Archivée - Decision: 97-017 CODE CANADIEN DU TRAVAIL

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PARTIE II

SICURITI ET SANTI AU TRAVAIL

Révision en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail,

partie II, d'une instruction Jmise par un agent de sJcuritJ

Décision no:               97-017                        

Demandeur:               Service correctionnel Canada

                                    Établissement Leclerc

                                    Laval, Québec

                                    Représenté par: Pierrette Beaulieu, Conseillère en ressources humaines

Intimé:                        Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG)

                                    (Alliance de la Fonction publique du Canada)

                                    Représenté par: Jacques Girard

                                                             Local Leclerc 10170

Mis-en-cause:            Pierre Morin

                                    Agent de sécurité

                                    Développement des ressources humaines Canada

Devant:                       Serge Cadieux

                                    Agent régional de sécurité

                                    Développement des ressources humaines Canada

Cette cause fut entendue le 28 octobre 1997 à Laval, Québec.

Historique

Le rapport circonstanciel de l'agent de sécurité nous informe de ce qui suit:

"Le 12 août 1997, dans le cadre d'une enquête sur le refus de travail de l'agent de correction Mme Francine Boudreau, je me suis rendu à l'établissement Correctionnel Leclerc situé au 400 de la Montée St-François à Laval.  La conclusion de l'enquête sur le refus de travail confirmait l'inexistence de danger.

Les informations et éléments recueillis au cours de l'enquête susmentionné (sic) m'ont amené à la conclusion que la procédure de travail établie par l'employeur pouvait créer une situation de danger.

La situation dangereuse se rapportait à la procédure de travail prévue pour les escortes des détenus du pavillon 2AB (détenus de la ségrégation) qui devaient se rendre au pavillon des visites.  Dans leur trajet ils ont à circuler dans la cour intérieure au moment ou (sic) des détenus de la population normale peuvent s'y trouver.

Les éléments qui m'ont permis de conclure à l'existence de danger sont:

·        le fait qu'on a lancé des projectiles dans les fenêtres du pavillon 2AB;

·        le fait que le pavillon 2AB attitré pour détenus en post-suspension (ségrégation) possède des infrastructures distinctes tel que: cellules, cafétéria et cour afin d'éviter tout contact entre les détenus de ce pavillon et les détenus de la population normale;

·        le fait que l'employeur a rendu obligatoire l'escorte des détenus du pavillon 2AB qui doivent aller au département des visites;

·        le fait que l'escorte obligatoire des détenus du 2AB les identifient aux détenus de la population normale (à cause de l'escorte) et a créer une situation où un détenu a proféré des menaces à l'endroit de l'agent qui l'escortait;

·        j'ai consulté un agent d'expérience en évaluation de cas en l'occurrence M. Guy Gauthier sur la procédure de travail appliquée par l'employeur.  L'opinion de M. Guy Gauthier est à l'effet que la procédure de travail en litige représente un danger;

·        le fait qu'un refus de travail antérieur par l'agent de correction M. Jocelyn Théorêt dans des circonstances similaires a mené à la conclusion de l'existence d'un danger;

·        le fait qu'une montée de tension règne entre les populations de détenus;

·        le fait que l'usage de menottes et de "shackle" (attache aux pieds) demeurent des outils de contrainte que l'agent de correction ne peut se servir qu'en situation de répression seulement et que l'employeur ne reconnaît pas l'usage de ces équipements de contrôle lors d'escorte quotidienne;

·        le fait que le service d'examen médical soit dispensé au pavillon 2AB par l'infirmière qui se rend sur place afin d'éviter le déplacement des détenus de ce pavillon vers l'hôpital, ce qui confirme que l'employeur voulait ainsi éviter que les détenus ne circulent dans les aires communes de l'institution.

J'ai donc émis une instruction (ANNEXE) verbale et écrite à l'employeur de prendre des mesures propres à assurer la sécurité des ses employés.

Argumentation de l'employeur

Le Mémoire du Demandeur, qui fut soumis initialement par monsieur Michel Deslauriers, Directeur, Établissement Leclerc, a été inscrit au dossier.  Il y aurait selon le Mémoire, essentiellement deux questions en litige, à savoir:

1.      La procédure de travail établie par l'employeur crée-t-elle une situation de danger?

2.      Des mesures de sécurité adéquates sont-elles en place pour assurer la sécurité des agents qui escortent les détenus au bâtiment administratif?

Madame Beaulieu soumet que la procédure établie par l'employeur ne crée pas une situation de danger pour l'agent de correction puisque ce dernier ne fait qu'accompagner un détenu qui en a fait la demande.  En effet, le Mémoire précise que,

"La population du pavillon 2AB regroupe des détenus en post-suspension qui ont des problèmes locaux de protection.  Ces détenus ont en certaines occasions peur de circuler librement en population régulière et, sur demande, doivent être escortés par un agent dans des aires communes où ils peuvent être en contact avec les détenus de la population régulière.  Il faut effectuer une nette distinction entre ces détenus qui manifestent un besoin de protection à leur demande par rapport aux autres détenus qui doivent être placés en isolement préventif en raison des besoins lourds de protection qu'ils représentent."

                                                                                                                                                            Le Mémoire réfute chacun des éléments considérés par l'agent de sécurité et propose que ceux-ci ne constituent pas un danger en soi. 

En ce qui concerne les mesures de sécurité, madame Beaulieu dépose une jurisprudence abondante qui tend à démontrer qu'un agent de sécurité ne peut arriver à la conclusion qu'une personne, dans un environnement carcéral, peut constituer un danger.  De toutes façons, précise madame Beaulieu, le danger allégué par un agent de correction est un danger inhérent à son travail et en constitue une condition normale de travail. 

Argumentation pour les employés

Monsieur Girard affirme que certains arguments soumis par l'employeur sont incomplets et ne seraient pas concluants.   Monsieur Girard conclut que "Le risque inhérent relié à notre travail ne veut surtout pas dire que nous devons ignorer le danger qui existe à accompagner ce genre de détenu."

Décision

La question à résoudre dans cette affaire est la suivante:  Est-ce que la situation visée par l'agent de sécurité dans l'instruction constitue un danger pour les agents de correction? 

La situation en question (ci-après l'Escorte) est décrite dans ces termes: "Les agents qui doivent escorter les détenus du pavillon 2AB (détenus ségrégation) au centre des visites sont exposés à des confrontations entre deux (2) groupes de détenus puisqu'ils doivent passer par une cour intérieure où se trouve des détenus de population normale alors qu'en tout autre temps il n'existe aucun contact entre les deux (2) types de population."

La notion de danger a été beaucoup analysée par les divers tribunaux qui ont eu à se pencher sur sa signification.  La jurisprudence soumise par madame Beaulieu propose que le danger doit être immédiat et, en regard de la décision Bonfa (Ministre de l'Emploi et de l'immigration c. Vincent Bonfa), il doit être présent au moment de l'enquête de l'agent de sécurité.  Je partage les opinions exprimées par cette jurisprudence et j'utiliserai les principes énoncés ci-dessus pour décider cette affaire.

Je constate qu'il existe une contradiction apparente entre l'instruction émise et la décision de non danger que l'agent de sécurité a rendu dans le cas de Madame Boudreau.  En effet, Monsieur Morin a témoigné qu'il a conclu à l'inexistence de danger lorsqu'il a fait enquête lors du refus de travailler de Madame Boudreau

"...parce qu'il n'y avait aucun détenu dans la cour intérieure du pénitencier et considérant que la présence de danger invoquée par Boudreau n'était pas présente au moment de l'enquête, je dois donc conclure à l'inexistence de danger.  Quant on dit que le danger n'était présent au moment du refus, il l'était présent à d'autres moments et c'est sur ceux-ci que j'ai rendu ma décision pour éviter qu'à d'autres moments qu'il y ait pas de situation de danger." (mon soulignement)

La contradiction vient du fait que Madame Boudreau est agent de correction et qu'à ce titre elle doit, dans l'exercice de ses fonctions[1], escorter des détenus à différents moments pendant son travail.  Je suis d'avis que l'agent de sécurité a eu raison de conclure à l'inexistence de danger dans le cas de Madame Boudreau au motif qu'il n'y avait pas de détenus présents lors de l'enquête sur son refus.  Par souci de cohérence, je suis aussi d'avis que l'agent de sécurité ne pouvait conclure à un danger lorsqu'il a fait enquête sur la procédure d'Escorte puisqu'il n'a ni observé, ni été présent pour l'exécution d'une telle Escorte. J'en conclu qu'au moment d'émettre l'instruction contestée, l'agent de sécurité n'avait pas constaté qu'une Escorte devait s'effectuer à un moment précis en sa présence ce qui lui aurait permis, si cela s'était avéré nécessaire,

d'intervenir pour protéger l'employé du danger.  L'agent de sécurité s'est donc attardé à corriger une procédure de travail dans le but avoué de régler des dangers éventuels, une situation qui va à l'encontre des principes énoncés ci-dessus.

Il s'ensuit que la notion de danger réel et présent au moment de l'enquête de l'agent de sécurité trouve son application lorsque, dans ce cas-ci, un agent de correction doit escorter un détenu dans des circonstances spécifiques présentant des risques susceptibles de le blesser et que l'agent de sécurité est présent pour constater les risques en question.  L'agent de sécurité serait justifié dans de telles circonstances d'émettre une instruction en vertu du paragraphe 145(2) du Code canadien du travail, Partie II (ci-après le Code) pour protéger l'employé du danger.  En effet, selon le paragraphe 145(2) du Code:

145. (2)...S'il estime que l'utilisation d'une machine ou chose ou qu'une situation existant dans un lieu constitue un danger pour un employé au travail, l'agent de sécurité :

a)...en avertit l'employeur et lui enjoint, par des instructions écrites, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu'il précise :

(i).. soit à la prise de mesures propres à parer au danger,

(ii).. soit à la protection des personnes contre ce danger;

b)...peut en outre, s'il estime qu'il est impossible dans l'immédiat de parer à ce danger ou de prendre des mesures de protection, interdire, par des instructions écrites données à l'employeur, l'utilisation du lieu, de la machine ou de la chose en cause jusqu'à ce que ses instructions aient été exécutées, le présent alinéa n'ayant toutefois pas pour effet d'empêcher toute mesure nécessaire à la mise en oeuvre des instructions.

(mon soulignement)

L'expression "situation existant dans un lieu" n'est pas une expression définie dans le Code.  Par conséquent, je dois me référer à la signification du dictionnaire pour l'interpréter.  Les termes "situation" et "existant" sont définis par Le Petit Robert, Édition 1996, comme suit:

"situation" signifie 1. (CONCRET) RARE. Le fait d'être en un lieu; manière dont une chose est disposée, situé ou orientée. Þemplacement 

2.     (ABSTRAIT) Ensemble des circonstances dans lesquelles une personne se trouve.Þcirconstance, condition, état.

"existant" signifie 1. Qui existe, qui a une réalité. Þ positif, réel.

2.     Qui existe actuellement. Þ actuel, présent.

Puisque l'expression "situation existant dans un lieu" fait déjà référence à "un lieu", la première interprétation du dictionnaire de "situation" ne peut s'appliquer puisque celle-ci aurait pour effet de créer un pléonasme.  Par conséquent, l'expression "situation existant dans un lieu" doit s'entendre "d'un ensemble de circonstances réelles dans un lieu dans lesquelles une personne se trouve actuellement, présentement."  Or les circonstances auxquelles l'agent de sécurité faisait référence n'étaient ni réelles, ni présentes lors de son enquête.  Par conséquent, l'instruction émise en vertu du paragraphe 145(2) du Code n'est pas justifiée dans ces circonstances.

Dans les cas où l'agent de sécurité fait enquête mais ne peut constater personnellement le danger, il serait avisé d'émettre une instruction, s'il est d'avis qu'il y a contravention au Code, en vertu du paragraphe 145(1) du Code, qui prévoit:

145. (1)...S'il est d'avis qu'il y a contravention B la prJsente partie, l'agent de sJcuritJ peut ordonner B l'employeur ou B l'employJ en cause d'y mettre fin dans le dJlai qu'il prJcise et, sur demande de l'un ou l'autre, confirme par Jcrit toute instruction verbale en ce sens.

En effet, lorsqu'un agent de sécurité est d'avis que l'employeur ne veille pas à la santé et à la sécurité de ses employés, soit parce que la procédure de travail est inadéquate ou insuffisante pour protéger ses employés, il avise l'employeur qu'il contrevient à l'article 124 du Code, ou de tout autre disposition pertinente, et lui enjoint par des instructions, de préférence écrites, de mettre fin à la contravention. 

En ce qui me concerne, je ne peux émettre une instruction à l'employeur en vertu du paragraphe 145(1) du Code pour corriger la procédure d'Escorte, en supposant qu'une telle correction soit nécessaire, puisque le paragraphe 146(3) du Code ne prévoit pas qu'un agent régional de sécurité puisse émettre une instruction.  En effet, cette disposition prévoit:

(3) L'agent régional de sécurité mène une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu aux instructions et sur la justification de celles-ci.  Il peut les modifier, annuler ou confirmer et avise par écrit de sa décision l'employeur, l'employé ou le syndicat en cause.

En somme, la procédure générale d'Escorte envisagée par l'agent de sécurité ne constitue pas un danger en soi pour l'ensemble des agents de correction. Par conséquent je dois annuler l'instruction.  Toutefois, ceci ne veut pas dire que dans un cas particulier on ne pourrait arriver à la conclusion contraire. Puisque j'arrive à la conclusion que les instructions ne sont pas justifiées au motif cité ci-dessus, il n'y a pas lieu de considérer la jurisprudence soumise.

Pour toutes les raisons citées ci-dessus, J'ANNULE les instruction émises en vertu de l'alinéa 145(2)(a) du Code le 26 août 1997 par l'agent de sécurité Pierre Morin à Service correctionnel du Canada, Établissement Leclerc.

Décision rendue le 10 décembre 1997.

Serge Cadieux

Agent régional de sécurité 

ANNEXE

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR EN VERTU DE L'ALINÉA 145(2)(a)

Le 12 août 1997, l'agent de sécurité soussigné a procédé à une enquête sur le lieu de travail de travail exploité par SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 400, MONTÉE ST-FRANÇOIS, LAVAL, QUÉBEC, ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Établissement Leclerc.

Ledit agent de sécurité estime qu'une situation existant dans le lieu constitue un danger pour un employé au travail, à savoir:

Les agents qui doivent escorter les détenus du pavillon 2AB (détenus ségrégation) au centre des visites sont exposés à des confrontations entre deux (2) groupes de détenus puisqu'ils doivent passer par une cour intérieure où se trouve des détenus de population normale alors qu'en tout autre temps il n'existe aucun contact entre les deux (2) types de population.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145(2)(a) de la partie II du Code canadien du travail, de procéder à la protection des personnes contre ce danger immédiatement.

Fait à Laval, ce 26e jour de août 1997.

PIERRE MORIN

Agent de sécurité

# 1908

À:         SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

            ÉTABLISSEMENT LECLERC

            400, MONTÉE  ST-FRANÇOIS

            LAVAL, QUÉBEC

            H7C  1S7


 

SOMMAIRE DE LA DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

Décision no:               97-017

Demandeur:               Service Correctionnel du Canada

                                    Établissement Leclerc

                                    Laval, Québec

Intimé:                        Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG)

MOTS-CLÉS:

Escorte, procédure, danger réel, immédiat, agent de correction.

DISPOSITIONS:

145(1), 145(2), 146(3)

RÉSUMÉ:

Un agent de sécurité fait enquête suite à un refus de travail exercé par un agent de correction.  Le motif du refus était qu'il était dangereux d'escorter un détenu du secteur ségrégation jusqu'à la salle des visites en passant par la cour intérieure alors que des détenus de la population générale s'y retrouvent.  Il n'y a jamais contact entre ces deux groupes de détenus.  L'agent de sécurité décide qu'il n'y a pas de danger parce que lors de son enquête il n'y avait pas de détenu dans la cour intérieure.  Toutefois l'agent de sécurité décide que la procédure de travail place les agents de correction dans des dangers éventuels.  L'Agent Régional de Sécurité a conclu que cette situation vient en contradiction avec la décision initiale de l'agent de sécurité puisqu'il avait décidé de l'inexistence de danger au motif qu'il n'a pas observé une escorte en présence de détenu.  La procédure étant applicable à tous les agents de correction, incluant l'agent de correction qui avait exercé le refus initialement, l'agent de sécurité aurait dû, comme dans le cas du refus, constater la présence des risques lors de son enquête, ce qui n'a pas été fait.  L'Agent Régional de Sécurité a ANNULÉ l'instruction.



[1] Monsieur Blais, sous-directeur de l'Établissement Leclerc a témoigné que MadameBoudreau "était à ce moment là à fonction multiple.  Donc quand on entend le poste de fonction multiple, c'est un peu un agent de correction qui fait à peu près n'importe quoi dans la journée.  Il est à la disposition du Bureau des surveillants correctionnels et le surveillant correctionnel assigne cet officier qui est fonction multiple à différentes tâches qu'il a à faire.  L'escorte entre 2-AB et le pavillon administratif par exemple est une tâche que fait la fonction multiple."

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