruction émise par un délégué ministériel est portée en appel.

146.1 (1) Saisi d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, le Conseil mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

[9] Afin de déterminer si je vais modifier, annuler ou confirmer l’instruction émise par la déléguée ministérielle le 3 mai 2019, je dois d’abord déterminer si l’appelante a enfreint le paragraphe 9(1) du Règlement sur les comités d’orientation, les comités locaux et les représentants en matière de santé et de sécurité (Règlement).

[10] L’alinéa 135.2(1)(g) du Code se lit comme suit :

135.2 (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, préciser :.

g) la personne à qui le comité doit présenter, en la forme et dans le délai réglementaires, son rapport d’activité annuel;

[11] En vertu de l’alinéa 135.2(1)(g) du Code, le gouverneur en conseil a adopté le Règlement. Le paragraphe 9(1) du Règlement se lit ainsi :

9 (1) Au plus tard le 1er mars de chaque année, le président choisi par les membres du comité local qui ont été désignés par l’employeur présente au ministre un rapport concernant les activités exercées par le comité local durant la période de douze mois se terminant le 31 décembre de l’année précédente.

[12] Le paragraphe 9(1) du Règlement stipule qu’un employeur doit présenter un Rapport du comité local annuel au ministre au plus tard le 1er mars de chaque année. Dans le cas qui nous occupe, l’appelante reconnaît qu’elle n’a pas présenté le Rapport du comité local annuel au plus tard le 1er mars 2019.

[13] Je ne suis pas convaincue, comme le suggère l’appelante, que l’instruction a été émise à la suite d’un désaccord entre la déléguée ministérielle et l’appelante lors d’une réunion qui a eu lieu le 6 juillet 2018. Un examen des renseignements au dossier, y compris du rapport de la déléguée ministérielle, indique que l’instruction a été émise puisque l’appelante n’avait pas présenté son Rapport du comité local annuel dans le délai prescrit, deux années consécutives. L’instruction visait à corriger la conduite de l’appelante relativement à la présentation de rapports dans le délai prescrit, comme l’exige le cadre législatif du Code. Je conclus que l’appelante a contrevenu au paragraphe 9(1) du Règlement.

[14] Compte tenu de cette contravention, la déléguée ministérielle a donné à l’appelante l’instruction de cesser la contravention au plus tard le 17 mai 2019, en vertu de l’alinéa 145(1)(a) du Code. Le paragraphe 145(1) du Code se lit ainsi :

145 (1) If the Minister is of the opinion that a provision of this Part is being contravened or has recently been contravened, the Minister may direct the employer or employee concerned, or both, to

(a) terminate the contravention within the time that the officer may specify; and

b) take steps, as specified by the officer and within the time that the officer may specify, to ensure that the contravention does not continue or re-occur.

[my underlining]

145 (1) S’il est d’avis qu’une contravention à la présente partie vient d’être commise ou est en train de l’être, le ministre peut donner à l’employeur ou à l’employé en cause l’instruction :

a) d’y mettre fin dans le délai qu’il précise;

b) de prendre, dans les délais précisés, les mesures qu’il précise pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

[Je souligne]

[15] À première vue, le paragraphe 145(1) du Code donne au ministre le pouvoir de donner à un employeur l’instruction de a) mettre fin à une contravention à la partie II du Code; et b) prendre des mesures pour empêcher la continuation d’une contravention ou sa répétition. Le libellé du paragraphe 145(1) n’empêche pas le ministre de faire l’un ou l’autre. Afin d’interpréter ce paragraphe logiquement, la conjonction « and » après l’alinéa 145(1)(a) doit être lu de façon disjonctive afin de donner au ministre le pouvoir d’émettre une instruction à un employeur en vertu des alinéas 145(1)(a) ou 145(1)(b), ou d’une combinaison des deux alinéas. L’absence du mot « et » dans la version française de la disposition reproduite ci-dessus corrobore cette interprétation de la relation entre le chapeau du paragraphe 145(1) et les alinéas qui suivent. Si le ministre est d’avis qu’une contravention à la partie II du Code vient d’être commise ou est en train de l’être, il peut donner à l’employeur l’instruction de mettre fin à la contravention, de prendre des mesures pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition, ou les deux.

[16] Dans l’affaire qui nous occupe, l’appelante n’avait pas présenté le Rapport du compte local annuel 2018 avant le 1er mars 2019, et elle avait donc récemment contrevenu au Code et au Règlement. Cela faisait la deuxième fois que l’appelante ne présentait pas le Rapport du comité local dans le délai prescrit. La déléguée ministérielle a informé l’appelante de la violation le 23 avril 2019. L’appelante a mis fin à la contravention plus tard la même journée en présentant son Rapport du comité local 2018. La déléguée ministérielle a été informée du respect de l’appelante le 2 mai 2019, mais elle a cependant décidé d’émettre l’instruction le 3 mai 2019, qui est maintenant l’objet du présent appel.

[17] L’instruction émise par la déléguée ministérielle de prendre des mesures pour empêcher la répétition de la violation est bien fondée. Le paragraphe 145(1) du Code permet au ministre d’émettre une instruction si une contravention à la partie II du Code vient d’être commise ou est en train de l’être. La déléguée ministérielle avait donc le pouvoir d’émettre l’instruction le 3 mai 2019, même si la contravention avait été commise dans le passé et que l’appelante y avait mis fin.

[18] Toutefois, la déléguée ministérielle n’avait aucune raison de donner à l’appelante l’instruction de mettre fin à une contravention qui avait déjà pris fin. Il me semble que dans le présent cas, donner à un employeur l’instruction de mettre fin à une contravention qui a déjà pris fin au moment où l’instruction est émise va au-delà de ce qui est nécessaire. Lorsqu’une contravention à la partie II du Code vient d’être commise, le ministre a le pouvoir de donner à l’employeur l’instruction de prendre des mesures pour empêcher la répétition de la contravention.

[19] Puisque la contravention avait déjà pris fin lorsque la déléguée ministérielle a émis l’instruction, je vais utiliser le pouvoir discrétionnaire qui m’a été conféré pour modifier l’instruction afin de retirer le renvoi à l’alinéa 145(1)(a) du Code et la date de conformité du 17 mai 2019. L’instruction modifiée est jointe aux présents motifs.

Décision

[20] Pour les motifs susmentionnés, l’instruction est modifiée.

Ginette Brazeau
Agente d’appel

Annexe

Dans l’affaire du Code canadien du travail

Partie II — santé et sécurité au travail

Instruction modifiée à l’employeur en vertu du paragraphe 145(1)

Le 23 avril 2019, Mme Michelle Sterling, à titre de représentante déléguée par le ministre du Travail, a procédé à une enquête au lieu de travail exploité par Rosedale Transport Limited, employeur assujetti au Code canadien du travail (le Code), et sis au 3960, Commerce Road, London (Ontario) N6N 1P8, ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Rosedale Transport. Ladite représentante déléguée par le ministre du Travail était d’avis que la disposition suivante du Code a été enfreinte :

Alinéa 135.2(1)(g) – Code canadien du travail

Paragraphe 9(1) – Règlement sur les comités d’orientation, les comités locaux et les représentants en matière de santé et de sécurité

L’employeur n’a pas présenté le Rapport du comité local au ministre avant le 1er mars 2019 pour les activités du comité pendant l’année civile 2018.

À la suite d’un appel interjeté en vertu de l’article 146 du Code, l’agente d’appel soussignée a mené une enquête conformément à l’article 146.1 du Code concernant l’instruction émise. À la suite de son enquête, l’agente d’appel soussignée est d’avis que la disposition susmentionnée a été enfreinte.

Par conséquent, il vous est ordonné par les présentes, en vertu de l’alinéa 145(1)(b) du Code, de prendre des mesures pour empêcher la répétition de la contravention.

Modifiée à Ottawa, ce 6e jour de novembre 2019.

Ginette Brazeau
Agente d’appel

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