Archivée - Decision: 92-003 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SECURITE ET SANTE AU TRAVAIL

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Révision d'une instruction émise par un agent de sécurité
en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail

Partie demanderesse: Association des employeurs maritimes
                                 Montréal, Québec
                                 Représentée par Maître Gérard Rochon

Partie intéressée: Syndicat des débardeurs du port de Montréal
                          Montréal, Québec
                          Représenté par M. Bernard Paquet

Mis en cause:  M. Jean-Marie Laurier
                      Gestionnaire
                      District des Laurentides
                      Travail Canada

Devant:   Bertrand Southière
               Agent régional de sécurité


L'audition s'est tenue les 14 août 1990, 6 novembre 1990, 16 janvier 1991 et 23 janvier 1992 au bureau régional de Travail Canada, à Montréal.- 1 -


Objet du litige

Le 10 juillet 1989, vers 23:00 heures, trois employés de la compagnie Les Terminus Maritimes Fédéraux ont refusé de travailler en vertu des dispositions du Code canadien du travail.
Les trois employés en question étaient MM. Sylvain Charron,
René Dicrocci et Denis Wolfe.  Le motif du refus était le niveau d'éclairement insuffisant dans le secteur où ils travaillaient, soit une zone comprise entre les hangars #41 et #42 du port de Montréal jusqu'au bord du quai (voir D-51), là où était amarré un navire en voie de chargement.

Le directeur des opérations de la compagnie, M. John Dalling, communiqua avec Travail Canada afin qu'un agent de sécurité se rende sur les lieux pour faire enquête et rendre une décision.  M. Pierre Morin, agent de sécurité de Travail Canada, se rendit sur les lieux vers 23:30 heures.  Après enquête sommaire, il acceptait le refus de travail et ordonnait à l'employeur de corriger la situation, instruction confirmée par écrit le lendemain, 11 juillet 1989.

Le langage de l'instruction n'était pas spécifique et ordonnait à l'employeur de "prendre immédiatement des mesures propres à parer au danger."  Par la suite et jusque vers la fin du mois d'août 1989, des discussions eurent lieu à quelques reprises entre l'employeur et l'agent de sécurité concernant l'interprétation à donner à la Partie VI, Eclairage, du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail sans qu'on en arrive à une entente.

L'objet de ces discussions était de savoir si le secteur en question devait être assimilé à des " Quais de chargement, magasins et entrepôts: quais, embarcadères et autres endroits où des colis et des conteneurs sont chargés et déchargés" selon les termes de l'alinéa 2.(b) de l'Annexe II du règlement sur l'éclairage (DORS/86-304), ou plutôt à des "Espaces à l'extérieur des immeubles: endroit d'entreposage où le niveau d'activités est élevé ou moyen" selon les termes du sous-alinéa 1.(d)(i) de l'Annexe III du même règlement.  Selon l'interprétation retenue, le niveau d'éclairement requis était soit de 10 décalux dans le premier cas, soit de 3 décalux dans le second.

A la fin du mois d'août 1989, M. Jean-Marie Laurier, gérant du bureau de district des Laurentides de Travail Canada et superviseur de M. Pierre Morin, prend en main le dossier.  Quelques jours plus tard, soit le 5 septembre, il fait parvenir à M. John Dalling de Les Terminus Maritimes Fédéraux, une lettre dans laquelle il dit:


... 2
- 2 -


"... nous sommes d'avis que les dispositions de l'article
3 b) de l'Annexe II de la Partie VI du Règlement du Canada sur la sécurité et santé au travail, s'appliquent et que
partant, un niveau moyen d'éclairage de 10 décalux (...) est requis pour les espaces industriels où s'effectue du travail de chargement et de déchargement, peu importe que ces espaces industriels soient situés à l'extérieur ou à l'intérieur d'un établissement."

Le 18 septembre 1989, l'Association des Employeurs maritimes faisait appel de la décision de M. Jean-Marie Laurier contenue dans sa lettre du 5 septembre 1989.


Décision sur la question préliminaire

La partie intéressée soutient que l'appel fait par la partie demanderesse est nul et sans objet.  Tout d'abord, l'instruction émise par l'agent de sécurité Pierre Morin le 11 juillet 1989 ne saurait faire l'objet d'un appel parce que le délai prescrit à l'article 146 du Code, c'est-à-dire dans les 14 jours qui suivent la réception de l'instruction, est expiré.  Quant à la lettre du 5 septembre 1989 de M. Jean-Marie Laurier, il ne s'agit pas d'une instruction, mais plutôt d'une interprétation du règlement faite par le gestionnaire.

La partie demanderesse pour sa part ne conteste pas la décision de l'agent de sécurité Pierre Morin concernant le refus de travail.  On ne conteste pas non plus l'instruction remise par
M. Pierre Morin le 11 juillet 1989.  On admet que le délai prescrit était expiré.  On admet aussi que le 10 juillet au soir, l'éclairage était déficient et que le refus de travail était justifié.  Ce qui est contesté est l'obligation faite à l'employeur, par la lettre de M. Jean-Marie Laurier, de maintenir un niveau d'éclairement moyen de 10 décalux dans la zone identifiée précédemment.

L'agent de sécurité Pierre Morin, selon son témoignage, avait préparé 2 documents suite à son enquête du 10 juillet au soir: l'un intitulé "Décision" (D-4) et l'autre "Instruction".  Ce dernier accompagnait une lettre (D-3) remise à John Dalling de Les Terminus Maritimes Fédéraux.  Ce document (D-3) se lit comme suit:

"DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II (SECURITE ET SANTE DU TRAVAIL)
INSTRUCTION A L'EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(2)(b)

L'agent de sécurité soussigné a, le 10 jour de juillet 1989,

... 3

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été sur le lieu de travail exploité par les terminus Maritimes fédéraux, employeur assujetti au Code canadien du travail, Partie II, au hangar 42E, Port de Montréal, Québec, ledit lieu de travail étant quelquefois connu sous le nom de FEDNAV, et après avoir effectué une enquête sur ledit lieu de travail, et considéré que le manque d'éclairage et l'absence d'éclairage dans certains autres endroits du lieu de travail constitue un danger pour un employé au travail.

1. Par les présentes ordonne au dit employeur conformément à l'alinéa 145.(2)(b) (il y a ici une correction manuscrite indiquant qu'il s'agit plutôt de l'alinéa 145.(2)(a)) du Code canadien du travail, partie II, de prendre immédiatement des mesures propre à parer au danger;

L'EMPLOYEUR REÇOIT EN OUTRE L'INSTRUCTION de prendre les mesures ci-dessus au plus tard le 14 juillet 1989;

L'EMPLOYEUR REÇOIT EN OUTRE L'ORDRE, conformément à l'alinéa 145(2)(b) du Code canadien du travail, Partie II, de ne pas utiliser ni d'exploiter à la noirceur le lieu visé par la présente instruction jusqu'à ce que les instructions ci-dessus aient été observées.

Fait à Montréal, ce 11ième jour de juillet 1989.

Pierre Morin
   Agent de sécurité"


Quant au document D-4, il se lit comme suit:

"MINISTERE DU TRAVAIL DU CANADA

DECISION

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL , ART. 145(2)(B), SUITE A UN REFUS DE TRAVAILLER EXERCE PAR SYLVAIN CHARRON AUPRES DES TERMINUS MARITIMES FEDERAUX, HANGAR 42 EST, PORT DE MONTREAL, MONTREAL, QUEBEC.

PROLOGUE

L'agent de sécurité soussigné, Pierre Morin, intervint auprès des parties en date du 10 juillet 1989, en vertu des pouvoirs conférés par le paragraphe 129(2) du Code canadien du travail, Partie II, s.c. ch.39, art. 20.

... 4

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ENQUETE ET FAITS

La raison invoquée par M. Sylvain Charron à l'appui de son refus était:
- manque d'éclairage aux endroits où s'effectue la majorité     si non plus la totalité de notre travail.
Le soussigné constata que:
1. le relevé du niveau d'éclairage pris à certains endroits indiquaient;

- (0. décalux) pour l'air de travail extérieure face au bureau administratif ageilek.
- (1. décalux) pour la partie de la cour extérieure faisant face à la shed No 42.
- (11 décalux) à l'intérieur de la shed 42-B5 sous le luminaire du plafond.
- (0 décalux) à la partie centrale de la cour extérieure.
-(.8 décalux) sur le bord de la rive de chargement.
2. le niveau moyen d'éclairage requis selon l'article 3 de la colonne 1 à l'annexe II de l'article 6.4 exige un niveau moyen de (10 décalux) pour les quais , embarcadères et autres endroits où des colis et des conteneurs sont chargés et déchargés.

DECISIONS

Le soussigné Pierre Morin, décide:
Qu'il y a existence d'un danger pour le travail de manutention qui se fait avec l'absence d'éclairage requis pour les endroits de chargement et de déchargement, entreposage de lieu de travail exploité par les terminus maritimes fédéraux au hangar 42E du Port de Montréal.

En foi de quoi, j'ai signé à Montréal, ce 11ième jour de juillet 1989.


Pierre Morin"


Les divers témoignages entendus, tant celui de l'agent de sécurité Pierre Morin, que celui de M. John Dalling de Les Terminus Maritimes Fédéraux et celui de M. André Lachaine de l'Association des Employeurs maritimes, confirment que ce dernier document (D-4) n'a jamais été envoyé à l'employeur, mais seulement à M. Sylvain Charron.  En fait, dans le dossier qu'on m'avait remis initialement, il n'y avait copie que de la décision envoyée à M. Sylvain Charron sans aucune lettre d'accompagnement.   
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Les décisions et les lettres d'accompagnement envoyées à MM. Sylvain Charron, Denis Wolfe et René Dicrocci (D-48, D-49 et D-50) ne m'ont été communiquées que lors de la déposition de M. Pierre Morin, le 14 août 1989.  Ce document (D-4) n'est venu à la connaissance de l'employeur que lorsque M. André Mathieu, l'agent régional de sécurité d'abord chargé de cette affaire, en fit parvenir copie, dans une lettre datée du 29 décembre 1989 (D-23), au procureur de la partie demanderesse.  Il s'agit là du seul document émis suite au refus de travail où on dit qu'un niveau d'éclairement de 10 décalux est requis.

Le document intitulé "Instruction" (D-3) est donc le seul qui soit parvenu à l'employeur et on remarque qu'il ne contient aucune instruction spécifique.  Il est donc évident qu'avant le 5 septembre 1989, l'employeur croyait de bonne foi qu'un niveau d'éclairement de 3 décalux était satisfaisant.  De fait, le 17 août 1989, M. John Dalling, au nom de Les Terminus Maritimes Fédéraux, signait une promesse de conformité volontaire (D-6) où il s'engageait à maintenir un niveau minimum d'éclairement de 3 décalux dans le lieu de travail.

La lettre de M. Jean-Marie Laurier datée du 5 septembre 1989
(D-2) constitue donc le premier avis à l'employeur que Travail Canada considère que le niveau d'éclairement requis est de 10 décalux.  Le langage utilisé dans cette lettre est péremptoire et ne laisse nulle place à la discussion.  On précise d'ailleurs au début de la lettre que des discussions ont eu lieu avec l'employeur; la position du ministère indiquée dans cette lettre est donc une position définitive:

"Objet: Instruction émise en date du 11 juillet 89 -
   Eclairage

La présente fait suite à des entretiens entre vos représentants et ceux de notre ministère, ainsi qu'à notre examen de considérations soulevées la semaine dernière par vos représentants, en rapport avec la situation citée en titre et a pour but de clarifier notre position, particulièrement au sujet du niveau d'éclairage requis, qui suscite vraisemblablement des divergences d'interprétation.

(...)

Quant à l'aspect traitant du niveau d'éclairage et afin de dissiper toute équivoque, nous sommes d'avis que les dispositions de l'article 3 b) de l'Annexe II de la Partie VI du Règlement du Canada sur la sécurité et santé au travail, s'appliquent et que partant, un niveau moyen


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d'éclairage de 10 décalux (...) est requis pour les espaces industriels où s'effectue du travail de chargement ou de déchargement, peu importe que ces espaces industriels soient situés à l'extérieur ou à l'intérieur d'un établissement.

(...)

Nous espérons que la présente pourra servir à orienter les démarches que vous entreprendrez pour l'atteinte de l'état permanent de conformité requis et nous vous demandons de nous informer de la date à laquelle il sera atteint."

Il est intéressant de faire un parallèle entre le langage de cette lettre, en particulier le second paragraphe cité, et celui de l'article 145 du Code:

"145. (1) S'il est d'avis qu'il y a contravention à la présente partie, l'agent de sécurité peut ordonner à l'employeur ou à l'employé en cause d'y mettre fin dans le délai qu'il précise et, sur demande de l'un ou l'autre, confirme par écrit toute instruction verbale en ce sens."

D'ailleurs, le titre même de la lettre "Instruction émise en date du 11 juillet 89 - Eclairage" indique bien le sujet traité.  En dépit de l'affirmation de M. Jean-Marie Laurier lors de sa déposition que cette lettre n'était pas une instruction, le ton de la lettre est bien celui d'une instruction; on ne discute pas d'une question administrative comme on pourrait s'y attendre de la part d'un gestionnaire, mais on instruit: on dit ce qu'il faut faire tout en accordant un certain délai à l'employeur pour s'exécuter.

Dans son rapport du 1er septembre 1989 (D-7), M. Pierre Morin écrit à la toute fin:

"Le 29 août 1989, je devais remettre le dossier au gestionnaire M. Jean-Marie Laurier, qui en assure la gouverne."

Le gestionnaire s'est donc substitué à l'agent de sécurité et en a assumé le rôle; notons en passant que M. Jean-Marie Laurier est aussi agent de sécurité.

Pour ces raisons, je considère donc que la lettre de M. Jean-Marie Laurier datée du 5 septembre 1989 et adressée à M. John Dalling est bien une instruction et par conséquent, la demande de révision de l'Association des Employeurs maritimes est recevable.

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Arguments

Un premier argument avancé par la partie demanderesse a à voir avec la compétence de Travail Canada dans ce domaine.  On souligne que, suite au protocole d'entente intervenu entre Travail Canada et Transports Canada, Transports Canada est chargé de faire respecter les prescriptions réglementaires concernant la sécurité et la santé au travail sur les navires et dans les ports dans le voisinage des navires.  Basé sur les règlements promulgués en vertu de la Loi sur la Marine marchande du Canada, entre autres, le Règlement sur l'outillage de chargement, Chapitre 1494, et le Règlement sur les mesures de sécurité au travail, Chapitre 1467, on comprend que la compétence de Transports Canada s'étend à "tout lieu à terre que peut desservir un mât de charge, une grue ou tout autre appareil de levage servant au chargement ou au déchargement du navire et les approches immédiates de ce lieu, à l'exclusion des hangars, des entrepôts ou de toute partie d'un quai qui se trouvent en avant ou en arrière des aussières d'amarrage du navire" (Règlement sur les mesures de sécurité au travail, promulgué en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, Chapitre 1467, article 2).  En réponse à cet argument, mon rôle n'est pas de faire respecter ce protocole d'entente, mais le Code canadien du travail: le protocole est un document administratif et il incombe aux autorités compétentes des ministères susmentionnés de régler cette question.  En ce qui me concerne, le Code canadien du Travail s'applique dans tout lieu de travail de compétence fédérale au Canada, y compris les ports.  Le Code traite des agents de sécurité en général sans distinction, qu'ils soient à l'emploi de Travail Canada, de Transports Canada ou d'une province:

"140.(1) Le Ministre peut désigner quiconque comme agent de sécurité ou agent régional de sécurité pour l'application de la présente partie."

Or, et M. Pierre Morin et M. Jean-Marie Laurier sont agents de sécurité et par conséquent, habilités à émettre des instructions à tout employeur de compétence fédérale.  Par conséquent, les instructions émises par ces deux personnes dans le cas présent sont valides au sens de la loi.

Le second argument de la partie demanderesse est à l'effet que le règlement qui s'applique dans le cas présent est le règlement DORS/87-183 intitulé: REGLEMENT CONCERNANT L'HYGIENE ET LA SECURITE PROFESSIONNELLE DES EMPLOYES TRAVAILLANT A BORD DE NAVIRES IMMATRICULES AU CANADA, OU DE NAVIRES QUI N'ONT PAS ENCORE ETE MIS EN SERVICE ET QUI APPARTIENNENT A SA MAJESTE DU CHEF DU CANADA, ET DES EMPLOYES TRAVAILLANT AU CHARGEMENT ET AU

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DECHARGEMENT DES NAVIRES, PRIS EN VERTU DE LA PARTIE IV DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL.  La partie IV de ce règlement, Niveaux d'éclairage, contient les exigences pertinentes à cet égard.  Nulle part dans cette partie n'est-il fait mention d'un niveau d'éclairage sur les quais lors d'opérations de chargement et de déchargement de navires.  En fait, on n'y traite même pas de l'éclairage dans la cale du navire lors du chargement et du déchargement.  J'en conclus donc que pour ce qui nous concerne, c'est-à-dire, l'éclairage sur les quais, le règlement DORS/86-304, Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail s'applique.

Cette question réglée, il demeure à déterminer quelles sont les exigences du règlement à l'égard de l'endroit de travail en cause.  Fait à noter, la partie VI, Niveaux d'éclairage, du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail a été amendée le 26 octobre 1989, soit peu de temps après l'instruction donnée par M. Jean-Marie Laurier.  Ma décision est donc basée sur le règlement tel qu'il existait à l'époque de l'instruction, cependant, les répercussions du règlement tel qu'amendé sont prises en ligne de compte.  De plus, mon argumentation utilise certaines des données présentées lors de la mise en place du règlement révisé.

A première vue, l'alinéa 3.(b) de l'annexe II (DORS/86-304) semble s'appliquer dans ce cas.  Celui-ci se lit comme suit:

"ANNEXE II - NIVEAUX MOYENS D'ECLAIRAGE DANS LES ESPACES
INDUSTRIELS

(...)

3. ENDROIT DE CHARGEMENT ET DE DECHARGEMENT, ENTREPOSAGE

(...)

(b) quais, embarcadères et autres endroits où des colis et des conteneurs sont chargés et déchargés
10 décalux1"

L'employeur par contre prétend que les exigences pertinentes se retrouvent au sous-alinéa 1.(c)(i), ou encore 1.(d)(i) de l'annexe III.  Ceux-ci se lisent comme suit:


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"ANNEXE III - NIVEAUX MOYENS D'ECLAIRAGE DANS LES ESPACES
  GENERAUX

(...)

1. ESPACES A L'EXTERIEUR DES IMMEUBLES

(...)

(c) endroit utilisé par les piétons et les appareils mobiles
(i) où le niveau d'activités est élevé ou moyen
2 décalux
(ii) où le niveau d'activités est bas
1 décalux
(d) endroit d'entreposage
(i) où le niveau d'activités est élevé ou moyen
3 décalux
(ii) où le niveau d'activités est bas
1 décalux"

Les sections correspondantes du règlement révisé (DORS/89-515) se lisent comme suit:

"ANNEXE II - NIVEAUX D'ECLAIREMENT DANS LES ESPACES
INDUSTRIELS

(...)

3. QUAIS DE CHARGEMENT, MAGASINS ET ENTREPOTS

(...)

(c) quais (intérieurs et extérieurs), embarcadères et autres endroits où des colis et des conteneurs sont chargés et déchargés
150 lux2"


... 10- 10 -


"ANNEXE III - NIVEAUX D'ECLAIREMENT DANS LES AIRES GENERALES

1. ESPACES A L'EXTERIEUR DES IMMEUBLES

(...)

(c) aires utilisées par les piétons et où circulent les appareils mobiles:
(i) dans lesquelles le niveau d'activité est élevé ou moyen
20 lux
(ii) dans lesquelles le niveau d'activité est faible
10 lux
(d) aires d'entreposage:
(i) dans lesquelles le niveau d'activité est élevé ou moyen
30 lux
(ii) dans lesquelles le niveau d'activité est faible
10 lux"

Pour les motifs suivants, je crois que l'alinéa 3.(b) de l'annexe II n'est pas approprié à la situation présente:

1. Tous les espaces décrits à l'annexe II sont des espaces à l'intérieur des immeubles; l'alinéa 3.(b) semblerait plutôt s'adresser aux quais de chargement pour camions que l'on retrouve communément soit à l'intérieur des immeubles, soit le long d'un mur extérieur, non à des quais pour navires.

2. En anglais, l'alinéa 3.(b) de l'annexe II se lit comme suit:

"3. LOADING PLATFORMS, STORAGE ROOMS AND WAREHOUSES

  (...)

(b) Docks, piers and other locations where packages and containers are loaded and unloaded"

Je ne crois pas qu'un quai pour navires (wharf) puisse être assimilé à une "loading platform".

3. En vertu de l'alinéa 3.(d) de l'annexe II, le niveau d'éclairement dans "un endroit où ... les marchandises entreposées sont toutes de la même nature" doit être de 30 lux (alinéa 3.(e) dans le nouveau règlement).  Il a été démontré que dans le cas présent, la marchandise entreposée dans les hangars #41 et #42 consistaient en "palettes unitisées".  Ces palettes

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unitisées sont essentiellement similaires, hormis de légères variations de dimensions; le poids de ces palettes est variable.  Il s'agit donc de marchandises de même nature et l'article précité s'applique.  A l'alinéa 6.(d) de la même annexe, il est prévu que dans les "corridors et allées réservées aux appareils mobiles", le niveau d'éclairement doit être de 50 lux.  Donc, en vertu du règlement, le niveau général d'éclairement dans les hangars serait de 30 lux, sauf dans l'allée centrale (où circulent les véhicules) où un niveau de 50 lux serait exigé.  Il semble illogique, dans ces circonstances, d'exiger un niveau de 100 lux à l'extérieur (150 lux selon le règlement révisé), c'est-à-dire, un niveau d'éclairement plus élevé à l'extérieur qu'à l'intérieur.  On pourrait ajouter que, techniquement parlant, il est souhaitable de maintenir un niveau d'éclairement uniforme dans un lieu de travail.

4. Lors de la dernière révision de cette partie du règlement, révision qui date d'octobre 1989, le ministère du Travail a présenté, en annexe au règlement, un résumé de l'étude d'impact de la réglementation.  Dans la section intitulée "Répercussions prévues", à la page 4588 de la Gazette du Canada Partie II, Vol. 123, No 23, il est dit, au cinquième paragraphe, que "Les niveaux d'éclairage accrus pour les aires de chargement et de vérification industrielles, décrits aux articles 3a) et c) de l'annexe II, pourraient représenter des dépenses d'environ 1,7 million de dollars."  Dans son témoignage, à la page 216 des dépositions pour le 6 novembre 1990, Dominique Rheault, chef de l'ingénierie au Port de Montréal, a cité un chiffre de 3 à 5 million de dollars pour relever les niveaux d'éclairement dans le seul port de Montréal de 50 à 150 lux.  De toute évidence, ces frais n'ont pas été inclus dans l'estimé préparé par le ministère, surtout si on tient compte de tous les autres ports existant au pays.  On peut donc supposer qu'il n'était pas dans l'intention du ministère que l'alinéa 3.(c) de l'annexe II s'applique aux quais des ports et de même, pour l'alinéa 3.(b) de l'annexe II dans la version précédente.

5. Le Code canadien du travail a été modifié le 28 mars 1978 (Gazette du Canada Partie II, Vol. 112, No 7, DORS/78-282) de la façon suivante:

"La Partie IV du Code canadien du travail s'applique à l'emploi lié au chargement et au déchargement de navires dans les ports canadiens et aux questions s'y rapportant."

Donc, ce n'était pas le cas précédemment.  Dans le règlement original sur la sécurité de l'éclairage, DORS/72-23, publié en janvier 1972, on retrouve en annexe:


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"2. Les niveaux d'éclairement dans les secteurs d'entreposage, d'emmagasinage et de transfert doivent être:

(...)

e) sur les quais, les môles et dans les autres endroits du même genre où des colis et des conteneurs sont chargés et déchargés, de dix (10) pied-bougies3;"

On retrouve donc le même vocabulaire qu'actuellement, même si à cette époque, les quais maritimes n'étaient pas de la compétence de Travail Canada.  Même si les quais maritimes sont aujourd'hui de la compétence de Travail Canada, il semble qu'on n'en ait pas tenu compte de façon consciente lors de la révision du règlement.

6. Dans le résumé de l'étude d'impact de la réglementation cité précédemment, au premier paragraphe de la partie "Description", on dit: "Le règlement sur les niveaux d'éclairage reflète en général les normes nationales et internationales."  La partie demanderesse a présenté à l'appui de sa position les recommandations formulées par divers organismes:

- Bureau international du travail: Sécurité et hygiène dans les manutentions portuaires; pour le travail sur les quais, les recommandations sont de 20 lux;
- Occupational Safety and Health Administration (US): Code of Federal Regulations, Title 29, Part 1917; on exige un minimum de 5 pied-bougies dans les zones "cargo transfer points". Les niveaux sont moindres aux autres endroits.
- Illuminating Engineering Society of North America: IES Lighting Handbook; ce manuel contient des recommandations comprises entre 5 et 20 lux pour le travail sur un quai; on précise qu'il s'agit des niveaux minimum requis pour assurer la sécurité du personnel.

Les niveaux préconisés dans d'autres pays et par les organismes internationaux s'établissent donc entre 20 et 50 lux, et non 150 lux.  Les exigences des alinéas 1.(c) et 1.(d) de l'annexe III du règlement sont donc plus voisines des recommandations internationales que celles de l'alinéa 3.(c) de l'annexe II.


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7. Si on suppose un instant que l'alinéa 3.(c) de l'annexe II qui exige un niveau de 150 lux s'applique dans le cas présent, on doit aussi admettre que l'espace en question rencontre les descriptions présentées aux alinéas 1.(c) et (d) de l'annexe III qui eux exigent respectivement 20 et 30 lux; dans ce genre de situation, je suis d'avis que la prescription la moins onéreuse s'applique, soit celle de l'annexe III.

8. La partie intéressée a présenté divers arguments basés sur la norme RP-7 de l'American National Standards Institute à l'effet que:
- l'éclairage minimum requis augmente avec l'âge; au fil des ans, l'oeil perd peu à peu sa sensibilité à la lumière et on doit augmenter l'éclairage pour compenser;
- lorsqu'une bonne visibilité est nécessaire, un minimum de 200 lux est requis;
- dans la plupart des industries, les niveaux recommandés varient de 50 à 200 lux pour les entrepôts;

Il demeure cependant que ces suggestions sont basées sur les niveaux nécessaires pour l'efficacité et le confort.  De fait, en annexe à cette norme, le tableau B4 - "Categorization of port cargo handling and shipping facilities with recommended illuminance for safety" fait état de niveaux d'éclairement
variant entre 5 et 50 lux.  Le but du règlement étant d'assurer la sécurité des employés et non leur confort et l'efficacité des opérations, je crois que seules les recommandations du tableau B4 sont pertinentes.

Les autres documents présentés, tant celui en provenance d'Angleterre que celui de France ne font que confirmer le document précédent, c'est-à-dire que des niveaux d'éclairage compris entre 20 et 50 lux sont nécessaires pour assurer la sécurité du personnel, mais que des niveaux plus élevés amélioreront l'efficacité et le confort.  L'objet du Code canadien du travail étant la sécurité et la santé des employés, ce sont les recommandations concernant ce sujet que l'on doit retenir et non celles concernant le rendement ou le confort.


Décision

Par conséquent, l'instruction émise par M. Jean-Marie Laurier en date du 5 septembre 1989 concernant les niveaux d'éclairement aux installations portuaires de Montréal de la compagnie Les Terminus Maritimes Fédéraux est par la présente annulée et remplacée par ce qui suit:

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Dans les hangars où sont entreposés des marchandises en vrac ou des marchandises de même nature, comme par exemple des "palettes unitisées", le niveau d'éclairement doit rencontrer les prescriptions de l'alinéa 3.(e) de l'annexe II, soit un niveau de 30 lux;

Dans l'allée centrale de ces hangars, le niveau d'éclairement doit rencontrer les prescriptions du sous-alinéa 6.(c)(ii) ou de l'alinéa 6.(d) de l'annexe II, soit un niveau de 50 lux;

Dans l'espace à l'extérieur du hangar généralement compris entre le mur du hangar et la rive du quai et où circulent des véhicules de chargement, tels des chariots élévateurs, le niveau d'éclairement doit rencontrer les prescriptions du sous-alinéa 1.(c)(i) de l'annexe III, soit un niveau d'éclairement de 20 lux; là où il y a entreposage, temporaire ou pas, un niveau d'éclairement de 30 lux selon les prescriptions du sous-alinéa 1.(d)(i) est nécessaire;

En réponse à une question qui avait déjà été soulevée, à savoir, à quels endroits les prescriptions du règlement s'appliquent-elles, on peut dire que les prescriptions s'appliquent à l'aire de travail, c'est-à-dire, l'endroit où circulent les appareils de manutention et les employés au cours de leur travail; il ne s'agit donc pas d'éclairer l'espace extérieur autour des hangars dans tous les moindres recoins, mais seulement l'aire de travail; si le secteur de travail change, par exemple, si le navire est amarré à un autre endroit, il incombe à l'employeur de s'assurer que le niveau d'éclairage voulu est maintenu dans la nouvelle aire de travail ainsi définie;

Ces niveaux d'éclairement sont des minimum et leur but est d'assurer la sécurité des employés; d'autres considérations telles que le rendement au travail, le confort visuel, peuvent dicter des niveaux plus élevés; je tiens aussi à rappeler qu'il s'agit là des niveaux d'éclairement en service et non de niveaux-cibles utilisés pour la conception; en d'autres mots, ces niveaux d'éclairement doivent être rencontrés en dépit du vieillissement des ampoules et de la saleté qui peut les recouvrir.

Le paragraphe 6.11(1) du règlement s'applique; ce dernier se lit comme suit:

"6.11 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (4), le niveau d'éclairement en tout point d'un poste de


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travail ou d'une aire où une mesure visée à l'article 6.3 peut être prise ne peut être inférieur au tiers du niveau d'éclairement applicable que prescrit la présente partie."

Le paragraphe 14.13(1) du règlement est lui aussi pertinent dans le cas présent:

"14.13(1) sous réserve du paragraphe (2), les appareils mobiles utilisés ou mis en service par des employés
dans le lieu de travail, la nuit ou lorsque le niveau d'éclairage est inférieur à un dalx, doivent être:

(a) munis à l'avant et à l'arrière de feux avertisseurs, visibles à une distance d'au moins 100 mètres;
(b) munis d'un système d'éclairage pour assurer le fonctionnement en tout sécurité de l'appareil, quelles que soient les conditions d'utilisation."

Fait à Hull, Québec, ce deuxième jour de mars 1992

Bertrand Southière
Agent régional de sécurité

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