Archivée - Decision: 98-009 CODE CANADIEN DU TRAVAIL
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Révision, en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail,
partie II, d'une instruction donnée par un agent de sécurité
Décision n° : 98-009
Demanderesse : BC Tel
Burnaby (C.-B.)
Représentée par R. Anderson, avocat
Intimé : Telecommunications Workers Union
Représenté par Théodore C. Arsenault
Mis en cause: Todd Campbell
Agent de sécurité
Développement des ressources humaines Canada
En instance devant: Douglas Malanka
Agent régional de sécurité
Développement des ressources humaines Canada
CONTEXTE
Le 17 décembre 1997, l'agent de sécurité Todd Campbell a donné une instruction à BC TEL en vertu du paragraphe 145.(1) du Code canadien du travail, partie II (ci-après désigné le “Code” ou la “partie II”). Il était allégué dans l'instruction que l'employeur avait commis deux violations du Code et du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail (ci-après appelé le “Règlement”) en ce qui a trait à l'enseignement aux employés de BC TEL de la façon de monter aux poteaux et d'en descendre et l'utilisation de ces méthodes par ces employés. Selon l'instruction, dont copie est jointe aux présentes, l'employeur n'a pas respecté l'alinéa 125 v) du Code[1] ni le sous‑alinéa 12.10 (1) a) (i) du Règlement.[2] Il était également allégué dans l'instruction que l'employeur avait violé l'alinéa 125 q) du Code[3] et le paragraphe 12.15 (2) du Règlement.[4]
L'agent de sécurité a présenté une copie de son rapport, qui a été distribuée aux parties avant l'audience. Ce document ne sera pas reproduit ici; je retiens cependant les faits énoncés ci-après après avoir lu les documents et entendu le témoignage de l'agent de sécurité présentés à l'audience.
Selon le témoignage de l'agent de sécurité Campbell, le 29 octobre 1997 un employé de BC TEL grimpait à un poteau en bois autoportant de 20 mètres nouvellement installé en se servant de grappins[5], d'une ceinture de sécurité et d'une courroie de sécurité (ci-après appelés respectivement à l'occasion “ceinture” et “courroie”). Pour grimper au-delà d'un support d'antennes situé à plus de 2,4 mètres de la base du poteau qu'il avait lui-même installé plus tôt, il a détaché sa courroie de l'un des anneaux sur sa ceinture, puis il a contourné le support d'antennes de deux pieds. Après avoir dépassé la console, il a tenté d'attacher de nouveau sa courroie à l'anneau sur sa ceinture. En raison de cette manoeuvre, il s'est trop rapproché du poteau et les grappins se sont dégagés ou ont “sorti” de celui-ci. Il a alors fait une chute d'environ dix mètres et il s'est blessé. L'agent de sécurité Campbell a déclaré que la méthode consistant à détacher la courroie de la ceinture puis à contourner un obstacle avait été enseignée par l'employeur dans le cadre d'un cours de formation interne intitulé “Grimper aux poteaux sans danger et travailler dans les airs”. L'agent de sécurité Campbell a exprimé l'avis que l'employé ne serait pas tombé, ou que le risque d'une chute aurait été beaucoup moins élevé, si celui-ci avait porté sa ceinture de sécurité. Dans son rapport, l'agent de sécurité a souligné que le matériel de formation de l'employeur ne mentionne nulle part d'autres façons dont les employés qui doivent contourner des obstacles peuvent procéder lorsqu'ils grimpent à des poteaux. Il a aussi déclaré que
l'employeur aurait également pu recourir à des camions-nacelles ou à des longes de sécurité attachées à des points d'ancrage sur le poteau. Il a également mentionné une méthode désignée sous le nom de “mise en place de deux courroies”.[6]
L'agent de sécurité Campbell a reconnu ne pas avoir pris en compte les méthodes employées dans les autres ressorts lorsqu'il a donné son instruction. Il a dit toutefois estimer qu'il n'avait d'autre choix que de donner une instruction une fois avoir pris connaissance d'une violation des dispositions de la partie II, du Règlement ou des deux. Il a également confirmé ne pas avoir fait enquête sur les problèmes pratiques que peut entraîner la mise en place de deux courroies ou toute autre méthode éventuelle.
Témoin de la demanderesse
Lors de son témoignage, M. Leigh, conseiller en sécurité professionnelle et en environnement auprès de BC TEL, a déclaré qu'il comptait 20 année d'expérience en montée de poteaux et qu'il est un instructeur agréé pour les cours intitulés “Grimper aux poteaux sans danger et travailler dans les airs” et “Sauvetage à la tête d'un poteau”. Il a dispensé dans le passé des cours de montée pour BC TEL.
À l'audience, il a présenté deux vidéos, “Un pas à la fois” et “Sauvetage à la tête d'un poteau”, et il a passé en revue diverses questions touchant la santé et la sécurité traitées dans ces vidéos. Il a expliqué qu'il y a essentiellement deux types de sauvetages à la tête d'un poteau, selon les tailles respectives de la victime et du sauveteur. Lorsque le sauveteur est de taille plus importante que la victime, le sauvetage peut être effectué sans que le sauveteur ait à enlever sa courroie. Toutefois, lorsque la victime est de plus grande taille que le sauveteur, il peut alors être nécessaire de procéder à un sauvetage face à face. Dans ce type de sauvetage, le sauveteur doit détacher sa courroie et contourner la victime pour atteindre le toron. Il a confirmé qu'on enseignait le sauvetage à la tête du poteau en conformité avec le paragraphe 8.10 (3) du Règlement et que l'instruction de l'agent de sécurité Campbell empêche ce type de sauvetage.
Il a également déclaré avoir mené une enquête au nom de l'employeur au sujet de l'accident. Il a signalé que l'employé blessé a reconnu qu'il n'avait peut-être pas “accroché” correctement ses grappins avant de tenter de réattacher sa courroie. Par la suite, M. Leigh a tenté d'utiliser la méthode voulant que l'on mette en place deux courroies mentionnée par l'agent de sécurité Campbell. Il a indiqué que l'utilisation de la deuxième courroie le préoccupait à plusieurs égards. Ainsi, par exemple, lorsque l'ouvrier grimpeur descend du poteau, ses talons peuvent se prendre dans la boucle que fait la deuxième courroie lorsqu'elle est inutilisée et qu'elle pend hors de la ceinture. Cela pourrait entraîner une chute. Il a également confirmé que la ceinture et la courroie que porte un grimpeur lorsqu'il monte à un poteau ou en descend ne peuvent arrêter sa chute, à moins que la courroie n'accroche un obstacle. Il a reconnu que le recours à une deuxième courroie et à la méthode de mise en place de deux courroies pouvait s'avérer avantageuse lorsque les vents sont importants ou lorsque le travail est effectué sur des poteaux très élevés (il a mentionné 30 mètres) ou dont le diamètre diminue à mesure que l'on monte.
Il a confirmé que BC TEL évalue s'il convient de recourir à un mécanisme avec câble de type escamotable plutôt qu'à une deuxième courroie. Les tests ne sont toutefois pas complétés. Il a toutefois conclu que le mécanisme escamotable peut s'enrayer si le grimpeur descend trop rapidement. C'est là un défaut important, le grimpeur pouvant alors perdre l'équilibre et tomber au sol.
M. Leigh a décrit dans ses grandes lignes l'utilisation que BC TEL faisait des échelles. Il a indiqué que pour certains travaux et certaines situations il était préférable de grimper aux poteaux plutôt que de transporter et d'utiliser des échelles. Lorsqu'on utilise une échelle, on a recours à un anneau en “C” qui assure un lien avec le toron mécanique et protège contre les chutes.
Il évalue à environ 750 000 le nombre de poteaux de BC TEL, la plupart d'entre eux étant à utilisation partagée. Il a ajouté avoir mené une enquête non scientifique visant 333 poteaux en secteur urbain, en vue de déterminer le nombre de poteaux qui présentent des obstacles. Il a décrit les types d'obstacles présents et, selon son évaluation, il y a des obstacles sur environ cinquante pour cent des poteaux dans les villes, comparativement à environ 15 pour cent dans les régions rurales.
Témoin de l'intimé
M. Williams est un représentant du Telecommunications Workers Union qui est en congé de service actif auprès de BC TEL. Il travaille pour celle-ci depuis 1981 et il a acquis de l'expérience à l'égard de divers aspects du réseau des lignes.
Il s'est reporté à la “Ligne directrice administrative n° 219.02 “de BC TEL qui est fournie à tous les employés. M. William déclare que ce document est pertinent pour les fins de la présente affaire parce que la définition qui y est faite des “structures porteuses (droit de passage public et propriété privée)” inclut les poteaux, les ancrages, les torons et les conduits.
Observations
Demanderesse
M. Anderson a soumis deux rapports intitulés “Documents déposés pour le compte de BC TEL” et “Observations pour le compte de BC TEL”. Ni ces documents ni le texte intégral des allégations ne seront reproduits ici. Ils font toutefois partie intégrante du dossier et je m'y reporterai dans ma décision.
M. Anderson a soutenu, dans son exposé oral, que BC TEL n'avait pas violé l'alinéa 125 v) du Code ni le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) du Règlement pour les motifs suivants, qui ont été précisés dans son exposé :
1) Le paragraphe 12.10 (1) ne s'applique pas aux “poteaux” parce que ce ne sont pas des “structures non protégées”.
2) Le paragraphe 12.10 (1) ne s'applique pas aux travailleurs alors qu'ils montent des “structures non protégées”, des “structures temporaires” ou des “échelles” ou en descendent.
3) Le paragraphe 12.10 (3) prescrit l'usage de ceintures et de courroies de sécurité comme composantes d'un dispositif de protection contre les chutes, sans modification ou ajout portant sur une seconde courroie ou sur une ceinture escamotable.
4) L'instruction rend impossible de se conformer au paragraphe 8.10(3)[7] de la partie VIII, Protection contre les dangers de l'électricité, du Règlement en ce qui concerne la méthode de sauvetage face à face sur un poteau.
5) L'instruction interprète le paragraphe 12.10 (1) comme entraînant des changements importants par rapport au précédent Règlement du Canada sur les vêtements et l'équipement protecteur, alors que de tels changements n'étaient pas prévus.
Il a en outre soutenu que, si l'employeur n'a pas violé l'alinéa 125 v) du Code ni le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) du Règlement, alors BC TEL n'a pas violé l'alinéa 125 q) du Code ni le paragraphe 12.15 (2) du Règlement.
Intimé
Dans le cadre de son exposé, M. Arsenault a soumis une copie de la convention collective conclue entre BC TEL et Telecommunications Workers Union. Ni ce document ni le texte intégral de ses prétentions ne seront reproduits ici. Ils font toutefois partie intégrante du dossier et je m'y reporterai.
M. Arsenault a soutenu que l'agent de sécurité Campbell n'a commis aucune erreur lorsqu'il a donné son instruction, puisque les méthodes actuellement utilisées par BC TEL ne satisfont pas aux exigences du Code et du Règlement. Il a affirmé que les problèmes pratiques que le Code et le Règlement entraînent pour BC TEL ne constituent pas un motif la dispensant de respecter ces exigences. Il a laissé entendre, de fait, que je n'ai pas compétence pour dispenser BC TEL de respecter les exigences prévues par la loi. Il a en outre indiqué que BC TEL dispose d'une gamme de moyens pour se conformer au règlement : elle peut combiner diverses pratiques de travail et utiliser ces dispositifs de protection qui existent contre les chutes lors de la montée de poteaux. Il a ajouté que BC TEL dispose des ressources requises pour résoudre tout problème pouvant se présenter.
Finalement, il m'a rappelé que la partie II est de nature réparatrice et vise à empêcher les accidents du travail et que, par conséquent, je dois lui donner une interprétation large.
Décision
L'instruction de l'agent de sécurité Campbell comportait deux éléments. Le premier élément sur lequel je dois me prononcer consiste à déterminer si l'employeur, BC TEL a violé l'alinéa 125 v) du Code et le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) du Règlement en omettant de s'assurer que ses employés utilisent un dispositif de protection contre les chutes lorsqu'ils montent à un poteau ou en descendent. En ce qui concerne le second élément, je dois également déterminer si l'employeur a violé l'alinéa 125 q) du Code et le paragraphe 12.15 (2) du Règlement en omettant de fournir la formation et
l'entraînement requis pour protéger la sécurité et la santé de ses employés lorsqu'ils montent aux poteaux ou en descendent, puisqu'il a enjoint à ceux-ci de détacher leur courroie de sécurité pour contourner des obstacles situés à plus de 2,4 mètres de la base des poteaux.
PREMIER ÉLÉMENT DE L'INSTRUCTION
Pour trancher la première question, soit celle de savoir si BC TEL a violé ou non l'alinéa 125 v) du Code et le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) du Règlement, je dois déterminer si un poteau de téléphone constitue ou non une “structure non protégée” aux termes du sous-alinéa 12.10 (1) a) (i). Dans l'affirmative, je dois également déterminer si ce sous-alinéa s'applique ou non aux employés qui montent aux poteaux ou en descendent.
Je suis d'avis que les expressions “construction élevée” et “structure non protégée” visent un “poteau”. Je souscris à l'opinion de l'agent de sécurité Campbell selon laquelle, en ce qui concerne l'article 8.10, l'expression “poteau” est visée par l'expression “construction élevée”. Rien dans les articles 8.10 ou 8.11 ne permet de croire que les “poteaux” et les “constructions élevées” doivent être régis de manière différente. Il semble qu'on ait utilisé les expressions “poteau” et “construction élevée” à ces articles pour clarifier le fait que les exigences prévues s'appliquaient à ces deux types de structures qui sont présentes dans les industries du câble, des télécommunications et de la distribution de l'énergie électrique. M. Anderson a également soutenu que le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) s'applique aux “structures non protégées”, ce qui ne
viserait pas les “poteaux”. Je suis toutefois d'avis qu'une structure est soit “non protégée”, soit “protégée”. Les “poteaux” sont habituellement des “structures non protégées”.
Dans la décision Regina v. Transport Provost, le juge D. Stone a fait des commentaires sur les sens littéral et contextuel du mot “structure” au sous‑alinéa 12.10 (1) a) (i). Bien que les définitions citées à l'égard du mot “structure” aient été d'une certaine utilité, j'estime qu'elles ne sont pas concluantes en ce qui a trait aux “poteaux” de téléphone. J'ai toutefois noté qu'une “structure” est souvent définie comme étant construite sur le sol et fixée ou incorporée au sol. Pour ce qui est des affaires visées dans Provost, le juge Stone a fait observer ce qui suit : “Le point commun apparent entre les diverses affaires soumises par Provost c'est qu'en 1986, une structure était considérée comme étant un bien immobilier ou comme étant, tout au moins temporairement, fixée au sol ou encore sur ou sous le sol (...)”
En outre, un “poteau” utilisé dans l'industrie des télécommunications n'est pas incorporé au sol et n'est pas autoportant. Plutôt, des dispositifs tels que des
pattes de support, des fils métalliques, des torons, des câbles de hauban et des antennes sont fixés au “poteau”, et chaque “poteau” devient un élément du réseau complexe plus vaste des télécommunications qui fournit une voie pour le transport des signaux de télécommunications et une structure pouvant résister aux éléments. Cela est encore plus vrai dans le cas des poteaux à utilisation conjointe, les entreprises de télécommunications utilisant alors les poteaux concurremment avec les entreprises de câblodistribution et de distribution de l'énergie électrique.
En plus du motif susmentionné, l'alinéa 12.10 (2) c)[8] précise que les composantes d'un dispositif contre les chutes mentionné au sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) doivent être conformes à la norme Z259.3-M1978 de l'ACNOR intitulée “Ceintures et courroies de sécurité des monteurs de lignes” (et dont la date est également précisée au sous-alinéa). Cette norme s'applique à tous les types de courroies et de ceintures de sécurité utilisées par les employés de BC TEL qui montent à des poteaux et en descendent, et BC TEL a confirmé à l'audience que les ceintures et courroies de sécurité de ses employés étaient conformes à cette norme.
Je note enfin que BC TEL considère que les poteaux de son réseau de lignes constituent des structures, comme en atteste le fait que la définition de l'expression “structure” dans ses propres documents administratifs inclut les “poteaux”. Je prends également note d'un commentaire figurant dans une note au bas de la page 4 du cours intitulé “Grimper aux poteaux sans danger et travailler dans les airs” :
NOTE!!! IL EST REQUIS EN VERTU DES RÈGLES DE TRAVAIL CANADA QUE NOS COURROIES DE SÉCURITÉ SOIENT TOUJOURS INSTALLÉES AUTOUR DU POTEAU LORSQUE NOUS GRIMPONS À
PLUS DE DIX PIEDS AU-DESSUS DU SOL, SAUF LORSQUE NOUS DEVONS CONTOURNER UN OBJET TEL QU'UN TORON OU UN HAUBAN REPOSANT SUR LE TROTTOIR. NOUS VOUS ENSEIGNONS D'ABORD À GRIMPER SANS VOS CEINTURES POUR QUE VOUS SOYEZ EN MESURE D'AVOIR UN MEILLEUR ÉQUILIBRE PENDANT LES PÉRIODES DE TRANSFERT DES CEINTURES.
Je suis d'avis, pour les motifs énoncés ci-dessus, qu'un “poteau” est une “structure” aux fins du sous-alinéa 12.10 (1) a) (i).
La première question étant réglée, j'examinerai maintenant la question de savoir si le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) s'applique ou non aux employés qui montent aux poteaux ou en descendent.
À l'audience, M. Anderson a reconnu qu'un employé travaille lorsqu'il monte à un poteau ou en descend. Il a toutefois soutenu que le sous‑alinéa 12.10 (1) a) (i) ne s'applique que lorsqu'un employé travaille sur une structure non protégée qui est, elle-même, située à plus de 2,4 mètres au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche. Il a signalé qu'au contraire l'alinéa 12.10 (1) c)[9] s'applique lorsque c'est l'employé qui travaille à une hauteur de plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche. Il a affirmé que le libellé du sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) n'a aucun sens lorsqu'on l'applique à un “poteau”.
Contrairement à M. Anderson, je n'interprète pas le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) comme ne s'appliquant qu'aux “structures non protégées qui sont à plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche”. J'estime que le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) s'applique lorsqu'un employé travaille soit sur une structure qui se trouve à plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche, soit à toute hauteur sur une structure non protégée qui est à plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche. Encore une fois, cette interprétation est compatible avec la prescription de l'alinéa 12.10 (1) c) selon laquelle le dispositif de protection contre les chutes fourni par l'employeur doit être conforme à la norme Z259.3-M1978 de l'ACNOR intitulée “Ceintures et courroies de sécurité des monteurs de lignes”. Comme il y a consensus quant au fait que l'employé travaille pour l'employeur tout le temps qu'il est en service, je dois interpréter le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) comme s'appliquant aux employés qui montent aux poteaux ou en descendent.
Pour ces motifs, JE CONFIRME PAR LES PRÉSENTES le premier élément de l'instruction.
Cette décision étant prise, examinons le commentaire de M. Anderson selon lequel BC TEL éprouverait des problèmes pratiques si je décidais que le sous‑alinéa 12.10 (1) a) (i) s'applique aux employés qui montent aux poteaux ou en descendent. Ainsi, par exemple, les employés seraient obligés d'utiliser deux courroies de sécurité pour contourner les obstacles. Cela représenterait un risque pour les employés en raison du poids additionnel de la seconde courroie, des difficultés occasionnées par une attache additionnelle sur la ceinture lorsque l'employé travaille en hauteur et du danger que les pieds de l'employé ne se prennent dans la seconde courroie de sécurité. Je note toutefois, en réponse à ce commentaire, que le Telecommunications Workers Union approuve l'instruction de l'agent de sécurité Campbell; le syndicat doit donc estimer que les avantages découlant de la mise en place de deux courroies l'emportent sur ses inconvénients. Il a également insisté sur le recours à des engins de levage mobile à courroie et à des longes.
Je prends également note de la circulaire administrative suivante de BC TEL datée du 17 décembre 1986 et qui nous a été soumise :
Il faut parfaitement comprendre que, si surviennent des circonstances où il faut recourir à des employés non qualifiés, ceux-ci doivent être attachés en tout temps. Il faut alors recourir à la “mise en place de deux courroies”, à des câbles de sécurité agréés ou à des dispositifs de protection agréés contre les chutes. Il est important que nous observions tous les aspects des règles de sécurité et que nous nous conformions intégralement à tous les règlements pris en vertu du Code canadien du travail.
Cela me laisse croire que BC TEL savait que le fait de détacher la courroie de sécurité pour contourner des obstacles occasionne des risques plus élevés, mais qu'elle estimait qu'une formation appropriée réduisait ce risque au minimum. Je souligne toutefois que cela n'est pas autorisé par le sous‑alinéa 12.10 (1) a) (i). Malgré l'engagement digne de mention de BC TEL envers la sécurité et la santé au travail et la formation de qualité qu'elle dispense, il continue à y avoir des accidents lorsque les employés détachent leurs courroies pour contourner des obstacles.
M. Anderson a soutenu que le paragraphe 12.10 prescrit le recours à un dispositif de protection contre les chutes, sans modifications telles qu'une deuxième courroie de sécurité ou une ceinture escamotable. J'estime toutefois que le paragraphe 12.10 ne semble pas traiter des obstacles se trouvant sur les poteaux utilisés dans l'industrie des télécommunications. C'est la présence d'obstacles sur les poteaux qui oblige les employeurs à prendre des mesures additionnelles pour se conformer au sous-alinéa 12.10 (1) a) (i). Comme l'agent de sécurité Campbell l'a indiqué à l'employeur, l'instruction ne visait pas à obliger celui-ci à recourir à la “mise en place de deux courroies” pour se conformer au sous-alinéa 12.10 (1) a) (i). L'employeur pouvait recourir à d'autres méthodes, comme l'utilisation de camions-nacelles ou de longes attachées à des points d'ancrage. C'est à l'employeur qu'il incombe de déterminer la meilleure façon de protéger la sécurité et la santé de ses employés eu égard aux obstacles.
M. Anderson a également soutenu que l'instruction rendrait impossible de se conformer au paragraphe 8.10 (3)[10] du Règlement. Il a déclaré que la méthode de sauvetage face à face à la tête d'un poteau requiert que le sauveteur détache sa courroie et contourne la victime pour atteindre le toron; il est impossible sinon de procéder au sauvetage. Cela, bien sûr, me préoccupe. M. Leigh nous a toutefois informés que ce type de méthode de sauvetage n'est requis que lorsque le sauveteur est de plus grande taille que la victime, et que la trousse pour le sauvetage à la tête d'un poteau n'est pas fournie à chaque employé de la société. Il a également indiqué que BC TEL n'a pas envisagé d'autres techniques de protection contre les chutes pour les sauvetages face à face à la tête d'un poteau. Je suis persuadé que BC TEL est en mesure, après consultation de son comité de la santé et de la sécurité, de régler ce problème.
Finalement, M. Anderson a soutenu que l'instruction donnée par l'agent de sécurité Campbell interprète le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) comme entraînant un changement important par rapport au précédent Règlement du Canada sur les vêtements et l'équipement protecteurs, alors qu'aucun changement de ce genre n'avait pas été envisagé. Il a déclaré que des hauts fonctionnaires de Développement des ressources humaines Canada (alors Travail Canada) les avaient informés, en 1985 et 1986, que les modifications n'entraîneraient pas de changements importants. Je peux seulement suggérer à BC TEL de soulever cette question auprès de Développement des ressources humaines Canada, vu que celle-ci n'est pas de mon ressort.
DEUXIÈME ÉLÉMENT DE L'INSTRUCTION
M. Anderson a déclaré à l'audience que BC TEL convient avoir enseigné à l'employé qui a été blessé comment contourner les obstacles et que ce dernier agissait en conséquence lorsqu'il a fait sa chute. Il a ainsi reconnu que, si la société avait contrevenu à l'alinéa 125 v) du Code et au sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) du Règlement, elle avait également contrevenu à l'alinéa 125 q) du Code et au paragraphe 12.15 (2) du Règlement.
À la page 11 du cours intitulé “Grimper aux poteaux sans danger et travailler dans les airs”, je peux constater à la rubrique “FAIRE PASSER VOTRE CEINTURE AUTOUR D'UN OBJET” que, de fait, BC TEL enjoint à ses employés de détacher leur courroie et de contourner les obstacles. Voici ce que dit le point 7 à la page 11 de ce cours :
“(7) Placez votre main gauche sur le poteau et avancez ou reculez à main libre du nombre de pas requis pour contourner l'objet sans danger."
[C'est moi qui souligne]
Tel que l'a déterminé l'agent de sécurité Campbell, cela contrevient à l'alinéa 125 q) du Code et au paragraphe 12.15 (2) du Règlement. Cela étant, JE CONFIRME PAR LES PRÉSENTES le deuxième élément de l'instruction.
Décision rendue le 2 septembre 1998.
Doug Malanka
Agent régional de sécurité
Commentaires
Les commentaires suivants ne font pas partie intégrante de la décision mais ils sont soumis pour examen.
J'ai conclu selon la prépondérance des probabilités, après examen de la présente affaire, que le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) s'applique aux employés qui montent aux poteaux ou en descendent. J'estime toutefois que le libellé du paragraphe 12.10 est quelque peu ambigu au regard de la situation des employés qui rencontrent des obstacles et doivent les contourner lorsqu'ils travaillent sur des poteaux de téléphone. Cela pourrait découler du fait que le Règlement est d'application générale et n'est pas destiné à prévoir toutes les situations de travail pouvant survenir et qui sont visées par la partie II et le Règlement. Quoi qu'il en soit, BC TEL a exprimé, à l'égard du recours à la “mise en place de deux courroies” et des sauvetages à la tête d'un poteau, des inquiétudes dont elle pourrait désirer faire part à DRHC.
ANNEXE
CONCERNANT LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL
INSTRUCTION DONNÉE À L'EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)
L'agent de sécurité soussigné ayant, le 8 décembre 1997, visité le lieu de travail exploité par la société BC Tel, employeur assujetti au Code canadien du travail, partie II, et sis au 3777, avenue Kingsway, Burnaby (Colombie-Britannique), ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom de siège social, et ayant mené une enquête sur ledit lieu de travail, estime que les dispositions suivantes du Code ne sont pas respectées:
Alinéa 125v) du Code canadien du travail, partie II, et sous-alinéa 12.10(1)a)(i) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail.
Les employés qui rencontrent un obstacle à plus de 2,4 mètres de hauteur alors qu'ils sont en train de grimper à un poteau détachent leur ceinture de sécurité pour pouvoir contourner l'obstacle. Ces employés se trouvent donc à travailler sans dispositif de protection contre les chutes sur une structure non protégée qui est à plus de 2,4 mètres au-dessus du niveau permanent le plus proche.
Alinéa 125q) du Code canadien du travail, partie II, et paragraphe 12.15(2) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail.
L'employeur a donné comme instruction à ses employés qui grimpent à des poteaux de détacher leur ceinture de sécurité pour contourner les obstacles qu'ils rencontrent, y compris ceux situés à une hauteur de plus de 2,4 mètres. Cette instruction met en péril la santé et la sécurité des employés et amène ces derniers à contrevenir aux dispositions concernant l'utilisation des dispositifs de protection contre les chutes.
En conséquence, il est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES audit employeur, conformément au paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, partie II, de rectifier la situation au plus tard le 16 janvier 1998.
Fait à Surrey, le 17 décembre 1997.
Todd Campbell
Agent de sécurité no 1790
DESTINATAIRE: BC Tel
Head Office
3777 Kingsway Avenue
Burnaby, B.C.
V5H 3Z7
RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ
Décision : 98-009
Demanderesse : BC Tel
Intimé : Telecommunications Workers Union
MOTS CLÉS
Dispositifs de protection contre les chutes, poteaux, structures, constructions élevées, structures non protégées, obstacles, ceinture de sécurité, courroie de sécurité, mise en place de deux courroies, ceintures escamotables, formation, entraînement, sauvetage à la tête d'un poteau, télécommunications
DISPOSITIONS
Code: al. 125 q) et v), et par. 145.(1)
Règlement: art. 8.10, et 8.11, par. 12.10 (1) et (2), 12.15(2)
RÉSUMÉ
Un employé grimpait à un poteau de téléphone en bois autoportant d'une hauteur de 20 mètres et nouvellement installé en se servant de ses grappins, de sa ceinture de sécurité et de sa courroie de sécurité. Pour grimper au-delà d'un support d'antennes situé à plus de 2,4 m de la base du poteau, il a détaché sa courroie de sécurité de manière à contourner le support d'antennes de deux pieds. Après avoir dépassé la console, il a tenté d'attacher de nouveau sa courroie de sécurité à sa ceinture de sécurité. En raison de cette manoeuvre, il s'est trop rapproché du poteau et les grappins se sont dégagés ou ont “sorti” de celui-ci. Il a alors fait une chute d'environ dix mètres et il s'est blessé. Un agent de sécurité a mené une enquête relativement à l'accident et, par suite de celle-ci, il a donné une instruction à l'employeur en vertu du paragraphe 145.(1) du Code canadien du travail, partie II. Il était allégué dans l'instruction que l'employeur n'avait pas respecté les alinéas 125 q) et v) du Code ni le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) et le paragraphe 12.15 (2) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail en ce qui concerne l'enseignement aux employés de la façon de monter et de descendre les poteaux et l'utilisation de ces méthodes par ces employés.
L'agent régional de sécurité (ARS) a CONFIRMÉ l'instruction et, ce faisant, il a confirmé que le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) s'applique aux poteaux, en tant que structures non protégées, ainsi qu'aux employés qui montent et descendent des poteaux.
[1]L'alinéa 125 v) du Code prévoit ce qui suit :
“v) de veiller à ce que toute personne à qui il en permet l'accès connaisse et utilise selon les modalités réglementaires le matériel, l'équipement, les dispositifs et vêtements réglementaires de sécurité; (...)”
[2]Le sous-alinéa 12.10 (1) a) (i) du Règlement prévoit ce qui suit :
“12.10 (1) L'employeur doit fournir un dispositif de protection contre les chutes à toute personne qui travaille sur l'une des structures suivantes, à l'exception d'un employé qui installe ou qui démonte un tel dispositif selon les instructions visées au paragraphe (5) :
a) une structure non protégée qui est, selon le cas :
(i) à plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche, (...)”
[3]L'alinéa 125 q) du Code prévoit ce qui suit :
“q) d'offrir à chaque employé, de la manière réglementaire, l'information, la formation, l'entraînement et la surveillance nécessaires pour assurer sa sécurité et sa santé; (...)”
[4]Le paragraphe 12.15 (2) du Règlement prévoit ce qui suit :
“12.15 (2) Tout employé qui utilise l'équipement de protection doit recevoir la formation et l'entraînement sur l'utilisation, la mise en service et l'entretien de cet équipement.”
[5]“grappins” Crampons pointus en acier utilisés par les monteurs de lignes téléphoniques.
[6] “mise en place de deux courroies” S'entend de l'utilisation de deux courroies de sécurité de manière à ce que le monteur de ligne soit toujours relié au poteau lorsqu'il doit contourner un obstacle.
[7]Voici le paragraphe 8.10 (3) du Règlement:
“8.10 (3) Il est interdit à un employé de travailler sur un poteau ou une construction élevée visés au paragraphe (1) à moins d'avoir reçu une formation et un entraînement sur la façon de secourir les personnes blessées au cours d'un travail de ce genre.”
[8]Voici l'alinéa 12.10 (2) c) :
“12.10 (2) Les composantes d'un dispositif de protection contre les chutes doivent être conformes aux normes suivantes:
(...) c) la norme Z259.3-M1978 de l'ACNOR intitulée “Ceintures et courroies de sécurité de monteurs de lignes”, publiée dans sa version française en avril 1980 (la dernière modification date d'avril 1981) et publiée dans sa version anglaise en septembre 1978 (la dernière modification date d'avril 1981).”
[9]Voici l'alinéa 12.10 (1) c) :
“12.10 (1) L'employeur doit fournir un dispositif de protection contre les chutes à toute personne qui travaille sur l'une des structures suivantes, à l'exception d'un employé qui installe ou qui démonte un tel dispositif selon les instructions visées au paragraphe (5) :
(...) c) une échelle, lorsque la personne travaille à une hauteur de plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche et qu'à cause de la nature de son travail elle ne peut utiliser ses mains pour s'agripper à l'échelle.”
[10]Voici le paragraphe 8.10 (3):
8.10 (3) Il est interdit à un employé de travailler sur un poteau ou une construction élevée visés au paragraphe (1) à moins d'avoir reçu une formation et un entraînement sur la façon de secourir les personnes blessées au cours d'un travail de ce genre.
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