Archivée - Decision: 92-004 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

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Révision en vertu de l'article 146 de la
partie II du Code canadien du travail
d'une instruction donnée par un agent de sécurité


Requérante   Ministère de la Défense nationale
                    Unité de radoub (Atlantique)
                    Chantier canadien de Sa Majesté
                    Halifax (Nouvelle-Écosse)
                    Représentée par : Capitaine (N) R.E. Chiasson

Partie intéressée  Conseil des métiers des chantiers maritimes 
                          (région de l'Est)
                          Unité de radoub (Atlantique)
                          Représentée par : M. Ken Cross, premier vice-président

                          et

                          Association des chefs d'équipe des chantiers maritimes
                          Unité de radoub (Atlantique)
                          Représentée par : M. Tom Hillier, vice-président

Mis en cause  M. G. L. Grandy
                      Agent de sécurité
                      Travail Canada

Devant   M. Serge Cadieux
              Agent régional de sécurité    


Une audience a eu lieu le 4 mars 1992 à Halifax (Nouvelle-Écosse), suivie d'une inspection non officielle du NCSM Okanagan, le sous-marin où l'employé a exercé son droit de refuser de travailler.  L'agent régional de sécurité et M. Bruce Wolfe, agent de sécurité de l'unité de radoub, sont entrés dans le ballast n° 4, lieu du refus de travailler, afin de constater et d'évaluer en personne l'état de ce lieu de travail.


Antécédents

L'Unité de radoub (Atlantique) ou UR(A), située dans le port de Halifax (Nouvelle-Écosse), compte environ 1 500 employés civils qui travaillent pour le ministère de la Défense nationale.  Il s'agit de fonctionnaires qui, à ce titre, sont protégés par la partie II du Code canadien du travail et le Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail.  Toutefois, l'Unité est gérée par du personnel de la Marine au nom du ministère de la Défense nationale.  Ces officiers de Marine font donc partie des Forces armées et gèrent les employés civils de l'UR(A).

Dans la présente affaire, le NCSM Okanagan repose à sec à l'UR(A) afin que le personnel civil le remette en état.  Le NCSM Okanagan est un navire de guerre en service possédant des capacités défensives et offensives.  Au cours de la remise en état par les employés de l'UR(A), on «vide» le navire sauf le câblage électrique qui demeure intact.  Le câblage est mis à l'essai par des électriciens, comme M. Pelrine, l'employé qui a refusé de travailler.

Les événements qui ont entraîné la présentation d'une instruction à l'UR(A) sont relatés par l'agent de sécurité dans un résumé soumis lors de l'audience.  Il se lit comme suit :

Le 23 octobre 1991, à environ 11 h 45, le bureau du district de Nouvelle-Écosse de Travail Canada a reçu un appel concernant un refus de travailler.  M. Bruce Wolfe, agent de sécurité de radoub et auteur de l'appel, a indiqué qu'un employé refusait de travailler.  M. Wolfe a ajouté que le comité de sécurité et de santé ne pouvait résoudre le malentendu; on a donc informé Travail Canada afin qu'il s'occupe du problème.  Les AAT Glenn L. Grandy et Mark Fougere ont été chargés de cette affaire.  À leur arrivée à l'Unité de radoub (Atlantique), M. Wolfe a expliqué que M. William Pelrine avait refusé d'entrer dans le ballast principal n° 4, bâbord et tribord, sur le NCSM Okanagan parce qu'il n'avait pas l'assurance que l'accès au ballast était sécuritaire.  On explique que le ballast compte quatre ouvertures, trois au fond et une dans le haut, en plus d'une autre ouverture d'environ 32 po x 60 po pratiquée sur le côté.  L'agent de sécurité de radoub croyait qu'étant donné les ouvertures, le ballast ne constituait pas un espace clos et qu'il n'était donc pas nécessaire d'effectuer des essais une fois par jour comme prescrit.  Avant de prendre sa décision, l'agent de sécurité de radoub s'est assuré qu'on avait terminé le blocage et aéré le ballast.  La ventilation a été arrêtée pendant 24 heures et on a ensuite procédé à des essais qui n'ont révélé aucun problème.  Puis, on a remis la ventilation en marche. (...)  J'ai discuté du problème avec M. Pelrine et je l'ai écouté; à son avis, les ballasts principaux constituent des espaces clos, contrairement à ce que pensait l'agent de sécurité de radoub.  Il aurait aussi pu courir un danger s'il était entré dans le ballast sans qu'on ait procédé à des essais préalables.  Nous avons ensuite vérifié le ballast de manière à bien nous comprendre.  (Traduction)

Le 25 octobre 1991, l'agent de sécurité a donné une instruction à l'UR(A) du ministère de la Défense nationale.  Cette instruction s'appuyait sur la situation existant au le lieu de travail de M. Pelrine, qui constituait un danger au sens de l'alinéa 145(2)(a) de la partie II du Code canadien du travail.


Décision

Dans cette affaire, il s'agit de déterminer si le lieu qui a fait l'objet d'un refus de travailler, c.-à-d. le ballast n° 4, constitue un espace clos et si, en tant que tel, il doit être soumis à des essais pour assurer un accès et une sortie sécuritaires.

Il faut d'abord établir un point important avant d'aller plus loin.  Au cours de l'audience, l'UR(A) n'a pas contesté la décision concernant l'existence de danger prise par l'agent de sécurité dans cette affaire.  Les représentants de l'employeur ont plutôt mis en question la compétence de l'agent de sécurité relativement à la présentation d'une telle instruction.  Ils s'appuient sur le fait qu'il n'y a aucun motif juridique pour appliquer la partie II du Code canadien du travail, puisque le Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail ainsi que le Règlement sur l'hygiène et la sécurité professionnelles (navires) ne s'appliquent pas en vertu de leurs dispositions sur le champ d'application.  Selon l'employeur, seules les normes du Conseil du Trésor peuvent s'appliquer dans la présente affaire.

Je n'ai pas considéré l'application possible de ces normes pour la simple raison que le pouvoir de l'agent de sécurité de donner une instruction relève du Code et non d'une convention collective.  En outre, même si les employés de l'UR(A) peuvent aussi être protégés en vertu de leur convention collective, on ne peut résoudre le problème à ce niveau.

Le commander Barnes, l'officier supérieur représentant l'employeur, l'UR(A), a déclaré ce qui suit, d'après un texte préparé :

En vertu du paragraphe 146(3) du Code canadien du travail, vous n'avez que trois possibilités en qualité de commission d'examen; vous pouvez modifier, annuler ou confirmer l'instruction donnée par l'agent de sécurité.  Dans la présente affaire, je soutiens que l'instruction soit annulée parce qu'elle est sans fondement législatif (notre souligné).  Elle s'appuie sur le Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail qui ne vise pas les navires.  Il n'est pas possible de modifier l'instruction en vue d'appliquer le Règlement sur l'hygiène et la sécurité professionnelles (navires).  La portée de ce règlement est limitée.  L'article 1.3 du règlement prévoit qu'il ne s'applique qu'aux employés qui travaillent :

  a. sur les navires IMMATRICULÉS au Canada
  b. sur les navires de Sa Majesté la Reine du chef du Canada qui ne sont pas en service
  c. au chargement et au déchargement des navires

Si le navire n'est pas immatriculé mais qu'il s'agit d'un navire en service de Sa Majesté la Reine du chef du Canada, le Règlement sur l'hygiène et la sécurité professionnelles (navires) ne s'applique pas.  (Traduction)

L'UR(A) est une installation à terre, comme nous l'avons indiqué plus haut.  En ce qui concerne les employés de l'UR(A), le Code et le Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail s'appliquent à leurs activités quotidiennes, conformément à la modification apportée à l'article 7 de la Loi sur la gestion des finances publiques.  Aux termes de cette modification, la partie II du Code canadien du travail et les règlements d'application visent la fonction publique en général de la manière prescrite au paragraphe 123(2) du Code.  Puisque le ministère de la Défense nationale est mentionné à l'annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, l'UR(A), division du Ministère, est assujettie au Code et au Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail.

Cependant, je suis d'accord avec le commander Barnes que le Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail et le Règlement sur l'hygiène et la sécurité professionnelles (navires) ne s'appliquent pas sur le NCSM Okanagan en vertu de leurs dispositions quant au champ d'application.  Dans le cas présent, les arguments sont convaincants et ne nécessitent aucun autre commentaire.

Je crois néanmoins que le droit de refuser de travailler suit l'employé partout où il exerce ses fonctions pour le compte de son employeur, en l'occurrence l'UR(A).  Il est important de noter cette distinction parce que l'instruction a été donnée non pas aux Forces armées, qui sont exclues de l'application du Code, mais à l'UR(A), division du ministère de la Défense nationale qui est assujettie au Code.

L'alinéa 128(1)(b) prévoit ce qui suit :

128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose ou de travailler dans un lieu s'il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas : (...)

  (b) il y a danger pour lui de travailler dans le lieu (notre souligné).

Il est donc clair que M. Pelrine, employé de l'UR(A), a le droit en vertu du Code de refuser de pénétrer dans le ballast n° 4, un présumé espace clos à bord du NCSM Okanagan, parce que ledit espace clos n'a pas été soumis à des essais avant que l'employé y pénètre.  Selon lui, cette situation constitue un danger.

Comme je l'ai déjà indiqué, je suis entré dans le ballast n° 4 en vue d'établir s'il agissait d'un espace clos comme le prétend l'employé.  Après m'être engagé dans l'étroite ouverture (12 po x 16 po) au haut du sous-marin et avoir rampé à l'intérieur sur une distance de 20 pieds, je n'ai aucun doute que le ballast n° 4 constitue un espace clos.  Il faut préciser qu'il y avait à l'intérieur du ballast une ventilation mécanique.  À mon avis, cette mesure est nécessaire étant donné le peu d'aération naturelle dans cet endroit et, en conséquence, la possibilité de manque d'oxygène.

Même si le Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail et le Règlement sur l'hygiène et la sécurité professionnelles (navires) ne s'appliquent pas dans la présente affaire, il est permis de considérer la définition d'espace clos élaborée par consensus par les représentants des parties patronale et syndicale au cours de l'examen du règlement applicable.  Le projet de règlement révisé sur les espaces clos publié dans la partie I de la Gazette du Canada le 12 octobre 1991 contient la définition suivante :

«espace clos» Espace totalement ou partiellement fermé qui à la fois :
  a)  n'est ni conçu pour être occupé par des personnes, ni destiné à l'être, sauf pour l'exécution d'un travail;
  b)  a des voies d'entrée et de sortie restreintes;
  c)  peut être dangereux pour l'employé qui y pénètre, en raison :
   i)  soit de sa conception, de sa construction, de son emplacement ou de son atmosphère,
   ii)  soit des matières ou des substances qu'il contient,
   iii)  soit d'autres conditions qui s'y rapportent. (...)

Le ballast n° 4 du NCSM Okanagan correspond manifestement à cette définition.  En outre, on retrouve les mêmes concepts dans la réglementation provinciale en matière de sécurité et de santé au travail.  L'Organisation internationale du travail (OIT) épouse ces principes généraux.  L'agent de sécurité a donc pris la bonne décision en déterminant que le ballast n° 4 constitue un espace clos.  On reconnaît également qu'entrer dans un espace clos peut constituer un danger de mort à moins que ne soient prises des précautions particulières.

Puisque le ballast n° 4 est un espace clos et que le Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail et le Règlement sur l'hygiène et la sécurité professionnelles (navires) ne s'appliquent pas dans le présent cas, la question est de savoir si l'agent de sécurité était autorisé en vertu du Code à donner une instruction à l'UR(A).

Lorsqu'un employé refuse de travailler, l'agent de sécurité doit décider si un danger existe.  Conformément au paragraphe 129(4) du Code :

S'il conclut à la réalité du danger, l'agent de sécurité donne, en vertu du paragraphe 145(2), les instructions qu'il juge indiquées.  Tout employé peut continuer à refuser d'utiliser ou de faire fonctionner la machine ou la chose en question ou de travailler dans le lieu en cause (...)

Il est donc clair qu'en cas de danger l'agent de sécurité n'a pas le choix.  Conformément aux exigences, il est tenu de donner des instructions lorsqu'il décèle un danger.  En outre, en raison de cette obligation, les rédacteurs de la réglementation ont laissé dans cette disposition assez de liberté à l'agent de sécurité pour qu'il puisse faire référence à toute norme qu'il juge appropriée dans les circonstances en vue de protéger l'employé du danger.  L'expression «qu'il juge indiquées» traduit cette approche.

Conformément à l'alinéa 145(2)(a) du Code, l'agent de sécurité G.L. Grandy a choisi de clarifier l'expression «soit à la prise de mesures propres à parer au danger, soit à la protection des personnes contre ce danger» en indiquant quelle norme devait être respectée pour résoudre le problème.  L'instruction donnée à l'UR(A) décrit le danger et les mesures à prendre de la façon suivante :

Le ballast principal n° 4, bâbord et tribord, sur le NCSM Okanagan a été classé incorrectement comme espace non clos.  Aux termes des dispositions concernant les espaces clos du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail, le ballast susmentionné constitue un espace clos et doit être soumis à des essais visés au paragraphe 11.2(1).  (Traduction)

De toute évidence, cette instruction a faussement porté l'employeur à croire que les exigences du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail s'appliquaient à bord du NCSM Okanagan.  Ce n'est pas le cas.  D'une part, l'instruction s'adressait à l'UR(A) et non aux Forces armées.  D'autre part, si l'UR(A) demande à l'un de ses employés d'entrer dans un espace clos à bord du NCSM Okanagan, propriété d'un tiers dans ce cas-ci, elle doit assurer la protection des employés même si elle n'est pas propriétaire du lieu de travail.  Dans la présente affaire, cela revient en partie à faire en sorte que l'espace clos en question soit soumis à des essais avant que l'employé n'y pénètre.

Pour remédier à cette situation, je modifie l'instruction donnée le 25 octobre 1991 par l'agent de sécurité G.L. Grandy au ministère de la Défense nationale, Unité de radoub (Atlantique), de façon à remplacer le deuxième paragraphe de l'instruction par le paragraphe suivant :

Le ballast principal n° 4, bâbord et tribord, sur le NCSM Okanagan constitue un espace clos.  Lorsqu'une personne est sur le point d'entrer dans un espace clos, l'employeur doit nommer une personne qualifiée qui s'assure au moyen d'épreuves que l'espace clos est sécuritaire, conformément à la procédure décrite au paragraphe 11.2(1) de la partie XI, Espaces clos, du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail.  (Traduction)


Décision rendue à Ottawa le 12 mars 1992.

Serge Cadieux
Agent régional de sécurité

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