Archivée - Decision: 94-004 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL
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Révision en vertu de l’article 146 du Code canadien du travail
partie II, d’une instruction émise par un agent de sécurité
Décision no. 94-004
Demandeur: Mowat Express
Dorval, Québec
Représenté par: Me Pierre Trépanier, et Pierre Mercure, Vice-Président
Partie intéressée: Comité de sécurité et de santé
Représenté par: Sylvain Leblanc,
Joseph Gargiso, et Robert Caron
Syndicat canadien des communication, de l'énergie et du papier (FTQ-CTC)
Mis-en-cause: Richard Robert
Agent de sécurité
Développement des ressources humaines
Devant: Serge Cadieux
Agent régional de sécurité
Développement des ressources humaines
La preuve verbale a été entendue à Montréal le 26 avril 1994.
Résumé des faits
Suite à une inspection des lieux de travail chez Mowat Express, et à l'étude d'accidents qui se seraient produits chez cet employeur durant l'année 1993, l'agent de sécurité Richard Robert a émis une instruction (voir annexe A) à l'employeur en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, partie II.
Il est à noter que l'instruction comporte deux items. Toutefois, seul le premier item de l'instruction fait l'objet d'une demande de révision, l'employeur n'ayant pas contesté le deuxième item de l'instruction.
Le premier item de l'instruction concerne le port de chaussures de sécurité "sur les quais de chargement/déchargement et au centre de triage de la marchandise où des blessures se sont produites en 1993 même." C'est à l'étude de cinq accidents survenus pendant l'année courante que l'agent de sécurité en est venu à la conclusion que le port de chaussures de sécurité était nécessaire pour protéger les employés et, par conséquent, qu'elles étaient requises. Pour justifier sa décision, l'agent de sécurité nous soumets ce qui suit: (Le numérotage est de moi)
"J'ai expliqué que la décision était basée sur les accidents de Pierre Mercile, Mark Delvasto, Simon Pinet et Stéphane Beaudoin.
1. L'accident de Pierre Mercile aurait pu être évité s'il avait porté des chaussures de sécurité. Il a reçu une section de convoyeur sur l'orteil gauche.
2. Mark Delvasto portait un soulier de course qui s'est tordu et s'est engagé dans le rail du plancher du camion. Un soulier de protection qui à (sic) une semelle dure aurait empêché cet accident.
3. Simon Pinet a glissé à deux reprises du marche pied de son camion et l'autre fois à l'arrière de son camion. Une chaussure de sécurité anti-dérapante aurait pu éviter cela.
4. Le mécanicien portait des bottes usées et dont le cap d'acier était apparent à travers le cuir endommagé. Il travaille sur le chariot élévateur. Je lui ai dit de les renouveler.
5. Stéphane Beaudoin s'est pris le pied gauche sous un ("JIEGER") ou chariot à main. Ses blessures auraient pu être diminuées ou évitées avec une botte de sécurité.
6. Les employés manipulent des docks plates et il y a risque d'écrasement des pieds.
7. Des rouleaux d'aciers du convoyeurs sont tombés sur les employés à deux reprises. Ils ont été blessés aux épaules et à la tête mais aurait pu être blessés aux pieds également dépendant de leur position et du "timing".
M. Mercure était d'accord de faire porter les chaussures de sécurité mais ne voulait pas les payer. J'ai expliqué que la loi ne le forçait pas à le faire mais seulement de protéger ses employés et donc de leur demander de les porter.
8. Depuis la décision de Michèle Beauchamp en 1988 les conditions de travail ont changées: il y a maintenant un chariot élévateur.
Les 5 accidents survenus depuis 1 an, blessures aux pieds, prouvent hors de tout doute qu'il y a danger sur ce lieu de travail.
Les endroits de manutention des autres employeurs sont tous des endroits où la pratique est de porter les chaussures de sécurité. Cette pratique est basée sur le besoin de protéger les employés. Mowat Express n'est pas différent de ces endroits de manutention en ce qui concerne le niveau de risque."
Soumission de l'employeur
Me Trépanier nous soumets ce qui suit:
La question des bottes de sécurité a été discutée et considérée à plusieurs reprises par le Comité de santé et sécurité de la Compagnie au cours des dernières années.
Après examen complet des lieux de travail, le Comité s'est déclaré satisfait que toutes les mesures de protection étaient en place pour contrôler, selon les exigences de la sécurité, les risques que représentent les lieux de travail pour la santé et la sécurité.
Cette même conclusion avait d'ailleurs été retenue par un agent des affaires du travail de Travail Canada en 1988, qui avait conclu après enquête sur les mêmes lieux de travail: "qu'il n'existe pas de danger, dans votre lieu de travail, résultant du fait que le port de chaussures de protection n'est pas obligatoire."
Nous vous soumettons donc respectueusement que l'instruction de l'agent de sécurité Robert devrait être révisée afin de respecter l'intention du législateur qui a spécifiquement prévu par règlement les situations précises où doivent être portées des chaussures de protection.
L'instruction de l'agent de sécurité Robert a pour effet de léser nos droits en ce qu'elle va au delà des limites prescrites par les paragraphes 12.5(1) et (2) du Règlement du Canada sur l'Hygiène et de la sécurité du Travail (RCHST), et qu'elle ne respecte pas de plus les conclusions de notre Comité de santé et sécurité sur l'inexistence de danger nécessitant le port de chaussures de protection."
Me Trépanier affirme que dans cette affaire, il y a chose jugée. Cette chose jugée est la décision d'absence de danger qu'aurait rendu un autre agent de sécurité lors d'un refus de travail d'un employé de Mowat Express en 1988. Les conditions étant essentiellement les mêmes, la décision ne devrait pas changer.
Soumission du Comité de sécurité et de santé
Les représentants du comité de sécurité et de santé affirment qu'ils se sont penché sur ces questions dans le passé et qu'ils ont tirés les mêmes conclusions que présentement. Selon eux, les blessures les plus courantes dans le travail de manutention sont les blessures aux mains et non aux pieds. Le comité a conclu que le port des chaussures de sécurité n'est pas nécessaire ni obligatoire. L'agent de sécurité ne devrait donc pas imposer une telle exigence aux employés contrairement à la recommandation du comité.
Décision
La question à résoudre dans cette affaire est, selon moi, la suivante: Le port des chaussures de sécurité est-il requis dans les lieux de travail chez Mowat Express tels que spécifiés par l'instruction de l'agent de sécurité?
Pour répondre à cette question, je suis d'avis qu'une clarification concernant les chaussures de sécurité est nécessaire. En effet, le sujet des chaussures de sécurité est un sujet qui fait l'objet de discussions très animées chez les employeurs, les employés, les membres de comités de sécurité et de santé de même que chez les agents de sécurité. Toutefois, je pense que ce sujet est fort mal compris.
Les paragraphes 12.5(1) et (2) de la partie XII (Matériel, Équipement, Dispositifs, Vêtements de sécurité) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail (le "Règlement") prévoient,
12.5 (1) Lorsque, dans un lieu de travail, il y a risque de blessures aux pieds ou de chocs électriques par la semelle, il faut porter des chaussures de sécurité conformes à la norme Z195-M1984 de l'ACNOR intitulée "Chaussures de protection" publiée dans sa version française en décembre 1984 et publiée dans sa version anglaise en mars 1984.
(2) Lorsque, dans un lieu de travail, il y a risque de glisser, il faut porter des chaussures antidérapantes.
Avant de procéder avec cette affaire, je pense qu'il y a quelques points à clarifier. Le premier point à clarifier, à la lumière des dispositions qui précèdent, est que le Règlement fait référence aux chaussures de sécurité et non uniquement aux bottes de sécurité. Cette référence englobe les bottes de sécurité tel que décrit par la norme et par conséquent, je ne ferai pas de distinction entre les deux expressions. Le deuxième point à noter est que je ne traiterai pas de l'aspect "chocs électriques" puisque ce sujet n'est pas pertinent dans les circonstances. Le troisième point important est la référence, au paragraphe (2) ci-dessus, aux chaussures antidérapantes. Cette référence n'est pas directement associée à une norme quelconque et par conséquent, toute chaussure, ou botte, avec une semelle antidérapante appropriée est acceptable en autant qu'elle a été conçu pour les conditions que l'on retrouve dans le lieu de travail.
Finalement, les dispositions qui précèdent s'appliquent au lieu de travail. Or, "lieu de travail" est défini au paragraphe 122(1) du Code comme étant "Tout lieu où l'employé exécute un travail pour le compte de son employeur." Par conséquent, cette définition est exhaustive et englobe tous les endroits où un employé travaille, qu'ils soient ou non sous le contrôle de l'employeur.
Il est important de comprendre que le port d'équipement de protection ne devrait être requis que dans les circonstances prévues à l'article 12.1 du Règlement, soient:
12.1 Toute personne à qui il est permis l'accès au lieu de travail doit utiliser l'équipement de protection réglementaire visé par la présente partie dans les cas suivants:
(a) lorsqu'il est pratiquement impossible d'éliminer ou de maintenir à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente pour la sécurité ou la santé;
(b) lorsque l'utilisation de l'équipement de protection peut empêcher une blessure ou en diminuer la gravité.
La loi prévoit que l'équipement de protection ne devrait être envisagé qu'en dernier recours. La loi vise d'abord à éliminer ou à contrôler les risques à la source. Lorsqu'il est à toutes fins utiles impossible d'éliminer ou de contrôler le risque, alors le port d'équipement de protection s'avère une solution à envisager. Toutefois, cette solution ne devrait jamais être permanente puisqu'il faut toujours chercher à améliorer la situation. Évidemment, il est plus difficile de réussir à éliminer ou à contrôler le risque lorsque le risque de blessure est susceptible de causer des blessures à toute personne qui y est exposé avant qu'on ne puisse intervenir. À ce moment, "l'utilisation de l'équipement de protection peut empêcher une blessure ou en diminuer la gravité".
J'apporte ces remarques parce que l'employeur et le comité de sécurité et de santé m'avisent qu'ils ont étudié les risques dans leurs lieux de travail et que, selon leur analyse, il n'y a pas lieu d'exiger que les employés portent des chaussures de protection. Telle a été la recommandation du comité de sécurité et de santé chez Mowat Express, en 1988, et cette recommandation n'a pas changée avec le temps.
Je devrai donc tenir compte des dispositions du paragraphe 12.1 du Règlement dans la prise de décision qui suit. Je devrai aussi m'assurer que le port de chaussures de sécurité est la solution requise en autant que la chaussure de sécurité réglementaire a été conçue pour protéger le pied dans les situation qui ont été décrites par l'agent de sécurité.
La norme Z195-M1984 de l'ACNOR décrite ci-dessus, concernant les chaussures de protection, protège le pied de la façon suivante, soit
1. avec un bout protecteur, pour protéger les orteils contre l'écrasement;
2. avec une semelle protectrice pour empêcher la perforation sous le pied;
3. avec un protecteur métatarsien, pour protéger le métatarse; et
4. avec une semelle résistante aux chocs électriques pour protéger contre l'électrocution par le pied.
Par conséquent, à la lumière de l'information qui précède et des exigences réglementaires, je tire les conclusions suivantes pour chaque incident décrit par l'agent de sécurité.
Incident #1. Le risque de blessure encouru par une pièce de convoyeur qui tombe est à toutes fins utiles éliminé par un entretien adéquat. En fait, il est inconcevable et inacceptable qu'un tel accident se produise puisqu'il est facile, voire obligatoire, de contrôler ce risque. Un tel accident ne se produit qu'à cause de négligence dans l'entretien de l'équipement et c'est à ce niveau que les correctifs doivent être apportés.
Incident #2. Bien qu'un soulier de sécurité empêcherait "probablement" que le pied se torde, il faut admettre que tout soulier à semelle rigide serait aussi efficace dans des circonstances similaires. De plus, la norme de l'ACNOR ci-dessus n'envisage pas cette situation. Par conséquent, ce risque peut être éliminé ou contrôlé par le port de toute chaussure à semelle rigide ou par des procédures appropriées. Ce sujet devrait être discuté au comité de sécurité et de santé.
Incident #3. Dans ce cas-ci, c'est le paragraphe 12.5(2) du Règlement qui s'appliquerait. La nature du travail de M. Pinet est telle que le risque de glisser va se manifester en plusieurs occasions. Une semelle antidérapante est, selon moi, nécessaire dans son cas. Toutefois, si le risque de glisser se manifeste seulement l'hiver et ce, à cause de l'accumulation de neige ou de glace sur les marchepieds, alors des bottes d'hiver suffiraient à réduire le risque de glisser. Par contre, si ces employés se présentent dans d'autres lieux de travail où le risque de glisser existe sous d'autres formes, alors des semelles appropriées sont nécessaires.
Incident #4. Tout équipement de protection fourni par l'employeur ou requis par Règlement peut faire l'objet d'une telle directive. Toutefois, l'instruction de l'agent de sécurité ne traite que du port de chaussures de sécurité, non pas de leur condition générale. Par conséquent, cette directive est sans objet dans les circonstances.
Incident #5. Il est possible dans ce cas qu'une botte de sécurité puisse protéger M. Beaudoin dans les circonstances. Toutefois, le même raisonnement qu'à l'Incident #2 s'applique.
Incident #6. Je suis d'accord dans cette situation. Les employés qui manipulent des "dock's plates" risquent de se blesser les pieds et doivent porter des chaussures de sécurité.
Incident #7. Cette situation est intolérable. Toutefois, le même raisonnement qu'à l'Incident #1 s'applique.
Incident #8. La présence d'un chariot élévateur dans l'aire de travail des employés chez Mowat Express est certainement un élément important à considérer dans toute décision affectant le port des chaussures de sécurité. Dans ce cas-ci, je tiens compte favorablement du plaidoyer des représentants du comité de sécurité et de santé qui affirment avoir considéré le port des bottes de sécurité et être d'avis qu'elles ne sont pas nécessaires. Je prends pour acquis que des mesures de protection sont en place pour protéger les autres employés du risque de blessure aux pieds causés par le mouvement du chariot élévateur. Toutefois, cette décision n'est prise que par manque d'information sur ce sujet et je recevrais favorablement toute intervention justifiée de l'agent de sécurité sur ce point dans l'avenir.
Il est à noter que l'agent de sécurité qui était intervenu dans ce dossier dans le passé avait à statuer sur un danger. L'agent avait conclu qu'il n'y avait pas de danger pour l'employé qui avait refusé de travailler parce qu'il ne portait pas de bottes de sécurité. Il est clair que cette décision ne s'appliquait qu'au risque immédiat de blessures aux pieds et non pas aux risques quotidiens auxquels les employés sont exposés. Cette décision n'a donc aucun effet sur l'aspect préventif à long terme que se veut une instruction donnée en vertu du paragraphe 145(1) du Code, comme dans le présent cas.
Par conséquent, je suis d'avis que seuls les incidents #3 (risque de glisser aux chauffeurs de camions) et #6 (risque de blessures aux pieds aux employés qui manipulent des "dock's plates") justifient l'instruction de l'agent de sécurité.
Par conséquent, JE VARIE l'instruction donnée le 3 décembre 1993 par l'agent de sécurité Richard Robert à Mowat Express en éliminant les deux paragraphes de l'item numéro un (1) de l'instruction et en les remplaçant par les deux paragraphes suivants:
1. L'alinéa 125 v) de la partie II du Code canadien du travail et les paragraphes 12.5(1) et (2) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail.
Les employés qui manipulent des "dock's plates" doivent porter des chaussures de sécurité, et les chauffeurs de camion doivent porter des chaussures antidérapantes.
Décision rendue le 1er jour de juin 1993
Serge Cadieux
Agent régional de sécurité
Annexe A
DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL
INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)
Le 3 décembre 1993, l'agent de sécurité soussigné a procédé à une inspection dans le lieu de travail exploité par Mowat Express, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 2215, chemin St-François, à Dorval.
Ledit agent de sécurité est d'avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail sont enfreintes:
1. Les alinéas 125v) de la partie II du Code canadien du travail et les paragraphes 12.5(1) et (2) du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail (RCHST).
Les employés ne portent pas tous leurs chaussures de sécurité sur les quais de chargement/déchargement et au centre de triage de la marchandise où des blessures se sont produites en 1993 même.
2. Le paragraphe 135.8 de la partie II du Code canadien du travail.
L'employeur ne tient pas de réunions mensuelles du comité de sécurité et de santé.
Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention au plus tard le 6 décembre 1993.
Fait à LaSalle ce 3e jour de décembre 1993.
Richard Robert
Agent de sécurité
#1535
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