Archivée - Décision no : 95-012 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

Informations archivées

Les informations archivées sont fournies aux fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elles ne sont pas assujetties aux normes Web du gouvernement du Canada et n'ont pas été modifiées ou mises à jour depuis leur archivage. Pour obtenir ces informations dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Révision en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail, partie II, des instructions données par l’agent de sécurité

Requérant : Aéroports de Montréal
Mirabel, Québec
Représenté par : Me Jean-François Longtin et
Me Nathalie Drouin

Partie intéressée : Le Procureur général du Canada                           
Ministère de la Justice du Canada
Représenté par :
Me Raymond Piché et                           
Me Nadine Perron

Mis-en-cause : Denis Caron                        
Agent de sécurité                        
Développement des ressources humaines Canada

Devant : Serge Cadieux              
Agent régional de sécurité               
Développement des ressources humaines Canada

Des auditions orales ont été tenues les 19 et 20 juin et le 13 juillet 1995 respectivement à Montréal (Québec).

Intervention du Procureur général du Canada

Le Procureur général du Canada a demandé l'autorisation d'intervenir lors de l'audition de cette affaire. Le Procureur général du Canada a soutenu que puisqu'il était possible qu'aucune partie n'intervienne à l'appui des dites instructions, il avait tout l'intérêt requis pour soutenir que les instructions attaquées étaient conformes à la partie II du Code canadien du travail (ci-après le Code).

Bien que les procureurs d'Aéroports de Montréal (ci-après ADM) se soient objectés à cette intervention sur la base que le motif invoqué par le Procureur général est sans fondement, j'ai autorisé le Procureur général du Canada à intervenir. J'ai pris cette décision au motif que la décision que je rendrais dans cette cause pouvait effectivement avoir un impact sur la sécurité et la santé au travail non seulement des employés de ADM mais aussi des employés occupés au dégivrage des avions. Par conséquent, j'ai déterminé que le Procureur général du Canada a l'intérêt allégué pour intervenir dans le cadre de toute entreprise de juridiction fédérale pour s'assurer qu'une instruction donnée par un agent de sécurité est effectivement conforme au Code. Or, les employés occupés au dégivrage d'avions font partie d'une telle entreprise et de plus, l'agent de sécurité avait établi un lien entre ces employés et les employés de ADM.

Historique

Les faits

Le 21 janvier 1995, un accident de travail ayant causé la mort de trois (3) employés d'un employeur assujetti au Code, soit la compagnie de ligne aérienne Canadien International Ltée. (ci-après Canadien), s'est produit à l'Aéroport international de Mirabel. Cet accident est survenu lorsque les trois employés, ainsi que leurs compagnons de travail, dégivraient1 un aéronef de type Boeing 747-400 de la compagnie nationale de transport aérien Royal Air Maroc (ci-après appelé RAM). L'accident a eu lieu lorsque l'aéronef de RAM s'est mis en mouvement alors que le dégivrage n'était pas encore terminé de telle sorte que les stabilisateurs à l'arrière de l'aéronef ont heurté les girafes qui soutenaient les nacelles renversant ainsi les deux camions affectés au dégivrage. Les trois (3) employés de Canadien qui se trouvaient à l'intérieur des nacelles ont ainsi été précipités au sol, entraînant leur décès.

L’enquête

En ce même jour, soit le 21 janvier 1995, monsieur Denis Caron, agent de sécurité, s'est rendu à l'Aéroport international de Mirabel afin d'y mener une enquête en vertu du Code. Lors de son enquête, l'agent de sécurité a visité les différents sites de travail, dont le centre de dégivrage et la tour de contrôle Apron, à différentes reprises. L'agent a aussi interrogé monsieur Robert Tremblay, régulateur de tablier et employé de ADM en présence de différentes personnes. Il a recueilli la déclaration écrite de monsieur Tremblay et différents documents de ADM ce qui lui a permit de faire une analyse détaillée des événements et des responsabilités des diverses parties.

Suite à son enquête, l'agent de sécurité conclut qu'il existait au centre de dégivrage une situation dangereuse qu'il convenait de corriger afin d'éviter que d'autres décès se produisent. Sur la base de l'analyse qu'il a fait des responsabilités de ADM et de monsieur Tremblay en ce qui a trait au centre de dégivrage, l'agent de sécurité a conclu que ces parties avaient une part de responsabilité en ce qui a trait aux activités qui se déroulaient au centre de dégivrage.

1 Pour fins de compréhension, le dégivrage est un procédé qui a pour effet de faire fondre le givre, la glace ou la neige qui s'est accumulé sur un aéronef ou d'en empêcher la formation ou l'accumulation.

La responsabilité que l'agent de sécurité attribuait à ADM vis-à-vis le centre de dégivrage découle du fait que ce dernier est une infrastructure appartenant à ADM et mise à la disposition des compagnies aériennes afin que celles-ci puissent faire dégivrer leurs aéronefs. ADM devait donc contrôler, par l'entremise de son régulateur de tablier, les activités qui s'y déroulaient. La responsabilité que l'agent de sécurité attribuait au régulateur du tablier était à l'effet que ce dernier devait s'assurer auprès du pilote si le dégivrage était terminé avant de donner à ce dernier une autorisation de circuler.

Les instructions

Dans cette affaire2 l'agent de sécurité a émis de nombreuses instructions. Trois de ces instructions ont été portées à l'attention de l'Agent régional de sécurité par ADM. Deux de ces trois instructions ont fait l'objet d'une demande de révision dans le délai prescrit par le Code. La troisième instruction est une instruction qui fut donnée en vertu du paragraphe 145(1) du Code à monsieur Robert Tremblay, régulateur de trafic au tablier principal de l'aéroport Mirabel à l'emploi de ADM.

Il a été établi lors de l'audition que le délai prévu pour faire la demande de révision de cette troisième instruction s'était écoulé et que par conséquent l'Agent régional de sécurité n'avait pas la compétence nécessaire pour entendre la demande de révision de cette instruction. En effet, le délai de quatorze (14) jours prévu au paragraphe 146(1) du Code est un délai de rigueur que l'Agent régional de sécurité n'a pas le pouvoir de modifier. Par conséquent, la demande de révision pour cette dernière instruction a été rejetée. Les parties ont toutefois convenu que la révision des deux premières instructions porterait sur les mêmes faits et que, par conséquent, la décision de l'Agent régional de sécurité concernant les deux premières instructions aura le même effet sur cette troisième instruction même s'il n'y a pas eu de révision formelle dans ce cas.

Par conséquent, le 4 février 1995, l'agent de sécurité émet une première instruction (ANNEXE-A) à ADM en vertu de l'alinéa 145(2)(a) du Code par laquelle il ordonnait à ADM de procéder immédiatement à l'application de ladite instruction.

Le 15 mars 1995, l'agent de sécurité émet une deuxième instruction (ANNEXE-B) à l'employeur3 en vertu du paragraphe 145(1) dans laquelle l'agent de sécurité était d'avis qu'ADM a enfreint l'article 124 du Code.

2 Plusieurs compagnies aériennes et de dégivrage ont reçu des instructions de l'agent de sécurité. Les demandes de révision déposées par les diverses compagnies impliquées ont été entendues séparément.

3 Dans ce cas-ci, le titre de l'instruction (voir ANNEXE-B) originale donnée par l'agent de sécurité se lisait comme suit: INSTRUCTION À L'EMPLOYÉ EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1). Les parties on convenu que la référence, dans ce titre, à l'employé était inexacte, qu'elle était due à une erreur de frappe et qu'en realité l'instruction telle que formulée s'addressait à l'employeur et non à l'employé dans ce cas précis. Jai corrigé l'instruction en conséquence. Pour fins de clarté, j'ai décidé de reproduire uniquement la version corrigée de l'instruction dans le texte de la décision.

ADM a demandé la révision des deux instructions ci-dessus et a de plus demandé la révision de la troisième instruction (ANNEXE-C) qui avait été donnée à monsieur Tremblay le 15 mars 1995 et qui, nous le savons maintenant, a été rejetée par l'Agent régional de sécurité au motif qu'elle était hors délai.

Soumission de ADM

L'argumentation détaillée de ADM a été consignée au dossier.

Argument Préliminaire

Me Longtin nous soumet d'abord un argument préliminaire à savoir qu'il y avait absence de juridiction de l'agent de sécurité pour émettre lesdites instructions. En effet, selon Me Longtin, l'agent de sécurité n'avait pas le pouvoir d'émettre des instruction à ADM dans cette affaire pour la bonne et simple raison qu'ADM n'a aucun employé oeuvrant au centre de dégivrage et qu'il n'a aucune autorité sur les opérations qui s'y effectuent. Cet argument à lui seul est suffisant, selon Me Longtin, pour que les instructions soient annulées.

Me Longtin poursuit son argumentation en traitant individuellement chacune des deux instructions (ANNEXE-A et ANNEXE-B) données à l'employeur.

Instruction en vertu de l'alinéa 145(2)(a) du Code

En ce qui a trait à l'instruction donnée à l'employeur en vertu de l'alinéa 145(2)(a) du Code, Me Longtin soumet qu'il n'y avait pas de situation dangereuse au centre de dégivrage le 2 février 1995. L'agent n'a jamais décrit la situation dangereuse allégué mais a spécifié à l'employeur les mesures à prendre pour empêcher que d'autres accidents se produisent, ce que la loi ne l'autorise pas à faire.

Me Longtin souligne que l'agent de sécurité a tenu compte de deux éléments pour émettre son instruction en vertu de l'alinéa 145(2)(a) du Code, soient

- L'aéronef de Royal Air Maroc a été dégivré, moteurs en marche, par les employés de Canadien; et

- La visibilité du régulateur de tablier sur le centre de dégivrage.

Or, le centre de dégivrage, en ce qui a trait au dégivrage de l'avion, était sous le contrôle de Canadien et non de ADM. Ce sont les employés de Canadien qui ont fait le dégivrage de l'avion les moteurs en marche, contrevenant ainsi aux directives de Canadien.

Concernant le deuxième élément, Me Longtin nous explique que le rôle du régulateur de tablier est de diriger la circulation entre deux points et que son principal outil de travail est la communication radio. Le jour de l'accident, la communication entre le régulateur de tablier et le pilote s'est faite par communication radio telle qu'elle devait se faire.

De plus, le régulateur de tablier n'a pas à se substituer au pilote de l'avion qui doit voir à ce que toutes les opérations aient été complétées et qu'il est "Ready to Taxi4". L'agent de sécurité a ordonné à ADM de prendre une mesure spécifique pour éviter qu'un autre accident ne se produise. "Cette mesure qui consiste à ordonner au régulateur du tablier de demander au pilote s'il a reçu son signal visuel avant de lui donner une autorisation de circuler est inadéquate, inappropriée et irrégulière et n'est certes pas de nature à prévenir d'autres accidents;". En effet, précise Me Longtin, "c'est la responsabilité du commandant de bord de l'aéronef, avec son équipe au sol, de s'assurer que les opérations de préparation au vol au poste de stationnement soient terminées et que l'avion soit dégagé avant de se déclarer prêt à circuler. Le centre de dégivrage est un poste de stationnement au même titre que tout autre poste de stationnement situé sur faire de trafic (barrière).

Lorsque l'aéronef est stationné soit à une barrière ou au centre de dégivrage, il est sous l'entière autorité du commandant de bord et son équipe au sol. C'est à ces deux intervenants à établir entre eux un système de communication (signaleur, communications radio, interphone) permettant à l'équipe au sol de transmettre l'information au pilote à l'effet que l'opération d'entretien est terminée et que l'appareil est dégagé. D'aucune façon ADM ne peut s'insérer ou s'immiscer dans les procédures internes des compagnies qui offrent des services d'entretien et de mécanique;"

Pour tous ces motifs, l'instruction en vertu de l'alinéa 145(2)(a) du Code devrait donc être annulée.

Instruction en vertu du paragraphe 145(1) du Code

Me Longtin soumet que "Dans son instruction, l'agent de sécurité se dit d'avis qu'ADM a enfreint l'article 124 de la Partie II du C.C.T., lequel stipule :

« L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail »,

alors qu'aucun employé d'ADM n'a subi d'accident au travail.

Interrogé à l'audience sur les mesures que devrait prendre ADM pour cesser toute contravention à l'instruction émise en vertu de l'article 145(1), l'agent Denis Caron affirme qu'il ne peut que constater la contravention, sans pouvoir indiquer à l'employeur les mesures à prendre de manière à y obtempérer. (ex : torche et caustique). L'agent Denis Caron affirme alors qu'il a constaté une contravention de l'employé à l'article 126(1)c) du C.C.T., (portant sur les obligations des employés). Cet article 126(1)c) stipule ce qui suit :

4 Dans l'aéronautique, l'expression "Ready to Taxi" signifie que le pilote et commandant de bord d'un aéronef s'est assuré que toutes les opérations d'entretien et autres sur l'aéronef sont terminées et que l'appareil est dégagé. Ce faisant, lorsque le pilote confirme au régulateur de traffic du tablier que son appareil est prêt à circuler, ce dernier transmet par radio au pilote le trajet à suivre sur le tablier et l'ordre de priorité qui lui est assigné.

« L'employé au travail est tenu :

c) de prendre les mesures nécessaire pour assurer sa propre sécurité et sa propre santé ainsi que celle de ses compagnons de travail et de quiconque qui risque de subir les conséquences de ses actes ou omissions; »

Par conséquent, pour qu'il y ait contravention à l'article 126(1)c) du C.C.T., encore faut-il que l'employé ait commis des actes ou omissions susceptibles de porter atteinte à la santé et sécurité de quiconque risquerait d'en subir les conséquences.

Or, la preuve a révélé hors de tout doute que les faits relatés par l'agent Denis Caron dans l'instruction à l'employeur en vertu du paragraphe 145(1), sont faux puisque non conformes à la réalité. L'analyse des diverses transcriptions de fréquence démontrent que Monsieur Tremblay "n'a jamais communiqué avec l'équipe de dégivrage de Canadian Airline pour demander à l'un de ses membres de rappeler lorsque le dégivrage du Boeing 747-400 de Royal Air Maroc serait terminé et n'a jamais été dans l'attente d'un tel appel ou confirmation. En fait, il n'appartient pas au régulateur de l'aire de trafic dans l'exécution de ses tâches de vérifier soit auprès de l'équipe de dégivrage ou du pilote si le dégivrage est terminé. Monsieur Robert Tremblay n'avait pas à demander au pilote si le dégivrage était terminé puisqu'en se déclarant prêt à circuler, le commandant de bord lui a transmis cette information."

Soumission du Procureur général du Canada

Le Procureur général du Canada a décliné de présenter des arguments à l'Agent régional de sécurité à l'appui des instructions pour lesquelles l'employeur a fait une demande de révision.

Décision

Il est important de souligner, à ce stage-ci, que le mutisme du Procureur général du Canada concernant la soumission de ADM est une reconnaissance tacite du bien-fondé de la soumission de ADM. C'est du moins la conclusion que j'en tire.

En ce qui concerne l'argumentation préliminaire de ADM, je suis en parfait accord avec l'argument de Me Longtin à l'effet que ADM n'a pas d'employés ni au centre de dégivrage, ni au poste de stationnement des aéronefs se trouvant sur faire de trafic principale, soit le tablier. Il est inconcevable qu'un agent de sécurité aussi expérimenté que monsieur Caron ait attribué une responsabilité à ADM en vertu du Code canadien du travail, une loi qui n'a d'application qu'à l'emploi dans un lieu de travail de juridiction fédérale.

D'ailleurs, le paragraphe 123(1) du Code précise sans équivoque le champ d'application du Code.

Il prévoit :

123(1) Malgré les autres lois fédérales et leurs règlements, la présente partie s'applique à l'emploi : (mon soulignement)

L'expression "à l'emploi" signifie qu'il doit exister une relation employeur-employé pour que la loi s'applique. Le libellé des deux instructions émises par l'agent de sécurité démontre clairement que les instructions s'appliquent à l'employeur, ce qui sous-ented que l'employeur aurait contrevenu à une disposition du Code en mettant la sécurité et la santé de ses employés à risque. Or, il a été démontré à ma satisfaction et hors de tout doute que ADM n'a pas d'employés oeuvrant au centre de dégivrage, ni à tout autre poste de stationnement. De plus, ADM n'a aucun contrôle sur les activités qui s'y déroulent puisqu'elle n'est impliqué d'aucune façon dans les opérations de dégivrage d'avions, cette activité étant la responsabilité entière de certaines compagnies aériennes et de compagnies spécialisées.

J'ai reproduis intentionellement dans ce document certaines parties de la soumission de Me Longtin concernant les deux instructions afin de sensibiliser le lecteur à la complexité d'opération d'un aéroport comme Mirabel. Ces extraits ont l'avantage de nous faire connaître non seulement la position de l'employeur vis-à-vis les instructions qu'il conteste mais aussi de nous expliquer de façon claire et précise le mécanisme de fonctionnement de la circulation dans un aéroport et les responsabilités spécifiques qui ont été assignées par le législateur aux divers intervenants dans ce domaine suivant le Règlement sur la circulation aux aéroports. Bien que ce règlement ait été soumis par l'agent de sécurité dans son rapport initial à l'Agent régional de sécurité, il est manifeste maintenant que l'agent n'a pas saisi le sens et l'importance des responsabilités qui avaient été assignées par le législateur à ADM de même qu'au régulateur du tablier, dans ce cas-ci monsieur Tremblay.

En effet, monsieur Tremblay n'a d'autres responsabilités vis-à-vis le centre de dégivrage que d'obtenir du capitaine et commandant de bord de l'aéronef la confirmation de ce dernier qu'il est prêt à circuler sur faire de traffic. Il n'appartient pas au régulateur de tablier de s'assurer auprès de l'équipe de dégivrage ou du pilote que toutes les opérations d'entretien sont terminées et que l'appareil est dégagé et prêt à circuler. Cette responsabilité incombe au pilote et commandant de bord de l'aéronef. Ce dernier a d'ailleurs assumé cette responsabilité lorsqu'il s'est déclaré "Ready to Taxi".

Le rôle du régulateur de tablier a été très bien décrit par Me Longtin. Qu'il suffise de dire que le régulateur de tablier doit veiller à ce que la circulation qui se fait sur le tablier se fasse en toute sécurité. Pour ce faire, il doit voir à ce que tout appareil qui se déclare prêt à circuler demeure dans l'attente jusqu'à ce qu'il l'informe que le tablier est dégagé et qu'il peut procéder. S'il y a de la circulation sur le tablier ou si d'autres avions ont demandé la permission de circuler, le régulateur de tablier informe le pilote en conséquence et l'informe de sa priorité pour circuler. Le rôle du régulateur de tablier est de contrôler la circulation sur le tablier. Par conséquent, l'instruction (ANNEXE C) émise à monsieur Tremblay serait sans fondement.

En tant qu'employé de ADM, la sécurité et la santé de monsieur Tremblay, ou de tout autre employé de ADM, n'a évidemment jamais été mise à risque. Par conséquent, ADM ne peut être tenu responsable d'une infraction quelconque du Code, en tant qu'employeur, pour ne pas avoir protégé la sécurité et la santé de ses employés.

En ce qui concerne l'allégation de l'agent de sécurité à savoir qu'il existait un danger au centre de dégivrage, ce danger, si danger il y avait ce soir-là, est un danger qui n'a pas été décrit par l'agent de sécurité. Danger est défini au paragraphe 122(1) du Code comme suit : "danger" Risque ou situation susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant qu'il ne puisse y être remédié. (mon soulignement)

Le pouvoir de l'agent de sécurité de remédier à un danger a été circonscrit à l'alinéa 145(2)(a) du Code. Cette disposition prévoit :

145(2) S'il estime que l'utilisation d'une machine ou d'une chose ou qu'une situation existant dans un lieu constitue un danger pour un employé au travail, l'agent de sécurité : a) en averti l'employeur et lui enjoint, par des instructions écrites, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu'il précise :

Il est clair de ce qui précède que le danger qui existe doit être décrit à l'employeur. De plus, il doit en être un qui peut être corrigé, qu'il doit affecter la sécurité et la santé d'un employé et que c'est l'employeur de cet employé qui doit apporter le correctif. Or ces conditions ne se rencontrent pas dans la situation qui nous concerne. ADM n'a aucun contrôle sur les activités qui se déroulent au centre de dégivrage puisque ce contrôle appartient aux diverses compagnies qui font le dégivrage. ADM ne peut donc pas corriger la situation puisqu'il n'a pas d'employés oeuvrant au centre de dégivrage.

Je me dois de faire un commentaire concernant la conclusion qu'a tiré l'agent de sécurité dans l'instruction (ANNEXE B) donné en vertu du paragraphe 145(1) du Code. Dans cette instruction, l'agent conclut :

... l'employé n'a donc pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé de quiconque risquait de subir les conséquences de ses actes ou omissions, de telle sorte que des accidents sont survenus. (mon soulignement)

Cette conclusion de l'agent de sécurité est lourde de conséquences pour ADM puisqu'elle attribue à ADM la responsabilité de l'accident. Elle expose ADM à des poursuites au civil alors que les autorités ayant la responsabilité de déterminer les causes de l'accident ne s'étaient pas encore prononcées. Dans des situation semblables, rien n'empêche l'agent de sécurité de mener une enquête en vertu du Code. Toutefois, la responsabilité de l'agent de sécurité dans ces cas est de déterminer s'il y a eu contravention au Code et non d'assigner la responsabilité de l'accident.

Le commentaire "de telle sorte que des accidents sont survenus" était un commentaire gratuit de l'agent de sécurité puisqu'à l'audience, l'agent à démontré qu'il était un profane du domaine de l'aéronautique. L'agent de sécurité savait pertinamment bien que le Bureau de sécurité des transports enquêtait dans cette affaire et qu'en vertu de la Loi sur le bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports ce Bureau avait la compétence pour déterminer les causes de l'accident. C'est en collaboration avec les enquêteurs de ce Bureau que l'agent de sécurité aurait dû procéder, ce qu'il n'a pas fait. En somme, ADM n'a aucun rôle dans cette affaire et n'aurait jamais du être identifié par l'agent de sécurité comme une des parties responsables de l'accident.

Pour toutes les raisons qui précèdent, J'ANNULE PAR LA PRÉSENTE l'instruction (ANNEXE A) émise en vertu de l'alinéa 145(2)(a) du Code, le 4 février 1995 par l'agent de sécurité Denis Caron à Aéroports de Montréal; et J'ANNULE PAR LA PRÉSENTE l'instruction (ANNEXE B) émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code le 15 mars 1995 par l'agent de sécurité Denis Caron à Aéroports de Montréal.

De plus, afin qu'il n'existe aucune mésentente à ce sujet et pour les raisons énumérées à l'audience et au début de ce texte, la demande de révision de l'instruction (ANNEXE C) émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code par l'agent de sécurité Denis Caron à monsieur Robert Tremblay, employé de Aéroports de Montréal, étant inopportune, ladite DEMANDE EST REJETÉE.

Décision rendue le 6 septembre 1995

 

Serge Cadieux Agent régional de sécurité

 

ANNEXE-A

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR EN VERTU DE L’ALINÉA 145(2)a)

Le 2 février 1995, l'agent de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par Aéroports de Montréal, employeur assujetti à la partie II du Code Canadien du travail, et sis au 12655, rue Commerce A-4, 7e étage, Mirabel (Qc), ledit lieu étant parfois connu sous le nom de centre de dégivrage de l'Aéroport int'1 de Montréal, Mirabel.

Ledit agent de sécurité vous ordonne jusqu'à nouvel ordre, de vous assurer que le régulateur du tablier confirme auprès du pilote qui désire quitter le centre de dégivrage, que celui-ci a obtenu le signal visuel l'avisant que l'équipe de dégivrage a terminé, avant d'accorder un droit de circulation.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145(2)a) de la partie II to Code canadien du travail, de procéder, immédiatement, à l'application de la présente instruction.

Fait à Montréal, ce 4e jour de février 1995.

 

ANNEXE-B

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR5 EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

Le 21 janvier et le 2 février 1995, l'agent de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par la Compagnie Aéroport International de Montréal, Mirabel, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 12655, rue Commerce A- 4, 7e étage, Mirabel (Québec), J7N 1E1, lesdits lieux concernés étant parfois connus sous les noms de Centre de dégivrage et APRON CONTROL.

Ledit agent de sécurité est d'avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail est enfreinte :

L'article 124. de la partie II du Code canadien du travail (partie II).

L'employeur en permettant à M. Robert Tremblay, "régulateur de tablier" de donner l'autorisation de circuler au pilote du B 747-400 de R.A.M., alors que M. Tremblay n'avait pas reçu de réponse à deux (2) appels demandant à l'équipe qui dégivrait de confirmer que le dégivrage était terminé et qu'en plus, le régulateur, M. Tremblay ne s'est pas informé auprès du pilote si le dégivrage était terminé, donc, l'employeur n'a pas exercé la surveillance nécessaire pour assurer la sécurité et santé de quiconque subissait les conséquences des actions ou omissions de M. Tremblay de telle sorte que des accidents sont survenus.

PAR CONSÉQUENT, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention immédiatement.

Fait à LaSalle, ce 15e jour de mars 1995. 5 Voir note #3 ci-dessus.

 

ANNEXE-C

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL INSTRUCTION À L'EMPLOYÉ EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

Le 31 janvier 1995, l'agent de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail qui est sous l'autorité de la compagnie Aéroport International de Montréal, Mirabel, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et pour qui M. Robert Tremblay oeuvre comme régulateur de tablier. Cette compagnie est sise au 12655, rue Commerce A-4, 7e étage, Mirabel (Québec) J7N 1El, lesdits lieux de travail concernés par l'enquête étant parfois connus sous les noms de Centre de dégivrage et APRON CONTROL.

Ledit agent de sécurité est d'avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail est enfreinte :

L'alinéa 126.(1)c) de la partie II du Code canadien du travail, (partie II) :

L'employé a communiqué par radio à deux (2) reprises avec l'équipe qui dégivrait le B 747-400 de R.A.M. La première fois, il a rejoint l'équipe et leur a demandé de rappeler lorsque le dégivrage serait terminé. La deuxième fois, il a essayé de rejoindre cette même équipe de dégivrage pour leur demander de confirmer que le dégivrage était termine; ce fut sans succès. N'ayant pas reçu de confirmation pour aucun de ces appels et de plus, en accordant au pilote le droit de circuler sans s'informer auprès de celui-ci si le dégivrage était terminé, l'employé n'a donc pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé de quiconque risquait de subir les conséquences de ses actes ou omissions, de telle sorte que des accidents sont survenus.

PAR CONSÉQUENT, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention immédiatement.

Fait à LaSalle ce 15e jour de mars 1995.

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

Décision no : 95-012

Requérante : Aéroport de Montréal

Dispositions : Code 145(1), 145(2)(a), 124, 126(1)(c)

Mots Clés : Dégivrage, régulateur de tablier, pilote, ready to taxi, girafe, nacelle, camion de dégivrage, emploi, BST (Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports.

Suite à un accident qui s'est produit pendant le dégivrage d'un avion de Royal Air Maroc (RAM) au centre de dégivrage de l'aéroport international de Mirabel dans lequel trois employés de la compagnie Canadien International Ltée (Canadien) ont connu une fin tragique, l'agent de sécurité à donné deux instructions à Aéroports de Montréal (ADM) et une instruction au régulateur de traffic au tablier principal de l'aéroport, un employé de ADM.

En ce qui concerne les deux instructions données à ADM, soit une en vertu de l'alinéa 145(2)(a) du Code et l'autre en vertu du paragraphe 145(1) du Code, l'Agent régional de sécurité a déterminé que ADM n'aurait pas du être ciblé par l'agent de sécurité comme une partie ayant une part de l'accident parce que ADM n'a aucun contrôle sur les activités qui s'y déroulent. De plus l'agent n'avait pas décrit le danger allégué dans l'instruction. L'Agent régional de sécurité a aussi déterminé que la sécürité et la santé des employés de ADM n'a jamais été mise à risque et que puisque le Code s'applique à l'emploi, cette relation employeur-employé devait s'y retrouver. L'Agent régional de sécurité a annulé les deux instructions à ADM.

L'instruction donnée à l'employé exigeait que ce dernier confirme avec le pilote de l'avion que le dégivrage était terminé avant d'accorder au pilote le droit de circuler sur le tablier. L'instruction étant inopportune la demande a été rejetée. Toutefois, dans les faits discutés lors de la révision des deux instructions données à ADM, il a été démontré que le rôle du régulateur de tablier était uniquement de s'assurer que toute circulation sur le tablier se fasse en toute sécurité. Ce n'est pas le rôle du régulateur de tablier de s'assurer que le pilote était "Ready to Taxi", une expression qui fut décrite comme étant la responsabilité du pilote de s'assurer que toutes les opérations d'entretien et autres étaient complétées et que l'appareil était dégagé et par conséquent prêt à circuler.

Détails de la page

Date de modification :