Archivée - Decision: 98-007 CODE CANADIEN DU TRAVAIL

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Révision en vertu de l’article 146 du Code canadien du travail, Partie II,

d’une instruction émise par une agente de sécurité

 

Décision nO:            98-007

 

Demandeur:            Neptune Bulk Terminals (Canada) Ltd.

                                 Vancouver, Colombie-Britannique

                                 Représentée par: M. Gibson, avocat

 

Intimé:                     International Longshoremens’ and Warehousemens’ Union

                                 Représenté par Al. LeMonnier

                                 Président, Comité de sécurité et de santé

                                 Section locale 500

 

Mis en cause:          Lyn Peters

                                  Agente de sécurité

                                  DRHC

 

Devant:                     Doug Malanka

                                   Agent régional de sécurité

                                   Développement des ressources humaines Canada

 

HISTORIQUE

 

En mai 1996, M. J. Variah, représentant des employés et coprésident du Comité de sécurité et de santé de Neptune Bulk Terminals Limited, a communiqué avec l’agente de sécurité Lyn Peters, de Développement des ressources humaines Canada, pour obtenir des précisions au sujet de l’alinéa 9.40f) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail.  Plus précisément, M. Variah voulait savoir si cet alinéa exigeait que l’employeur fournisse des tables et des chaises séparées dans la cafétéria au lieu des tables et bancs construits d’un seul tenant que l’on trouvait chez Neptune Bulk Terminals Ltd. depuis 1983.

 

Le 31 juillet 1996, l’agente de sécurité Peters a écrit à M. Variah et lui a fourni une copie d’une interprétation que le Ministère avait donnée de cet article. Cette interprétation confirmait que selon la définition du mot «chaise» que donnaient les dictionnaires anglais et en français, une table et des bancs construits d’un seul tenant ne répondaient pas aux exigences de l’alinéa 9.40f) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail.  Toutefois, cette interprétation précisait que la table et les bancs étaient probablement conformes à l’esprit du Règlement et signalaient le règlement datant d’avant 1989 permettant autre chose que des tables et des chaises séparées. L’agente de sécurité Peters a fait savoir dans sa lettre de réponse qu’elle espérait que ces renseignements aideraient le comité de sécurité et de santé de Neptune Bulk Terminals Ltd. à résoudre la question grâce à un consensus.

 

En août 1997, M. Variah s’est plaint à l’agente de sécurité Peters que le comité de sécurité et de santé n’avait pu en arriver à une entente au sujet des tables et des bancs qui se trouvaient dans la cafétéria.  L’agente de sécurité Peters a visité la compagnie le 22 août 1997 et a accepté une promesse de conformité volontaire (PCV) signée par l’employeur et qui portait sur plusieurs questions de sécurité et de santé, notamment les tables et les bancs de la cafétéria. Plus tard, Neptune Bulk Terminals Ltd. a confirmé à l’agente de sécurité Peters qu’elle croyait que l’ameublement en question était conforme au Code et au Règlement.  Le 13 novembre1997, l’agente de sécurité Peters a émis une instruction en vertu du par. 145.(1) et a ordonné  à Neptune Bulk Terminals Ltd. de cesser de contrevenir à l’alinéa 9.40f) avant le 12 décembre1997.

 

Le 27 novembre 1997, l’employeur  a appelé au bureau de l’agent régional de sécurité et a demandé une révision de l’instruction en vertu de l’article 146 du Code. Un message confirmant cette demande a été envoyé par télécopieur le lendemain. Une audience de révision a donc eu lieu le 27 février 1998 à Vancouver, C.-B.

 

Audience préliminaire

 

Le 22 décembre 1997, une téléconférence au cours de laquelle a eu lieu l’audience préliminaire a été tenue à la demande de l’employeur afin que la date de conformité prévue par l’instruction soit examinée. Étant donné les déclarations et la preuve soumises par les parties, et vu que l’agente de sécurité était d’avis que je ne nuirais pas à la sécurité et à la santé des employés en modifiant la date de conformité de façon qu’elle coïncide avec la date à laquelle j’aurais revu le reste de l’instruction et rendu ma décision écrite, j’ai modifié l’instruction de cette façon.

 

Objection préliminaire

 

À l’audience, M. LeMonnier, le porte-parole de l’employé, a soulevé une objection préliminaire, affirmant que je n’avais pas compétence pour entendre l’affaire parce que le délai de 14 jours  prévu par le paragraphe 146.(1) à l’égard des appels avait été dépassé. Il a signalé que l’instruction de l’agente de sécurité était datée du 13 novembre 1997 et que, bien que la lettre dans laquelle Neptune Bulk Terminals Ltd. demandait la révision de l’instruction de l’agente de sécurité fût datée du 27 novembre 1997, elle n’avait été envoyée par télécopieur à l’agent régional de sécurité S. Cadieux que le 28 novembre1997.  Il a affirmé que si l’on comptait le  jour où a été donnée l’instruction, comme le prévoit le paragraphe 146.(1), alors la période prévue pour interjeter  appel avait été dépassée de deux jours.

 

L’agente de sécurité Peters a précisé qu’elle a donné son instruction le 13 novembre  1997, mais que celle-ci n’a été signifiée à Neptune Bulk Terminals Ltd. que le 14 novembre  1997.  M. Gibson a confirmé que Neptune Bulk Terminals Ltd. l’avait reçue et enregistrée à ses bureaux le 14 novembre.  Il m’a également rappelé que M. Darren Parry, de Neptune Bulk Terminals Ltd. a parlé à Mme Paris, secrétaire du bureau de l’agent régional de sécurité, le 27 novembre 1997 et qu’il a demandé oralement une révision de l’instruction. M. Parry a confirmé sa demande par télécopieur le lendemain, le 28 novembre 1997.

 

Afin de déterminer si j’ai compétence pour entendre l’affaire, je dois me reporter au paragraphe 146.(1) du Code canadien du travail et au paragraphe 27.(5) de la Loi sur les textes réglementaires, 1985, ch. 1-21.  Selon le paragraphe 146.(1) du Code canadien du travail :

 

«146.(1) Tout employeur, employé ou syndicat qui se sent lésé par des instructions données par l’agent de sécurité en vertu de la présente partie peut, dans les quatorze jours qui suivent, en demander la révision par un agent régional de sécurité dans le ressort duquel se trouve le lieu, la machine ou la chose en cause»  (Les caractères gras sont de nous)

 

Le paragraphe 27.(5) de la Loi sur les textes réglementaires, 1985, ch.1-21 précise que :

 

«27.(5) Lorsqu’un acte doit être accompli dans un délai qui suit ou précède un jour déterminé, ce jour ne compte pas. L.C., ch.I-23, s.25»

 

Étant donné ces deux dispositions, je conclus que le jour où l’instruction est donnée n’entre pas dans le calcul des 14 jours, de sorte que le dernier jour pour interjeter appel était le 27 novembre 1997.  Puisque M. Perry a communiqué verbalement sa demande d’appel à Mme Paris le 27 novembre 1997, je décide que j’ai compétence pour réviser l’instruction.

 

Ayant répondu à l’exception déclinatoire de compétence, je passerai maintenant à l’instruction proprement dite.

 

Agent de sécurité

 

Le rapport de l’agente de sécurité Peters a été versé au dossier et ne sera pas reproduit ici. Une copie de l’instruction est jointe en annexe.

 

L’agente de sécurité Peters a témoigné qu’elle était responsable de l’application du Code chez Neptune Bulk Terminals Ltd. depuis le début des années 90. Pendant cette période, elle a inspecté les lieux de nombreuses fois et a assisté à plusieurs réunions du comité de sécurité et de santé au travail de cet endroit. Pendant ses visites au lieu de travail, elle a remarqué que la table et les bancs de la cafétéria n’étaient pas conformes au Règlement, mais elle n’a pris aucune mesure avant que M. Variah ne présente sa plainte.  En effet, elle voulait obtenir les conseils de son bureau sur la façon d’interpréter l’alinéa 9.40f).

 

Elle a confirmé que M. Variah lui a signalé cette question en mai 1996 d’abord puis, encore une fois, en juillet 1996.  Il lui a mentionné que les bancs de la cafétéria n’étaient pas ergonomiques et que les employés les trouvaient inconfortables. Il a demandé une interprétation de l’alinéa 9.40f) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail concernant les tables et bancs construits d’un seul tenant.

 

À cette fin, elle a consulté M. Joe Sullivan, son conseiller technique, ainsi que d’autres agents de sécurité.  Elle a appris d’eux qu’un conseiller en sécurité et santé d’Ottawa avait déjà fourni une interprétation de ce paragraphe. Selon cette interprétation, étant donné le libellé actuel de l’alinéa 9.40f), l’employeur avait probablement contrevenu au Règlement. Toutefois, l’auteur du document affirmait également :

 

[traduction]

«Je suis porté à croire que l’esprit du règlement veut que les employés disposent de sièges pour s’asseoir dans la cafétéria et qu’un banc est donc acceptable. Cette opinion est renforcée par une disposition du Règlement précédent sur les mesures d’hygiène  (SOR/DORS/79-891) à ce sujet, l’alinéa 60f), qui exige que la cafétéria soit meublée de tables et de chaises ou d’autres installations équivalentes.» 

 

L’agente de sécurité Peters a expliqué que sa lettre d’interprétation datée du 31 juillet 1996, dans laquelle elle répondait à M. Variah, reprenait essentiellement le contenu de cette interprétation et précisait qu’aucune des opinions exprimées dans la lettre n’était la sienne.  Elle a déclaré qu’elle s’attendait à ce que M. Variah communique cette interprétation au comité de sécurité et de santé, qui se chargerait de résoudre la question.

 

Plus tard, M. Variah a fait savoir à l’agente de sécurité que la question n’avait pas été résolue par le comité de sécurité et de santé. Le 21 août 1997, elle a visité le lieu de travail et a présenté à l’employeur une promesse de conformité volontaire (PCV) qui indiquait entre autres qu’il n’y avait pas de chaises dans la cafétéria, contrairement à ce qu’exigeait l’alinéa 9.40f). Par la suite, soit le 13 novembre 1997, elle a donné une instruction à Neptune Bulk Terminals Ltd., parce que la compagnie n’avait pas pris les mesures indiquées dans la PCV.

 

En réponse à M. Gibson, l’agente de sécurité Peters a confirmé qu’elle ne considérait pas uniquement cette question comme une question de confort et qu’elle avait donné une instruction à Neptune Bulk Terminals Ltd. parce que c’était le mot «chaise» qui figurait dans l’alinéa 9.40f).  Elle a déclaré que la question lui avait été soumise en tant que plainte portant sur l’ergonomie mais qu’il n’existe pas de règlement portant expressément sur l’ergonomie en vertu du Code. Elle a reconnu qu’elle n’était pas qualifiée pour commenter le caractère ergonomique de la table et des bancs, mais elle a jugé que ceux-ci n’étaient peut-être pas ergonomiques pour les employés, comme les plaintes des employés sur la sécurité et la santé au travail permettaient de le croire.

 

Position de l’employeur

 

Avant l’audience, l’employeur a soumis des documents à l’appui de sa demande de révision de l’instruction. De plus, M. Gibson a présenté à l’audience deux autres documents de l’employeur intitulés «Cahier de documents», Volume 1, et «Exposé des arguments et de la jurisprudence», Volume 2. Ces documents ont été versés au dossier et ne seront pas reproduits ici. J’en parlerai plutôt dans la section du rapport où j’énonce ma décision.

 

M. Taylor, gestionnaire des opérations chez Neptune Bulk Terminals Ltd., a témoigné qu’il travaillait pour la compagnie et qu’il était membre du comité de sécurité et de santé depuis environ 10 ans. Il se rappelait que la question des tables et des bancs de la cafétéria avait été soulevée pour la première fois en 1996.  La compagnie était en train d’apporter des modifications à son vestiaire et avait présenté ses plans au comité de sécurité et de santé pour qu’il lui fasse part de ses commentaires. Il a déclaré qu’une discussion a amené le groupe à consulter le Règlement sur la SST. Selon M. Taylor, c’est à ce moment-là que les employés ont mentionné l’alinéa 9.40f) et ont demandé que l’on mette des chaises dans la cafétéria. Il a déclaré que la question ne découlait pas d’une préoccupation pour la sécurité ou la santé au travail.

 

M. Taylor a prétendu que M. Variah n’avait jamais dit au comité de sécurité et de santé qu’un employé qui était rentré au travail après avoir subi une blessure au dos s’était plaint des tables et des bancs lorsque l’on a discuté de ceux-ci à la réunion de sécurité et de santé de février 1997. Il a déclaré que l’on aurait pu répondre aux besoins de l’employé si la question avait été soulevée.

 

Position de l’employé

 

M. LeMonnier a présenté un rapport à l’audience. Ce document a été versé au dossier et ne sera pas reproduit ici.

 

M. Variah a déclaré qu’il travaillait chez Neptune Bulk Terminals Ltd. depuis environ 5 ans et qu’il avait signalé la question à l’agente de sécurité Peters après avoir reçu une plainte d’un travailleur qui venait de rentrer après avoir subi une blessure incapacitante au dos. L’employé s’était plaint que les tables et les bancs étaient inconfortables parce qu’il était incapable de se mouvoir sur ceux-ci et aussi, en raison de l’angle du dossier. Il a ajouté que d’autres employés s’étaient plaints devant lui des tables et des bancs.

 

Il a également témoigné qu’il avait parlé pour la première fois de la plainte de l’employé à la réunion du comité de sécurité et de santé de février 1997, lorsque l’on avait discuté de la table et des bancs. Il a déclaré s’être plaint à l’agente de sécurité Peters après que l’employeur eut refusé les chaises demandées à la réunion du comité de sécurité et de santé tenue en mars 1997.

 

Décision:

 

En vertu du paragraphe 145.(1) du  Code, un agent de sécurité est autorisé à émettre une instruction lorsqu’il est d’avis qu’une disposition du Code est violée. À mon avis, la question que je dois trancher est celle de savoir si la table et les bancs qui se trouvaient dans la cafétéria de Neptune Bulk Terminals Ltd. étaient conformes à l’alinéa 9.40f) du Règlement de SST, dans lequel figure le mot «chaise».

 

M. Gibson a d’abord affirmé que je devais annuler l’instruction parce que :

 

1.      La table et les bancs sont conformes à l’alinéa 9.40f) du Règlement sur la SST;

2.      L’instruction va à l’encontre de la politique de DRHC, qui veut que le Règlement sur la SST soit appliqué uniformément;

3.      Le fait de conserver les tables et les bancs ne compromettrait la sécurité et la santé d’aucun employé; et

4.      Le remplacement des tables et des bancs par des tables et des chaises aurait un effet néfaste sur Neptune et  sur ses employés.

5.      Subsidiairement, a-t-il affirmé, je devrais modifier l’instruction de façon à «protéger» par des droits acquis les tables et bancs jusqu’à ce que soit venu le temps de les remplacer; ou je devrais modifier l’instruction de façon que Neptune ait suffisamment le temps de s’y conformer.

 

En ce qui concerne le premier argument, qui veut que les tables et les bancs soient conformes à l’alinéa 9.40f), M. Gibson a jugé que le terme «chaise», à l’alinéa 9.40f) doit être interprété comme pouvant aussi être un «banc» pour les besoins de la loi. Sinon, a-t-il dit, l’alinéa serait ultra vires. Pour justifier une telle interprétation de l’alinéa 9.40f) dans cette affaire, il s’est reporté à plusieurs exemples tirés de la jurisprudence.  Selon les précédents cités, lorsque le langage ou la terminologie employée est vague, ambiguë ou douteuse, les mots et les expressions doivent être interprétés en fonction de l’objet de la loi, même si le sens attribué va à l’encontre de la définition courante du dictionnaire.

 

M. Gibson a également cité une lettre d’interprétation que l’agente de sécurité Peters a fournie à M. Variah le 31 juillet 1996. À son avis, cette interprétation montre qu’une «chaise» peut englober un «banc». Dans sa lettre, l’auteur affirme :

 

[traduction]

«…Je suis porté à croire que l’esprit du règlement veut que les employés disposent de sièges pour s’asseoir dans la cafétéria et qu’un banc est donc acceptable. Cette opinion est renforcée par une disposition du Règlement précédent sur les mesures d’hygiène  (SOR/DORS/79-891) à ce sujet, l’alinéa 60f), qui exige que la cafétéria soit meublée de tables et de chaises ou d’autres installations équivalentes.»


Par ailleurs,  M. LeMonnier a soutenu que le libellé de l’alinéa 9.40f) est clair et sans ambiguïté et qu’il ne se prête à aucune interprétation.  Il a déclaré que cet alinéa exige que l’employeur fournisse suffisamment de tables et de «chaises» pour répondre aux besoins des employés.  Puisque la définition de «chaises» que l’on trouve couramment dans les dictionnaires français et anglais disent toutes qu’une «chaise» est un siège pour une personne, une table et des bancs construits d’un seul tenant ne sont pas conformes à l’alinéa 9.40f). Il s’est reporté à la décision rendue par l’agent régional de sécurité Serge Cadieux dans Transport Super Rapide Inc. (96-008).  Dans cette affaire, l’agent Serge Cadieux a jugé qu’il ne pouvait interpréter le terme «structure», qui figure à l’alinéa 12.10 du Règlement sur la SST, comme comprenant les camions parce que les tribunaux[1] avaient jugé que la définition du terme «structure» ne pouvait être élargie de manière à englober les camions.  M. LeMonnier a soutenu que, pour la même raison, je ne pouvais élargir la définition du mot «chaise» de manière qu’elle comprenne un «banc».

 

Après avoir examiné les arguments et la jurisprudence cités, je suis convaincu que l’alinéa 9.40f) n’est ni vague, ni ambigu, ni douteux. En fait, il me semble que le problème pour l’employeur est que l’alinéa 9.40f) est trop précis. Comme le laisse entendre l’interprétation fournie par l’agente de sécurité Peters à M. Variah le 31 juillet 1996, la définition du mot «chaise» que l’on trouve couramment dans les dictionnaires français ou anglais montre ou confirme qu’un tel siège est conçu pour une seule personne. J’ai vérifié ce sens dans certains dictionnaires, comme le Concise Oxford Dictionary, 1991, et Le Nouveau Petit Robert, 1996.

 

Pour ce qui est de l’interprétation que l’agente de sécurité Peters a fournie à M. Variah le 31 juillet 1996, j’ai de la difficulté à accepter que le terme «chaise», à l’alinéa 9.40f) puisse être interprété comme incluant un «banc» parce que le règlement précédent permettait des variations à cet égard. Pour souscrire à cette opinion, il faudrait conclure que cet aspect a tout simplement été négligé par le législateur lorsque le règlement a été révisé. Au lieu de penser qu’il s’agit d’un oubli, je serais plutôt porté à croire que le législateur a intentionnellement retiré la mention des «autres installations équivalentes» lorsque le règlement a été modifié. C’est pourquoi j’estime qu’il n’y a pas lieu d’interpréter le terme  «chaise» à l’alinéa 9.40f) comme comprenant un «banc» en se fondant sur cet argument, et je souscris à l’interprétation que l’agente de sécurité a donnée de cet alinéa.

 

M. Gibson a également prétendu que l’ameublement qui se trouvait dans la cafétéria de Neptune Bulk Terminals Ltd. était conforme à l’alinéa 9.40f) du Règlement parce que la formulation de cette disposition montre que son objet essentiel est de garantir qu’il y a suffisamment de tables et de sièges dans la cafétéria pour que tous les employés qui la fréquentent habituellement puissent y prendre place. Il a ajouté que le contexte dans lequel on parle des tables et des chaises dans cet alinéa n’est pas lié à la sécurité et à la santé au travail. Neptune Bulk Terminals Ltd. voudra peut-être invoquer cet argument la prochaine fois que le Ministère révisera le règlement, mais je ne suis pas prêt à accepter cette interprétation pour l’instant.

 

Le deuxième argument de M. Gibson veut que l’instruction soit annulée parce qu’elle va à l’encontre de la politique de DRHC, selon laquelle le Règlement sur la SST doit être appliqué uniformément. Toutefois, il s’agit strictement d’une question de politique que je ne commenterai pas. Neptune Bulk Terminals Ltd. pourra soulever séparément la question de l’équité auprès du Ministère.

 

Un autre des arguments de  M. Gibson voulait que le fait de remplacer l’ameublement existant par des tables et des chaises aurait nui à Neptune Bulk Terminals Ltd. et à ses employés. Il a déclaré que des tables et des chaises seraient plus difficiles à nettoyer et qu’elles pourraient obstruer le passage. À cet égard, le concierge de Neptune Bulk Terminals Ltd. a écrit une lettre confirmant cette opinion. Toutefois, je ne peux y accorder beaucoup de poids parce que M. LeMonnier n’a pas eu l’occasion d’interroger l’auteur de la lettre sur les faits.  Chose plus importante, en réponse à la question de M. Gibson, l’agente de sécurité Peters a témoigné qu’elle n’était pas d’accord pour dire que les chaises représentaient un risque pour la sécurité et la santé des employés. Les témoignages voulant que les tables et les chaises auraient eu un effet néfaste sur la sécurité et la santé des employés de Neptune Bulk Terminals Ltd. ne sont pas suffisamment convaincants pour m’inciter à eux seuls à annuler l’instruction.

 

Finalement, M. Gibson a soutenu que l’instruction devrait  être annulée parce que Neptune ne compromettrait la sécurité et la santé d’aucun employé en conservant les tables et les bancs. 

 

À mon avis, ces questions nous amènent à discuter de la nature même du règlement pris en vertu du Code.  Celui-ci est généralement considéré comme une norme minimale en matière de sécurité et de santé comme étant d’application générale. L’employeur peut dépasser les normes de sécurité et de santé, et nous l’incitons à le faire, mais il doit au moins les atteindre.

 

En vertu du paragraphe 145.(2), les agents de sécurité ont le pouvoir de décider s’il existe un danger ou non. Toutefois, si le règlement a été violé, il a seulement le pouvoir, en vertu du paragraphe 145.(1) du Code, de décider s’il donnera ou non une instruction. C’est-à-dire, s’il y a violation à un règlement pris en vertu du Code, elle est réputée être liée à la sécurité et à la santé, puisque, en un sens, le législateur a en déjà décidé ainsi.  Comme l’a mentionné M. Gibson, le règlement pris en vertu de l’article 157 du Code ne peut que servir les objectifs de la loi.

 

Dans cette affaire, les faits présentés montrent que l’agente de sécurité Peters était d’avis que la table et les bancs qui se trouvaient chez Neptune Bulk Terminals Ltd. n’étaient pas conformes à l’alinéa 9.40f) parce qu’un «banc» ne peut être inteprété comme étant une «chaise» et que le législateur a modifié le règlement en 1998 et a supprimé les «autres installations équivalentes», ce qui confirme l’interprétation de l’agent Peters. De plus, le représentant des employés et coprésident du comité a affirmé qu’il y avait eu une plainte concernant la sécurité et la santé. C’est pourquoi je juge que l’agente de sécurité Peters a convenablement interprété et appliqué l’alinéa 9.40f) du Règlement sur la SST. Je n’ai donc pas de raison d’annuler une instruction qui est conforme à la loi.

 

M. Gibson a soutenu qu’à défaut d’annuler l’instruction, je devrais la modifier de façon à «protéger» par des droits acquis les tables et les bancs de Neptune jusqu’à ce que soit venu le temps pour la compagnie de les remplacer, ou d’accorder à Neptune suffisamment de temps pour se conformer à l’instruction. À cet égard, il a laissé entendre que Neptune Bulk Terminals Ltd. aurait besoin d’une période de trois mois pour commander et obtenir les tables et les chaises destinées à remplacer les tables et les bancs.

 

La Partie 9 du Règlement sur la SST confirme que le règlement ne permet pas d’accorder de droits acquis en ce qui concerne aucun des alinéas de l’article 9.40.  Par conséquent, cette option ne peut être envisagée. Toutefois, je suis prêt à modifier la portion de l’instruction portant sur la date de conformité de façon à accorder environ 90 jours à partir de la date de la présente décision. Ma décision de modifier la date figurant dans l’instruction est fondée sur le fait que les unités actuelles sont en place depuis environ 13 ans. De plus, M. Lemonnier a convenu que cette question n’est pas une question de sécurité ou de santé pressante ou litigieuse et il ne s’est pas opposé à  la requête de l’employeur à l’audience. De plus, à l’audience préliminaire du 22 décembre 1997, l’agente de sécurité Peters s’était dite d’avis que la sécurité et la santé des employés ne serait pas compromise si je modifiais la date de conformité de façon qu’elle coïncide avec celle où j’aurais révisé le reste de l’instruction.

 

À cet égard, M. Gibson a demandé, au cas où je confirmerais l’instruction, que je juge également si les unités au sujet desquelles Neptune Bulk Terminals Ltd. a demandé l’opinion de M. Sullivan étaient conformes à l’alinéa 9.40f). Toutefois, je dirais que ce n’est pas mon rôle, en tant qu’agent régional de sécurité, d’émettre une telle opinion, car nulle part l’article 146 du Code ne m’autorise à approuver des plans ou du matériel. Je dirais également que le Code prévoit que les employeurs doivent consulter les employés par le truchement du comité de sécurité et de santé au sujet de toutes les questions touchant la sécurité et la santé au travail. Par exemple, M. Lemonnier a déjà indiqué dans sa demande que les employés de Neptune Bulk Terminals Ltd. estiment que les chaises ne devraient pas être fixes. Par conséquent, je dirais que Neptune Bulk Terminals Ltd. devrait tout d’abord consulter le comité de sécurité et de santé, et je l’encourage à le faire.

 

Pour ces motifs, JE MODIFIE PAR LA PRÉSENTE comme il suit le passage concernant la date de conformité qui figure dans l’instruction que l’agente de sécurité Peters a donnée en vertu du paragraphe 145.(1) à Vancouver le 13 novembre1997, à Neptune Bulk Terminals Ltd., située en Colombie-Britannique:

 

…«Par conséquent, JE VOUS ORDONNE PAR LA PRÉSENTE, en vertu du paragraphe 145.(1) du Code canadien du travail, Partie II, de mettre fin à votre violation au plus tard le 7 septembre 1998.»…

 

Décision rendue le 8 juin 1998.

 

 

Doug Malanka

Agent régional de sécurité

 


ANNEXE

 

CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II –SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

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INSTRUCTION DONNÉE À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU

PARAGRAPHE 145.(1)

 

Le 12 novembre 1997, l’agente de sécurité sous-signée a inspecté les lieux de travail situés au 1001, route Low Level, North Vancouver, C.-B et exploités par Neptune Bulk Terminals (Canada) Ltd., employeur assujetti au Code canadien du travail, Partie II.

 

Ladite agente de sécurité est d’avis que l’employeur viole les dispositions suivantes du Code canadien du travail, Partie II,:

 

L’alinéa 125g) du Code canadien du travail, Partie II, et l’alinéa 9.40f) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail.

 

La cafétéria fournie par l’employeur aux 500 employés de la section locale n’est pas pourvue de tables et de chaises.

 

Par conséquent, JE VOUS ORDONNE PAR LA PRÉSENTE, en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, Partie II, de mettre fin à cette violation avant le 12 décembre 1997.

 

Vancouver, le 13 novembre 1997.

 

Lyn Peters

Agente de sécurité

no1816

 

Pour:   Neptune Bulk Terminals (Canada) Ltd.

            Bureau de l’enregistrement et des dossiers

            3000 Royal Centre

            1055, rue Georgia ouest

            Vancouver, C.-B.  V6E 3R3

 


 

SOMMAIRE DE LA DÉCISION DE L’AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

Décision:            98-007

Demandeur:       Neptune Bulk Terminals (Canada) Ltd., Vancouver, C.-.B.

Intimé:                ILWU

MOTS CLÉS:

Cafétéria, tables et chaises, tables et bancs d’un seul tenant, ergonomie, confort.

DISPOSITIONS:

Code:                                 145.(1), 146, 157

Règlement sur la SST:         9.40f)

SOMMAIRE:    

Le représentant des employés et coprésident du comité de sécurité et de santé s’est plaint à l’agente de sécurité et à son employeur que les tables et les bancs construits d’un seul tenant qui se trouvaient dans la cafétéria des employés n’étaient pas conformes à l’alinéa 9.40f) du Règlement sur la sécurité et la santé au travail. Certains employés les trouvaient inconfortables car ils n’étaient pas adéquats sur le plan ergonomique.

L’employeur, qui estimait que la table et les bancs étaient conformes à l’alinéa 9.40f), même si les bancs étaient attachés à la table, a refusé de les remplacer volontairement par des tables et des chaises séparées. Le 13 novembre 1997, l’agente de sécurité a donné pour instruction à l’employeur de mettre fin à cette violation.

Après un examen de l’affaire, l’agent régional de sécurité a confirmé que les tables et les bancs qui se trouvaient dans la cafétéria de Neptune Bulk Terminals Ltd. n’étaient pas conformes à l’alinéa 9.40f) du Règlement sur la SST. Il a fait savoir qu’il était suffisamment clair que le mot «chaise», à l’alinéa 9.40f), ne pouvait être interprété comme comprenant les «bancs».

Toutefois, à la demande de l’employeur et en l’absence d’objection de la part du  représentant des employés, et étant donné l’opinion exprimée précédemment par l’agente de sécurité à l’audience préliminaire du 22 décembre 1997, selon laquelle la sécurité et la santé des employés ne serait pas compromise si la date de conformité était modifiée, celle-ci a été changée de façon à coïncider avec la date à laquelle l’agent régional de sécurité aurait révisé le reste de l’instruction, ce dernier a MODIFIÉ la date de conformité, la reportant au 7 août 1998.



[1] Dans Sa Majesté la Reine c. Transport Provost inc.,le juge J. H. Jenkins a interprété l’article 12.10 du Règlement et a confirmé la décision rendue par l’honorable juge D. M. Stone de la Cour de l’Ontario  (Division provinciale).  Dans cette affaire, le juge D. M. Stone a jugé que le sens ordinaire de la structure visée à l’article 12.10 du Règlement ne pouvait comprendre un camion ou une remorque.

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