Archivée - Decision: 92-008 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SECURITE ET SANTE AU TRAVAIL

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Révision, en vertu de l'article 146 de la partie II du
Code canadien du travail, d'une instruction donnée
par un agent de sécurité

Requérant:  Groupe Transport Cabano inc. 
                  St-Laurent, Québec        
                  Représenté par: Me Jean M. Gagné

Partie intéressée: Comité de sécurité et de santé au travail      
                          Terminus Transport Cabano inc.                 
                          Représenté par: M. Serge Cyr                                  
                          Membre du comité


Mis en cause:  M. Guy Lauzon             
                       Agent de sécurité        
                       Travail Canada


Devant:   M. Serge Cadieux             
               Agent régional de sécurité


La preuve verbale a été entendue le 23 avril 1992 à Montréal, Québec.


Contexte

Le sommaire des événements, préparé par l'agent de sécurité Guy Lauzon concernant l'instruction émise à Transport Cabano inc. le 22 novembre 1991, nous informe des faits suivants.  L'agent de sécurité est intervenu suite à une demande de M. Serge Cyr, membre du comité de sécurité et de santé du terminus Cabano Transport inc.  Le motif invoqué par M. Cyr est qu'il y avait certains désaccords au niveau de l'interprétation de la réglementation sur certains sujets.  L'agent de sécurité a visité les lieux de travail des employés de Cabano Transport inc., et a discuté avec les parties des différents sujets inscrits au dernier procès-verbal du comité de sécurité et de santé. 

À la suite de discussions et de diverses vérifications, l'agent de sécurité a conclu qu'il y avait effectivement des effractions à la réglementation.  Il émet par la suite une instruction à l'employeur dans laquelle il identifie quatre contraventions à la réglementation.  Des mesures sont prises par l'employeur pour se conformer aux trois premiers items de l'instruction.  Toutefois, l'employeur conteste la validité du quatrième item de l'instruction et fait appel à l'agent régional de sécurité sur ce point uniquement.

Le quatrième item de l'instruction est libellé comme suit:

"4. Lorsque des chariots élévateurs sont utilisés sur des plates-formes (flat bed) pour charger ou décharger des matériaux, des garde-fous ainsi que des rebords doivent être installés de chaque côté qui ne servent pas au chargement ou au déchargement afin d'empêcher l'appareil mobile de passer par-dessus bord.             Réf.: Article 2.9(1)(c) de la Partie II du Règlement du Canada sur la santé et la sécurité au travail et paragraphes 125(a), (d), (p), (q) et (t) de la Partie II du Code canadien du travail."  (sic)

Cette instruction est émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, Partie II.


Décision

Il me faut juger dans cette affaire, compte tenu des circonstances, si ce quatrième item de l'instruction (ci-après appelée instruction) donnée à l'employeur est justifiée.  Si elle ne l'est pas, je dois en vertu du paragraphe 146(3) du Code, l'annuler.  Si elle est justifiée, je dois la confirmer ou, au besoin, la modifier.  Selon moi, l'instruction est effectivement justifiée.  Toutefois, le libellé et la référence sont erronés et doivent être corrigés pour les raisons suivantes.

Me Gagné nous soumets que la référence à l'alinéa 2.9(1)(c) de la Partie II (Sécurité des bâtiments) du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail (ci-après appelé Règlement) est incorrecte et, par conséquent, ne s'applique pas en l'espèce.  En effet, Me Gagné nous a correctement démontré que la version anglaise et la version française de l'alinéa 2.9(1)(c) du Règlement sont antinomiques.  De plus, j'abonde dans le même sens que Me Gagné à l'effet que la plate-forme d'un camion "flat-bed" ne constitue pas un "dock" tel que stipulé à l'article 2.9 de ce Règlement, mais d'un "deck" tel qu'illustré dans le Dictionnaire Thématique Visuel, français/anglais de Jean Claude Corbeil, 1987, éditions Québec/Amérique Inc..

L'agent de sécurité a suggéré à l'audience que, subsidiairement, l'agent régional de sécurité pourrait modifier l'instruction en référant à l'article 3.8 de la Partie III (Structures temporaires et travaux de creusage) du Règlement.  Après considération, j'en viens à la conclusion que la plate-forme d'un "flat-bed" ne correspond pas au concept de structure temporaire tel qu'utilisé dans cette partie du Règlement.  La plate-forme en question fait partie d'un camion remorque et est régie par des lois spécifiques du domaine du transport.  Le fait de placer cette plate-forme en position de chargement et de déchargement à un débarcadère ne suffit pas pour qualifier cette plate-forme de structure temporaire au sens prévu par le Règlement. 

La situation qui nous préoccupe présentement devrait, à mon avis, être traitée à la Partie XIV (Manutention et entreposage des matériaux) du Règlement.  Toutefois, une lecture attentive de la Partie XIV du  Règlement me porte à croire qu'aucune des dispositions inclues est suffisamment explicite pour traiter ce sujet.

Il est manifeste que le législateur n'a pas prévu cette situation lors de l'élaboration des normes de sécurité et santé au travail.  Je suis d'ailleurs convaincu qu'il existe plusieurs situations de cette nature qui n'ont pas fait l'objet d'une attention particulière lorsque les divers règlements ont été discutés et élaborés.  Croire que l'on pourrait traiter toutes les situations possibles dans un simple règlement est utopique.  C'est pourquoi la disposition prévue à l'article 124 du Code canadien du travail, Partie II établie l'obligation générale de l'employeur en matière de sécurité et santé au travail.  Elle stipule:

"124. L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail."

L'article 125 du Code établit les obligations spécifiques de l'employeur en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière responsabilité.  Cette disposition renvoie aux modes et aux normes réglementaires applicables.  Toutefois, l'expression "Dans le cadre de l'obligation générale définie à l'article 124" que l'on retrouve en préambule à l'article 125 du Code signifie selon moi, à la lumière de la version anglaise, que l'obligation générale de l'employeur est le principe fondamental qui s'applique dans toutes les situations.  Les obligations spécifiques ne servent qu'à détailler la responsabilité de l'employeur dans des situations précises.  Cependant, ces obligations spécifiques ne peuvent servir à restreindre la portée de l'obligation générale de l'employeur vis-à-vis ses employés.

Je suis d'avis qu'il y a manquement sérieux à la responsabilité de l'employeur de voir à la protection de ses employés en ce qui concerne le cas en l'espèce.  L'employeur, dans ce cas précis, n'est pas à l'écoute de son comité de sécurité et de santé au travail ni de ses employés qui m'ont soumis, par le biais du comité, une pétition comportant treize noms d'employés appuyant la revendication du comité. 

J'accepte les témoignages de M. Cyr et de M. Gaucher qui m'ont décrit, avec photos à l'appui, la méthode non sécuritaire de circuler avec une chargeuse frontale, à quelques centimètres des bords non protégés de la semi-remorque plate-forme afin de la charger et de la décharger.  On m'a fait part d'instances où la charge soulevée se décroche ou oscille librement causant un déséquilibre de la chargeuse frontale probablement parce que la chargeuse est munie d'un long mat qui peut être déplacé latéralement.  Il est clair que si l'on déplace le centre de gravité d'une chargeuse frontale, il faut modifier selon des critères très précis la charge à soulever.

Il faut reconnaître qu'une semi-remorque plate-forme se charge et se décharge habituellement par les côtés ou, dépendant de la charge ou du lieu de travail, par le dessus à l'aide d'une grue.  Qu'une chargeuse frontale se déplace en ligne droite sur une semi-remorque plate-forme peut, à la limite, se faire sans trop de risques par un opérateur qualifié.  Qu'elle doive se déplacer en effectuant des manoeuvres pour la rapprocher des bords non protégés pour y cueillir la charge à l'aide d'un long mat, constitue à mon avis, une opération comportant des risques de blessure certains.  Cette opération ne permet pas à l'opérateur un moment d'inattention ni une fausse manoeuvre.  Je suis en fait surpris qu'il n'y ait pas eu à ce jour d'accident sérieux.

Je recommande fortement à l'employeur d'éviter de charger ou de décharger une semi-remorque plate-forme en utilisant une chargeuse frontale lorsque celle-ci doit circuler sur la plate-forme.  Dans les cas où c'est nécessaire de le faire, toute manoeuvre nécessitant des déplacements latéraux près des bords non protégés est à éviter.  De plus, des mesures visant à protéger la sécurité des employés doivent être mises en place lorsqu'une chargeuse frontale se déplace sur une semi-remorque plate-forme pour en faire le chargement ou le déchargement.  Il n'est pas nécessaire à ce stage-ci de préciser la nature des mesures que doit prendre l'employeur pour protéger ses employés.  C'est en discutant avec le comité de sécurité et de santé au travail que des mesures adéquates et satisfaisantes peuvent être élaborées.

Pour toutes les raisons ci-haut mentionnées, je modifie l'instruction donnée par l'agent de sécurité Guy Lauzon à Transport Cabano inc. le 22 novembre 1991 en remplaçant l'instruction (le quatrième item de l'instruction originale) par le paragraphe suivant:

"4. Lorsque des chariots élévateurs sont utilisés sur des plates-formes (flat bed) pour charger ou décharger des matériaux, l'employeur doit veiller à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail, en mettant en place des mesures sécuritaires.   Réf.: Article 124, Code canadien du travail,  Partie II."

Décision émise à Ottawa le 19 mai 1992.


Serge Cadieux
Agent régional de sécurité

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