Archivée - Decision: 97-006 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

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Révision en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail, Partie II

des instructions données par l'agent de sécurité

Décision no :             97-006

Requérant :                Service correctionnel du Canada

                                 Établissement de Warkworth

                                 Scarborough (Ontario)

                                 Représenté par : Roger Lafrenière, conseiller juridique

Défenderesse :         Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC)

                               Representée par :     Claudine Salama

                               Représentante en matière de santé et de sécurité

Mise-en-cause :        Mary Duncan

                                Agente de sécurité

                                Développement des ressources humaines Canada

Devant :                      Serge Cadieux

                                   Agent régional de sécurité

                                   Développement des ressources humaines Canada

Une audience a eu lieu le 7 mai 1997 à Peterborough (Ontario).

Contexte

Un agent de correction de l'établissement de Warkworth a refusé d'accompagner un détenu à l'hôpital local parce que l'employé à qui on avait confié la tâche de l'aider au transport du détenu en question n'était pas un agent de correction dûment formé et qualifié.

Le 16 décembre 1996, un détenu devait être accompagné à l'hôpital pour un rendez-vous chez le médecin. L'employé chargé d'accompagner M. Vella, l'agent de correction qui a refusé de travailler, est un employé de l'Établissement, mais il n'est pas un agent de correction dûment formé et qualifié. C'est un chauffeur de camion qui possède un permis pour la conduite des véhicules utilisés lorsque des détenus doivent être escortés à l'extérieur de l'Établissement. La direction de l'Établissement considère cet employé comme apte à réagir efficacement en toute situation de crise qui pourrait survenir pendant la sortie.

Lorsque M. Vella a reçu cette affectation d'agent accompagnateur, il a cherché des éclaircissements sur la politique concernant les escortes de sécurité en consultant, entre autres, le Manuel de sécurité du Service correctionnel du Canada (SCC). Selon son interprétation de cette politique, il faut deux agents de correction pour escorter un détenu à l'extérieur de l'Établissement et un agent de correction additionnel pour chaque autre détenu. M. Vella a jugé que le chauffeur de camion n'était pas adéquatement formé pour intervenir en situation d'urgence. Il a informé son superviseur qu'il ne croyait pas que la fonction d'escorte pouvait être remplie en toute sécurité sans l'aide d'un autre agent de correction dûment formé et il a refusé pour ce motif d'exécuter cette affectation.

Enquête de l'agente de sécurité

L'agente de sécurité n'a pas mené son enquête sur place. Elle a déclaré dans son témoignage qu'elle a conclu avec les parties en cause une entente selon laquelle il n'était pas nécessaire qu'elle se rende à l'Établissement pour régler cette affaire.

L'agente de sécurité a indiqué qu'elle croyait que la question de l'escorte de sécurité avait été réglée. Le surveillant responsable, M. Broadbent, avait accepté de nommer deux agents de correction dûment formés pour exécuter l'affectation. Cependant, l'affectation a été rapidement ramenée à un agent de correction plus le chauffeur.

En fonction de l'entente conclue, l'agente de sécurité a enquêté sur le refus de travailler de M. Vella au moyen d'entrevues téléphoniques avec les parties et en complétant l'information obtenue par des recherches additionnelles et de la documentation pertinente.

À la suite de son enquête, l'agente de sécurité a indiqué qu'elle avait déterminé les faits suivants :

·        M. Vella est un agent de sécurité dûment formé et qualifié et il a six ans d'expérience dans ce travail;

·        il a déjà à de nombreuses reprises accompagné des détenus à l'extérieur de l'établissement;

·        l'employé chargé d'aider M. Vella n'a suivi aucun des cours de formation nécessaires pour remplir les fonctions d'agent de correction;

·        plus de (90%) des détenus de l'établissement de Warkworth ont été reconnus coupables de crimes violents;

·        la grande préoccupation des agents de correction, et celle de M. Vella le jour du refus de travailler, est la possibilité qu'un détenu tente de s'évader pendant une escorte à l'extérieur de l'établissement et le risque élevé que de la violence soit exercée à l'endroit des agents;

·        la politique de l'établissement sur l'escorte de sécurité prévoit comme norme un rapport de deux agents pour un détenu pour le premier détenu, l'un des agents conduisant aussi le véhicule utilisé pour l'escorte, et d'un autre «agent de correction» pour chaque détenu additionnel.

D'après ces faits, l'agente de sécurité a décidé qu'un danger existait dans le cas de M. Vella. Elle a donné des instructions à l'employeur en vertu du paragraphe 145(2) de la Partie II du Code canadien du travail (appelé ci-après le Code) pour corriger la situation. Le danger est décrit dans les instructions de la façon suivante :

«L'agente de sécurité juge que l'affectation d'un agent de correction à l'escorte d'un détenu à l'extérieur de l'établissement sans un deuxième agent de correction pour la même affectation constitue un risque pour la sécurité des employés du Service correctionnel du Canada dans l'exercice de leurs fonctions.”

Ces instructions font l'objet de la présente révision.

Témoins de l'employeur

M. F. Phillips, coordonnateur, Opérations correctionnelles, déclare dans son témoignage qu'il a eu de brèves conversations avec l'agente de sécurité. Il précise que Mme Duncan l'a «informé» qu'il n'était pas nécessaire qu'elle vienne à l'Établissement puisqu'elle allait rendre une «décision de principe». 

Ils ont discuté de la politique concernant les escortes de sécurité. M. Phillips mentionne qu'il a indiqué à Mme Duncan comment il interprétait cette politique. Il est question de cette politique aux paragraphes trois (3) et cinq (5) du Manuel de sécurité qui traite des escortes de sécurité.[1] En substance, l'escorte de sécurité doit être composée de deux agents, c'est-à-dire un agent de correction pour accompagner le détenu, et un autre pour conduire le véhicule. Ce dernier agent peut être le chauffeur de camion puisqu'il s'agit d'un employé de l'Établissement qui possède le titre d'agent de la paix.

M. E. Broadbent, surveillant correctionnel à l'établissement de Warkworth, déclare dans son témoignage que le détenu à escorter devait être emmené à l'hôpital dans un fourgon verrouillé muni d'une cage. Il devait être immobilisé en tout temps au moyen de matériel de contrainte, c'est-à-dire entraves et menottes. Les agents se trouvant dans le fourgon seraient en communication avec l'Établissement au moyen de radios à ondes courtes. Si un incident se produit en route, il faut appliquer les procédures d'urgence.

Exposé de l'employeur 

L'exposé écrit détaillé de M. Lafrenière est au dossier. En substance, M. Lafrenière soutient que l'enquête de l'agente de sécurité est viciée pour les raisons suivantes.

L'agente de sécurité n'a pas respecté le paragraphe 129(1) du Code : L'agente de sécurité ne s'est pas rendu à l'Établissement pour enquêter, comme elle est tenue de le faire en vertu du paragraphe 129(1) du Code, «en présence de l'employeur et de l'employé ou du représentant de celui-ci.» L'employeur a été gravement lésé en l'espèce parce qu'il s'est vu refuser l'occasion de présenter sa version des faits.

Elle a outrepassé sa compétence : L'agente de sécurité doit déterminer si, au moment de son enquête, le lieu de travail présente un danger pour l'employé. Elle a plutôt mené une enquête portant sur des circonstances hypothétiques ou spéculatives. Il n'y a pas de preuve que l'agente de sécurité a pris en considération les facteurs de risque liés à l'escorte d'un détenu le 16 décembre 1997.

Au cours de son «enquête», l'agente de sécurité n'a pas pris en considération un grand nombre d'éléments cruciaux. Elle n'a pas tenu compte du fait qu'on a évalué que les détenus de l'établissement de Warkworth, un établissement à sécurité moyenne, respectaient les exigences relatives à la sécurité réduite. Elle n'a pas consulté le profil du classement selon le niveau de sécurité du détenu à escorter. Un profil qui prend en considération le risque d'évasion est établi pour chaque détenu. En outre, avant qu'un détenu ne quitte l'Établissement, le surveillant correctionnel effectue chaque fois une évaluation du risque en fonction de laquelle l'escorte est attribuée. Un formulaire d'information sur l'escorte est fourni pour chaque escorte d'un détenu à l'extérieur. Ce document donne de l'information précise sur la sécurité concernant le détenu à accompagner. Il n'y a pas de preuve que l'agente de sécurité a aussi consulté ce document.

Elle a, à tort, tenu compte de facteurs extérieurs : L'agente de sécurité mentionne dans sa décision la politique concernant l'escorte des prisonniers de la Police de la communauté urbaine de Toronto selon laquelle il faut deux agents de police pour escorter un délinquant. Cette référence est inadéquate parce que la Police de la communauté urbaine de Toronto a principalement affaire à des délinquants qu'elle ne connaît pas et qui ont été arrêtés récemment. Il s'agit de délinquants au tempérament potentiellement explosif qui n'ont encore été soumis à aucun genre d'évaluation quant au risque de violence. C'est une situation complètement différente par rapport à l'évaluation élaborée à laquelle sont soumis les détenus qui sont sous la garde du SCC, notamment dans un établissement à sécurité moyenne.

Elle a omis de tenir compte de certains facteurs pertinents : L'agente de sécurité s'est surtout fiée sur la section du Manuel de sécurité du SCC concernant les escortes de sécurité qui présente le rapport entre le nombre d'agents et le nombre de détenus. Elle n'a pas tenu compte du fait que ce document est une ligne directrice pour les gestionnaires de l'établissement qui doit être utilisée au besoin à la discrétion des chefs des établissements lorsqu'une situation spéciale l'exige. L'agente de sécurité a interprété le terme générique «agent» comme signifiant agent de correction dûment formé alors qu'on n'avait pas l'intention d'imposer des restrictions de cette nature dans le cas des escortes de sécurité.

En outre, rien n'indique que l'agente de sécurité a consulté les lignes directrices détaillées figurant dans la section sur les escortes de sécurité du manuel mentionné ci-dessus, concernant le recours au matériel de contrainte, c'est-à-dire les menottes et les entraves. Dans ce cas, le règlement concernant les procédures d'escorte, qui doit être respecté par tous les employés, exige l'utilisation de matériel de contrainte lorsqu'un détenu est escorté à un rendez-vous chez le médecin.

M. Lafrenière soutient que pour qu'un employé puisse avoir recours à un refus de travailler, il faut qu'il existe un danger réel et immédiat. Il ne peut pas s'agir d'un danger inhérent au poste d'agent de correction. Compte tenu des décisions rendues jusqu'ici par le Conseil canadien des relations du travail (CCRT) et par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), et notamment de deux décisions du CCRT[2] soumises comme précédents applicables, M.Lafrenière est d'avis que l'agente de sécurité a commis une erreur en maintenant le refus de travailler de M. Vella. Pour ces motifs, les instructions devraient être annulées.

Témoins des employés

M. W. McCrory est un agent de correction d'expérience et il est coprésident  du comité de sécurité et de santé à l'Établissement. Il est catégorique : la politique sur l'escorte des détenus à l'extérieur de l'établissement a toujours été qu'une certaine forme de matériel de contrainte est utilisée et que deux agents de correction accompagnent le détenu en tout temps sans jamais le perdre de vue. Cette procédure est nécessaire premièrement, pour garantir l'exercice d'un contrôle total sur le détenu, notamment dans les situations où il s'agit d'un détenu de forte stature ou dans les cas où, en raison de son âge et de sa stature, l'agent de correction se trouve dans une situation désavantageuse, et deuxièmement, à cause de la nature violente de la population carcérale à l'Établissement qui se situe en tout temps dans la fourchette des 90 à 95 %, etc.

En outre, à l'Établissement, la référence à un agent a toujours été interprétée comme une référence à un agent de correction. Le chauffeur du véhicule serait aussi un agent de correction de sorte que l'Établissement ne serait pas tenu d'avoir de chauffeurs attitrés en plus des deux agents de correction. Il serait risqué d'escorter un détenu sans la présence de deux agents de correction dûment formés à cause de la violence des détenus. Par conséquent, on ne devrait pas s'attendre à ce qu'un chauffeur de camion fasse le travail d'un agent de correction, notamment s'il doit y avoir de la violence. De plus, un agent de correction devrait pouvoir compter sur un autre agent de correction dûment formé pour l'aider dans les situations de crise.

M.Doug Vella, l'agent de correction qui a invoqué le refus de travailler, déclare qu'il a cru que sa vie aurait pu être en danger s'il avait effectué cette escorte. Le chauffeur n'avait pas reçu la formation d'un agent de correction nécessaire pour servir d'accompagnateur. Cette formation comprend des cours sur l'autodéfense, l'utilisation adéquate du matériel de contrainte et les techniques appropriées pour le mettre en place et le retirer, la façon d'immobiliser un détenu qui devient violent, et la façon de désamorcer des situations difficiles grâce aux compétences que les agents de correction ont appris à utiliser dans ce genre de circonstances.

M. Vella explique que, le 16 décembre 1996, on lui a donné quelques informations générales sur le détenu à escorter. Cependant, on ne lui a pas donné de renseignements précis de nature personnelle sur le détenu comme l'objet de son incarcération ou sa réaction face au personnel ou au public, mais il pouvait facilement obtenir cette information. M. Vella déclare qu'il est personnellement au courant de situations d'agressions au cours d'escortes de sécurité.

On demande à M. Vella ce qui est advenu de l'escorte de sécurité ce jour-là. Il répond qu'après une réunion avec la direction vers 9 h pour discuter de son refus de travailler, l'Établissement a annulé la demande d'escorte vers 9 h 30 parce qu'il était impossible de remettre au jour même le rendez-vous chez le médecin du détenu. L'Établissement a téléphoné à l'hôpital pour les informer que le détenu serait en retard à son rendez-vous. L'hôpital a rappelé pour indiquer qu'il leur était impossible de fixer un autre rendez-vous au détenu ce jour-là et qu'un rendez-vous lui serait fixé pour un autre jour. Le rendez-vous a été annulé et, en conséquence, l'escorte aussi.

Enfin, lorsqu'on lui a demandé quel était le danger qu'il craignait au cours de l'escorte, M. Vella a décrit des scénarios dans le cadre desquels il aurait pu avoir besoin d'aide. M. Vella a expliqué que, dans ces circonstances, le chauffeur du véhicule n'aurait pas été en mesure de lui fournir cette aide parce qu'il n'est pas qualifié pour réagir en situation d'urgence.

Exposé des employés 

Mme Salama soutient que M. Vella se trouvait en danger lorsqu'il a refusé de travailler le 16 décembre 1996. Comme l'ont déclaré M. McCrory et M. Vella dans leurs témoignages, il y a eu par le passé des situations dans lesquelles des détenus escortés ont commis des actes violents contre des agents. La probabilité qu'on se retrouve de nouveau dans des situations de ce genre n'est pas spéculative et on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elles se produisent notamment puisque le rapport entre le nombre d'agents accompagnateurs dûment formés et le nombre de détenus était en l'espèce de un à un.

De plus, le chauffeur de camion affecté à l'escorte n'a pas de formation précise pour ce qui est de remplir les fonctions d'agent accompagnateur ou d'immobiliser un détenu dans une situation d'urgence. Il est important d'examiner ce fait en tenant compte des directives concernant le rapport de deux agents pour le premier détenu et les fonctions que M. Vella aurait dû remplir à l'hôpital. Il se pouvait qu'il soit tenu de retirer le matériel de contrainte et de s'occuper seul du détenu.

Mme Salama me demande de déterminer si la pratique consistant à faire accompagner un détenu par un chauffeur de camion est une condition de travail normale dans un établissement à sécurité moyenne. Le risque que M. Vella était tenu de prendre n'est pas un risque qui pouvait raisonnablement être considéré comme une condition de travail normale. Un agent de correction doit assumer certains risques, mais l'employeur ne peut pas s'attendre à ce qu'il assume tous les risques pour sa santé et sa sécurité en tant que partie intégrante de son emploi. Le fait que l'employeur ait demandé à M.  Vella d'escorter un détenu avec l'aide d'un chauffeur de camion n'ayant reçu aucune formation à l'égard de cette fonction augmente le risque d'agression et d'évasion. L'employeur doit donc prendre les mesures nécessaires pour ramener le risque à un niveau acceptable. En l'espèce, cela signifie prévoir deux agents de correction pour accompagner le détenu. Mme Salama soumet deux décisions[3] soutenant qu'il s'agit de jurisprudence applicable ici, en plus des décisions déjà soumises par M. Lafrenière.

Motifs de décision

Le 16 décembre 1996, M. Vella a exercé son droit de refuser de faire un travail dangereux. Que ce soit à tort ou à raison, M. Vella a cru que le fait de procéder à l'escorte de sécurité ce matin-là aurait mis en péril sa santé et sa sécurité. En conséquence du refus de travailler, les deux parties ont notifié le refus à un agent de sécurité. L'employeur s'attendait à ce l'agent de sécurité vienne à l'Établissement et enquête sur le refus de travailler en présence des parties touchées, comme l'exige le paragraphe 129(1) de la Partie II du Code canadien du travail (appelé ci-après le Code) qui prévoit ce qui suit :

129. (1)...En cas de maintien du refus, l'employeur et l'employé notifient sans délai le refus à l'agent de sécurité lequel, dès la réception de l'un ou l'autre des avis, effectue une enquête sur la question en présence de l'employeur et de l'employé ou du représentant de celui-ci, ou fait effectuer cette enquête par un autre agent de sécurité. 

En l'occurrence, l'agente de sécurité n'est pas allée à l'Établissement pour enquêter sur le refus de travailler. Par conséquent, la décision sur le danger a été transmise par Mme Duncan à l'employeur sans que celui-ci participe pleinement à l'enquête.

Selon moi, l'enquête a comporté de graves irrégularités parce que le Code impose à l'agent de sécurité l'obligation de faire enquête en présence de l'employeur et de l'employé ou du représentant de celui-ci. Compte tenu du libellé actuel de la loi, il est à peu près impossible de mener une enquête de ce genre sans être présent physiquement sur les lieux. Le fait de ne pas tenir compte de cette obligation va à l'encontre de la loi et est contraire aux droits et intérêts des parties.

Cependant, il peut y avoir des circonstances dans lesquelles il serait impossible pour un agent de sécurité, ou non raisonnablement réalisable pour lui, de se rendre immédiatement sur un lieu de travail pour enquêter sur un refus de travailler en présence des deux parties. Ces circonstances sont toutefois l'exception à la règle. À mon avis, l'agente de sécurité ne faisait pas face à ce genre de circonstances exceptionnelles le 16 décembre 1996.

Dans une situation de refus de travailler, le rôle de l'agent de sécurité est très précis. Ce n'est pas de rendre une décision sur une question de politique. C'est de décider s'il y a danger ou non sur le lieu de travail pour l'employé qui a refusé de travailler. Dans l'affaire Bonfa c. Ministre de l'emploi et de l'immigration, décision No A-138-89, l'honorable juge Pratte de la Cour d'appel fédérale fait des commentaires sur le rôle de l'agent de sécurité au moment d'une enquête sur un refus de travailler. Il dit ceci :

            «Le rôle de l'agent de sécurité est seulement de vérifier si le lieu en cause présente, au moment où il fait son enquête, les dangers tels que les employés soient justifiés de ne pas y travailler.»

Ce que devait déterminer l'agente de sécurité le 16 décembre 1996, c'était s'il y avait danger ou non pour M. Vella à son lieu de travail. Si elle était immédiatement allée à l'Établissement, elle aurait pu se pencher sur les circonstances particulières du refus de travailler de M. Vella. Il est fort probable que les parties auraient communiqué à Mme Duncan les facteurs de risque liés au «détenu X» qui devait être accompagné ce matin-là et les mesures prises pour protéger M. Vella de tout danger, en supposant qu'il y avait bel et bien danger.

En outre, et c'est plus important, l'agente de sécurité aurait été mise au courant du statut de l'affectation concernant l'escorte du «détenu X» à l'hôpital local. M. Vella déclare dans son témoignage qu'après sa rencontre avec la direction vers 9 h pour discuter du refus de travailler, l'Établissement a annulé l'escorte vers 9 h 30 parce qu'il a été impossible de fixer au détenu un autre rendez-vous chez le médecin le même jour. Par conséquent, M. Vella n'était plus en danger et l'agente de sécurité aurait dû rendre une décision selon laquelle il n'y avait pas de danger. Cela aurait mis fin à son enquête sur le refus de travailler de M. Vella.

Cela ne signifie pas que l'agente de sécurité n'aurait pas pu poursuivre son enquête sur les circonstances entourant cette affaire et concernant la politique sur les escortes de sécurité. Au contraire, une fois que le danger précis craint par M. Vella est supprimé, l'agente de sécurité peut voir si la procédure proposée par la direction était suffisante pour protéger la santé et la sécurité des employés de l'Établissement. En vertu de l'article 124 du Code, l'employeur doit veiller «à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail.» Lorsque l'agent de sécurité détermine que cette disposition n'est pas respectée, il peut donner des instructions adéquates pour remédier à la situation.

Comme l'a expliqué M. Lafrenière, la politique sur les escortes de sécurité est une ligne directrice destinée aux gestionnaires des établissements.  Elle doit être appliquée à la discrétion des chefs d'établissements lorsque les circonstances le demandent.  À mon avis, il est important qu'une politique de cette nature soit et demeure flexible afin qu'on puisse l'adapter à diverses situations comportant des facteurs de risque moyen ou élevé. Chaque cas doit être examiné sur le fond. Le cas de M. Vella exigeait que l'agente de sécurité enquête sur les circonstances précises de son refus de travailler et non qu'elle se lance dans une enquête sur le bien-fondé de la politique.

Il existe des risques inhérents liés à l'escorte des détenus. Pour ce qui est de l'escorte des détenus à l'extérieur des établissements, le risque de violence augmente bel et bien et les mesures de protection utilisées doivent être suffisantes pour réduire le risque à un niveau acceptable. Le danger que représente l'escorte d'un détenu ne peut être évalué qu'en tenant compte des risques associés à l'escorte d'un détenu en particulier, en l'espèce le «détenu X», par rapport aux mesures prises pour protéger les agents accompagnateurs. Ici, l'affectation relative à l'escorte du «détenu X» à l'hôpital a été annulée et, en conséquence, il n'y avait aucun danger pour M. Vella.

Décision

Pour tous les motifs mentionnés ci-dessus,  J'ANNULE PAR LES PRÉSENTES les instructions données le 8 janvier 1997 au Service correctionnel du Canada par l'agente de sécurité Mary Duncan en vertu du paragraphe 145(2) du Code. 

Compte tenu de ma décision, je me sens obligé de faire les commentaires suivants. L'employeur admet qu'il peut y avoir agression au cours d'une escorte de sécurité. Dans la description de poste du chauffeur de camion, le titulaire est tenu «d'aider aux fonctions de garde dans des situations d'urgence.» Par conséquent, l'employeur s'attend du chauffeur du véhicule, qui n'est pas un agent de correction dûment formé, à ce qu'il prenne des risques pour sa santé et sa sécurité en situation d'urgence et ce, sans avoir bénéficié d'une formation sur ce genre de situation. J'encouragerais les parties à examiner cet aspect de la fonction d'escorte de sécurité, dans le cadre des travaux du comité de sécurité et de santé. L'employé appelé à offrir son aide dans les situations d'urgence devrait au moins avoir les connaissances, la formation et l'expérience nécessaires pour le faire de manière sécuritaire.

Décision rendue le 2 juin 1997.

L'agent régional de sécurité,

Serge Cadieux


 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ 

NO de la décision :    97-006

Requérant :                Service correctionnel du Canada, établissement de Warkworth

Défenderesse :         Alliance de la Fonction publique du Canada - AFPC

MOTS-CLÉS :          

Danger, escorte de sécurité, en présence de.

DISPOSITIONS

Code: 145(2)

RÉSUMÉ :

Un agent de correction a refusé d'accompagner un détenu à un hôpital local parce que l'employé à qui on a confié la tâche de l'aider au transport du détenu n'était pas un agent de correction dûment formé. L'agente de sécurité (AS) a enquêté sur le refus de travailler par téléphone et a interprété la politique sur les escortes de sécurité du Service correctionnel du Canada (SCC) comme signifiant que deux agents de correction étaient requis pour une escorte de sécurité. Après examen de l'affaire, l'agent régional de sécurité (ARS) a jugé que l'enquête de l'AS comportait de graves irrégularités puisque celle-ci n'a pas enquêté sur le refus de travailler en présence des parties. L'ARS a conclu que si l'AS s'était rendue à l'Établissement, elle aurait appris que l'affectation concernant l'escorte de sécurité avait été annulée ce matin-là parce qu'il était impossible de fixer un nouveau rendez-vous au détenu le même jour. En ce qui a trait au refus de travailler, l'ARS a jugé que l'AS aurait dû déterminer à ce point que l'agent de correction n'était plus en danger et rendre une décision en conséquence. Pour ces motifs, l 'ARS a ANNULÉ les instructions.



[1] 3. Les escortes de sécurité présupposent la garde sûre et continue de détenus et seuls des membres du Service correctionnel du Canada (SCC) ou des agents de la paix, tel qu'il est défini dans le Code criminel du Canada, peuvent assumer ces fonctions.

  5. En cas d'escortes de sécurité par voie terrestre pour les établissements à sécurité moyenne et maximale, il faut en règle générale qu'il y ait deux agents pour le premier détenu. Un des deux agents accompagnateurs est le chauffeur du véhicule d'escorte.

[2] 1. Scott C. Montani, décision du CCRT No.1089, 1994

  2. David Pratt, décision du CCRT No 686, 1988

[3] 1. Revenu Canada et Robin Edwards, décision inédite de l'ARS No. 91-023, 1991

  2. Elnicki et Loomis Armored Car Service Ltd., décision du CCRT No 1105, 1995

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