Archivée - Décision de l'ARS no 94-003

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Demandeur : Société canadienne des postes (SCP)

Répondant : Syndicat des postiers du Canada (SPC)

Un agent de sécurité a donné à la SCP une instruction en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail l'intimant de mettre fin à l'infraction aux sous-alinéas 147a)(ii) et (iii) du Code.  Il semble que la SCP avait pris des mesures disciplinaires contre un employé qui avait signalé des situations comportant des risques.

L'instruction a été contestée.  Selon l'ARS, le fait que ni le plaignant ni son représentant n'était présent à l'audience était important dans cette affaire car la décision à prendre reposait, dans une large mesure, sur la crédibilité du plaignant.  L'ARS signalait aussi qu'il ne bénéficie pas des avantages découlant de la charge de la preuve dont il est question à l'article 133 du Code. 

En enquêtant sur l'affaire, l'ARS est arrivé à la conclusion que l'agent de sécurité ne s'était pas fondé sur des preuves évidentes pour dire qu'il y avait infraction au Code mais plutôt sur des faits non pertinents.   

L'ARS a annulé l'instruction faute de preuves évidentes à l'appui.

CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II
SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

Révision, aux termes de l'article 146 de la partie II
du Code canadien du travail, d'une instruction
donnée par un agent de sécurité

Décision no 94-003

Demandeur :  Société canadienne des postes
                     Mississauga (Ontario)
                     Représentée par : R. Chris Wartman,
                     Avocat

Répondant :  Naseem Qureshi, employé
                    Représenté par : Andre Kolompar, président
                    Section locale de Toronto
                    Syndicat des postiers du Canada

Mis en cause :  Rod J. Noel
                        Agent de sécurité
                        Développement des ressources humaines Canada

Devant :   Serge Cadieux
                Agent régional de sécurité
                Développement des ressources humaines Canada

Le 19 avril 1994, à Toronto, en Ontario, une audience a eu lieu.  Ni M. Qureshi, le plaignant dans cette affaire, ni M. Kolompar, son représentant syndical, n'était présent à l'audience bien que l'un et l'autre aient été dûment avisés de la date.  Les répondants n'ont pas donné suite non plus à une demande ultérieure de plaidoyers écrits.

Résumé des faits

La Société canadienne des postes (SCP) aurait, semble-t-il, pris des mesures disciplinaires contre M. Qureshi, opérateur d'appareil de manutention des matériaux (AMM), lequel aurait signalé à son employeur des situations comportant des risques et aurait soulevé diverses questions relatives à la sécurité.  M. Qureshi prétend que ses droits en vertu de l'article 147 de la partie II du Code canadien du travail ont été violés. 

L'agent de sécurité Rod Noel a fait enquête dans cette affaire.  Lui-même et un autre agent de sécurité ont visité le lieu de travail, à quatre reprises différentes, dans le but d'examiner les rapports et d'interviewer.  

D'après les faits recueillis par l'agent de sécurité, M. Qureshi a été impliqué dans un premier accident avec une employée engagée pour une période déterminée à la Société canadienne des postes,
Mme Linda Post, elle aussi opératrice d'AMM.  L'AMM de Mme Post a embouti celui de M. Qureshi.  L'employeur a rempli les rapports d'enquête sur l'accident.

Il convient de souligner que M. Qureshi aurait, semble-t-il à plusieurs reprises, fait des menaces de violence, posé des gestes obscènes et utilisé un langage grossier à l'égard de Mme Post tout au long des incidents dont il est question dans le document. 
M. Qureshi nie catégoriquement ces allégations et prétend qu'il est traité injustement en raison de sa race et de la couleur de sa peau.  Par contre, Mme Post prétend que M. Qureshi, employé à temps plein, ne cesse de la harceler car selon lui, les employés pour une période déterminée et occasionnels sont moins compétents et sont prédisposés à causer des accidents.

Dans ce cas-là, l'agent de sécurité était d'avis qu'il semblait y avoir un parti pris contre le plaignant et en faveur de Mme Post comme le démontrait le rapport d'un superviseur, lequel avait précisé que M. Qureshi avait agi de façon non sécuritaire et avait eu une attitude inconvenable.  M. Qureshi avait envoyé une plainte écrite au comité de sécurité et de santé et à son employeur au sujet de la façon dont étaient faites les enquêtes sur les accidents et au sujet de problèmes généraux de sécurité dans la manutention du matériel mettant en cause des employés pour une période déterminée et occasionnels.  M. Qureshi n'a reçu de réponse ni du comité ni de son employeur.

Environ trois mois plus tard, il y a eu une autre collision entre les AMM du plaignant et de Mme Post.  M. Qureshi a signalé l'incident à l'employeur qui n'a cependant fait aucune enquête officielle dans ce cas-là.  Par suite d'une plainte déposée par M. Qureshi le 25 mai 1993, Travail Canada (aujourd'hui Développement des ressources humaines Canada) a reçu, le 24 juin 1993, une promesse de conformité volontaire (PCV)1 de la Société à l'effet que tous les dossiers disciplinaires contre M. Qureshi seraient retirés.

Le 23 août 1993, M. Qureshi a déposé auprès de l'agent de sécurité une autre plainte dont l'objet est une lettre versée à son dossier personnel le mettant en garde contre la possibilité d'un congédiement.  Mme Post avait envoyé à l'un des superviseurs de M. Qureshi une lettre dans laquelle elle racontait une série d'incidents survenus entre le 11 février et le 6 juillet 1993, incidents qui selon elle sont des exemples du harcèlement et des menaces à son bien-être physique faits par M. Qureshi.

Les incidents relevés par Mme Post et les mesures prises par la suite par la Société canadienne des postes s'inscrivaient dans la PCV du 24 juin 1993.  L'agent de sécurité était d'avis que la SCP et Travail Canada avaient convenu, d'un commun accord, que la lettre de discipline servie au plaignant n'était pas étayée par des faits ou par une enquête équitable et qu'elle serait donc retirée.  L'agent de sécurité pensait que ces points seraient retirés du dossier et qu'il n'en serait plus question. 

Après enquête, l'agent de sécurité en est arrivé à la conclusion suivante :

Puis, à la suite de la PVC reçue par Travail Canada en Juin 1993, une autre lettre de discipline fut remise au plaignant Qureshi en contravention directe de cette PVC.

L'agent de sécurité a ensuite proposé de régler l'affaire comme suit :

Selon l'agent de sécurité, la Société canadienne des Postes a  enfreint le sous-alinéa 147a) (iii) du Code canadien du travail, partie II, en remettant à M. Naseem Qureshi une première lettre de discipline le 17 mai 1993 et une deuxième, le 10 août 1993.  M. Qureshi a soulevé des inquiétudes au sujet de l'aspect «sécurité» des opérations ou de la circulation des appareils et a signalé des incidents à cet égard mettant en cause Mme Linda Post et il semble que parfois l'employeur se soit attardé davantage à la version de Mme Post ou à la mauvaise conduite prétendue de M. Qureshi.  Étant donné que les plaintes de M. Qureshi au sujet de la sécurité et les accidents et incidents le mettant en cause, lui, et d'autres employés dont il a fait rapport n'ont jamais fait l'objet d'une véritable enquête, Travail Canada peut seulement déduire de tout cela que la réaction de l'employeur visait à intimider M. Qureshi et à le décourager de signaler des situations comportant des risques et de soulever, par écrit ou de vive voix, des préoccupations au sujet de la sécurité du lieu de travail [traduction].

L'employeur, conformément au paragraphe 145(1), a reçu l'instruction de mettre fin à la contravention à l'égard des sous-alinéas 147a) (ii) et (iii).

L'instruction, qui figure en annexe A, est l'objet de cette révision.


Preuve de l'employeur

La preuve de l'employeur est consignée.  M. Qureshi prétend qu'on lui reproche de signaler des situations comportant des risques.  La Société canadienne des postes explique qu'une enquête est menée chaque fois qu'une plainte est déposée, conformément à la convention collective ou au Code canadien du travail, qu'il s'agisse d'une situation comportant des risques, de discrimination ou de mauvaise conduite présumées.  La SCP soutient qu'elle a pris les mesures qu'il fallait dans le cas des deux employés après que la collision de leur AMM ait été signalée.

La SCP n'est pas d'accord avec l'argument selon lequel il y a eu parti pris contre M. Qureshi et selon lequel les enquêtes ont été injustes ou biaisées.  La SCP affirme que les lettres versées au dossier personnel de M. Qureshi ne l'ont pas été parce qu'il avait signalé des situations comportant des risques ou soulevé des questions relatives à la sécurité mais bien en raison de sa conduite répréhensible pendant les incidents en cause.  La SCP devait faire enquête sur les allégations de Mme Post et elle l'a fait de façon juste et avec soin.

Décision

En tenant pour acquis que la lettre versée au dossier personnel de M. Qureshi constitue une mesure disciplinaire, il s'agit de décider si M. Qureshi a fait l'objet de cette mesure disciplinaire parce qu'il a signalé des situations comportant des risques et soulevé des questions de sécurité.  Le mot clé dans ce qui précède est «parce que».

Les sous-alinéas 147a) (ii) et (iii) du Code canadien du travail, partie II, se présentent comme suit :

147.  Il est interdit à l'employeur :
a) de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction financière ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s'il ne s'était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre - ou menacer de prendre - des mesures disciplinaires contre lui parce que :

  i)soit il a témoigné - ou est sur le point de le faire - dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie,
  ii) soit il a fourni à une personne agissant dans l'exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa sécurité ou sa santé ou celle de ses compagnons de travail,
  iii) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.  (j'ai souligné «parce que»).

Il est évident que pour prendre une décision je dois examiner les circonstances qui ont mené à l'instruction à l'étude et établir un lien direct entre le fait de signaler des situations comportant des risques et les mesures disciplinaires prises contre M. Qureshi.  Je dois en toute logique en arriver à la conclusion que la Société canadienne des postes «visait à intimider M. Qureshi et à le décourager de signaler des situations comportant des risques et de soulever, par écrit ou de vive voix, des préoccupations au sujet de la sécurité du lieu de travail [traduction]».

Agissant conformément à l'article 146 du code, l'agent régional de sécurité ne peut bénéficier des avantages découlant de la disposition dont il est question au paragraphe 133(6) du Code (charge de la preuve).  Dans ce contexte, la fardeau de la preuve revient à l'employeur lorsqu'un employé exerce son droit de refuser d'effectuer un travail dangereux et dépose par la suite une plainte au Conseil canadien des relations de travail à l'effet que son employeur a pris des mesures disciplinaires contre lui parce qu'il a exercé ce droit.  Par conséquent, l'agent régional de sécurité doit faire sa propre enquête et se faire sa propre opinion dans les cas où un employé prétend qu'il y a contravention à l'article 147 du Code.  Il importe également de rappeler que l'agent régional de sécurité n'a aucun pouvoir de redressement.

Dans le cas qui nous intéresse, il est particulièrement difficile de me faire une opinion solide et avisée car pour résoudre la question, il faut évaluer la crédibilité des employés en cause.  Leur absence lors des audiences n'est pas passée inaperçue et contribue considérablement à discréditer leur histoire, en particulier celle du plaignant, M. Qureshi.  Inutile de m'étendre sur l'importance de la participation active du plaignant, ou de son représentant, en particulier dans cette affaire qui met en cause des allégations de nature aussi sérieuse.

Conformément au paragraphe 146(3) du Code, l'agent régional de sécurité «...mène une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu aux instructions...».  Ainsi, en l'absence des principaux témoins, je dois m'en remettre dans une large mesure à la preuve de l'employeur pour prendre ma décision dans cette affaire.  Je prends néanmoins en considération le rapport de l'agent de sécurité.

Étant donné la preuve incontestable fournie dans cette affaire, je suis convaincu que la Société a réagi de façon efficace aux allégations de M. Qureshi.  Je suis également convaincu que l'agent de sécurité a, dans une large mesure, tiré des conclusions qui ne peuvent être appuyées par des faits.

J'en conclus donc qu'il s'agit d'une querelle personnelle entre le plaignant et Mme Post, querelle qui dégénère rapidement.  Les rapports d'accidents ou les rapports sur d'autres incidents ou questions de sécurité déposés par M. Qureshi mettent surtout en cause une employée, à savoir Mme Linda Post.  De toute évidence, les préoccupations de M. Qureshi au sujet de sa propre sécurité sont directement et principalement reliées à ses rapports houleux avec Mme Post.  Selon moi, il ne s'agit pas d'une question de santé et de sécurité au sens du Code canadien du travail, partie II.

La conduite de M. Qureshi n'est certainement pas irréprochable et elle jette une ombre sur ses préoccupations générales en ce qui concerne la sécurité.  Selon moi, M. Qureshi exprime ses préoccupations de façon très agressive, ce qui amène la Société canadienne des postes à réagir essentiellement à la conduite de
M. Qureshi et non à ses rapports de situations comportant des risques.  Les enquêtes menées par la Société ont été davantage axées sur la conduite présumée du plaignant.  La Société a toutefois examiné les questions de sécurité dans le cadre des enquêtes et, à raison ou à tort, a recommandé des mesures correctrices.  En outre, en parcourant la documentation soumise, je n'ai trouvé aucune preuve qui viendrait appuyer la conclusion tirée par l'agent de sécurité, à savoir que la SCP avait pris des mesures contre M. Qureshi en raison de questions de santé et de sécurité. 

Je dois rejeter les conclusions auxquelles en est arrivé l'agent de sécurité car elles ne sont pas, selon moi, fondées sur des faits pertinents.  Par exemple, pour l'agent de sécurité, il y avait un parti pris contre M. Qureshi en raison du libellé des lettres versées au dossier personnel, de l'utilisation de caractères différents et du ton des lettres, de l'accent mis sur les allégations de Mme Post qui, selon l'agent, semble minimiser l'importance des incidents, de l'absence d'enquêtes approfondies, etc.  Il n'y a aucune preuve irréfutable que la SCP a agi comme le prétend l'agent de sécurité et étant donné qu'il n'y a pas de preuve du contraire, je ne peux appuyer l'instruction donnée par l'agent de sécurité.

Cela ne veut pas dire que je critique l'enquête menée par l'agent de sécurité.  Au contraire, je pense que l'agent a fait une enquête modèle dans cette affaire.  Cependant, faute de preuves irréfutables, une instruction qui ne s'appuie pas sur des faits doit être examinée avec soin.  L'agent de sécurité doit prouver hors de tout doute qu'il y a eu une infraction au Code sans quoi il ne peut tirer une conclusion en ce sens.  Dans des cas de ce genre, les pièges sont nombreux.  Ainsi, la tentation de prendre la part de la personne qui semble dans la situation la plus faible peut être irrésistible.

On m'a dit que M. Qureshi avait déposé un grief comme le permet sa convention collective.  Ainsi que l'a souligné M. Wartman dans ses observations finales, c'est un arbitre nommé en vertu de la convention collective et qui a toutes les qualités requises pour traiter des problèmes de relations de travail ou de toute autre pratique discriminatoire présumée ou mauvaise conduite d'un employé qui est le plus en mesure de régler cette affaire.  Toutefois, au sens du Code, je ne peux pas établir un lien entre le fait de signaler des situations comportant des risques et les mesures disciplinaires prises contre M. Qureshi.

Pour toutes les raisons susmentionnées, j'annule l'instruction donnée par l'agent de sécurité Rod J. Noel, le 16 novembre 1993, à la Société canadienne des postes.

Décision rendue le 26 mai 1994.

Serge Cadieux
Agent régional de sécurité

Annexe A

CONCERNANT LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II (SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL)

INSTRUCTION DONNÉE À L'EMPLOYEUR
EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

L'agent de sécurité soussigné ayant, les 8, 20 et 22 septembre et le 14 octobre 1993, effectué une enquête sur le lieu de travail exploité par la Société canadienne des postes, employeur assujetti au Code canadien du travail, partie II, et sis au 4567, chemin Dixie, à Mississauga, en Ontario, ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom d'installation de traitement en vrac «Gateway».

Ledit agent de sécurité estime que la disposition suivante du Code canadien du travail, partie II, n'est pas respectée :

Les sous-alinéas 147a) (ii) et (iii) du Code canadien du travail, partie II

Un employé, en l'occurrence Naseem Qureshi, a été réprimandé à deux reprises par son employeur parce qu'il avait signalé des situations comportant des risques au travail. 

Le 24 juin 1993, on a reçu une promesse de conformité volontaire (PCV) de la part de l'employeur qui s'engageait à retirer du dossier la lettre de discipline du superviseur Don Gibbs du 10 mai 1993.

Le 29 juin 1993, le surintendant du travail par poste, Karl Dorfmueller, a confirmé que cela avait été fait. 

Le 10 août 1993, M. Qureshi a reçu une deuxième lettre de discipline.

L'agent de sécurité est d'avis que l'employeur n'a pas respecté la PCV et a pris des mesures disciplinaires contre l'employé.

En conséquence, il est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES audit employeur, conformément au paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, partie II, de mettre fin à cette infraction au plus tard le 30 novembre 1993.

Fait à Mississauga, en Ontario, le 16 novembre 1993.
 

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