Archivée - Decision: 93-001 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL
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Révision en vertu de l'article 146 de la
partie II du Code canadien du travail
d'une instruction donnée par un agent de sécurité
Requérante: Vancouver Wharves Ltd
North Vancouver, C.-B.
Représenté par Me John L. McConchie
Parties concernées: Pour les employés:
L'Union internationale des manutentionnaires et magasiniers, Local 500
Vancouver, C.-B.
Représentée par Me Eugene Jamieson
et
Pour les contremaîtres:
L'Union internationale des manutentionnaires et magasiniers, Local 514
Vancouver, C.-B.
Représentée par Me Bruce Laughton
Mise en Cause: Mme Diana Smith
Agent de sécurité
Travail Canada
Devant: M. Serge Cadieux
Agent régional de sécurité
Une audience orale a eu lieu à Vancouver, C.-B., le 14 janvier 1993. Il a été démontré à l'audience que messieurs McConchie et Laughton demanderaient l'annulation de l'instruction, alors que Mr. Jamieson souhaiterait le contraire. Quant à l'intention de Travail Canada de poursuivre dans cette affaire, il a été convenu de traiter cette question séparément du processus de révision.
Le contexte
Le samedi 9 Mai 1992, Travail Canada a été informé qu'un accident grave s'était produit à Vancouver Wharves Ltd, à Vancouver en Colombie-britannique. L'agent d'intervention d'urgence qui était en service ce jour-là était Mme Diana Smith, qui est arrivée sur les lieux de l'accident vers 15h00 pour mener une enquête.
Voici une description partielle des détails de cet accident qui figure dans un rapport succinct préparé pour l'audience par l'agent de sécurité :
[Traduction] "Kyle Rossiter, un graisseur permanent de Vancouver Wharves Ltd, est tombé peu avant 10h00 d'un plancher de construction qui se trouve à l'intérieur du silo #422, au quai no 5.Il a fait une chute de 20 pieds jusqu'au bas du silo. Il travaillait seul et sans radio. Il avait grimpé sur une échelle intérieure jusqu'au plancher de construction, était redescendu par le côté extérieur de l'échelle et était resté étendu par terre au pied du silo jusqu'à ce qu'il soit découvert par un aiguilleur..."
L'agent de sécurité a inspecté le plancher de construction du silo #422 en présence d'un représentant de l'employeur,
Mr. Martin Dournovo (directeur) et d'un représentant des employés, Mr. Frank Scigliano (agent d'affaires de l'Union internationale des manutentionnaires et magasiniers, Local 500). Au cours de l'inspection, il a été constaté que le silo #423 était construit de la même manière.
Une réunion de débreffage a eu lieu après l'inspection. L'agent de sécurité a rapporté que [Traduction] "au cours de la réunion, elle a répété à plusieurs reprises que personne ne devait entrer dans les silos #422 et #423 et qu'il fallait s'assurer que personne n'y pénètre jusqu'à ce qu'un plan de réparation et de nettoyage soit approuvé par Travail Canada. Elle a expliqué qu'elle voulait ralentir les choses, de manière à ce qu'on puisse prendre des précautions appropriées pour prévenir un autre accident. Elle a déclaré qu'elle reviendrait lundi et qu'elle amènerait alors Ken Prawdzik, l'agent de sécurité permanent, si celui-ci était disponible."
Au début, l'agent de sécurité avait décidé d'obtenir de l'employeur une Promesse de conformité volontaire (PCV) 1 concernant trois objets spécifiques qui exigeaient une intervention de l'employeur. La première rubrique qui figurait sur la PCV originale était formulée de la manière suivante:
[Traduction]
«(1) Plancher de construction dangereux dans le silo #422. Jusqu'à nouvel ordre de Travail Canada, personne ne doit entrer dans les silos #422 et #423. Les entrées des silos doivent être condamnées au moyen de cordes auxquelles est attachée l'inscription "ACCÈS INTERDIT".»
En discutant avec Mr. Dufresne, un représentant du local 500 du syndicat, de la suffisance d'une PCV pour cette rubrique, l'agent de sécurité a été convaincue qu'une instruction conviendrait mieux dans les circonstances. Elle a annulé la première PCV et rédigé une autre PCV dans laquelle elle ne retenait que les deux autres rubriques. Cette dernière PCV a été signée conjointement par Mr. Dournovo et par l'agent de sécurité.
A titre alternatif, l'agent de sécurité a donné ensuite à
Mr. Dournovo une instruction verbale en ce qui concerne la première rubrique de la première version de la PCV. En voici la teneur : [Traduction] "à cause de l'état dangereux d'un plancher de construction dans le silo #422, tout accès aux #422 et #423 est interdit jusqu'à ce que Travail Canada l'autorise." L'agent de sécurité a organisé une réunion le lundi 11 mai 1992 à 14h00 dans le but de remettre la version écrite de l'instruction verbale. La lettre d'accompagnement de cette instruction adressée à Mr. Charlie Lawrence, directeur de l'entretien de Vancouver Wharves Ltd, stipule clairement:
[Traduction] "L'instruction écrite ci-jointe confirme une instruction verbale qui a été donnée à vous-même et à M. Martin Dournovo, le directeur de service, à la date susmentionnée."
L'instruction écrite, qui décrit des infractions particulières, a été donnée en application du paragraphe 145(2)b) du Code canadien du travail, Partie II. Elle est datée du 11 mai 1992.
Au cours de la réunion du lundi, l'agent de sécurité a appris que, contrairement à son ordre, le lieu de l'accident avait été nettoyé pendant la fin de semaine et qu'une partie de plancher avait été déplacée dans un endroit voisin. Elle a inspecté les lieux, pris des photographies et elle est revenue le lendemain avec une autre instruction écrite. Cette deuxième instruction, datée du 12 mai 1992, a été donnée en application du paragraphe 145(1) du Code. L'instruction, qui est reproduite en partie ci-dessous, ordonne à Vancouver Wharves Ltd de cesser immédiatement de transgresser les deux clauses du Code dont le libellé est reproduit ci-après :
[Traduction]
"1. Le lieu d'un accident, le silo #422, a été touché sans autorisation d'un agent de sécurité et en contravention du paragraphe 127(1) du Code canadien du travail, qui stipule que:
"Dans le cas où un employé est tué ou grièvement blessé sur son lieu de travail, il est interdit à quiconque, sans l'autorisation de l'agent de sécurité, de toucher aux débris ou objets se rapportant à l'événement, notamment en les déplaçant, sauf dans la mesure nécessaire pour:
a) procéder à des opérations de sauvetage ou de secours ou prévenir les blessures sur les lieux ou dans le voisinage;
b) maintenir un service public essentiel;
c) empêcher que des biens ne soient détruits ou subissent des dommages inutiles.
2. Une instruction verbale donnée au représentant de Vancouver Wharves Ltd, Mr. Martin Dournovo, pour s'assurer que le lieu de l'accident était laissé intact jusqu'à ce qu'un plan de réparation ou de déplacement du plancher détérioré soit approuvé par Travail canada, n'a pas été suivie, en contravention à l'al. 125w) du Code canadien du travail :
"..l'employeur est tenu...
w) de se conformer aux instructions verbales ou écrites qui lui sont données par l'agent de sécurité en matière de sécurité et de santé des employés."»
Vancouver Wharves Ltd a demandé la révision de cette deuxième instruction.
Les prétentions de l'employeur et des contremaîtres
M. McConchie s'est donné beaucoup de mal pour expliquer la confusion qui doit probablement surgir lorsqu'une instruction est donnée verbalement au lieu de l'être par écrit. Les propos tenus dans le contexte d'une enquête sur un accident, au cours de laquelle les émotions sont fortes et les débats souvent incohérents, peuvent être interprétés différemment par des personnes différentes. A partir de là, M. McConchie a expliqué que si une infraction à une disposition du Code avait été commise par des représentants de l'employeur, cela avait été sans préméditation et uniquement à cause de leur préoccupation en ce qui concerne la sécurité. Le fait que le lieu de l'accident ait été nettoyé était la conséquence de l'ambiguïté d'une instruction verbale.
MM. McConchie et Laughton ont prétendu que l'instruction doit être donnée par écrit, conformément au paragraphe 145(2) du Code. M. Laughton a expliqué que l'accusation portée contre la compagnie consistait en une infraction à une instruction verbale qui devait être donnée par écrit. En l'instance, l'agent de sécurité n'avait aucun pouvoir discrétionnaire; il devait donner une instruction écrite.
M. Laughton était également d'avis que cette instruction n'était pas justifiée, comme le prévoit le paragraphe 146(3) du Code, puisque les tours avaient été nettoyées en l'absence d'aucun indice d'une faute intentionnelle. En l'absence d'une infraction permanente ou d'une affaire de longue durée, il n'y avait pas de justification permanente à l'égard de cette instruction.
Les prétentions des employés
M. Jamieson a prétendu que tout le monde avait compris l'instruction verbale donnée par l'agent de sécurité comme une interdiction, à quiconque, de pénétrer sur les lieux de l'accident ou d'y toucher. Après tout, a dit Mr. Jamieson, [traduction] "De combien de façons peut-on dire de ne pas entrer ou toucher?" De plus, le nettoyage ne pouvait pas être justifié par la sécurité, puisque les activités commerciales de l'employeur ne rendaient pas nécessaire le nettoyage et la préparation à l'utilisation du lieu de l'accident.
En ce qui concerne l'obligation de mettre par écrit l'instruction qui a été donnée verbalement, Mr. Jamieson a indiqué que dans une telle situation, il est nécessaire de prendre directement une mesure décisive. A l'appui de cette mesure, [traduction] "l'al. 125w) du Code autorise clairement l'imposition, aux différentes parties, d'une obligation active de se conformer à chaque instruction verbale ou écrite donnée à l'employeur par un agent de sécurité en ce qui concerne la sécurité et la santé des employés. Il n'y a aucun doute que l'agent est légitimement capable de donner une telle instruction verbale et que l'absence d'un écrit à ce moment-là ne constitue pas un facteur important."
La décision
L'obligation de l'Agent régional de sécurité d'enquêter sur cette affaire est définie au paragraphe 146(3) du Code :
146 (3) L'agent régional de sécurité mène une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu aux instructions et sur la justification de celles-ci. Il peut les modifier, annuler ou confirmer et avise par écrit de sa décision l'employeur, l'employé ou le syndicat en cause.
Il y a deux rubriques dans cette instruction, donc deux problèmes à résoudre, qui doivent être traités séparément. Étant donné que Vancouver Wharves Ltd a reçu l'ordre de cesser immédiatement les deux infractions, je dois décider s'il y a un fondement légal à chaque rubrique et si une instruction applicable à chaque rubrique était justifiée dans les circonstances.
La première rubrique de l'instruction
Cette rubrique affirme que Vancouver Wharves Ltd a commis une infraction au paragraphe 127(1) du Code pour avoir touché au lieu de l'accident, le silo #422, sans l'autorisation formelle de l'agent de sécurité. Il faut noter que cette disposition n'exige pas qu'un agent de sécurité tienne une enquête sur le lieu de l'accident et donne une instruction pour empêcher qu'on entre sur les lieux ou qu'on dérange ceux-ci. Elle énonce simplement que l'employeur, ou bien toute autre personne visée dans cette disposition, obtienne l'autorisation de l'agent de sécurité avant d'entreprendre un nettoyage des lieux.
Les exceptions à cette disposition ne s'appliquaient pas en l'espèce parce que l'employé blessé avait déjà été emporté et qu'aucune activité commerciale confirmée de l'employeur ne devait avoir lieu ou n'exigeait la présence d'autres employés sur les lieux. De plus, l'agent de sécurité avait enquêté sur l'accident et ordonné la fermeture des lieux. Ce qu'il y a de plus certain, dans cette affaire, c'est qu'elle n'a pas permis que l'on touche aux lieux. Même si l'on pouvait prétendre qu'un nettoyage était nécessaire, celui-ci n'aurait dû avoir lieu que "dans la mesure nécessaire pour" se conformer aux exceptions. Cette disposition n'envisage pas un nettoyage complet.
Pour moi, il n'y a aucun doute qu'il y a eu contravention au paragraphe 127(1) du Code. Le lieu de l'accident a été complètement nettoyé sans l'autorisation de l'agent de sécurité. Ceci étant dit, je dois me demander si, compte tenu de l'instruction ordonnant à Vancouver Wharves Ltd [traduction] "de cesser immédiatement les infractions", cette rubrique de l'instruction était justifiée. Il est manifestement impossible que l'employeur se conforme à l'instruction ainsi formulée. Il est trop tard. Le lieu a été nettoyé et la preuve a été déplacée ou bien tout simplement jetée. Cette rubrique de l'instruction n'était pas justifiée au moment où elle a été donnée.
Cela ne veut pas dire que l'employeur est exonéré de son obligation de se conformer à la loi et ne peut être tenu responsable de l'infraction au Code. Je crois que l'agent de sécurité a décidé d'entamer une poursuite dans cette affaire. Mais je crois qu'un recours judiciaire peut être intenté sans qu'une instruction soit nécessaire.
Normalement, une instruction est donnée en application du Code pour contraindre à la prise de mesures de correction des risques sur un lieu de travail. Comme l'énonce l'art. 122.1 du Code, l'instruction vise à prévenir des accidents et des dommages à la santé. Pour atteindre les objectifs d'une instruction, la personne visée peut être obligée de prendre des mesures pour protéger les employés, de se conformer aux normes réglementaires, ou bien de mettre fin aux activités illégales. A mon avis, la personne visée par l'instruction doit être en mesure de respecter celle-ci. Autrement, l'instruction ne remplit pas un objectif légitime et elle n'est pas justifiée.
Par conséquent, je suis d'avis que cette rubrique de l'instruction doit être annulée.
La seconde rubrique de l'instruction
La seconde rubrique de l'instruction affirme que l'employeur a transgressé l'al. 125w) du Code parce qu'il a contrevenu à l'instruction verbale donnée le samedi 9 mai 1992, qui a été confirmée ensuite par écrit le 11 mai 1992.
Je partage l'avis de MM. McConchie et Laughton sur cette question. L'instruction donnée en vertu du paragraphe 145(2)b) du Code, devait être écrite. En l'espèce, une instruction verbale est sans fondement juridique. Si l'agent de sécurité décide d'interdire immédiatement toute entrée sur les lieux à cause du danger qu'il représente, il peut le faire au moyen d'une instruction écrite à l'employeur à cet effet. L'obligation de donner une instruction par écrit est convenable et nécessaire dans ces circonstances, compte tenu de la gravité de la situation. Faute d'une instruction claire et sans ambiguïté, la vie, la santé et la sécurité des autres employés ne peuvent être garanties en l'espèce.
En présumant que l'on puisse prétendre qu'une instruction écrite valide émise en application de l'al. 145(2)b) du Code a été effectivement émise et remise à l'employeur le 11 mai 1992, celle-ci n'avait force de loi qu'à partir du moment où elle avait été donnée par écrit à l'employeur. Cependant, comme nous l'avons indiqué ci-dessus en ce qui concerne la première rubrique de l'instruction, il était alors trop tard pour qu'elle soit respectée.
Je dois reconnaître que je suis un peu perplexe à l'égard du motif de l'émission d'une instruction pour une contravention à une autre instruction. Comme je l'ai déjà dit, une instruction doit atteindre l'objectif défini dans le Code. Si elle n'atteint pas cet objectif, ou si elle ne peut l'atteindre, il peut s'avérer nécessaire d'envisager l'utilisation d'autres mécanismes d'application de la loi qui sont à la disposition de l'agent de sécurité.
Puisque la seconde rubrique de l'instruction fait état de la contravention à une instruction verbale qui n'a pas de fondement juridique, je dois aussi annuler cette rubrique de l'instruction. Autrement, je devrais reconnaître que l'al. 125w) du Code permet qu'on utilise un mal pour justifier un bien.
Pour résumer, la première rubrique de l'instruction n'est pas justifiée et la seconde rubrique de l'instruction manque de fondement juridique. Pour tous les motifs qui précèdent, j'annule l'instruction donnée le 12 mai 1992 par l'agent de sécurité Diana Smith à Vancouver Wharves Ltd en application du paragraphe 145(1) du Code.
Décision rendue le 28 janvier 1993.
Serge Cadieux
Agent régional de sécurité
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