Archivée - Decision: 98-011 CODE CANADIEN DU TRAVAIL
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Révision, en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail,
Partie II, d'une instruction donnée par un agent de sécurité
Décision no: 98-011
Demandeur: M. Don L. White
Vice-président principal
Kleysen Transport Ltd.
Winnipeg (Manitoba)
Mis en cause: Dennis Schultz
Agent de sécurité
Développement des ressources humaines Canada
Devant: Serge Cadieux
Agent régional de sécurité
Développement des ressources humaines Canada
Cette affaire a été instruite à partir des observations écrites. M. White a fait savoir au bureau de l'agent régional de sécurité que les observations écrites qu'il avait formulées ainsi que la demande de révision de l'instruction portée en appel devaient être examinées en même temps que les observations finales de la compagnie.
Exposé des faits
Le 20 juillet 1998, le bureau de Winnipeg du Programme de main-d'œuvre de Développement des ressources humaines Canada a reçu un rapport d'enquête de situation comportant des risques (RESR). Le RESR faisait état d'un accident dont M. Allen Cooper, employé de Kleysen Transport Ltd., avait été victime le 7 juin 1998. D'après la description figurant dans le rapport, M. Cooper [Traduction] « se trouvait sur le toit de la remorque et a glissé sur le sable qui s'y trouvait. Il est tombé au sol et s'est frappé la tête et le dos ». L'auteur du rapport recommandait à l'agent de sécurité de mener une enquête sur les circonstances de l'accident.
L'agent de sécurité a interrogé M. Cooper le 4 août 1998. Voici comment il décrit la teneur de l'entrevue dans son rapport :
[Traduction]
M. Cooper a déclaré qu'il s'était rangé sur l'accotement pour des raisons personnelles et que, pendant son arrêt, il était monté sur l'échelle menant à la remorque pour se rendre sur le toit afin de s'assurer que toutes les trappes étaient bien fermées et que les dispositifs de sécurité étaient bien enclenchés. À cette fin, il devait marcher sur le toit de la remorque. Il n'a utilisé aucun dispositif antichute pendant qu'il se trouvait sur le toit et aucun moyen de protection de cette nature n'existait. Alors qu'il se préparait à redescendre de la même façon, son pied a glissé sur du « sable » qui se trouvait sur la plate-forme; il est ensuite tombé au sol et s'est blessé. M. Cooper a ajouté que, à sa connaissance, aucun témoin n'a vu l'accident.
Le même jour, l'agent de sécurité a inspecté la remorque impliquée dans l'accident en présence de M. Mackan, directeur de la division du transport en vrac pour la région de l'est de Kleysen Transport Ltd. La remorque avait été modifiée dans le cadre des mesures que l'employeur avait prises pour installer des dispositifs antichutes sur son parc de véhicules. M. Mackan a avisé l'agent de sécurité que [Traduction] « différents systèmes antichutes étaient évalués et [que] les choses avançaient ». Apparemment, M. Mackan a informé l'agent de sécurité qu'il avait rencontré d'autres représentants d'entreprises de camionnage pour examiner les systèmes actuellement utilisés afin de trouver un système convenable.
Le 26 août 1998, l'agent de sécurité a rencontré plusieurs représentants de la compagnie et a averti verbalement M. Mackan de l'existence d'un danger. L'agent de sécurité a fait savoir aux parties qu'une instruction écrite (voir l'ANNEXE A) serait donnée le lendemain, soit le 27 août 1998. Ce jour-là, Mme Krystyna Bielunska-Perikowski, directrice, conformité, sécurité et santé au travail de la compagnie, a remis à l'agent de sécurité une copie de l'ébauche de procédures de l'employeur concernant la présentation d'équipement de protection personnelle et de méthodes antichutes afin qu'il le commente.
Arguments de l'employeur
M. Don L. White a écrit au nom de la compagnie pour demander une révision de l'instruction, eu égard aux trois préoccupations suivantes :
1. Le gouvernement, l'Association canadienne du camionnage et les transporteurs concernés examinent actuellement différentes questions liées à la réglementation sur la protection contre les chutes. L'instruction en l'espèce était fondée sur l'alinéa 145(2)a), qui nous semble une disposition de nature très générale, en raison des mots « procéder immédiatement ... à la protection des personnes contre ce danger ». Il n'est pas fait mention de critères relatifs à la protection contre les chutes.
2. Avant de recevoir l'instruction, nous avons rencontré l'agent de sécurité et nous avons alors expliqué que Kleysen Transport Ltd. avait mis la dernière main à des politiques et procédures concernant la protection contre les chutes et avait commandé le matériel de sécurité, etc.
Il n'a nullement été tenu compte de nos démarches.
3. Cette instruction nous aurait forcés à fermer notre division du transport en vrac, qui compte 110 chauffeurs et 95 camions, ce qui aurait gravement lésé notre clientèle. La plupart des autres transporteurs semblent être moins avancés que nous en matière de dispositifs antichutes.
Ce facteur n'a pas été pris en compte. Heureusement pour nous, nous avons pu progresser suffisamment pour continuer à servir notre clientèle.
En terminant, M. White s'est exprimé comme suit : [Traduction] « Il s'agit là d'un manque de collaboration avec l'industrie et nous demandons que l'instruction soit retirée de notre dossier ».
Décision
À mon avis, il n'y a aucune raison de modifier ou d'annuler l'instruction en cause. La compagnie n'a pas contesté les conclusions de l'agent de sécurité en ce qui a trait à l'existence d'un danger et n'a pas soutenu que celui-ci avait commis une erreur de fait ou de droit lorsqu'il a formulé ladite instruction. La validité de l'instruction n'est nullement contestée, sauf en ce qui a trait à l'absence de renvoi à un critère relatif à la protection contre les chutes, bien que certains éclaircissements fussent peut-être souhaitables. Apparemment, le principal grief de la compagnie réside dans le fait que l'agent de sécurité n'a pas tenu compte des efforts qu'elle avait déployés pour protéger ses employés au travail et pour respecter la législation.
L'employeur est convaincu qu'il est lésé par l'instruction et que le problème persistera, sauf si j'examine les préoccupations qu'il a formulées. Par souci de clarté, j'examinerai ces préoccupations dans l'ordre suivant : PRÉOCCUPATION No 2, PRÉOCCUPATION No 1 et PRÉOCCUPATION No 3.
PRÉOCCUPATION No 2: Politiques et procédures élaborées avant la communication de l'instruction.
L'instruction donnée par l'agent de sécurité est fondée sur l'alinéa 145(2)a) du Code canadien du travail, partie II (ci-après le Code), dont voici le texte :
(2) S'il estime que l'utilisation d'une machine ou chose ou qu'une situation
existant dans un lieu constitue un danger pour un employé au travail, l'agent de
sécurité :
a) en avertit l'employeur et lui enjoint, par des instructions écrites, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu'il précise :
(i) soit à la prise de mesures propres à parer au danger,
(ii) soit à la protection des personnes contre ce danger;
(non souligné dans l'original)
La disposition est claire : l'agent de sécurité « enjoint à l'employeur, par des instructions écrites... immédiatement ou dans le délai qu'il précise... ». Cela signifie que, dès qu'il estime qu'une situation existant dans un lieu constitue un danger pour un employé au travail, il est tenu de communiquer à l'employeur des instructions l'enjoignant de protéger les employés. Examinée sous l'angle du Code, l'instruction de l'agent de sécurité est conforme en tous points à la loi.
Lorsque l'agent de sécurité a rencontré les représentants de l'employeur le 26 août 1998, il avait déjà mené son enquête sur l'accident dont M. Cooper avait été victime. Le 25 août, il avait convenu avec Mme Susan Snyder, superviseure de la conformité chez Kleysen Transport Ltd., de rencontrer M. Mackan le lendemain. Il a fait savoir à Mme Snyder que la rencontre visait à informer verbalement l'employeur de l'existence d'un danger et de la nécessité de protéger les employés. La rencontre du 26 août et son objet avoué ont été confirmés le 25 août par M. Mackan. Au cours de la rencontre tenue le 26 août, l'agent de sécurité a fait savoir aux parties qu'une instruction écrite suivrait le lendemain. Ce n'est que pendant la réunion du 27 août que Mme Krystyna Bielunska-Perikowski a remis à l'agent de sécurité une copie de l'ébauche de procédures de l'employeur concernant la fourniture d'équipement de protection personnelle et de méthodes antichutes pour qu'il le commente. Toutefois, à ce moment-là, l'agent de sécurité était tenu par la loi de donner l'instruction écrite même si des politiques et procédures visant à corriger le problème étaient en cours d'élaboration. En fait, il aurait été préférable que l'agent de sécurité remette à M. Mackan l'instruction écrite immédiatement après avoir conclu à l'existence d'un danger. Cependant, comme ce n'est pas ce qui s'est produit, l'employeur devait respecter l'avertissement verbal conformément à l'alinéa 125w) du Code, et l'agent de sécurité devait faire suivre cet avertissement d'une instruction écrite, comme l'exige l'alinéa 145(2)a) du Code.
PRÉOCCUPATION No1: Absence de renvoi à des critères relatifs à la protection contre les chutes
L'agent de sécurité a décrit le danger comme suit :
[Traduction]
Les employés doivent travailler sur le toit des remorques à une hauteur de plus de 2,4 mètres au-dessus du niveau de sécurité permanent le plus près et risquent par le fait même de tomber et de se blesser.
L'agent de sécurité a décrit le problème sans préciser les moyens de le régler. Ainsi, il n'a mentionné aucun critère relatif à la protection contre les chutes que l'employeur aurait pu appliquer pour se conformer à la loi. À mon avis, l'absence de mention de cette nature ne nuit pas à l'employeur. Bien au contraire, elle l'avantage, parce qu'elle lui permet d'envisager tout un éventail de mesures correctrices sans être limité à un ensemble précis de critères relatifs à la protection contre les chutes. C'est d'autant plus vrai que la compagnie a soutenu que [Traduction] « Le gouvernement, l'Association canadienne du camionnage et les transporteurs concernés examinent actuellement différentes questions liées à la réglementation sur la protection contre les chutes ». À mon avis, l'agent de sécurité savait pertinemment que ces discussions étaient en cours et a préféré s'abstenir d'intervenir en imposant son avis quant aux bons critères à appliquer au sujet de la protection contre les chutes.
Même si le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (le Règlement) renferme peut-être des dispositions concernant les critères relatifs à la protection contre les chutes, ces critères représenteraient des critères minimaux et l'employeur serait tenu de faire preuve de discernement dans le choix du matériel de protection approprié. En définitive, l'employeur pourrait facilement dépasser les exigences du Règlement afin d'éliminer le danger. Comme l'a dit l'honorable juge A.M. Linden dans l'arrêt Alberta Wheat Pool c. Grain Workers' Union, Local 333, jugement A‑998-91, à la page 3 :
En dernier lieu, on a fait valoir qu'il était erronné de conclure à l'existence d'un danger. L'avocat de la requérante a soutenu que si la conclusion ne se fonde pas sur des violations du Code, elle est tirée de façon abusive ou arbitraire. Nous ne sommes pas d'accord. La conclusion qu'un danger existe n'exige pas la preuve de la violation du Code; un danger peut exister sans les violations dont l'A.S. fait mention dans ses instruction.
Je suis convaincu que l'agent de sécurité a bien agi en l'espèce et je ne m'attarderai pas davantage sur cette question.
PRÉOCCUPATION No 3: Omission de tenir compte des répercussions économiques sur l'entreprise de l'employeur
Il appert, selon l'alinéa 145(2)a) du Code, que l'agent de sécurité avait le pouvoir discrétionnaire d'obliger l'employeur à respecter les instructions « immédiatement ou dans le délai qu'il précise ». Il a choisi d'obliger l'employeur à se conformer immédiatement aux instructions. Aucun élément de preuve ne me permet de dire que l'agent de sécurité aurait dû accorder à l'employeur plus de temps à cette fin; c'est pourquoi je ne puis que présumer qu'à son avis, il était nécessaire d'agir de toute urgence, compte tenu du fait qu'un accident s'était déjà produit.
L'agent régional de sécurité est autorisé, en vertu du paragraphe 146(3) du Code, à modifier les instructions, si les circonstances le justifient, et à accorder des délais supplémentaires. Il aurait été nécessaire de présenter des éléments de preuve indiquant que l'employeur avait besoin de plus de temps pour se conformer aux instructions. Toutefois, si j'ai bien compris les observations écrites de M. White, la compagnie préférerait que l'instruction soit retirée de son dossier. Je n'ai pas le pouvoir d'agréer une demande non fondée de l'employeur.
Pour tous les motifs exposés ci-dessus, JE CONFIRME PAR LES PRÉSENTES l'instruction que l'agent de sécurité Dennis Schultz a donnée en application de l'alinéa 145(2)a) du Code le 27 août 1998.
Décision rendue le 22 octobre 1998.
Serge Cadieux
Agent régional de sécurité
ANNEXE A
AFFAIRE INTÉRESSANT LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL
INSTRUCTION DONNÉE À L'EMPLOYEUR EN VERTU DE L'ALINÉA 145(2)a)
Le 4 août 1998, l'agent de sécurité soussigné a mené une enquête au lieu de travail exploité par KLEYSEN TRANSPORT LTD., un employeur régi par le Code canadien du travail, partie II, au sis au 2100, McGILLIVRAY BLVD., WINNIPEG (MANITOBA).
Ledit agent de sécurité estime qu'une situation existant dans un lieu constitue un danger pour un employé au travail :
Les employés sont tenus de travailler sur le toit des remorques citernes à une hauteur de plus de 2,4 mètres de plus que le niveau de sécurité permanent le plus près et risquent par le fait même de tomber et de se blesser.
Par conséquent, je vous donne PAR LES PRÉSENTES POUR INSTRUCTION, conformément à l'alinéa 145(2)a) du Code canadien du travail, partie II, de procéder immédiatement à la protection des personnes contre ce danger.
Instruction donnée à Winnipeg, le 27 août 1998.
Dennis Schultz
Agent de sécurité no 2966
POUR : KLEYSEN TRANSPORT LTD.
KLEYSEN TRANSPORT LTD./TERMINAL
2100, McGILLIVRAY BLVD.
WINNIPEG (MANITOBA)
R3T 3N5
RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ
Décision no: 98-011
Partie requérante : Kleysen Transport Ltd.
MOTS CLÉS
Remorque citerne, protection contre les chutes, danger, communication d'instructions, avertissement verbal, directive écrite, pouvoir discrétionnaire de communiquer des instructions, critères relatifs à la protection contre les chutes, la conclusion quant à l'existence d'un danger n'exige pas la preuve d'un manquement au Code, modification du délai.
DISPOSITIONS :
Code : 125w), 145(2)a), 146(3)
Règlement : s/o
RÉSUMÉ :
Un agent de sécurité a donné une instruction à la compagnie mentionnée en rubrique après avoir reçu un rapport d'enquête de situation comportant des risques (RESR). Le RESR indiquait qu'un employé était tombé au sol après être monté sur le toit d'une remorque citerne et s'est blessé. Cet accident a incité l'agent de sécurité à mener une enquête. L'instruction quant à l'existence d'un danger a été donnée parce que l'employeur obligeait les employés à grimper sur le toit des remorques à un niveau de plus de 2,4 mètres sans dispositif antichute. La compagnie a interjeté appel de l'instruction en invoquant des motifs qui ne soulevaient aucune question de droit ou de fait. L'agent régional de sécurité a conclu qu'en réalité, la compagnie était simplement mécontente de recevoir l'instruction. Même si l'agent régional de sécurité a examiné les préoccupations de la compagnie, il a CONFIRMÉ l'instruction.
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