Archivée - Decision: 98-013 CODE CANADIEN DU TRAVAIL

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Révision en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail,

partie II, d'une instruction Émise par un agent de sécurité

Décision no:               98-013 

Demandeur:               Air Canada

                                    Aéroport international de Montréal

                                    Dorval, Québec

                                    Représenté par: Louise-Hélène Sénécal

Intimé:                        Association internationale des machinistes & des

                                    travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA)

                                    Représenté par: Denis Audet

Mis-en-cause:            Yves Jégou

                                    Agent de sécurité

                                    Développement des ressources humaines Canada

Devant:                       Serge Cadieux

                                    Agent régional de sécurité

                                    Développement des ressources humaines Canada

Cette affaire fut entendue le 17 juin et le 17 novembre 1998 à Montréal.  Monsieur Jégou fut présent à la première audition de cette affaire.  Monsieur Denis Lupien, agent de sécurité, a représenté les intérêts du ministère à l'audience du 17 novembre 1998. 

Objection concernant la recevabilité de la demande de révision de l'instruction

Une conférence téléphonique à laquelle participaient M. Jégou, M.Audet, Me Sénécal et moi-même a eue lieu le 6 mai 1998 afin de discuter de certains points dont la portée de l'instruction (ANNEXE) en appel.  Lors de cette conversation, M. Jégou a soulevé la question du délai concernant la demande de révision par Air Canada de l'instruction qui leur aurait été donnée verbalement le 23 janvier 1998.  La demande de révision ayant été formulée par Air Canada le 23 février 1998, le délai de quatorze jours prévu par le paragraphe 146(1) du Code canadien du travail, Partie II (ci-après le Code) serait expiré et la demande serait, selon messieurs Jégou et Audet, non recevable. 

Il fut entendu que l'agent régional de sécurité se pencherait d'abord sur sa compétence à recevoir la demande de révision.  À cet effet, j'ai avisé les parties de la décision de la Cour fédérale du Canada, Première instance, dans Brinks Canada Limited c. Serge Cadieux et al, Dossier T-959-93.  Dans cette décision, la Cour statue qu'une instruction donnée verbalement par un agent de sécurité et confirmée par la suite par écrit constitue la même instruction.  Par conséquent le délai de quatorze jours s'applique à partir du moment où l'instruction est formulée oralement.  Une audition fut tenue le 17 juin 1998 pour traiter uniquement de la compétence de l'agent régional de sécurité à recevoir la demande de révision. 

L'instruction et la chronologie des événements

Il est important de noter que l'intervention de l'agent de sécurité dans cette affaire sur les lieux de travail d'Air Canada à l'aéroport international de Dorval faisait suite à une première inspection de tracteurs à bagages utilisés sur ces lieux.  L'inspection fut suivie de la remise d'une instruction écrite à Air Canada.   L'instruction émise à ce moment est datée du 19 mars 1997 et spécifie que Air Canada a contrevenu à l'alinéa 125(i) du Code et au paragraphe 14.9(1) de la Partie XIV (Manutention des matériaux) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail (ci-après le Règlement).  En révision, j'ai confirmé cette instruction. 

L'agent de sécurité explique qu'il s'est présenté à l'aéroport Dorval le 23 janvier 1998 au service de bagages de la clientèle d'Air Canada, arrivées domestiques, et a demandé à voir M. Claude de la Sablonnière, chef des Opérations.  La communication avec M. de la Sablonnière s'est effectuée par téléphone.  L'agent de sécurité lui explique qu'il est sur place pour effectuer une inspection et une enquête au niveau des tracteurs à bagages suite à l'instruction émise par lui-même le 19 mars 1997 et à la décision subséquente de l'agent régional de sécurité de confirmer cette instruction. 

L'agent de sécurité précise qu'il a choisi d'intervenir en ce 23 janvier parce qu'une tempête de neige sévissait à l'aéroport.  C'était à son avis un moment propice pour vérifier la conformité des tracteurs à bagages avec la réglementation et aussi avec l'instruction émise quelques mois plus tôt surtout à cause de l'aspect intempérie qui, à son avis, justifiait les instructions.

M. de la Sablonnière avise l'agent de sécurité de l'impossibilité pour lui de se libérer vu la tempête qui sévissait et les nombreuses opérations qui en résultaient.  M. de la Sablonnière libère à ce moment M. Michel Duchesneau,  Chef de service intérimaire, pour prendre en charge l'agent de sécurité et permettre à ce dernier de faire son inspection.   L'agent de sécurité explique à

M. Duchesneau qu'il veut circuler sur le “tamarac[1]” pour regarder les opérations et vérifier le plus d'endroits possibles où les employés d'Air Canada donnent du service.  Il demande aussi la présence d'un membre du comité de santé et de sécurité au travail.  Finalement, M. Audet est désigné pour accompagner l'agent de sécurité et M. Duchesneau à l'aire de triage des bagages à l'aéroport dans la section d'Air Canada. 

La circulation sur le “tamarac” s'est effectué à bord d'un véhicule à quatre roues motrices.  En cours de route, l'agent de sécurité a tenté d'expliquer à M. Duchesneau qu'une première instruction avait déjà été émise dans le dossier des tracteurs à bagages mais ce dernier a vite répondu qu'il n'était pas familier avec ce dossier et que de toutes façons ce n'était pas de sa responsabilité.  En réponse, l'agent de sécurité a informé M. Duchesneau du motif de l'inspection i.e. vérifier la conformité des tracteurs à bagages avec la réglementation et avec la décision de l'agent régional de sécurité à ce sujet.

Le groupe a procédé à l'inspection.  L'agent de sécurité décrit les conditions à l'extérieur comme étant très difficiles, ces conditions étant celles d'une tempête de neige, des vents très forts et une visibilité à peu près nulle.  Il était même très difficile de circuler avec le véhicule à quatre roues motrices.  L'agent  de sécurité a constaté que des tracteurs à bagages circulaient sur le “tamarac” sans protection visant à protéger les employés, tel que requis par la Partie XIV de la réglementation.  Il précise qu'il a relevé le numéro d'identification de chaque tracteur non conforme ayant fait l'objet de l'instruction précédente.  Il a aussi constaté que d'autres appareils de manutention n'ayant fait l'objet d'aucune instruction étaient non conformes à la réglementation.  L'instruction (ANNEXE) émise à ce moment porte sur ces six appareils.

L'agent de sécurité reconnaît qu'il y avait beaucoup d'activité à l'intérieur du camion puisque

M. Duchesneau était en communication constante, par radio, avec les employés travaillant au secteur triage et qu'il devait régler de nombreux problèmes.  Lorsque l'inspection fut terminée, l'agent de sécurité a avisé M. Duchesneau de son obligation d'émettre une instruction en vertu du paragraphe 145(1) du Code.  L'instruction fut donnée verbalement pour les appareils de manutention identifiés à l'instruction.  En réponse à Me Sénécal qui lui demande quelle instruction il a donné à M. Duchesneau, l'agent de sécurité répond:

“Une instruction en 145(1) en disant à M. Duchesneau que les chariots-élévateurs (sic) étaient non conformes à la réglementation, ce qu'on retrouve dans l'instruction.”

Il n'est pas clair à ce stage-ci si l'agent de sécurité a précisé à M. Duchesneau quels appareils faisaient l'objet de l'instruction.  D'ailleurs l'agent de sécurité avoue, en contre-interrogatoire, ne pas se rappeler avoir spécifié quels appareils feraient l'objet de l'instruction à M. Duchesneau.

L'agent de sécurité a avisé M. Duchesneau que même s'il n'était pas au courant du dossier des tracteurs à bagages ou s'il ne connaissait pas la réglementation, il allait émettre l'instruction par écrit à Madame McCoy, vice-présidente aux opérations, avec une copie personnelle qui lui serait adressée.  L'instruction écrite fut d'abord traduite en anglais, ce qui a causé un sérieux délai, et acheminée par courrier recommandé à Air Canada plus de deux semaines plus tard. Au moment de la réception de l'instruction, le délai de quatorze jours fixé par l'article 146 du Code était expiré.  En effet, le récépissé d'envoi officiel de la Société canadienne des postes déposé en preuve par l'agent de sécurité à l'audition est estampillé du 10 février 1998, soit dix-huit jours suivant la date de l'instruction écrite.

Témoignages de Messrs de la Sablonnière et Duchesneau

J'ai reçu les témoignages de Messrs de la Sablonnière et Duchesneau qui m'ont fait part d'une version quelque peu modifiée des événements rapportés par l'agent de sécurité.  Ces témoignages sont consignés au dossier et ne seront pas répétés ici.  Toutefois, ce que je retiens de ces témoignages est l'affirmation de M. Duchesneau à l'effet que

1.     l'agent de sécurité ne l'a jamais avisé des numéros des tracteurs faisant partie de l'instruction; et

2.     qu'il n'a jamais été question d'envoyer une instruction à madame McCoy, vice-présidente.

Décision concernant la recevabilité de la demande de révision de l'instruction

Les arguments qui ont été soumis par Me Sénécal sont à l'effet que

1.     M. Duchesneau n'agissait pas à titre de représentant de l'employeur lorsqu'il a été assigné pour accompagner l'agent de sécurité mais qu'il était uniquement son escorte; et

2.     l'instruction écrite reçue le 11 février 1998 aux bureaux de Mme McCoy est une instruction distincte de l'instruction verbale émise le 23 janvier 1998 et par conséquent elle est recevable.

Je rejette le premier argument de Me Sénécal et je reçois son deuxième argument pour les motifs suivants.

M. Duchesneau agissait, à mon avis, pour le compte de l'employeur lorsqu'il a été assigné pour accompagner l'agent de sécurité lors de son enquête sur les lieux de travail d'Air Canada. Il était identifié comme chef de service intérimaire à la clientèle d'Air Canada, manifestement un poste de gestion. Il m'a été démontré qu'à tous moments M. Duchesneau prenait des décisions affectant les opérations d'Air Canada alors qu'il accompagnait l'agent de sécurité dans le véhicule à quatre roues motrices.  Il devait répondre à des questions d'employés occupés aux diverses opérations à divers endroits et c'est à titre de représentant de l'employeur que ses décisions étaient prises. Comme l'a dit M. Audet,  en tant que représentant de la compagnie, M. Duchesneau avait tous les pouvoirs associés à son poste de gestion.  De plus, je n'accepte pas l'argument qu'il n'a pas compris l'essence de l'instruction verbale qui lui a été donnée par l'agent de sécurité le 23 janvier 1998 et ceci pour des raisons évidentes.  Par conséquent je rejette ce premier argument de

Me Sénécal.

Dans Brinks Canada Limited c. Serge Cadieux et al, l'avocat représentant la compagnie Brinks affirmait que l'instruction verbale donnée par l'agent de sécurité au représentant de l'employeur et la confirmation écrite de cette instruction remise à la compagnie trois mois plus tard étaient identiques.  Par conséquent je devais traiter de la même instruction et il était évident que le délai de quatorze jours avait été excédé.  Dans l'affaire qui nous préoccupe, c'est l'inverse qui est allégué par Me Sénécal, à savoir que l'instruction écrite reçue le 11 février 1998 aux bureaux de Mme McCoy est une instruction distincte de l'instruction verbale émise le 23 janvier 1998.  J'accepte cet argument parce que l'agent de sécurité a avoué ne pas se rappeler s'il avait spécifié quels tracteurs seraient identifiés dans l'instruction.  En fait, M. Jégou a pratiquement reconnu ne pas avoir apporté cette précision lorsqu'il a donnée l'instruction verbale à M. Duchesneau ce qui signifie que M. Duchesneau ne pouvait connaître la teneur de l'instruction.  Je pense qu'il est important, voire essentiel, de préciser le contenu d'une instruction afin de permettre au récipiendaire de déterminer s'il est lésé par l'instruction, une condition essentielle à l'exercice du droit d'en demander la révision en vertu du paragraphe 146(1) du Code. Même si aucun autre argument m'était soumis, j'accepterais la demande de révision uniquement sur ce point puisqu'à mon avis, l'instruction écrite diffère de l'instruction orale.

Toutefois, je suis aussi d'avis qu'une instruction donnée oralement à une personne en particulier devrait être confirmée par écrit à cette même personne et non pas, comme l'a fait l'agent de sécurité, à une tierce personne i.e. Mme McCoy.  Cette dernière n'était pas personnellement impliquée dans cette affaire mais reçoit tout de même une instruction pour la première fois.  Par conséquent, en ce qui concerne l'instruction à Mme McCoy, le délai pour demander une révision de l'instruction commence à courir au moment où elle reçoit pour la première fois l'instruction.

La confirmation d'une instruction verbale devrait se faire dans les meilleurs délais de sorte à ne pas porter préjudice au droit d'appel du récipiendaire de cette instruction.  Dans le cas présent, le délai de dix-huit jours pour faire parvenir la confirmation de l'instruction verbale est à mon avis excessif en plus d'être adressée à la mauvaise personne. La pratique de l'émission d'une instruction verbale souffre d'une multitude de maux. Pour cette raison, il est nécessaire de confirmer cette dernière par écrit le plus tôt possible si l'on veut éliminer l'ambiguïté inhérente associée à une instruction verbale et en assurer sa conformité.  Il est aussi essentiel de la confirmer par écrit à la même personne.

Pour toutes ces raisons, je reçois la demande de révision de l'instruction écrite, celle-ci étant à la lumière des faits précédents, opportune.

Retrait de la demande de révision

À l'audience du 17 novembre 1998, les parties sont parvenues à un accord concernant l'interprétation et l'application du paragraphe 14.9(1) de la Partie XIV (Manutention des matériaux) du Règlement concernant les tracteurs à bagages utilisés par Air Canada.  Suite à cette entente, Me Sénécal m'a avisé qu'elle retirait sa demande de révision.


À titre d'agent régional de sécurité chargé de cette affaire, je confirme par la présente que Air Canada a retiré le 17 novembre 1998 sa demande de révision de l'instruction émise le 30 janvier 1998 en vertu du paragraphe 145(1) du Code par l'agent de sécurité Yves Jégou.  Par conséquent je ne suis plus saisi de ce dossier.  L'affaire est close.

Décision rendue le 20 novembre 1998.

Serge Cadieux

Agent régional de sécurité


ANNEXE

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

Le 23 janvier 1998, l'agent de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par AIR CANADA, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis à l'AÉROPORT INTERNATIONAL DE MONTRÉAL, DORVAL, QUÉBEC, ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Air Canada, Service Avion.

Ledit agent de sécurité est d'avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail est enfreinte:

Article 125.i du Code canadien du travail et article 14.9 du règlement Canadien sur la Sécurité et la Santé Partie XIV.

Les six (6) appareils de manutention motorisé utilisés régulièrement à l'extérieur soit les tracteurs de type LTD ayant les numéros 1, 2, 3, 5, 23, 24 ne sont pas munis d'un toit ou d'une autre structure pour protéger l'opérateur des intempéries qui présentent un risque pour sa sécurité ou sa santé.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toutes contraventions au plus tard le 20 février 1998.

Fait à Montréal, ce 30 janvier 1998.

YVES JÉGOU

Agent de sécurité # 1907

À:         AIR CANADA

            AIR CANADA, SERVICE AVION

            AÉROPORT INTERNATIONAL DE MONTRÉAL

            DORVAL, QUÉBEC

            H4Y 1C3


 

SOMMAIRE DE LA DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

Décision no:               98-013

Demandeur:               Air Canada, Aéroport international de Montréal

Intimé:                        Association internationale des machinistes & des

                                    travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA)

MOTS-CLÉS:           

Tracteurs à bagages, appareils de manutention, recevabilité de la demande de révision, intempérie, instruction verbale, confirmation, instruction écrite, droit d'appel.

DISPOSITIONS:      

Code:   125(i), 145(1)

Règ:     14.9(1)

RÉSUMÉ: 

Un agent de sécurité fait une inspection à l'aéroport de Dorval pour vérifier la conformité des tracteurs à bagages utilisés par Air Canada avec la réglementation.  L'agent de sécurité émet une instruction verbale à un représentant de l'employeur mais en fait suivre la confirmation écrite à une autre personne en autorité à Air Canada.  En révision, l'employeur soumet que l'instruction écrite est distincte de l'instruction orale en ce qui concerne son contenu et qu'en plus elle est adressée à une personne non impliquée dans cette affaire.  L'agent régional de sécurité (ARS) accepte que l'instruction écrite diffère de l'instruction orale et décide qu'il peut recevoir la demande révision à la lumière de cet argument. L'ARS note aussi que l'instruction orale devrait être confirmée par écrit à la même personne qui a reçue l'instruction orale.  L'ARS reçoit la demande de révision. 

Toutefois, lors de la deuxième audience pour entendre cette affaire, les parties parviennent à un accord et Air Canada retire sa demande de révision.  L'ARS ferme le dossier.



[1] “Tamarac” Dérivé du mot anglais “tarmac” qui est défini par le Petit Robert par: Dans un aérodrome, partie réservée à la circulation et au stationnnement des avions.

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