Archivée - Decision: 97-007 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

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Révision en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail,

partie II, d'une instruction émise par un agent de sécurité

Décision no:               97-007

Demandeur:               Air Canada

                                    Aéroport International de Montréal, Dorval, Québec

                                    Représenté par: Louise-Hélène Sénécal, avocate

Défendeur:                 Comité de sécurité et de santé au travail

                                    Service avion Air Canada

                                    Représenté par: Denis Audet, membre employé

Mis-en-cause:            Yves Jégou

                                    Agent de sécurité

                                    Développement des ressources humaines Canada

Devant:                       Serge Cadieux

                                    Agent régional de sécurité

                                    Développement des ressources humaines Canada

Une audience a eu lieu à Dorval, Qué. le 13 mai 1997.  Il est à noter que lors de la demande de révision de l’instruction (voir ANNEXE) Air Canada avait demandé qu’une audience ait lieu immédiatement puisque l’agent de sécurité exigeait une conformité immédiate à l’instruction.  Air Canada fut avisé que la demande de révision de l’instruction suivrait son cours normal et que la date de conformité serait modifiée si cela s’avérait nécessaire.

Contexte

L’agent de sécurité fait enquête initialement dans cette affaire le 2 mars 1996 suite à une plainte officielle de Monsieur Audet, membre employé du comité de sécurité et de santé au travail.  Il constate qu’un certain nombre d’appareils de manutention motorisés, communément appelés tracteurs, ne sont pas munis de structures de protection pour protéger les employés des intempéries.  Lors de discussions qu’il a eues avec les parties, l’agent de sécurité explique la réglementation concernant la protection contre les intempéries. 

M. Jégou souligne à l’employeur que les tracteurs en litige étaient à l’origine munis de protection contre les intempéries.  Il semble que les cabines de certains tracteurs aient été retirées parce que des portes étaient brisées et qu’elles étaient devenues dangereuses pour les employés, que les pare-brise étaient rayés causant un problème de visibilité etc..  M. Jégou aurait reçu l’assurance  que la situation des tracteurs endommagés serait corrigée et fort de cette assurance, il ferme le dossier.

Lors d’une enquête subséquente qu’il mène sur les lieux de travail d’Air Canada le 4 mars 1997, l’agent de sécurité remarque que plusieurs tracteurs ne sont toujours pas munis de protection contre les intempéries.  Ayant constaté que six (6) tracteurs étaient non conformes au paragraphe 14.9(1) de la Partie XIV (Manutention des matériaux) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail (ci-après le Règlement), l’agent de sécurité émet une instruction à la compagnie exigeant qu’elle se conforme immédiatement à la réglementation.

Argumentation pour l’employeur

L’argumentation détaillée de Me Sénécal est consignée au dossier.  Essentiellement, Me Sénécal soumet que pour qu’il y ait contravention au paragraphe 14.9(1) du Règlement, les éléments suivants doivent exister, à savoir:

1.      l’appareil de manutention doit être utilisé régulièrement à l’extérieur; et

2.      que le toit doit protéger l’opérateur des conditions atmosphériques, météorologiques qui risquent d’être dangereuses pour la santé et la sécurité des employés

et tout ceci  en fonction de l’obligation spécifique de l’employeur prévu à l’alinéa 125(i) du Code canadien du travail, Partie II (ci-après le Code). 

Selon Me Sénécal ces appareils sont utilisés pour la mise en place, pour apporter les bagages à la courroie domestique et pour travailler près des avions.  L’expérience a démontré que les tracteurs équipés de toits étaient impliqués dans des accidents impliquant des avions à cause de la visibilité réduite causée par ces toits. Les appareils utilisés pour de longues courses ont des toits.

De plus, le temps d’exposition aux conditions météorologiques est insuffisant pour compromettre la sécurité et la santé des employés comparativement à d’autres employés travaillant à l’extérieur. En ce qui concerne les dangers ou risques de dangers, il faut regarder les conditions atmosphériques qui prévalent surtout pendant la saison hivernale.  Me Sénécal suggère d’utiliser la norme Threshold Limit Values (TLVs) de l’American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH) pour le froid.  Selon cette norme, la limite d’exposition aux conditions météorologiques extrêmes (31 degrés Celsius sous zéro avec des vents de 15 mh) pour les employés qui travaillent dans les aires de trafic devrait être de 40 minutes.  Or, le temps moyen passé par les employés d’Air Canada qui utilisent les tracteurs en question est inférieur à la limite de 40 minutes.

Me Sénécal souligne que des tracteurs sans cabines sont utilisés dans tous les aéroports du Canada et de l’étranger.  Il ne faut aussi pas oublier que les employés travaillant au sol à charger ou à décharger les avions ne bénéficient pas de protection additionnelle. 

Argumentation pour l’employé

Monsieur Audet fait remarquer que lorsque le tracteur se déplace sur l’aire de trafic, et particulièrement lorsqu’il se déplace face au vent, le facteur vent change à cause de la vitesse de déplacement du tracteur.  De plus, Monsieur Audet affirme que les tracteurs en questions ne sont pas utilisés uniquement autour des avions comme le prétend Me Sénécal.  Ainsi, lorsque les employés font un “set-up” i.e. aller chercher tout l’équipement nécessaire afin d’être prêts pour l’arrivée de l’avion, ils peuvent dans certains cas parcourir de longues distances.  Lorsqu’un employé conduit un tracteur ouvert dans une tempête, soit de pluie ou de neige, la visibilité peut être réduite à un point où elle est presque nulle. 

Selon monsieur Audet, le danger n’est pas autour des avions.  Il existe lorsque les employés se déplacent sur de longues distances.  Il n’y a pas que le froid qui constitue un risque pour les employés qui circulent avec un tracteur ouvert, il y a la poussière soulevée par le vent qui affecte la visibilité des employés.

Motifs de la décision

Le point en litige dans cette affaire est de déterminer si Air Canada est en contravention du Code et du Règlement pour avoir retiré les cabines des six tracteurs en référence dans l’instruction sans les avoir munis d’un toit ou d’une autre structure.  Les dispositions pertinentes à cette détermination sont les suivantes:

 Sous-alinéa 125(i) du Code:

125. Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu , en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière responsabilité:

i)       de veiller à ce que les véhicules et l’équipement mobile que ses employés utilisent pour leur travail soient conformes aux normes réglementaires de sécurité;

Paragraphe 14.9(1) du Règlement

14.9(1) L’appareil de manutention motorisé qui est utilisé régulièrement à l’extérieur doit être muni d’un toit ou d’une autre structure pour protéger l’opérateur des intempéries qui présentent un risque pour sa sécurité ou sa santé. 

Le sous-alinéa 125(i) du Code est l’article de la loi habilitante qui autorise la prise d’une disposition du Règlement concernant la manutention des matériaux à l’aide d’appareils motorisés.  La référence est la bonne et par conséquent ée dois résoudre le point en litige. 

Les tracteurs en référence dans l’instruction sont effectivement des appareils de manutention motorisés utilisés couramment à l’extérieur.  Je ne crois pas qu’il y ait de controverse sur ce point.  La fonction principale de ces appareils est de faire la navette entre les avions et la courroie automatique afin que les employés chargent et déchargent les bagages des avions.  Comme cela a été dit à maintes reprises, ces appareils sont destinés à être utilisés près des avions.  Il est donc évident que ces appareils de manutention motorisés sont utilisés régulièrement à l’extérieur.

Le paragraphe 14.9(1) du Règlement prévoit que “L’appareil de manutention motorisé qui est utilisé régulièrement à l’extérieur doit être muni d’un toit ou d’une autre structure….”   Selon moi, l’expression “utilisé régulièrement à l’extérieur” est déterminante dans le cas des tracteurs identifiés dans l’instruction.  Lorsqu’un appareil de manutention motorisé est utilisé régulièrement à l’extérieur, comme dans le cas présent, le libellé du paragraphe 14.9(1) du Règlement ne permet aucune discrétion en ce qui concerne l’obligation de fournir la protection contre les intempéries.  Dans ces cas, l’appareil doit être muni d’un toit ou d’une autre structure. 

Il est évident que le but visé par cette disposition est de protéger l’opérateur de toute condition climatique présentant un risque pour sa sécurité ou sa santé.  D’ailleurs, l’expression équivalente de langue anglaise “any weather condition” le démontre bien.  Me Sénécal affirme que lorsque les opérateurs doivent effectuer de longs parcours, des appareils équipés de cabines pour protéger les opérateurs sont utilisés.  Je note que le Règlement ne fait pas de distinction sur la base des distances à parcourir pour déterminer l’obligation de fournir un toit ou une autre structure.

Le fait qu’on ait rapporté aucun incident ou accident directement causé par les intempéries n’a pas pour effet d’invalider cette disposition. Selon moi, on ne peut, à la limite, déroger à la norme prévue au paragraphe 14.9(1) du Règlement que si l’on peut démontrer qu’aucune intempérie présente un risque pour la sécurité ou la santé des opérateurs d’appareils de manutention motorisés, ce qui n’a évidemment pas été fait dans le cas présent.  Démontrer qu’aucune intempérie présente un risque pour la santé ou la sécurité d’un opérateur de tracteur est une tâche difficile, sinon impossible, à accomplir.  Les intempéries varient selon les saisons et les régions.  Les opérateurs d’appareils de manutention motorisés utilisés régulièrement à l’extérieur n’ont aucun contrôle sur les conditions climatiques.  Ils y sont exposés régulièrement.

À mon avis, il est peu important pour l’application de cette disposition que l’année dernière ou l’année précédente aient été des années ne présentant pas des conditions climatiques extrêmes.   En météorologie, le passé n’est pas garant de l’avenir.  La norme TLV suggérée par Me Sénécal n’est pas une norme réglementaire bien qu’elle puisse servir de guide pour évaluer l’importance de l’agresseur froid.  Dans les situations où la norme TLV indiquerait un froid extrême, il faudrait pouvoir réagir rapidement ce qui n’est pas pratique.  Me Sénécal a référée à une température de -28 degrés celcius avec un vent de 2.2 kilomètres à l’heure pour l’année 1995-1996 comme étant l’année présentant la température la plus froide à l’aéroport de Dorval.  Toutefois, comme l’a souligné Mr. Audet, cette référence ne tient pas compte du facteur vent causé par le déplacement du véhicule non muni d’une structure de protection.

Le froid est un aspect important des rigueurs de notre climat mais il n’est pas le seul.   Les vents, les orages, les tempêtes de neige ou de pluie, la grêle, la chaleur extrême, etc. sont toutes des intempéries qui présentent des risques à la sécurité ou à la santé des opérateurs de ces tracteurs.  Il est vrai que des employés occupés au chargement ou au déchargement des avions travaillent sans une protection équivalente.  À mon avis, le législateur a voulu que les employés opérant un appareil motorisé utilisé régulièrement à l’extérieur aient une protection supplémentaire étant donné que les éléments pouvaient affecter leur jugement lors de la conduite de l’appareil ou simplement leur santé.

Toutefois, je note qu’une structure autre qu’un toit pourrait être acceptable.  À mon avis, c’est cet aspect de la protection qui mérite l’attention des parties et c’est au niveau du comité de sécurité et de santé qu’on devrait en discuter.  Le comité pourrait sûrement recommander un type de structure spécifiquement appropriée à la saison et au travail à être accompli.  L’important, comme l’a souligné Me Sénécal, c’est que le toit ou la structure protège les opérateurs des intempéries qui présentent des risques à leur sécurité ou à leur santé.  Par exemple, en tenant compte de la longueur des parcours, du temps passé à l’extérieur, des intempéries normales en ce temps de l’année ou de tout autre facteur, il est possible que le comité recommande qu’un pare-brise ou une autre structure appropriée soit installé sur différents tracteurs.  En l’absence d’une telle recommandation, l’employeur pourrait devoir justifier à un agent de sécurité ses décisions unilatérales si celles-ci font l’objet de plaintes.  Il faut aussi comprendre que les recommandations du comité de sécurité et de santé ne limitent en rien le pouvoir d’un agent de sécurité d’intervenir.

Selon moi, le fait d’avoir enlevé les cabines des tracteurs en référence dans l’instruction sans les avoir remplacées par une autre structure met Air Canada en contravention avec le Règlement.

Décision

Pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, JE CONFIRME l’instruction émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code, le  19 mars 1997 par l’agent de sécurité Yves Jégou à Air Canada.  Toutefois, afin de permettre à la compagnie de rendre les six tracteurs identifiés dans l’instruction conformes dans un délai raisonnable, je modifie la date à laquelle Air Canada doit se conformer en remplaçant la date du 19 mars 1997, date à laquelle l’agent de sécurité avait exigé la conformité, par le 18 juillet 1997.

Décision rendue le 18 juin 1997.

Serge Cadieux

Agent régional de sécurité

ANNEXE   (reproduction textuelle)

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)




Le 4 mars 1997, l’agent de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par AIR CANADA, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis à l’AÉROPORT INT’L DE MONTRÉAL, DORVAL, QUÉBEC, ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Air Canada service avion.

Ledit agent de sécurité est d’avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail est enfreinte:

Article 125.i du Code canadien du travail partie II et article 14.9(1) du Règlement Canadien sur la sécurité et la Santé partie XIV.

Les Six (6) appareils de manutention motorisé utilisé régulièrement à l’extérieur: tracteur no. Ltf.21,22, 26, 28 et Lt3.35, Lt1.42, ne sont pas muni d’un toit ou d’une autre structure pour protéger l’opérateur des intempéries qui présentent un risque pour sa sécurité ou sa santé.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toutes contraventions au plus tard le 19 mars 1997.

Fait à Montréal, ce 19e jour de mars 1997.

YVES JÉGOU

Agent de sécurité

1679

À:         AIR CANADA

            AIR CANADA, SERVICE AVION

            AÉROPORT INT’L DE MONTRÉAL

            DORVAL, QUÉBEC

            H4Y 1C3


 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L’AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

Decision no                 97-007

Demandeur:               Air Canada

Intimé:                        Comité de sécurité et de santé au travail

MOTS-CLÉS:

Appareil de manutention, régulièrement, toit, structure, intempéries, froid, opérateur.

DISPOSITIONS:

Code:   125(i), 145(1)

Regs:    14.9(1)

RÉSUMÉ

Un agent de sécurité a donné une instruction à Air Canada parce que la compagnie avait retiré les cabines des appareils de manutention motorisés utilisés régulièrement à l’extérieur sans les avoir remplacées par une autre structure pour protéger les opérateurs des intempéries.  En révision, l’agent régional de sécurité (ARS) a conclu que l’expression “utilisé régulièrement à l’extérieur” était déterminante dans ce cas.  Lorsque les dits appareils sont utilisés régulièrement à l’extérieur le Règlement ne permet aucune discrétion.  Les appareils doivent être munis d’un toit ou d’une autre structure pour protéger les opérateurs des intempéries.  L’ARS a CONFIRMÉ les instructions mais suite à une entente avec les parties, il a modifié la date de conformité à l’instruction.

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