Archivée - Décision no 96-008 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

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Révision en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail,
partie II, d'une instruction émise par un agent de sécurité

Requérant : Transport Super Rapide inc.
                  Montréal, Québec
                  Représenté par : Me François Bouchard

Partie intéressée : Teamsters, Local 931
                           Représenté par : Réjean Massé, Agent d'affaires

Mis-en-cause : Pierre Morin
                        Agent de sécurité
                        Développement des ressources humaines Canada

Devant : Serge Cadieux
              Agent régional de sécurité
              Développement des ressources humaines Canada

Dans cette affaire, nous avons procédé par voie de soumissions écrites et par conférence
téléphonique.

Historique

Le 3 novembre 1995, l'agent de sécurité Pierre Morin se présente à la cimenterie Ciment Lafarge
Canada inc. pour y faire une inspection en vertu de la Partie II du Code canadien du travail
(ci-après le Code). L'agent de sécurité s'est rendu à ce lieu pour constater les manoeuvres de
travail des employés de Transport Super Rapide inc.. Dans son Rapport Circonstanciel, l'agent
se sécurité décrit ses observation de la manière suivante :

"Au moment de ma visite, j'ai observé les opérations de travail de deux (2) employés de
compagnies différentes, soit ciment Lafarge et Transport Super Rapide. L'observation
m'a permis de constater que dans les deux (2) cas, les employés doivent accéder au
couvert situé sur le dessus de la citerne en marchant le long d'un grillage métallique.
Ils doivent faire cette opération avant le chargement pour ouvrir le couvercle et après
le chargement pour fermer le couvercle. J'ai pu constater que le dessus de la citerne de
Transport Super Rapide possédait deux (2) petits trottoirs métalliques, adjacents l'allée
principale. Aussi, j'ai pu constater que la hauteur de ces aires de trottoirs excédait 2,4
mètres de hauteur.

De retour à mon bureau, j 'ai consulté des décisions de 1 'agent régional pour des cas
similaires, soit : Mantei's Transport ltd, Calgary, Alberta;
Auto Haulaway Inc., Oakville, Ontario;
MCC Motors Carriers limited, Oshawa, Ontario.

Les lectures de ces décisions donnaient raison aux agents de sécurité du Canada qui
avaient ordonné aux employeurs de prendre des mesures de conformité afro de
rencontrer les dispositions réglementaires de l’article 12.10(1) (a) et (I) pour toute
structure non protégée qui est à plus de 2, 4 mètres au-dessus du niveau permanent sur
le plus proche.

Considérant donc que le camion citerne observé ne rencontrait pas les dispositions
réglementaires même si un trottoir adjacent l'allée principale n'empêcherait pas
l'employé de tomber s'il perdait pied.

Pour toutes les raisons mentionnées, j'ai adressé à l'employeur Transport Super Rapide
une instruction lui demandant de rencontrer les dispositions réglementaires afin de
rendre sécuritaire l'accès à ses employés sur le dessus des citernes. "

Une instruction (ANNEXE) fut donnée à l'employeur en vertu du paragraphe 145(I) du Code
canadien du travail, Partie II (ci-après le Code).

Soumission pour l'employeur

Me Bouchard a soumis les trois arguments suivants à l'agent régional de sécurité :

-  les camions-citernes exploités par notre cliente ne constituent pas une structure au sens de
l'article 12.10 du Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail;
 
-  les normes ACNOR énumérées au paragraphe a), b) et c) de l'article 12.10.2 du Règlement du
Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail ne s'appliquent manifestement pas au type
d'opération exécutée par les employés de notre cliente. L'article 12.10 dudit règlement, sous ce
deuxième aspect, ne peut donc trouver application en l'espèce;
 
-  de façon générale, une lecture approfondie du Règlement du Canada sur l'hygiène et la
sécurité au travail, des autres règlements et du Code canadien du travail démontre que notre
cliente n'a pas à se conformer aux instructions de l'agent Morin.

De plus, Me Bouchard précise que dans une affaire impliquant Transport Provost, un juge d'une
Cour ontarienne a acquitté ce transporteur dans un cas relativement identique en celui en l'espèce.
Me Bouchard a subséquemment demandé à l'agent régional de sécurité de suspendre les débats
dans cette affaire jusqu'à ce qu'une décision soit rendue par une Cour d'appel en Ontario, la
décision du juge de première instance ayant été portée en appel, ce qui a été fait.

Soumission pour l'employé

M. Massé n'a pas eu à soumettre des arguments dans cette affaire. En effet, suite à une
conversation style conférence téléphonique à laquelle il participait, de même que Me Bouchard,
M. Morin accompagné de son conseiller technique M. Richard Dupuis et moi-même, nous avons
convenu que la décision de la Cour d'appel avait effectivement tranché le litige de cette affaire.

Décision

La question que je dois résoudre dans cette affaire est la suivante : Un camion-citerne
constitue-t-il une structure au sens où l'entend l'alinéa 12.10(1)(a)(i) du Règlement? Cette
disposition prévoit ce qui suit :

12.10(1) L'employeur doit fournir un dispositif de protection contre les chutes à toute
personne qui travaille sur l'une des structures suivantes, à l'exception d'un employé qui installe ou
qui démonte un tel dispositif selon les instructions visées au paragraphe (5) :
a) une structure non munie d'un dispositif de protection qui est :
(i) à plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche,

Les agents de sécurité du ministère du Développement des ressources humaines ont, dans
l'exercice de leurs fonctions, mené des enquêtes et des inspections dans tous les domaines de
compétence fédérale, y compris l'industrie du camionnage inter-provincial. Ils étaient donc
justifiés de prétendre que les structures visées par l'article 12.10 du Règlement s'adressaient
également à l'industrie du camionnage. Par conséquent, les camions ont été considérés comme dés
structures et toute l'industrie du camionnage inter-provincial devait se conformer à l'exigence
réglementaire décrite ci-dessus. Le Bureau de l'agent régional de sécurité a aussi interprété cette
disposition dans le même sens. De plus, l'agent de sécurité s'est basé, en partie, sur des décisions
que j'ai rendues pour émettre l'instruction en annexe.

Toutefois, dans la récente affaire Her Majesty the Queen v. Transport Provost inc., (Honorable
Juge J.H. Jenkins a interprété l'article 12.10 du Règlement dans le sens inverse. Il confirmait la
décision rendue par (Honorable Juge D.M. Stone de la Cour d'Ontario (Division Provinciale) dans
laquelle l'intimé (Provost Transport) a été acquitté de six chefs d'accusation déposés par la partie
demanderesse (la Couronné) pour des infractions au Code canadien du travail et au Règlement
du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail. Tout le débat a été centré autour de ce qui
constitue une structure au sens où l'entend l'article 12.10 du Règlement.

L'Honorable Juge J.H. Jenkins a analysé la jurisprudence, a pris en considération la définition de
divers dictionnaires, a appliqué les règles d'interprétation et a rendu le jugement suivant :

"I am satisfied that the ordinary meaning of structure cannot include a truck or tank
trailer.

Applying an expanded meaning to the word structure, since the legislation is remedial
by nature, it cannot in my view include a truck or tanker trailer which are mobile
vehicles. Under certain circumstances, if a tank trailer were converted to a non-mobile
permanent use similar to a house trailer, then it might qualify under the expanded
definition. The legislature must have considered this issue, since it dealt with
unguarded structures, temporary structures, and ladders in section 12.10.

I agree with the lerned trial judge in his interpretation of the law, and dismiss this
appeal. "

L'instruction de l'agent de sécurité fut émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code. Cette
disposition autorise l'agent de sécurité à émettre une instruction, dans ce cas-ci à l'employeur, "s'il
est d'avis qu'il y a contravention à la présente partie...". C'est exactement ce que l'agent de
sécurité a fait en l'espèce en précisant que Transport Super Rapide avait enfreint, les dispositions
suivantes du Code, à savoir :

L'alinéa 125. (I) de la partie II du Code canadien du travail, et le sous-alinéa 12.10(1)
(a) (i) de la partie XII (matériel, équipement, dispositifs, vêtements de sécurité) du
Règlement du Canada sur l'hygiène et la sécurité au travail.

Puisque la Couronne a été débouté à deux reprises par des cours ontariennes, force m'est de
reconnaître le bien-fondé des décisions rendues. Il s'ensuit que la signification ordinaire du terme
structure ne peut s'entendre pour inclure un camion, un camion-citerne ou une remorque-citerne.
Ceci ne signifie pas qu'il n'y a pas de risques à travailler sur des véhicules mobiles à plus de
2,4 mètres du niveau permanent sûr le plus proche. Je ne fais que reconnaître que le Règlement ne
prévoit pas de dispositions spécifiques pour les employés travaillant sans protection sur ces
véhicules. Puisque l'instruction de l'agent de sécurité est fondée sur une telle disposition
spécifique, je me dois de l'annuler puisqu'elle n’est pas justifiée en droit.

Le pouvoir de l'agent régional de sécurité, lorsqu'il siège en révision d'une instruction, est précisé
au paragraphe 146(3) du Code. Cette disposition prévoit ce qui suit :

(3) L'agent régional de sécurité mène une enquête sommaire sur les circonstances ayant
donné lieu aux instructions et sur la justification de celles-ci. Il peut les modifier,
annuler ou confirmer et avise par écrit de sa décision l'employeur, l'employé ou le
syndicat en cause. (mon soulignement)

Par conséquent, même si l'on reconnaît qu'il existe des risques à travailler sur ces véhicules sans
dispositifs de protection, la loi n'autorise pas l'agent régional de sécurité à émettre une nouvelle
instruction à l'employeur en vertu de l'alinéa 145(2)(a) du Code. J'ai traité de cette situation dans
l'affaire Westcoast Energy Inc. c. Comité de sécurité et de santé au travail et Canadian Pipeline
Employees'Association, décision non rapportée No. 93-007, p.8, dans laquelle j'écrivais :

"Je ne conclus pas d'après ce qui précède que l'absence d'une marche à suivre pour
l'interruption d'une opération de raclage n'expose pas l'employé à un risque, mais
simplement que l'absence d'une telle marche à suivre ne constitue pas une contravention
à laquelle il peut être mis fin en application du paragraphe 145(1) du Code. En outre,
comme l'agent de sécurité a affirmé avoir pris des mesures en application de ce
paragraphe, je ne puis me pencher sur la question de savoir si l'agent de sécurité aurait
pu prendre des mesures en application du paragraphe 145(2) du Code. Pour ce faire, je
devrais remplacer la décision de l'agent de sécurité par la mienne et, au besoin, donner
des instructions, pouvoir que L’article 146 du Code ne confère pas à l'agent régional de
sécurité. "

Pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, J'ANNULE l'instruction émise le 23 novembre
1995 en vertu du paragraphe 145(1) du Code par l'agent de sécurité Pierre Morin à Transport
Super Rapide inc.

Décision rendue le 25 avril 1996

Serge Cadieux
Agent régional de sécurité

ANNEXE

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL
INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

Le 3 novembre 1995, l'agent de sécurité soussigné a procédé à une vérification des procédures de
travail utilisées par les employés lors d'activités de chargement des citernes de camions
exploitées par Transport Super Rapide Inc., employeur assujetti à la partie II du Code canadien
du travail, et sis au 12321, boul. Métropolitain est, Montréal (Québec) H3B 3Z5.

Ledit agent de sécurité est d'avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien
du travail sont enfreintes :

L'alinéa 125.(j) de la partie II du Code canadien du travail, et le sous-alinéa 12.10(1)(a)(i) de la
partie XII (matériel, équipement, dispositifs, vêtements de sécurité) du Règlement du Canada sur
l'hygiène et la sécurité au travail.

En l'occurrence, les personnes travaillant à plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le
plus proche ne sont pas protégées contre les chutes.

Par la présente, vous avez l'ordre conformément au paragraphe 145.(1) de la partie II du Code
canadien du travail, de mettre fin aux infractions au plus tard le 20 janvier 1996.

Fait à Montréal, ce 23° jour de novembre 1995.

Pierre Morin
Agent de sécurité
No. 1726

A : Transport Super Rapide Inc.
     12321, boul. Métropolitain est
      Montréal (Québec)
      H3B 3Z5

Décision no 96-008

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

Demandeur : Transport Super Rapide

Partie intéressée : Teamsters, Local 931

MOTS CLÉS

Structure, camion, camion-citerne, Transport Provost.

DISPOSITIONS

Code : 125(j), 145(1)
Regs : 1J2.10(1)(a)

RÉSUMÉ

Un agent de sécurité a émis une instruction en vertu du paragraphe 145(1) du Code pour une
violation de l'alinéa 12.10(1)(a) du Règlement. Cette disposition prévoit qu'un dispositif de
protection anti-chute doit être fourni à tout employé qui travaille sur une structure non protégée à
plus de 2,4 mètres du niveau permanent sûr le plus proche. Cette instruction était dans le même
sens que des décisions antérieures rendues par l'agent régional de sécurité et dans lesquelles les
camions en général étaient assimilés à des structures.

Toutefois, dans une cause similaire qui s'est retrouvée devant la Cour d'appel de l'Ontario, le Juge
en est venu à la conclusion qu'un camion ou un camion-citerne n'était pas une structure au sens où
l'entend l'article 12.10 du Règlement. L'agent régional de sécurité n'a donc eu d'autre choix que
d'ANNULER l'instruction, celle-ci n'étant pas fondée en droit.

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