Archivée - Decision: 97-003 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

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 Révision en vertu de l’article 146 du Code canadien du travail, partie II,

 d’une instruction donnée par un agent de sécurité

Décision n°  97-003

Demandeur : Environnement Canada
                    Représenté par : Agnès Lévesque,
                    Avocate du ministère de la Justice Canada,
                    pour le Secrétariat du Conseil du Trésor.

Intimée : Charlotte Hutchinson
              Environnement Canada
              Représentée par : Wayne Maddick, Alliance de la fonction publique du Canada

Mis en Cause: Ron Thibault
                       Agent de sécurité
                       Développement des ressources humaines Canada

Devant : Douglas Malanka
              Agent régional de sécurité
              Développement des ressources humaines Canada

Une audience orale a été tenue à Dartmouth (Nouvelle-Écosse) les 13 et 14 février 1997.

1. Contexte

Le 1er octobre 1996, Mme Charlotte Hutchinson, une employée d’Environnement Canada («EC») travaillant à l’édifice Queen’s Square, à Dartmouth (Nouvelle-Écosse), a exercé son droit de refuser de travailler en vertu de l’alinéa 128(1) b) du Code canadien du travail (le «Code»).  Elle a déclaré à son employeur qu’elle refusait de travailler en raison des conditions environnementales de son lieu de travail.  Elle a quitté ce lieu de travail peu après.

L’alinéa 128.(1) b) du Code énonce ce qui suit :

128(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose ou de travailler dans un lieu s’il a des motifs raisonnables de croire que (...)
b) il y a danger pour lui de travailler dans le lieu.

M. Michel de la Ronde, coordonnateur de la sécurité auprès de EC, a alors avisé l’agent de sécurité Bob Muzzerall de ce refus.  L’agent de sécurité Ron Thibault a par la suite fait enquête au sujet du refus; il était aidé dans cette tâche par Bob Reid, agent de sécurité et technologue en hygiène industrielle auprès de Développement des ressources humaines Canada («DRHC»).

Le 12 novembre 1996, l’agent de sécurité Thibault a écrit à M. G. Hamilton, directeur régional, Environnement Canada (EC), au sujet de sa décision.  Il a dit estimer que ce lieu de travail présentait un danger pour Mme Hutchinson.  En vertu de l’alinéa 145.(2) a) du Code, il a enjoint à M. Hamilton de prendre immédiatement des mesures pour la protéger contre ce danger.  Une copie de l’instruction est jointe à titre d’annexe.

Après cette instruction et dans le délai de 14 jours prévu pour interjeter appel, l’employeur a contesté la décision selon laquelle il y avait danger, et il a demandé à l’agent régional de sécurité de réviser l’instruction.


2. Résumé de la preuve

2.1 Agent de sécurité Ron Thibault

L’agent de sécurité Ron Thibault a exposé par écrit les événements qui l’ont amené à conclure qu’il y avait danger.  Ce résumé est inclus dans le dossier de l’affaire et ne sera pas reproduit ici.  Selon le témoignage de l’agent Thibault, celui-ci est venu en aide à Bob Reid dans le cadre d’une inspection de quatre jours portant sur la qualité de l’air dans l’édifice Queen’s Square.  L’agent Thibault a confirmé que la lettre du Dr Kirkbride1 l’avait convaincu qu’il y avait danger et qu’il n’était pas nécessaire de procéder à d’autres tests pour en établir l’existence.

2.2 Agent de sécurité Bob Reid

Selon le témoignage de Bob Reid, technologue en hygiène industrielle et agent de sécurité auprès de DRHC - Travail, celui-ci a procédé à une inspection générale sur la qualité de l’air dans l’édifice Queen’s Square les 4, 7, 8 et 29 octobre 1996.  Son rapport a été versé au dossier.  D’après les résultats de son inspection, il n’y avait pas de concentrations de formaldéhyde et d’oxyde de carbone au-delà des limites détectables par les instruments, et la concentration de dioxyde de carbone ne dépassait pas les niveaux prescrits.  Il n’y avait aucune preuve quant à la présence d’un nombre significatif de champignons d’origine microbienne dans l’édifice, y compris les climatiseurs, et rien n’indiquait la présence d’eau s’amassant autour de l’édifice.  Il a noté que chaque étage disposait de son propre climatiseur.  Bien que l’on ait pu observer que la concentration de composé organique volatil («COV») dans le bureau de Mme Hutchinson était 52 fois supérieure à celle mesurée dans un bureau du 14e étage, ni l’un ni l’autre de ces niveaux n’était supérieur à la concentration permise, qui se situe entre 0,3 mg/m3 et 3mg/m3.


2.3 Témoins

Mme Lévesque a cité deux témoins provenant de EC.  Ils ont parlé de ce qui était fait à l’édifice Queen’s Square pour tenir compte de l’état de santé de Mme Hutchinson ainsi que des mesures prises dans le cadre de la rénovation de l’édifice Queen’s Square.  Le superviseur de Mme Hutchinson,  John Clarke, a confirmé que, selon ce qu’il comprenait, Mme Hutchinson souffre de multisensibilité aux produits chimiques et est sensible à presque tout ce qui dégage une odeur.  Elle est également sensible à la poussière et à la moisissure.  M. Clarke a confirmé qu’il avait essayé de tenir compte des problèmes de santé de Mme Hutchinson de nombreuses manières, y compris par l’achat d’un épurateur d’air et d’un respirateur devant servir dans son lieu de travail.  EC a également préconisé l’absence d’odeur dans le milieu de travail.

La supervision des rénovations effectuées au 4e étage de l’édifice Queen’s Square relevait de la responsabilité de Walter Williams.  Il a indiqué qu’on avait utilisé des matériaux écologiques à la fine pointe de la technologie pour remettre à neuf les lieux de travail.  Avant d’être utilisés, les tapis de cet édifice ont subi un dégazage.  On a également remis à neuf le mobilier plutôt que d’en acheter un nouveau.  La colle ayant servi à poser les tapis et à remettre à neuf le mobilier était censée être écologique.  Les peintures choisies ne contenaient ni mercure ni autres métaux toxiques.

Selon M. Clarke, une fois que le bureau expérimental de l’édifice des Anciens combattants se fut révélé un échec, on avait eu le sentiment au ministère que toutes les solutions avaient été envisagées.  Le 31 juillet 1996, M. Clarke a écrit à Mme  Hutchinson pour l’informer qu’elle devait se présenter à son bureau de travail à l’édifice Queen’s Square, prendre un congé de maladie ou d’invalidité, exercer son droit de refuser de travailler ou travailler chez elle.  Le même jour, elle a répondu qu’elle exerçait son droit de refuser de travailler.  Le lendemain elle a précisé qu’elle refusait de travailler à son bureau au quatrième étage, à l’entrepôt de Burnside et dans la zone des laboratoires de EC.

3. Argumentation de l’employeur

L’employeur a présenté des motifs écrits, avant l’audience, relativement à l’appel visant l’instruction de l’agent de sécurité.  Une copie de ces motifs a été versée au dossier.  Mme  Lévesque a également produit d’autres documents lors de l’audience, qui ont également été versés au dossier.

Mme Lévesque a soutenu que je dois prendre en considération l’article 122, l’alinéa 128(1) b) et l’alinéa 128(2) b) du Code en vue d’en arriver à une décision.

L’avocate m’a renvoyé à des décisions2 rendues antérieurement par la Commission des relations de travail dans la fonction publique («CRTFP»), le Conseil canadien des relations de travail («CCRT») et la Cour fédérale, qui fixent des critères spécifiques en vue de l’application des dispositions du Code à un danger.  Elle a déclaré que, selon l’un de ces critères, il doit y avoir un rapport de cause à effet de nature médicale ou scientifique entre l’environnement et le danger imminent, et l’instruction donnée doit se rapporter au lieu de travail et être liée à celui-ci.  En outre, on ne peut utiliser le droit de refuser de travailler pour trouver une solution à un moyen de pression.

Mme Lévesque a souligné que Mme Hutchinson souffre d’une maladie causée par l’environnement et que ses allergies ne se manifestent pas qu’au travail.  Elle a distribué un rapport du
Dr K. MacDonald intitulé «Sick Building Syndrome» et mentionnant que les symptômes des personnes souffrant de maladies causées par l’environnement sont de nature subjective et que leurs causes ne sont pas vraiment connues.  Elle a affirmé que selon ce rapport, également, le stress professionnel est un facteur constitutif des maladies causées par l’environnement.  Mme Lévesque a soutenu que le stress ne peut être contrôlé que par la personne qui en est atteinte.

Mme Lévesque m’a rappelé que, selon le témoignage de l’agent de sécurité Thibault, l’inspection révélait que rien dans l’environnement interne de l’édifice Queen’s Square ne devrait normalement être considéré comme représenant un danger pour les employés qui y travaillent et que, sans la lettre du Dr Kirkbride, cet agent de sécurité aurait conclu à l’absence d’une situation de danger.  Elle a toutefois prétendu que la lettre du Dr Kirkbride confirme seulement que Mme Hutchinson ne peut pas travailler à l’édifice Queen’s Square en raison de son état de santé personnel, et que le Dr Kirkbride ne recommande pas que d’autres tests soient effectués ou que d’autres modifications soient apportées au lieu de travail.  Mme Lévesque a déclaré de nouveau que l’état de santé personnel de Mme Hutchinson ne constitue pas un danger au sens du Code.

4. Argumentation de l’employée

Avant l’audience, Mme Hutchinson a soumis des renseignements au sujet de son refus de travailler.  De plus, d’autres documents ont été déposés par M. Maddick lors de l’audience.  Une copie en a été versée au dossier.  J’ai toutefois relevé les points suivants à partir de la preuve soumise par M. Maddick à l’audience ainsi que du résumé de son argumentation.

M. Maddick a convenu que le danger dont il était ici question se rapporte aux dispositions du paragraphe 145. (2) et ne constitue pas une contravention visée au paragraphe 145.(1) du Code.  Il m’a rappelé, à cet égard, que le rapport de l’agent de sécurité Reid confirme que la concentration de COV dans le bureau de Mme  Hutchinson était 52 fois plus élevée que celle mesurée dans une autre partie de l’édifice.  Il m’a également prié de me reporter à la partie du rapport de l’agent de sécurité Reid dans laquelle il est mentionné que le niveau auquel des réactions aux COV pouvaient être déclenchées varie selon chaque personne atteinte d’hypersensibilité à leur égard.  Il a soutenu que, par conséquent, la lettre du Dr Kirkbride à l’agent de sécurité Thibault montre qu’il y avait un danger et que celui-ci se rapporte au lieu de travail.

M. Maddick a fait remarquer que l’employeur est tenu, en vertu de l’alinéa 125 s) du Code, de veiller à ce que soit porté à l’attention de chaque employé le risque connu ou prévisible que représente pour sa sécurité et sa santé l’endroit où il travaille.  Il a ajouté que l’employeur est également tenu, en vertu de l’article 124 du Code, de veiller à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail.  Il a soutenu qu’en raison de ces prescriptions, le Code s’applique même si d’autres employés ne sont pas touchés par un danger.

En ce qui concerne les autres affaires soumises auparavant à une révision et citées par Mme Lévesque, M. Maddick était d’avis que les décisions Beauregard et Spadafora n’étaient pas applicables à la présente affaire.  Selon son argumentation, ces décisions traitaient de danger inhérent et l’agent de sécurité Thibault avait confirmé que la question d’un danger inhérent n’était pas en cause en l’espèce.  Il a affirmé que ni la décision Cross et Pike ni la décision Webber ne s’appliquent à la présente affaire parce qu’elles traitaient d’une infraction visée au paragraphe 145(1) du Code.


5. Décision

Lorsqu’il a été appelé à faire enquête sur le refus de travailler de Mme Hutchinson, l’agent de sécurité  Thibault s'est heurté à de très solides arguments avancés par chacune des parties.  D’un côté, l’inspection effectuée par l’agent de sécurité Reid confirmait que rien dans l’environnement interne de l’édifice ne devrait normalement être considéré comme représentant un danger pour les employés.  Cette inspection confirmait également les résultats de l’inspection précédente effectuée à l’édifice Queen’s Square, deux mois plus tôt, par l’agent de sécurité Reid.

D’un autre côté, l’agent de sécurité Thibault disposait de rapports rédigés par des médecins qui avaient examiné Mme Hutchinson dans le passé et qui confirmaient que la présence d’odeurs dans le lieu de travail constituait pour elle un problème.  Il disposait également de lettres du Dr Kirkbride où il était affirmé que la présence de Mme Hutchinson dans son lieu de travail à l’édifice Queen’s Square aggravait ses problèmes de santé et que, pour ce motif, il était raisonnable qu’elle refuse d’y travailler jusqu’à ce que son état de santé s’améliore.  L’agent de sécurité Thibault a déclaré, en dernière analyse, que sa conclusion selon laquelle il existait un danger pour Mme Hutchinson, ce danger étant constitué par le milieu de travail dans son ensemble, était fondée sur l’avis du Dr Kirkbride.  La question que je dois trancher est celle de savoir s’il existait un danger visé par le Code au moment où l’agent de sécurité a fait enquête sur le refus de travailler.

Pour y parvenir, j’ai examiné l’article 122. et l’alinéa 128.(1) b) du Code et j’ai pris en compte les précédents Bonfa, Webber, Walton et Bidulka cités par Mme Lévesque.  Considérés conjointement, ils établissent clairement que, pour qu’un agent de sécurité puisse conclure à l’existence d’un danger, il doit s’assurer qu’il y a un danger au lieu de travail au moment de l’enquête et qu’il existe un rapport de cause à effet de nature médicale ou scientifique entre l’environnement et la possibilité d’un danger imminent pour la santé de l’employé.  En l’espèce, l’agent de sécurité Thibault devait établir qu’il existait un danger lié au lieu de travail  pour Mme Hutchinson, et qu’il y avait un rapport de cause à effet entre ce danger et le lieu de travail.  Si on interprétait autrement les dispositions du Code, cela mettrait l’employeur dans une situation intenable : techniquement parlant, il aurait violé la loi sans que quiconque ait confirmé l’existence d’un danger dans le lieu de travail.

Pour ce qui est de la question de savoir s’il existe un danger lié au lieu de travail de Mme Hutchinson, nous disposons des résultats découlant de l’inspection effectuée par l’agent de sécurité Reid relativement à la qualité de l’air dans l’édifice Queen’s Square, ainsi que du rapport du Dr K. MacDonald sur le syndrome des immeubles malsains («SBM»), qui fournit des renseignements généraux sur les maladies causées par l’environnement.

En ce qui concerne l’inspection relative à la qualité de l’air à l’intérieur de l’édifice Queen’s Square, l’agent de sécurité Reid a signalé que rien dans l’environnement interne de l’édifice ne devrait normalement être considéré comme constituant un danger pour les employés.  Il a confirmé que, bien que la concentration de COV dans le bureau de Mme Hutchinson ait été 52 fois plus élevée que celle mesurée dans une pièce située au 14e étage de l’édifice, ces deux concentrations respectaient les normes acceptables.

En outre, l’agent de sécurité Reid s’est reporté dans son rapport à un guide de Santé Canada intitulé «Guide technique pour l’évaluation de la qualité de l’air dans les immeubles à bureaux».  L’agent de sécurité Reid a noté dans son rapport que le guide semblerait indiquer que les concentrations de COV mesurées dans le bureau de Mme Hutchinson peuvent vraisemblablement causer de l’inconfort, s’ils sont accompagnés de facteurs de stress de nature thermique.  Il n’est fait mention de nulle blessure ou maladie à cet égard.

La publication du Dr K. MacDonald intitulée «Sick Building Syndrome (SBS)» permet assez bien d’expliquer l’absence générale de conclusions découlant de l’inspection effectuée par l’agent de sécurité Reid.  Le Dr MacDonald note dans son rapport que les symptômes du SBM sont réels mais que leur cause est incertaine; qu’il est peu probable qu’il y ait une cause unique au SBM; que l’un des facteurs pertinents peut être le stress professionnel.  Elle observe également que la cause du SBM n’est pas toujours connue, et qu’on signale des cas où l’inspection de l’édifice en cause ne révèle aucun indice.

Pour ce qui est de savoir si les faits de la présente affaire démontrent l’existence d’un lien entre les problèmes de santé de Mme Hutchinson et son lieu de travail, des éléments de preuve ont été présentés au sujet de la nature des problèmes de santé de Mme Hutchinson, des efforts déployés par EC pour tenir compte des besoins de Mme Hutchinson ainsi que des recommandations faites par le Dr Kirkbride, conseiller médical auprès de DRHC.

Les éléments de preuve relatifs à l’état de santé de Mme Hutchinson révèlent que celle-ci souffre d’une maladie causée par l’environnement et de multisensibilité aux produits chimiques, et qu’elle est sensible ou allergique à presque tout ce qui dégage une odeur, dans presque n’importe quel endroit.   Cela comprend les odeurs présentes dans d’autres bureaux, dans les hôtels et dans sa maison.  Des éléments de preuve ont également été présentés au sujet des mesures prises par l’employeur pour régler le problème et ils démontrent que, bien que ces mesures aient pu alléger les symptômes de Mme Hutchinson, rien de ce que l’employeur a fait ne semble avoir réglé le problème ou fourni des renseignements sur la manière dont le lieu de travail aggrave spécifiquement les problèmes de santé de Mme Hutchinson.

M. Maddick est d’avis que les lettres du Dr Kirkbride à l’intention de l’agent de sécurité Thibault confirment l’existence d’un danger pour Mme Hutchinson dans l’édifice Queen’s Square ainsi que d’un lien entre ce danger et le lieu de travail.  Il semble que l’agent de sécurité Thibault ait interprété ces lettres d’une manière semblable lorsqu’il a conclu à l’existence d’un danger pour Mme  Hutchinson dans l’édifice Queen’s Square.

L’examen attentif des lettres du Dr Kirkbride m’indique toutefois qu’il apporte clairement une réserve : son avis se fonde sur les renseignements médicaux concernant Mme Hutchinson qu’il a tirés de copies de rapports médicaux provenant de son médecin de famille et d’un médecin spécialiste agréé.  Il ne soutient pas que sa recommandation se fonde sur des éléments de preuve relatifs à l’environnement interne de l’édifice Queen’s Square.  En fait, il précise expressément qu’il ne veut pas laisser entendre que le lieu de travail à Queen’s Square a déclenché la maladie de Mme Hutchinson, qu’il ne croit pas que l’édifice Queen’s Square soit de quelque manière que ce soit inapproprié ou dangereux pour d’autres employés et qu’il n’a aucune recommandation à faire en ce qui concerne d’autres études sur l’environnement à effectuer ou des modifications à apporter au lieu de travail de Mme Hutchinson ou à l’édifice Queen’s Square.  Je ne conclus pas, par conséquent, que les lettres du Dr Kirkbride confirment l’existence d’un danger pour Mme Hutchinson dans l’édifice Queen’s Square ou d’un rapport de cause à effet  entre un danger et le lieu de travail.

La conclusion à laquelle j’en viens plutôt, à la lumière de la preuve soumise, c’est que l’employée a un problème de santé, que ses symptômes s’aggravent avec le temps et que ceux-ci se manifestent dans d’autres lieux de travail et dans sa maison.  Les tests effectués au lieu de travail à l’édifice Queens’s Square ne révèlent rien d’anormal à cet endroit et ne démontrent aucune violation des dispositions du Code ou des règlements.  Aucun des médecins consultés non plus que l’agent de sécurité ne peuvent déceler, pour l’employeur, sur la cause spécifique de l’aggravation de l’état de Mme Hutchinson ou sur le lien existant entre cette aggravation et le lieu de travail.  La seule certitude sur le plan médical, comme l’indique le rapport du Dr MacDonald, c’est que ce problème de santé est bien réel et non imaginaire, que les causes en sont inconnues et que le stress peut jouer un rôle à cet égard.  Aucun des efforts déployés par Environnement Canada n’a réglé la situation ni donné quelque indice que ce soit au sujet de ce qui peut, dans l’édifice Queen’s Square, aggraver les problèmes de santé de Mme Hutchinson.  Le Dr Kirkbride suggère de régler la situation en permettant à Mme Hutchinson de travailler à la maison.  Par conséquent, je conclus que les faits de la présente affairene confirment pas l’existence d’un danger pour Mme Hutchinson dans son lieu de travail, parce qu’ils ne satisfont pas aux exigences prévues de l’article 122 (définition de danger) et de l’alinéa 128(1) b) du Code.  Précisons, pour plus de certitude, que je n’affirme pas que les problèmes de santé de Mme Hutchinson ne sont pas bien réels.  Toutefois, jusqu’à ce qu’il soit démontré qu’il existait un danger réel au lieu de travail au moment de l’enquête de l’agent de sécurité et d’un rapport de cause à effet de nature médicale ou scientifique entre l’environnement et la possibilité d’un danger imminent pour la santé de Mme Hutchinson, je conclus que le danger allégué n’est pas visé par les dispositions du Code canadien du travail.  À mon avis, l’agent de sécurité Thibault n’a pas pleinement tenu compte de cela lorsqu’il a conclu à l’existence d’un danger pour Mme Hutchinson parce qu’elle a un problème de santé en raison duquel le lieu de travail à l’édifice Queen’s Square est dangereux pour elle.

Comme j’ai conclu qu’il n’y a pas de preuve de l’existence d’un danger visé par les dispositions du Code, je n’examinerai pas sur les autres arguments soulevés par les parties relativement aux dispositions du Code concernant le droit de refuser de travailler.  Plus particulièrement, je ne ferai pas de commentaires sur les arguments concernant la question de savoir si le danger allégué était ou non réel, immédiat, présent au moment de l’enquête de l’agent de sécurité ou inhérent au travail effectué par l’employé.


6. Décision

Pour ces motifs, J’ANNULE PAR LES PRÉSENTES l’instruction donnée par l’agent de sécurité Thibault, le 22 novembre 1996, à Environnement Canada à l’édifice Queen’s Square situé dans la province de la Nouvelle-Écosse.

Décision rendue le 14 avril 1997.


D. Malanka
Agent régional de sécurité


Commentaire

Je me sens obligé de faire observer qu’au cours de l’audience, les deux parties ont fait montre de beaucoup de bonne volonté et de détermination en vue de remédier à la situation.  M. Clarke a déclaré reconnaître qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement pour les problèmes de santé de Mme Hutchinson, mais que ceux-ci pouvaient être contrôlés.  Je loue les efforts déployés par les deux parties dans le passé pour trouver un moyen de régler la situation, et je les encourage à continuer de travailler en commun en vue d’en arriver à un arrangement qui réponde à leurs besoins respectifs.  De tels efforts pourraient mener à comprendre un jour la cause de son état.  Si, en raison de la découverte de la cause des problèmes de santé de Mme Hutchinson, quelqu’un établit l’existence d’un rapport de cause à effet entre le danger ou la situation et le lieu de travail, Environnement Canada saura qu’il a agi d’une manière conforme aux dispositions du Code, malgré l’incapacité actuelle de confirmer l’existence d’un tel rapport.  Chose plus importante encore, il aura respecté l’esprit et l’objet du Code.


 ANNEXE


CONCERNANT LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION DONNÉE À L’EMPLOYEUR EN VERTU DE L’ALINÉA 145(2) a)

Les 4, 7, 8 et 29 octobre 1996, l’agent de sécurité soussigné a effectué une enquête, par suite du refus de travailler de CHARLOTTE HUTCHINSON, sur le lieu de travail exploité par ENVIRONNEMENT CANADA, employeur assujetti au Code canadien du travail, partie II, et sis au 45, ALDERNEY DRIVE, à DARTMOUTH (N.-É.), ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom de Queen’s Square.

Ledit agent de sécurité estime qu’il est dangereux pour Charlotte Hutchinson de travailler dans ce lieu de travail;

Charlotte Hutchinson souffre de troubles médicaux qui rendent le lieu de travail dangereux pour elle.

Par conséquent, il est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES audit employeur, conformément à l’alinéa 145(2) a) du Code canadien du travail, partie II, de protéger immédiatement Charlotte Hutchinson contre ce danger.

Fait à DARTMOUTH (N.-É.) le 12 novembre 1996.


R. THIBAULT
Agent de sécurité n° 1819

DESTINATAIRE : ENVIRONNEMENT CANADA
                               45, ALDERNEY DRIVE
                               DARTMOUTH (N.-É)
                               B2Y 2N6

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L’AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

Décision n° :  97-003

Demandeur : Environnement Canada
                     Représenté par : Agnès Lévesque, 
                     Avocate du ministère de la Justice Canada, 
                     pour le Secrétariat du Conseil du Trésor

Intimée :  Charlotte Hutchinson
               Environnement Canada
               Représentée par : Wayne Maddick, Alliance de la fonction publique du Canada

MOTS CLÉS : 

Refus de travailler, maladie causée par l’environnement, multisensibilité aux produits chimiques, syndrome des immeubles, bâtiments malsains, conditions environnementales, qualité de l’air à l’intérieur, stress professionnel, édifices sources de problèmes.

DISPOSITIONS : 

Code :  122, 124, 125 s), 128(1) b), 128(2) b), 145(1) et 145(2)
Règlements sur la sécurité et la santé au travail : 10.19

RÉSUMÉ :

Le 12 novembre 1996, un agent de sécurité a conclu que les conditions environnementales du lieu de travail constituaient un danger pour une employée d’Environnement Canada («EC») parce que celle-ci souffre d’une maladie causée par l’environnement qui rend ce lieu de travail dangereux pour elle.  Il a ensuite donné à l’employeur l’instruction, en vertu de l’alinéa 145(2) a) du Code canadien du travail, de prendre des mesures pour protéger immédiatement l’employée contre ce danger.  L’agent de sécurité a déclaré qu’il était incapable d’identifier quelque condition ambiante que ce soit qui constituerait un danger pour l’employée dans le lieu de travail.  Il a toutefois conclu, en se fondant sur un avis obtenu du médecin consultant principal auprès de DRHC à Santé Canada, qu’il y avait danger pour l’employée et qu’il n’était pas nécessaire de procéder à d’autres tests pour en établir l’existence.

Après révision, l’agent régional de sécurité a conclu qu’il n’y avait pas danger, puisque la preuve en l’espèce ne démontrait pas  l’existence d’un danger réel dans le lieu de travail au moment de l’enquête effectuée par l’agent de sécurité ni d’un rapport de cause à effet de nature médicale ou scientifique entre l’environnement et la possibilité d’un danger imminent pour la santé de l’employée.  L’agent régional de sécurité a ANNULÉ l’instruction donnée par l’agent de sécurité le 14 avril 1997, parce que le danger allégué n’est pas visé par les dispositions de la partie II du Code canadien du travail.

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