Archivée - Decision: 96-020 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL
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Révision en vertu de l’article 146 de la partie II du Code canadien du travail
d’une instruction émise par un agent de sécurité
No de la décision 96-020
Demandeur : Service correctionnel du Canada
Représenté par : Harvey Newman et Agnès Lévesque,
Avocats affectés par le ministère de la Justice du Canada au
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada
Défendeur : Brad Brown
Service correctionnel du Canada
Représenté par : Guy Beasley et Richard Taylor,
de l’Alliance de la fonction publique du Canada
Mis en Cause: Chris Mattson
Agent de sécurité
Développement des ressources humaines Canada
Devant : Serge Cadieux
Agent régional de sécurité
Développement des ressources humaines Canada
Une audience orale a eu lieu à Kingston, en Ontario, le 17 septembre 1996. Messieurs Brown et Taylor, de l’Alliance de la fonction publique du Canada, ont convenu que M. Beasley prendrait la parole au nom de M. Brown, l’employé ayant refusé le poste auquel il avait été affecté.
Contexte :
Le 15 janvier 1996, M. Brad Brown a été affecté à titre intérimaire à un poste supérieur1 de CO-II, au deuxième étage de la section 3 (trois). Peu après s’être présenté à la section 3, M. Brown a informé M. K. Allen, son superviseur, qu’il voulait exercer son droit de refuser du travail dangereux pour des raisons personnelles de santé et de sécurité. M. Allen a enquêté sur le refus en présence du comité de santé et de sécurité, lequel était composé des personnes suivantes :
M. Brown; M. C. Willows, représentant du Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG); M. A. Audet, représentant du comité de santé et de sécurité à l’Établissement de Joyceville; et M. D. Hutchinson, co-président du comité de santé et de sécurité. Aucune enquête à proprement parler n’a été effectuée sur les lieux. Après l’enquête du refus, M. Hutchinson a dit que, selon lui, il n’y avait pas de danger et les parties ont communiqué cette conclusion à l’agent de sécurité de Développement des ressources humaines Canada.
L’agent de sécurité Chris Mattson a enquêté sur le refus en présence des parties. La « déclaration de refus » signée par M. Brown se lit comme suit :
[Traduction]
« Le 15 janvier 1996, j’ai invoqué la partie II du Code canadien du travail pour des raisons personnelles de santé et de sécurité. »
M. Brown a dit à l’agent de sécurité Mattson qu’il n’avait pas été formé pour occuper à titre intérimaire un poste de niveau CO-II, et que cette absence de formation, associée à son problème de santé, constituait une situation dangereuse pour lui. Il a affirmé qu’il pourrait obtenir une lettre de son médecin confirmant son problème de santé. Il a également remis à l’agent de sécurité Mattson un exemplaire d’une politique nationale sur les affectations à titre intérimaire ainsi qu’une politique de l’Établissement de Joyceville traitant de la même question. M. Brown a indiqué que les politiques, qui avaient été élaborées pour des motifs de sécurité, n’avaient pas été respectées par l’employeur lorsque celui-ci l’avait choisi pour occuper à titre intérimaire un poste de CO-II. La politique nationale précise que seuls des employés possédant toutes les compétences nécessaires peuvent être choisis pour occuper des postes à titre intérimaire. La politique de l’Établissement de Joyceville conseille aux superviseurs de commencer par combler les postes intérimaires de CO-II à partir d’une liste des CO-I qui sont compétents et qui ont manifesté le désir d’occuper un poste de niveau supérieur à titre intérimaire. Il est ensuite conseillé aux superviseurs de choisir des CO-I dont le nom figure sur la liste qui ont déjà occupé un poste de CO-II à titre intérimaire. M. Brown a en outre indiqué que l’employeur avait refusé de confirmer par écrit qu’il ne serait tenu d’accomplir que les fonctions d’un CO-II concernant la sécurité et non les fonctions d’un CO-II concernant la gestion des dossiers. Il a dit qu’il était disposé à combler le poste vacant de CO-II en tant que CO-I. Or, l’employeur n’était pas d’accord avec ce que proposait M. Brown.
À la suite de son enquête, l’agent de sécurité Mattson est parvenu à la conclusion que le fait d’affecter M. Brown à un poste de CO-II constituait un danger pour l’employé au travail, parce que M. Brown n’était pas physiquement apte ni formé ou qualifié pour faire le travail d’un CO-II. La directive de l’agent Mattson se lit comme suit :
[Traduction]
« En conséquence, je vous ordonne par les présentes, conformément à l’alinéa 145(2)(a) de la partie II du Code canadien du travail, de ne pas affecter M. Brown à un poste de CO-II, à moins qu’il possède les compétences voulues et qu’il soit physiquement apte pour effectuer le travail. »
Arguments au nom de l’employeur
M. Harvey Newman, avocat de l’employeur, a affirmé au cours de l’audience que l’agent de sécurité Mattson avait commis une erreur en jugeant qu’il existait une situation dangereuse, et que l’instruction donnée par l’agent de sécurité devait être annulée. Cette affirmation était étayée par un document écrit soumis avant l’audience par M. Don Hutchinson, directeur adjoint, Services administratifs, Établissement de Joyceville. Le document, qui a été versé au dossier de l’affaire, ne sera donc pas décrit ici. Les arguments invoqués par M. Newman au cours de l’audience avaient principalement trait à la législation et à son application à la présente affaire. Voici certains points tirés des arguments de M. Newman :
1. Le refus de travailler de M. Brown n’est pas lié à un « danger » au sens de l’alinéa 128(1)b) du Code canadien du travail. La situation dangereuse à laquelle prétend s’exposer M. Brown est attribuable à son problème de santé et non à un danger dans le lieu de travail. L’affaire Bliss2 est citée à l’appui de cette prétention.
2. Le Conseil canadien des relations du travail (CCRT) et la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) ont confirmé dans des décisions antérieures3 que le droit de refus peut être invoqué seulement lorsque le danger est réel et immédiat. L’avocat de l’employeur a affirmé que le danger invoqué par M. Brown était hypothétique, et non réel ou immédiat. Au cours de l’enquête de l’agent de sécurité, rien n’a été présenté qui démontrait que quelque chose de précis risquait de survenir aussitôt que M. Brown occuperait à titre intérimaire le poste de CO-II.
3. Les documents relatifs à la politique sur les affectations à titre intérimaire de l’Établissement de Joyceville que des employés avaient remis à l’agent de sécurité Mattson n’étaient plus en vigueur parce que la politique en question avait été abandonnée. D’autres CO-I avaient affirmé que la politique était injuste et que tous les CO-I devraient être affectés à un poste supérieur à titre intérimaire.
4. L’alinéa 128(2)(b) ne permet pas à un employé d’exercer son droit de refus prévu par la loi lorsque le danger est inhérent à son emploi ou en constitue une condition normale. M. Newman a cité à l’appui des affaires4 dans lesquelles les deux commissions ont conclu que le droit de refus ne s’appliquait pas parce que le travail était considéré comme une tâche normale de l’emploi. M. Page, le chef de la section, a témoigné que le fait d’occuper un poste à titre intérimaire et de s’acquitter des responsabilités d’un CO-II concernant la sécurité sont des fonctions normales d’un CO-I. Les fonctions d’un CO-II concernant la sécurité sont semblables à celles qui sont définies dans la description de poste d’un CO-I.
5. Dans des décisions antérieures, la CRTFP a confirmé que c’est à l’employeur qu’il incombe de décider quels employés ont reçu une formation adéquate et d’affecter les fonctions en conséquence. Des décisions5 ont été citées à l’appui.
6. Le CCRT a confirmé dans des affaires antérieures6 que le droit de refus ne peut être invoqué en rapport avec des questions de négociation collective. Cette affaire concernant un droit de refus a trait non pas à un danger, mais bien à un problème de longue date relatif aux relations patronales-syndicales. Il a été fait référence à une lettre du syndicat datée du 26 avril 1995 et signée par Linda Cross, alors présidente de la section locale du Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG). Dans la lettre, il est conseillé aux membres du SESG d’invoquer le droit de refuser du travail dangereux, droit prévu à la partie II du Code, pour la raison qu’ils n’ont pas les compétences nécessaires pour occuper à titre intérimaire un poste de CO-II. M. Brown est actuellement président de la section locale du SESG, à la prison de Joyceville.
7. Le droit de refus n’était pas le seul moyen d’action qui s’offrait à M. Brown. En effet, ce dernier aurait dû démissionner ou refuser d’effectuer le travail pour ensuite soumettre l’affaire à un processus de grief.
8. Le Ministère n’est pas convaincu que le médecin de M. Brown connaissait tous les faits relatifs aux deux descriptions de poste ou au problème de longue date qui opposait l’employeur au syndicat lorsqu’il a rédigé sa lettre. Le Ministère a demandé à M. Brown de voir un médecin de Santé Canada.
9. La décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario7 citée par le représentant de l’employé n’a pas confirmé que la législation sur la santé et la sécurité au travail s’applique au stress causé par l’interaction entre les gens. L’affaire Bliss est la décision jurisprudentielle la plus pertinente à cet égard, car elle renvoie directement à la partie II du Code canadien du travail.
Arguments au nom de l’employé
M. Brown n’a pas présenté d’éléments de preuve à l’audience; toutefois, il avait remis à l’agent de sécurité Mattson une déclaration écrite de suivi concernant son refus. La déclaration, qui a été versée au dossier, ne sera pas répétée ici.
M. Guy Beasley a présenté des arguments à l’audience pour le compte de M. Brown. Voici certains points tirés des arguments de M. Guy Beasley :
1. M. Brown a exercé son droit de refuser du travail le 15 janvier 1996, pour des raisons personnelles de santé et de sécurité, et non dans le cadre d’une intrigue organisée par le syndicat. En fait, il a exercé son droit de refus environ huit mois après la date qui apparaît dans la lettre du syndicat à laquelle a fait référence le porte-parole de l’employeur.
2. M. Brown avait déjà exercé son droit de refus pour la même raison, le 5 janvier 1996. À cette occasion, il avait dit à M. Lepage qu’il avait un problème de santé qui s’aggraverait sûrement s’il était tenu d’occuper à titre intérimaire un poste de CO-II. Dans sa lettre, le médecin indique que M. Brown souffre d’hypertension artérielle, problème pour lequel ce dernier est traité, et que, comme M. Brown estime qu’il n’a pas reçu la formation nécessaire et qu’il n’est pas fait pour occuper un poste de CO-II, cette nomination provisoire risque d’aggraver son état de santé.
3. L’employeur n’a pris aucune mesure en ce qui concerne le problème de santé de M. Brown et, le 15 janvier 1996, a insisté pour qu’il occupe à titre intérimaire le poste de CO-II, même si d’autres agents CO-I étaient disposés à remplir ces fonctions et étaient en mesure de le faire. Cette attitude démontrait que l’employeur faisait peu de cas de la santé de M. Brown, qui n’avait plus d’autre choix que d’exercer son droit de refus. Comme l’employeur a omis de s’acquitter des responsabilités qui lui incombent selon la partie II, à savoir protéger la santé et la sécurité de M. Brown, il incombait à l’agent de sécurité d’intervenir.
4. L’article 12 de la Loi d’interprétation prévoit que le sens le plus large doit être donné à tout terme non défini dans la législation. Comme le terme « risque » n’est pas défini dans la partie II, l’agent de sécurité était tenu de faire enquête sur l’affaire et de se prononcer sur le droit de refus de M. Brown.
6. Cette affaire diffère des affaires Evans - CRTFP citées par le représentant de l’employeur en ce que ces affaires concernent la formation d’autres personnes.
7. Dans une décision récente8, la Commission des relations de travail de l’Ontario a exprimé l’avis selon lequel un danger ou une situation peut avoir trait à une personne; pour cette raison, l’agent de sécurité Mattson était habilité à trancher le différend.
8. Le porte-parole de l’employeur dit qu’il n’y a pas beaucoup de différences entre la formation qui est donnée pour remplir les fonctions d’un CO-I ou d’un CO-II concernant la sécurité. Comment M. Brown était-il censé pouvoir dire à son employeur si sa formation présentait des lacunes?
9. M. Brown aurait pu soumettre une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne au sujet des fonctions qui lui avaient été imposées par l’employeur, mais le règlement de l’affaire aurait pu prendre de six mois à plusieurs années. En conséquence, le dernier recours qui s’offrait à M. Brown pour protéger sa santé et sa sécurité consistait à exercer son droit de refus.
Décision:
La question à trancher dans cette affaire est de savoir s’il existait, au moment de l’enquête menée par l’agent de sécurité, une situation qui constituait un danger pour M. Brown. Le rapport de l’agent de sécurité est très clair; j’exposerai toutefois les faits suivants tirés de son rapport, lesquels l’ont amené à décider qu’un danger existait au moment de son enquête :
1. M. Brown n’a jamais été formé en tant que CO-II;
2. la direction a refusé de confirmer officiellement par écrit à M. Brown qu’il n’avait pas à effectuer les tâches d’un CO-II relatives à la gestion des dossiers;
3. la marche à suivre concernant les affectations intérimaires à l’Établissement de Joyceville n’a pas été observée;
4. M. Brown a un problème de santé qui pourrait être aggravé s’il était tenu d’effectuer des fonctions de CO-II relatives à la gestion des dossiers; de plus, la direction n’a pris aucune mesure après avoir été informée, le 5 janvier 1996, du problème de santé de M. Brown.
Du rapport de l’agent de sécurité et des positions des parties, je retiens les faits suivants relativement à la question de savoir si M. Brown a été formé pour remplir les fonctions d’un CO-II :
1. M. Page, le chef de la section, a témoigné que le fait d’assumer à titre intérimaire les responsabilités d’un CO-II relatives à la sécurité est un aspect normal du poste de CO-I. Ces fonctions sont confirmées à l’article 5 de la description de poste de CO-I soumise par M. Hutchinson.
[Traduction]
« Article 5 - remplir d’autres fonctions au besoin, par exemple occuper à titre intérimaire des postes supérieurs ou latéraux, participer à des affectations spéciales dans le service, assumer des responsabilités supplémentaires concernant la gestion des dossiers et se tenir au courant des innovations techniques et opérationnelles dans le domaine des services correctionnels. »
2. Le 14 avril 1994, Leslie Jones, chef de la Gestion des ressources humaines, à l’Établissement de Joyceville, a envoyé une note de service au sous-directeur adjoint et a transmis ladite lettre aux chefs de section des services de gestion du directeur adjoint. La note de service confirme entre autres que, d’après les services de dotation à l’administration régionale (Ontario), chaque CO-I a les compétences voulues pour occuper à titre intérimaire un poste de CO-II.
3. M. Page a témoigné que les CO-I qui occupent à titre intérimaire un poste de CO-II sont seulement tenus de remplir les fonctions d’un CO-II relatives à la sécurité. En d’autres termes, ils ne sont pas tenus de remplir les fonctions d’un CO-II concernant la gestion des dossiers. M. Page a également déclaré que les CO-I qui occupent à titre intérimaire un poste de CO-II touchent le salaire d’un CO-II, conformément à une politique régionale.
4. M. Page a témoigné que, lorsque M. Brown a refusé pour la première fois, soit le 5 janvier 1996, d’occuper à titre intérimaire un poste de CO-II, il a accompagné M. Brown à la section 1. M. Page a alors expliqué à M. Brown qu’il voulait le familiariser avec les fonctions qu’il lui faudrait remplir en tant que CO-I affecté à un poste de CO-II et, à cet égard, lui donner la formation nécessaire. M. Page a également confirmé à M. Brown que les CO-I qui sont affectés à titre intérimaire à un poste de CO-II ne sont tenus de remplir que les fonctions d’un CO-II concernant la sécurité et non des fonctions relatives à la gestion des dossiers. D’après M. Page, M. Brown, après avoir lu les consignes de poste, a déclaré qu’il n’avait pas besoin de formation pour remplir les fonctions d’un CO-II concernant la sécurité. M. Page a confirmé à l’audience qu’il considère que M. Brown possède les compétences nécessaires pour être affecté à titre intérimaire à un poste de CO-II, suivant certaines restrictions, pour une période maximale de quatre mois. Les restrictions sont que M. Brown n’a pas eu la formation nécessaire pour remplir les fonctions d’un CO-II concernant la gestion des dossiers.
Compte tenu de ce qui précède, ma position dans cette affaire est la suivante : Étant donné que chaque CO-I a les compétences nécessaires pour être affecté à un poste à titre intérimaire, étant donné que l’employeur consent à supprimer certaines fonctions d’un poste au lieu d’ajouter de nouvelles responsabilités et étant donné que les responsabilités inhérentes au poste d’un CO-I et d’un CO-II sont semblables quand les responsabilités concernant la gestion des dossiers sont supprimées et que l’employé reconnaît avoir les compétences nécessaires pour s’acquitter des fonctions d’un CO-II concernant la sécurité, je conclus que M. Brown avait la formation et les compétences nécessaires pour être affecté à titre intérimaire à un poste de CO-II, poste où les responsabilités concernant la gestion des dossiers avaient été supprimées. Pour les mêmes raisons, je ne suis pas convaincu que le refus de l’employeur de confirmer par écrit la suppression du poste de CO-II des responsabilités concernant la gestion des dossiers vient modifier le fait que M. Brown avait les compétences voulues pour être affecté à titre intérimaire à un poste de CO-II.
Des positions des parties et du rapport de l’agent de sécurité, je retiens les faits suivants concernant la politique sur les affectations intérimaires dont il est question dans le rapport de l’agent Mattson :
1. L’employeur a témoigné que la politique a été abandonnée lorsque M. Brown a convenu, aussi bien en tant qu’employé qu’en tant que président de la section locale du Syndicat des employés du Solliciteur général, que les listes mentionnées dans la politique en question ne soient plus utilisées.
2. M. Brown n’a ni confirmé ni infirmé à l’agent de sécurité qu’il avait convenu avec l’employeur de l’abandon des listes. Toutefois, il a maintenu que la politique qui consistait à recourir à des CO-I compétents et désireux d’accepter des affectations intérimaires était toujours en vigueur et que les intéressés auraient dû être pressentis avant lui. Il a été démontré que l’affectation intérimaire intéressait d’autres CO-I.
Cela étant dit, rien n’indique dans les deux politiques sur les affectations intérimaires que des CO-I pourraient refuser une affectation intérimaire lorsque les listes de CO-I compétents et intéressés devenaient épuisées. Au contraire, la lettre évoquée plus haut signée par Mme Jones, chef de la Gestion des ressources humaines à l’Établissement de Joyceville, confirme que tous les CO-I ont les compétences nécessaires pour être affectés à titre intérimaire à des postes de niveau supérieur. En conséquence, je conclus que la politique demandant aux superviseurs de choisir des CO-I disposés à accepter une affectation à titre intérimaire et qui possèdent une expérience directement liée au poste n’exclut pas d’autres CO-I n’ayant pas manifesté leur désir d’accepter des affectations intérimaires.
Des positions des parties et du rapport de l’agent de sécurité, je retiens les faits suivants concernant le problème de santé de M. Brown.
1. Selon M. Page, lorsque M. Brown l’a informé de son problème de santé en lui indiquant son refus le 5 janvier 1996, il n’a pas précisé que son problème de santé l’empêcherait d’accepter une affectation à titre intérimaire ni qu’il exercerait son droit de refus si l’affectation lui était proposée de nouveau.
2. M. Newman a affirmé dans sa réfutation que le rapport médical ne renferme aucune précision sur le problème de santé de M. Brown et, pour cette raison, qu’il ne devrait pas être pris en compte.
3. D’après le rapport du médecin, M. Brown estime que le fait d’accepter une affectation à titre intérimaire pourrait nuire à sa santé parce qu’il n’a ni les compétences ni la formation nécessaires pour accepter une telle affectation. Toutefois, le rapport ne précise pas quels aspects du travail pourraient nuire à la santé de M. Brown.
Je conclus que le rapport médical ne donne pas suffisamment de précisions pour être pris en compte dans la présente affaire de refus. Le rapport ne fait que confirmer que le stress émotionnel pourrait nuire à la santé de M. Brown et que ce dernier estime qu’il éprouverait du stress s’il était tenu d’accepter une affectation intérimaire sans avoir reçu la formation nécessaire. Compte tenu de l’environnement qui peut se révéler parfois stressant dans une prison, on pourrait aussi dire, d’après le rapport médical, qu’une journée stressante en tant CO-I risquerait d’avoir les mêmes effets négatifs sur la santé de M. Brown.
J’ai examiné les motifs qui ont amené l’agent de sécurité à conclure qu’il existait une situation dangereuse. Il me faut maintenant déterminer si je suis d’accord pour dire qu’il existait une situation dangereuse pour M. Brown au moment où l’agent de sécurité a effectué son enquête. De plus, comme l’agent de sécurité a eu recours à l’alinéa 145.(2)a) du Code, je dois aussi déterminer s’il lui était nécessaire d’ordonner que M. Brown ne soit pas affecté à titre intérimaire à un poste de CO-II à moins d’être qualifié et physiquement apte à remplir des fonctions de CO-II.
L’alinéa 145.(2) a) prévoit ce qui suit :
« S’il estime que l’utilisation d’une machine ou chose ou qu’une situation existant dans un lieu constitue un danger pour un employé au travail, l’agent de sécurité :
a) en avertit l’employeur et lui enjoint, par des instructions écrites, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu’il précise :
(i) soit à la prise de mesures propres à parer au danger,
(ii) soit à la protection des personnes contre ce danger; »
Afin de répondre à ces questions, je dois consulter la définition du terme « danger » au paragraphe 122 (1) du Code et appliquer cette définition à la lumière de la jurisprudence. Le terme « danger » est ainsi défini :
« danger » Risque ou situation susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant qu’il ne puisse y être remédié.
Pour les raisons exposées dans ma décision antérieure qui opposait Air Canada au Syndicat canadien de la fonction publique (voir affaire 94-007 (R)), la jurisprudence actuelle a établi que, pour que les dispositions de la partie II sur le droit de refus puissent s’appliquer, le danger doit être immédiat et réel. Ainsi, le danger doit être plus qu’hypothétique, ou il doit exister plus qu’une faible possibilité que le danger se concrétise. Le danger doit être immédiat et réel, et son imminence ne doit faire aucun doute. Il doit être suffisamment grave pour confirmer et justifier l’affirmation de M. Brown selon laquelle une affectation intérimaire à un poste de CO-II risquerait de nuire à sa santé. Compte tenu des principes que je viens d’exposer, je conclus que les faits dans cette affaire ne parviennent pas à démontrer que M. Brown a été exposé à un danger réel au moment de l’enquête de l’agent de sécurité, ou que le danger perçu par M. Brown était imminent. Étant parvenu à cette conclusion, je déclare de même que l’instruction donnée par l’agent de sécurité Mattson était injustifiée.
Pour ces raisons, J’ANNULE PAR LES PRÉSENTES l’instruction donnée par l’agent de sécurité Mattson, le lundi 15 janvier 1996, au Service correctionnel du Canada, à l’Établissement de Joyceville, situé dans la province de l’Ontario.
Décision rendue le 11 décembre 1996.
Serge Cadieux
Agent régional de sécurité
RÉSUMÉ D’UNE DÉCISION D’UN AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ
No de la décision : 96-020
Demandeur : Service correctionnel du Canada, Établissement de Joyceville
Défendeur : Brad Brown, agent de correction
MOTS CLÉS :
CO-I, CO-II, niveau de l’agent de correction, problème de santé, danger réel, immédiat, qualifié.
DISPOSITIONS :
Code : 145(2)a)
RÉSUMÉ :
M. Brad Brown, agent de correction de niveau CO-I, a refusé, pour des motifs personnels de santé et de sécurité, d’accepter à titre intérimaire un poste de CO-II auquel il avait été affecté. Il a affirmé qu’il n’avait pas été formé pour être CO-II et que cette absence de formation, associée à son problème de santé, constituait une situation dangereuse pour lui. L’agent de sécurité a dit estimer que le fait d’affecter M. Brown à un poste de CO-II constituait un danger pour l’employé au travail, parce que M. Brown n’était pas apte physiquement et n’était ni formé ou qualifié pour effectuer le travail d’un CO-II.
L’agent régional de sécurité a jugé que les faits dans cette affaire n’ont pas permis de démontrer qu’un danger réel existait pour M. Brown au moment où l’agent de sécurité a effectué son enquête, ou que le danger perçu par M. Brown était immédiat. En conséquence, l’agent régional de sécurité a annulé l’instruction donnée par l’agent de sécurité.
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