Archivée - Décision no : 94-002

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Requérant :  Maple Leaf Mills Inc.
                    Calgary (Alberta)

Partie intéressée :  Robert Mayer, employé
                            Tony Valoroso,
                            Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce

Un employé a refusé d'empiler dans un wagon couvert plus de sept rangées superposées de sacs de farine de 50 kilos parce que ce travail exige un si grand effort qu'il le considère comme dangereux pour sa sécurité et sa santé.  L'agente de sécurité a été d'accord avec lui et a enjoint l'employeur, par une instruction, de protéger tous les employés contre ce danger conformément à l'alinéa 145(2)a).

Après avoir révisé cette instruction, l'agent régional de sécurité a conclu :

(1) que l'employé avait le droit de refuser de travailler parce que ses conditions normales d'emploi avaient changé lorsque la compagnie avait exigé qu'il empile huit, neuf ou dix rangées de sacs superposées au lieu de sept, comme auparavant;

(2) que l'employé était en danger parce qu'il affirmait qu'il était douloureux pour lui d'empiler plus de sept rangées de sacs superposées et parce que cette affirmation est confirmée par l'absence des mesures prescrites à l'article 14.47 du Règlement.

Comme l'agent régional de sécurité n'avait pas d'information sur les autres travailleurs de la société, il a restreint l'application de l'instruction à l'employé visé seulement.

 CODE CANADIEN DU TRAVAIL

 PARTIE II

 SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL


Révision en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail, partie II, d'une instruction émise par un agent de sécurité


Décision no :     94-002


Demandeur :    Maple Leaf Mills Inc.
                       Calgary (Alberta)
                       Représenté par : Wayne Bellenger et
                       Arthur Liu


Parties intéressées :  Robert Mayer, employé et
                               Tony Valoroso,
                               Union internationale des travailleurs et travailleuses unies de l'alimentation et du commerce

Mise-en-cause :      Wendy Kinsey
                               Agente de sécurité
                               Développement des ressources humaines Canada


Devant :     Serge Cadieux
                  Agent régional de sécurité
                  Développement des ressources  humaines Canada


J'ai visité le lieu de travail en cause, le 22 février 1994, en présence des parties.  M. Mayer, l'employé qui a refusé de travailler et un autre employé de Maple Leaf Mills Inc. ont simulé l'empilage de sacs de farine dans un wagon de chemins de fer et une audience a été tenue ensuite, le 23 février 1994, à Calgary.


Contexte :

Le 19 octobre 1993, Robert Mayer, un employé de Maple Leaf Mills Inc., a refusé de travailler.  Il a énoncé de la façon suivante les motifs de sa décision :

«Refuse d'empiler huit ou neuf rangées superposées de sacs de farine de 50 kilos à expédier, comme l'exige la compagnie, en raison d'un risque accru de blessures.»

M. Mayer a refusé de travailler parce que l'empilage de plus de sept rangées superposées de sacs de farine de 50 kilos (110 livres) exige un effort excessif qu'il considère comme dangereux pour sa sécurité et sa santé.  Selon la description qui a été donnée de son travail à l'audience, Robert Mayer est employé comme travailleur affecté aux expéditions et son travail consiste à transporter et à empiler des sacs de farine de 50 kilos dans un wagon de chemins de fer connu sous le nom de wagon couvert.

Les sacs sont d'abord chargés sur un convoyeur qui les amène de l'aire d'emballage, située à l'un des étages supérieurs de la minoterie, jusqu'à un glissoir qui se termine au milieu du wagon couvert.  Ils y sont reçus par deux employés qui doivent en remplir chacun une moitié du wagon.  Ces employés doivent se placer debout à la sortie du glissoir pour recevoir les sacs sur leurs épaules.  Ils doivent ensuite les transporter, dans cette position, jusqu'au bout de la moitié du wagon qu'ils ont à remplir et les empiler d'une certaine manière.  Pendant qu'un employé reçoit un sac, l'autre en dépose un, pour éviter qu'ils se présentent les deux en même temps à la sortie du glissoir. 

Un wagon couvert mesure environ 15,2 m1, soit 50 pieds de longueur.  En conséquence, chaque employé doit transporter les sacs sur une distance de 7,6 m, pour la première rangée.  La distance décroît à chaque rangée jusqu'à ce que le wagon soit rempli jusqu'au centre.  La vitesse d'empilage est aussi proportionnelle à la distance que les employés doivent parcourir.  Un wagon couvert chargé par deux employés contient environ 1 000 sacs lorsque ceux-ci sont empilés sur sept (7) rangées de hauteur.  Chaque employé empile environ 1 100 sacs par poste de travail de huit heures.

L'empilage des sacs de farine, qui commence en même temps aux deux extrémités du wagon couvert, s'effectue de la façon suivante pour chaque rangée2.  On place d'abord trois (3) sacs d'un côté du wagon, puis deux (2) de l'autre côté, et ensuite un au centre et enfin un de chaque côté du sac du centre de façon à en recouvrir les deux bouts.  Par conséquent, les trois (3) sacs du centre sont toujours plus haut que les autres sacs de la rangée.  On fait la même chose pour chaque rangée.  Les trois derniers sacs de la septième (7e) rangée sont toujours plus hauts que les épaules des employés.  Ceux-ci doivent donc les soulever, soit en se dressant sur leurs orteils et en projetant leur corps et leurs épaules vers le haut, ou en utilisant la seule force de leurs bras.  Inutile de dire que cet exercice est considéré comme un travail manuel pénible.

Robert Mayer reconnaît qu'il peut empiler jusqu'à sept (7) rangées de sacs superposés, mais non huit (8) ou neuf (9), parce que c'est trop haut et trop dur physiquement, et il considère qu'il est presque impossible d'empiler dix (10) rangées de sacs superposés.  L'agente de sécurité est évidemment d'accord avec lui.

Après avoir fait enquête sur le refus de travailler de Robert Mayer et tiré ses conclusions, l'agente de sécurité a donné, le 17 novembre 1993, une instruction à l'employeur en vertu de l'alinéa 145(2)a) du Code canadien du travail, partie II.  Cette instruction, qui fait l'objet de la présente révision, était rédigée, en partie de la façon suivante :

 INSTRUCTION DONNÉE À L'EMPLOYEUR EN VERTU DE L'ALINÉA 145(2)a)

L'agente de sécurité soussignée ayant, le 19 octobre 1993, visité le lieu de travail exploité par Maple Leaf Mills Limited (sic), employeur assujetti au Code canadien du travail, partie II, et ayant effectué une enquête sur ledit lieu de travail à la suite du refus de travailler de Robert Mayer, estime qu'une situation existant dans le lieu de travail constitue un danger pour un employé au travail, c'est-à-dire :

Les travailleurs empilent manuellement, par quart de travail de 7,5 heures, de 1 100 à 1 347 sacs de farine de 50 kilos en piles de huit et neuf sacs de haut sur un wagon de chemin de fer où aboutit un convoyeur.  Le fait de faire des piles de huit et neuf sacs de haut pose un risque de blessure pour les employés (système musculosquelétique), ce qui contrevient à l'article 124 de la partie II du Code canadien du travail sur les obligations générales des employeurs.

En conséquence, il est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES audit employeur, conformément à l'alinéa 145(2)a) du Code canadien du travail, partie II, de protéger toute personne contre ce danger au plus tard le 17 novembre 1993.


Présentation de l'employeur

Les représentants de l'employeur estiment que l'empilage de huit (8) rangées de sacs superposées ne présente aucun danger, mais conviennent qu'il est trop difficile pour n'importe quel travailleur d'empiler dix (10) rangées de sacs, comme on a déjà essayé de le faire, et qu'il faudrait, par conséquent, renoncer à cette pratique.  Après que M. Mayer a refusé de travailler et après avoir consulté l'agente de sécurité, la société a engagé une consultante en kinésiologie, l'étude de la mécanique des mouvements corporels, pour étudier les risques que comporte la manutention manuelle des matériaux à Maple Leaf Mills Inc. en vue de faire les recommandations appropriées.  Les conclusions du rapport du consultant ne s'appliquent qu'aux employés visés dans l'étude.

La consultante n'a pas vérifié si Robert Mayer avait les capacités nécessaires pour exercer ses fonctions.

Dans son rapport, la consultante écrit que «pour établir à quelle hauteur on peut empiler sans danger des sacs de farine, nous avons évalué ce travail au moyen de l'observation directe et de l'évaluation subjective.»  La conclusion no 3 de ce rapport présente un intérêt particulier pour la question à l'étude :

 3. Dans la situation actuelle, les travailleur avaient accepté d'empiler sept rangées de sacs superposées, mais la compagnie s'est entendue avec eux pour qu'ils aillent jusqu'à huit rangées.  Ainsi donc, compte tenu de tous les autres facteurs, les travailleurs ont jugé sécuritaire d'empiler huit sacs de hauteur par huit de largeur.

Dans son témoignage, la consultante a tenu à dire que la première (1re) et la deuxième (2e) rangées de sacs exigeaient peut-être un plus grand effort de l'organisme que la septième (7e) ou la huitième (8e) rangée parce que les travailleurs devaient s'incliner légèrement vers l'avant et effectuer une torsion du corps pour déposer les sacs.  En outre, elle a signalé que la pression exercée sur le corps par les sacs de 50 kilos variait beaucoup selon la taille des employés.  Par exemple, les employés de courte taille seraient obligés de lancer les sacs à partir de la septième rangée tandis que les travailleurs de haute taille pourraient encore les déposer sur la huitième ou la neuvième rangée.  Cependant, que les travailleurs déposent les sacs ou qu'ils les lancent, ce travail exige toujours un effort.

Pour réduire le nombre de traumatismes subis par ses employés, la société s'est procurée un convoyeur additionnel, un appareil appelé power-curve en anglais, pour manipuler les sacs.  Elle aura encore besoin de ses employés lorsqu'elle commencera à utiliser cet appareil, mais ceux-ci  auront peu de travail manuel à effectuer.  Néanmoins, pour des raisons économiques et pour respecter ses engagements envers ses clients, la société doit s'assurer qu'il sera encore possible d'empiler à la main huit (8) rangées de sacs superposées lorsque l'appareil fera défaut.


Présentation des employés

Les représentants des employés ont soutenu qu'ils ont toujours empilé sept (7) rangées de sacs superposées.  La compagnie voudrait maintenant leur en faire empiler huit (8), neuf (9) ou dix (10).  Cette exigence a entraîné une hausse du nombre de traumatismes en raison de l'augmentation des risques causés par l'empilage des sacs de farine à ces hauteurs.

Les employés et la direction sont d'accord pour dire qu'en raison du poids des sacs, de leur nombre et de la hauteur à laquelle ils doivent être empilés, l'employé moyen ne peut plus faire ce travail lorsqu'il a atteint le milieu de la trentaine, parce que son corps ne peut plus le supporter.

M. Mayer est âgé de 35 ans et il se plaint qu'il est dangereux pour lui d'empiler plus de sept (7) rangées de sacs superposées parce que, à partir de cette hauteur, il ne peut plus les laisser tomber de son épaule et doit au contraire les soulever pour les mettre en place.  En fait, comme les trois (3) sacs du centre de la septième rangées sont plus élevés que les autres sacs de la même rangée, il doit déjà les soulever un peu pour les mettre en place, mais après sept (7) sacs de hauteur, il faut soulever tous les sacs de la rangée et l'effort à faire est si grand qu'il en est douloureux.

L'agente de sécurité a résumé la plainte de Robert Mayer en disant qu'il commençait à ressentir de la douleur à partir du moment où il devait lancer les sacs à la hauteur de la huitième (8e) rangée.  Elle en a conclu qu'à partir de ce moment, il se trouvait en danger au sens où le Code définit ce mot.


Décision

Les parties voudraient que je décide si l'empilage de huit (8) rangées de sacs superposées constitue un danger, au sens du Code, pour Robert Mayer ou tout autre travailleur affecté aux expéditions.  À mon avis, il y a plutôt deux questions à trancher et elles sont d'une portée plus limitée.

La première question à trancher dans cette affaire est la suivante : dans l'hypothèse où la situation dont se plaint M. Mayer constitue un danger, comme il le prétend, le Code lui donnait-il le droit de refuser de travailler?  S'il avait le droit de refuser de travailler, il faut décider ensuite si la situation qu'il dénonce constitue un danger au sens du Code.

1. Robert Mayer avait-il le droit de refuser de travailler?

Dans les circonstances normales, le fait d'avoir à porter des sacs et à les empiler jusqu'à une certaine hauteur ne donnerait pas automatiquement à Robert Mayer le droit de refuser de travailler en invoquant le Code, pour le motif que cette activité constitue un danger.  Le Code prévoit, en effet, des cas où il est interdit de refuser de travailler dans des conditions dangereuses.

L'alinéa 128(2)b) du Code est très clair à ce sujet.  Il stipule ce qui suit :

 128. (2) L'employé ne peut invoquer le présent article pour refuser de faire fonctionner une machine ou une chose ou de travailler dans un lieu lorsque, selon le cas :

a) son refus met directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d'une autre personne;

  b) le danger visé au paragraphe (1) est inhérent à son emploi ou en constitue une condition normale.  (Le soulignement est de l'auteur de moi.)

En conséquence, tant que les conditions normales d'emploi de Robert Mayer n'ont pas changé, il n'avait pas le droit de refuser de faire le travail pour lequel il avait été engagé.  La législation n'offrant pas de lignes directrices claires en matière de manutention manuelle des matériaux, je crois qu'une condition normale d'emploi est une norme observée depuis un certain temps par l'industrie.  On peut la définir aussi comme une norme généralement considérée comme raisonnable par l'industrie.

À Maple Leaf Mills Inc., l'empilage de sept (7) rangées de sacs de farine de 50 kilos superposées était considéré comme la norme.  Les représentants des employés ont soumis des preuves, qui n'ont pas été contestées, selon lesquelles ils ont toujours empilé les sacs à cette hauteur.  Les employés de Maple Leaf Mills Inc. ayant accepté volontiers cette exigence, on peut dire qu'ils la considéraient comme raisonnable.  Ce n'est que lorsque la société a décidé de leur faire empiler dix (10) rangées de sacs superposées que Robert Mayer a refusé de travailler pour le motif qu'il était dangereux d'empiler les sacs à cette hauteur.

Il importe de souligner que lorsque Robert Mayer a refusé d'empiler dix (10) rangées de sacs superposées, il n'a pas fait immédiatement appel à l'agente de sécurité.  Après avoir étudié la question, la société a réduit ses exigences à neuf (9) rangées de hauteur.  Robert Mayer a refusé d'aller jusque là, parce que huit (8) rangées superposées, c'était déjà trop pour lui.  C'est à ce moment-là qu'il a appelé l'agente de sécurité.  On peut donc dire que ses conditions normales de travail avaient été modifiées.  En outre, au lieu de laisser les nouvelles conditions devenir la nouvelle norme de fait, comme les autres employés semblent l'avoir fait, il a refusé de travailler.  En conséquence, à cause des changements qui ont été apportés à ses conditions de travail, je considère que Robert Mayer avait le droit de refuser de travailler.


2. Robert Mayer était-il en danger lorsqu'il a refusé de travailler?

M. Mayer est un travailleur affecté aux expéditions dont les fonctions consistent à transporter des sacs et à les empiler d'une certaine manière.  Cette tâche est généralement considérée comme un travail manuel pénible.  Tout le monde sait dans l'industrie qu'il arrive un moment où il devient impossible de faire ce travail en raison de ses effets cumulatifs sur l'organisme.

L'empilage de sept (7) rangées de sacs de farine superposées fait partie des conditions de travail d'un travailleur affecté aux expéditions dans la mesure où il s'effectue d'une façon aussi sécuritaire que possible et de la manière prescrite.  Il s'agit d'une activité pénible et les parties acceptent, à tort ou à raison, qu'elle causera généralement des dommages à l'organisme.  Cependant, les fonctions de Robert Mayer ne prévoient pas qu'il doive effectuer cette tâche sans les mesures de précaution nécessaires.  Tout comme on ne peut pas demander à un pompier de combattre un incendie sans l'équipement et la formation nécessaires, on ne peut pas exiger que M. Mayer fasse son travail sans une formation et un équipement adéquats.  Il est déraisonnable et inacceptable de compter seulement sur la force brutale pour la manutention de matériaux lourds.

Voici la définition que le Code donne du danger :

«danger» Risque ou situation susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant qu'il ne puisse y être remédié.  (Le soulignement est de moi).

Robert Mayer dit tout simplement qu'il lui est terriblement douloureux d'empiler plus de sept (7) rangées de sacs superposées et il conclut que c'est dangereux pour lui.  Évidemment, on peut contester son affirmation, à moins de pouvoir l'étayer par d'autres moyens.  C'est pourquoi, je dois consulter le Règlement pour établir si l'employeur a pris les mesures requises pour protéger Robert Mayer.  S'il les a prises, il devient presque impossible de croire que Robert Mayer était en danger, comme il le prétend.  S'il ne les a pas prises, au contraire, je considère que l'affirmation de Robert Mayer est automatiquement étayée.

L'article 14.47 de la partie XIV du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail, qui porte sur la manutention et l'entreposage des matériaux impose des exigences minimum aux employeurs.  Cet article vise à assurer que certaines mesures sont prises pour protéger la sécurité et la santé des employés affectés à la manutention manuelle des matériaux.  Il stipule ceci :

 14.47  Si un employé doit soulever ou transporter manuellement des charges de plus de 10 kilos, l'employeur doit lui donner l'entraînement et la formation nécessaires :
a) sur la façon de soulever et de transporter les charges en toute sécurité;
b) sur les techniques de travail adaptées aux conditions du lieu de travail et à la condition physique de l'employé.

À mon avis, Maple Leaf Mills Inc. n'a pas respecté les exigences minimum prévues par le Règlement.  Par exemple, le Règlement parle d'une «façon de soulever et de transporter les charges en toute sécurité», ce qui veut dire que l'employeur doit élaborer et faire appliquer une méthode sans danger pour le transport et le soulèvement des sacs de farine de 50 kilos.  Étant donné que l'empilage de ces sacs comporte des risques à n'importe quelle hauteur, comme l'a signalé le consultant, il faudrait élaborer une méthode tenant compte des nombreux facteurs qui jouent dans le transport et l'empilage de sacs de farine de 50 kilos.  Évidemment, il faudrait également prévoir une formation adéquate pour s'assurer que les employés sont au courant des risques que leur fait courir la manutention manuelle des matériaux.  En outre, le Règlement prescrit une technique de travail adaptée à la condition physique de chaque employé.  À mon avis, aucune des mesures susmentionnées n'a été prise.

Les travailleurs affectés aux expéditions ont déclaré qu'ils ont seulement reçu une formation sur le tas de leurs collègues ou de leurs superviseurs.  Surtout, il n'a jamais été question d'élaborer une technique de travail adaptée à la condition physique des employés, ce qui est essentiel, dans ce genre de travail.

À mon avis, le travail que Robert Mayer devait faire, c'est-à-dire l'empilage de sept (7) rangées superposées de sacs de farine de 50 kilos ne pouvait être effectué d'une façon sécuritaire, étant donné les conditions dans lesquelles il devait être accompli et la manière dont il devait être exécuté.  En outre, lorsque Robert Mayer a refusé de travailler, il a eu raison de le faire parce qu'il subissait un traumatisme dès qu'il devait empiler plus de sept (7) rangées de sacs superposées.  Par conséquent, il était en danger lorsqu'il a refusé de travailler.

Cette décision ne doit pas être considérée comme une tentative en vue d'imposer à l'industrie visée des normes en matière de manutention manuelle des matériaux.  Au contraire, je crois fermement qu'il incombe à cette industrie d'élaborer de telles normes, en consultation avec ses partenaires, en raison surtout des nombreux facteurs qui ont une incidence directe sur l'activité en question.  Il semble que la société a pris des mesures pour se donner de telles normes en faisant appel à un expert.  Je suggérerais aussi que le comité de sécurité et de santé au travail discute de cette question pour proposer des solutions et faire les recommandations appropriées.  Le comité de sécurité et de santé établi en vertu du Code est, à mon avis, le meilleur partenaire de l'industrie en question en matière de sécurité et de santé.

Je modifie l'instruction donnée par l'agent de sécurité de façon à limiter son application à Robert Mayer, parce qu'il a été démontré que ses conditions de travail ont changé, comme on l'a dit plus tôt et parce que les exigences minimum du Règlement n'ont pas été respectées dans son cas.  Bien qu'on puisse prétendre qu'on court un risque en empilant des sacs de farine de 50 kilos à quelque hauteur que ce soit, Robert Mayer a soutenu qu'il n'était en danger que lorsqu'il dépassait le niveau de sept (7) sacs, c'est pourquoi l'instruction tiendra compte de cette restriction et de la nécessité de prendre des précautions quand on empile des sacs à cette hauteur.

Pour le moment, je crois qu'il est impossible d'étendre la portée de ma décision aux autres travailleurs de Maple Leaf Mills Inc. affectés aux expéditions, parce que je n'ai pas suffisamment d'information pour décider si l'employeur s'est conformé à l'article 14.47 du Règlement en ce qui concerne l'ensemble des travailleurs affectés aux expéditions.  Cependant, je préviens l'employeur que s'il ne prend pas les mesures prescrites pour ces travailleurs, il risque fort, à l'avenir, qu'un agent de sécurité lui reproche d'enfreindre le Code et le Règlement.

EN CONSÉQUENCE, pour les raisons susmentionnées, JE MODIFIE les instructions données le 17 novembre 1993 par l'agente de sécurité Wendy Kinsey à Maple Leaf Mills Inc. en remplaçant le deuxième paragraphe de cette instruction par les deux paragraphes suivants :

«Lorsqu'il empile dans un wagon de chemins de fer plus de sept (7) rangées superposées de sacs de farine de 50 kilos que lui apporte un convoyeur, M. Robert Mayer manipule manuellement environ 1 100 sacs par poste de travail de 8 heures sans avoir été formé à utiliser une méthode sûre pour le transport et l'empilage de ces sacs et sans avoir appris une technique de travail adaptée à sa condition physique, ce qui le met dans une situation où il risque fort de se blesser.

L'article 124 et l'alinéa 125q) de la partie II du Code du travail du Canada et l'article 14.47 de la partie XIV du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail (Manutention et entreposage des matériaux).»

ET en supprimant, au troisième paragraphe de cette instruction, les mots «toute personne» et en les remplaçant par les mots «Robert Mayer».

Cette décision a été rendue le 7  avril 1994.


Serge Cadieux
Agent régional de sécurité

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