Archivée - Decision: 98-014 CODE CANADIEN DU TRAVAIL

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Révision en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail,

Partie II, d'une instruction donnée par un agent de sécurité

 

 

Décision No :           98-014

 

Requérante :        Brink's Canada Limited

                              Windsor, Ontario

                              représentée par : G.J.A. Vassos, avocat

 

Intimé :                  M. Phil Prince

 

Mis en cause :       Marks Hawkins

                               Agent de sécurité

                               Développement des ressources humaines Canada

 

Devant :                 Douglas Malanka

                               Agent régional de sécurité

                               Développement des ressources humaines Canada

 

Faits :

 

Peu après qu'il eut commencé son trajet, le vendredi 27 mars 1998, M. Phil Prince, un employé de Brink's Canada Limited (Brink's), Terminal de Windsor, a eu l'impression que les freins et la direction du camion blindé qu'il conduisait ne fonctionnaient pas bien. Par la suite, il a testé les freins dans le terrain de stationnement d'un client, puis il a communiqué par radio avec son répartiteur pour lui dire qu'il ramenait le camion non sécuritaire au terminal. À son arrivée au terminal, le surveillant des Opérations, M. Hand, l'a informé que les freins et la direction avaient subi une mise au point peu de temps auparavant, c'est-à-dire le 16 mars 1998. M. Hand a alors testé le camion sur la route et a décidé qu'il était sécuritaire. Néanmoins, M. Prince a continué d'affirmer que le camion n'était pas sûr et de refuser de le conduire pour des questions de sécurité. M. Hand a alors renvoyé M. Prince chez lui et a terminé le trajet à sa place. Plus tard au cours de la journée, M. Prince a appelé Développement des ressources humaines Canada (DRHC) pour présenter une plainte.

Le mardi suivant, soit le 31 mars 1998, M. Prince est rentré au travail et s'est vu assigner le même camion blindé. Pendant qu'il était en route pour se rendre chez son deuxième client, il a conclu que les freins et la direction n'étaient toujours pas sécuritaires. Il a appelé son répartiteur, et M. Mahew, le gestionnaire du terminal, lui a ordonné de ramener le camion immédiatement. À son arrivée, M. Hand l'a informé que le camion avait subi une inspection de sécurité le 30 mars 1998 et que l'on avait certifié qu'il était sécuritaire. Malgré cela, M. Prince a continué d'exercer son droit de refuser de travailler, et M. Mahew l'a renvoyé chez lui pour le reste de la semaine.

Le 6 avril 1998, l'agent de sécurité Mark Hawkins s'est rendu au Terminal de Brink's et a fait enquête sur le refus de travailler de M. Prince. Il a fait inspecter le camion blindé par un mécanicien qualifié, qui a attesté que les freins et la direction répondaient aux normes de sécurité provinciales applicables à ce type de véhicule et qu'il était sécuritaire. L'agent de sécurité Hawkins a donc décidé qu'il n'y avait pas de danger pour l'employé et a informé ce dernier ainsi que l'employeur de sa décision. Toutefois, il a jugé que l'employeur avait enfreint diverses dispositions du Code canadien du travail (appelé ci-après la Partie II du Code) relativement au refus de travailler de M. Prince.

Le 9 avril 1998,  il a donné à Brink's, en vertu du par. 145.(1) du Code, une instruction écrite confirmant l'instruction orale qu'il lui avait donnée le 6 avril 1998. On trouvera en annexe une copie de cette instruction. Celle-ci précise que l'employeur a contrevenu à l'alinéa 147a)(iii) du Code en imposant à M. Prince une mesure disciplinaire pour avoir invoqué son droit de refuser de travailler à deux occasions, soit le 27 et le 31 mars 1998. L'instruction précisait également que l'employeur avait contrevenu au par. 128(7) du Code en omettant à deux occasions de faire enquête sur les refus de travailler des employés en présence d'au moins un membre du comité de sécurité et de santé au travail et que l'employeur avait contrevenu au paragraphe 129(1) du Code en omettant à deux reprises d'aviser sans délai l'agent de sécurité du fait qu'un employé avait refusé de travailler. Cette instruction ordonnait à l'employeur de mettre fin à ces contraventions au plus tard le 9 avril 1998.

Le 17 avril 1998, M. George Vassos a demandé la révision de l'instruction au nom de Brink's. Par la suite, le 27 avril 1998, il a écrit à l'agent régional de sécurité et lui a demandé de rendre une décision sommaire annulant les points 1 et 2 de l'instruction de l'agent de sécurité. Il a soutenu que le point 1 devait être annulé parce que la Cour fédérale avait confirmé dans l'affaire Gilmore c. Canadian National Railway[1] que le par. 145.(1) du Code n'autorise pas un agent de sécurité à donner une instruction en rapport avec une mesure disciplinaire découlant d'un refus de travailler.

Avant l'audience orale tenue le 25 septembre 1998 et au cours de laquelle l'instruction a été révisée, l'agent régional de sécurité a informé les parties qu'il annulait le point 1 de l'instruction. À l'audience, il a fait savoir aux parties qu'il confirmerait sa décision et les motifs de celle-ci dans la décision écrite qu'il rendrait à la suite de l'audience sur les points 2 et 3 de l'instruction.

Agent de sécurité :

En plus de témoigner à l'audience, l'agent de sécurité Hawkins a soumis un rapport écrit avant l'audience. Ce document fait partie du dossier et ne sera pas reproduit ici. Les faits que je retiens de la preuve déposée à l'audience sont les suivants.

L'agent de sécurité Hawkins a d'abord parlé à M. Prince le 3 avril 1998, lorsque ce dernier a appelé pour s'informer de l'état de la plainte qu'il avait déposée à DRHC le 30 mars 1998. M. Prince a déclaré à l'agent de sécurité Hawkins qu'il s'était plaint à DRHC le 27 et le 30 mars 1998 au sujet de ses refus de travailler. L'agent de sécurité Hawkins DRHC n'avait rien noté au sujet de l'appel du 27 mars, mais il a confirmé que DRHC avait la formule de plainte subséquente remplie par M. Prince le 2 avril 1998. L'agent de sécurité Hawkins n'a pas non plus été en mesure d'expliquer pourquoi aucun des agents de sécurité de DRHC avec lequel avait communiqué M. Prince le 27 et le 30 mars 1998 n'avait traité sa plainte comme un refus de travailler. Toutefois, a-t-il déclaré, il était clair pour lui que M. Prince avait exercé son droit de refuser de travailler en vertu de la Partie II à deux occasions.

Le 3 avril 1998, l'agent de sécurité Hawkins a parlé à M. Mahew, qui a confirmé être au courant du fait que M. Prince avait le droit de refuser de travailler en raison d'un « danger »[2] en vertu de la Partie II. Toutefois, il n'a pas expliqué pourquoi la direction n'avait pas fait enquête sur les deux refus de travailler de M. Prince en présence d'un représentant des employés au sein du comité de sécurité et de santé. Plus tard au cours de la journée, l'agent de sécurité Hawkins a parlé à M. Gerald Riendeau, gestionnaire, Relations de travail, chez Brink's. M. Riendeau a affirmé que M. Prince n'avait pas fait savoir à l'employeur qu'il refusait de travailler en vertu de l'article 128 à aucune de ces occasions.

L'agent de sécurité Hawkins a témoigné que les points 2 et 3 de son instruction visaient à faire en sorte qu'à l'avenir, Brink's fasse enquête et présente un rapport sur les refus de travailler en conformité avec la Partie II.   

Requérant :

Avant l'audience, M. Vassos a soumis les documents exposant les raisons pour lesquelles il demandait que l'instruction soit annulée au complet. Ces documents font partie du dossier et ne seront pas reproduits ici. De plus, M. Hand et M. Mahew ont témoigné au nom de Brink's. J'ai retenu les faits suivants de leur témoignage.

M. Hand a témoigné qu'il travaillait pour Brink's depuis environ 28 ans et qu'il faisait partie de la direction depuis environ 13 ans. Il avait une expérience considérable comme chauffeur des véhicules de la série 100, comme celui qui est en cause ici. Il a confirmé qu'il avait testé le camion à la suite des deux refus de M. Prince et il n'a trouvé aucun problème avec les freins ou la direction du camion.

M. Mahew a témoigné qu'il travaillait pour Brink's depuis environ 20 ans et qu'il s'était joint à la direction il y a environ 20 ans. Il était représentant des employés au sein du comité de sécurité et de santé au travail depuis environ 10 ans. Il s'est rappelé avoir parlé à M. Prince à la suite des deux refus de travailler, le 27 et le 31 mars 1998, et il a autorisé l'utilisation du camion après que M. Hand l'eut testé sur la route. Il a confirmé que le camion a été envoyé chez Bavarian Auto le 30 mars pour être vérifié à nouveau.

M. Mahew a confirmé que M. Milanie, le représentant des employés au sein du comité de sécurité et de santé au travail, n'avait pas reçu de formation comme membre du comité de sécurité et de santé pendant qu'il travaillait chez Brink's. Il a confirmé que M. Milanie était disponible le jour où l'agent de sécurité Hawkins a effectué son enquête, mais il n'y a pas participé, et l'agent de sécurité n'a pas insisté pour qu'il soit présent. Il a témoigné qu'il ne croyait pas qu'il lui incombait d'informer les employés au sujet de l'exercice de leur droit de refuser de travailler. Il a déclaré qu'il s'agissait d'une responsabilité du syndicat.

Intimé : 

M. Prince n'était pas représenté par un avocat et il a témoigné en son propre nom. Je retiens les faits suivants de son témoignage.

M. Prince avait 10 ans d'expérience comme chauffeur, mais il n'avait travaillé pour Brink's que pendant 9 mois avant de refuser de travailler. Il a déclaré qu'aux deux occasions, il était convaincu que le véhicule n'était pas sécuritaire, mais il ne savait pas qu'il avait le droit de refuser de travailler en vertu de la Partie II. Il croyait que puisque les freins et la direction du camion avaient été jugés sécuritaires, le problème devait être lié à la charge que transportait le camion. Il a soutenu que le camion aurait dû être testé par le mécanicien qualifié avec la même charge que celle qu'il transportait les jours où il a refusé de travailler. Il a de plus affirmé qu'aucune copie de la Partie II n'était affichée au lieu de travail, comme l'exigeait le Code.

Arguments:

M. Vassos a déclaré qu'il ne présenterait aucun argument concernant le point 1 de l'instruction puisque j'avais déjà décidé d'annuler ce point.

M. Vassos a soutenu que je devrais annuler les points 2 et 3 de l'instruction pour les raisons suivantes :

1)   le Code a pour objet de prévenir les accidents et les blessures chez les employés. La Partie II encourage les parties à collaborer et à résoudre les questions de sécurité et de santé qui se présentent au lieu de travail devant un agent de sécurité. Or les parties ont collaboré, quoique tard, dans cette affaire, et finalement, elles en sont venues à une entente concernant le refus de travailler. De plus, personne n'a été blessé dans le contexte de ce refus de travailler;

2)   la clause 23.09  de la convention collective[3] de Brink's porte sur la sécurité des véhicules. Elle dit que les conditions de travail dangereuses pour les employés doivent être éliminées mais que le droit de l'employeur de diriger ses activités doit être respecté. M. Prince a déposé un grief à Brink's au sujet de son refus de travailler du 27 mars 1998, sur les conseils de son délégué syndical. Brink's a alors inspecté le véhicule et l'a certifié de nouveau conformément à la convention collective. La question de sécurité a été résolue et aucune instruction n'est nécessaire.

3)   le par. 145.(1) du Code est rédigé au présent. Par conséquent, selon les règles d'interprétation des lois et la loi elle-même, il autorise seulement un agent de sécurité à donner une instruction si la contravention se poursuit au moment où il la donne. De plus, l'instruction en question est inutile puisque l'agent de sécurité a déjà fait enquête sur le refus de travailler et a décidé qu'il n'y avait pas de danger. De plus, l'employeur n'a aucun moyen pratique de se conformer à l'instruction.

4)   l'obligation de l'employeur d'avertir un agent de sécurité est seulement une question de forme et le fait de ne pas la respecter ne devrait pas donner lieu à une instruction. Le Conseil canadien du travail (le Conseil) a jugé dans l'affaire Atkinson que même si le terme « doit » est utilisé à l'article 128, le fait qu'une partie n'a pas suivi toutes les étapes du processus n'annule pas ce refus. De même, le Conseil a jugé dans l'affaire Lambert que la décision d'un agent de sécurité concernant un refus de travailler n'est pas invalide parce qu'un représentant des employés au sein du comité de sécurité et de santé n'a pas participé à l'enquête de l'agent de sécurité. Donc, ce n'est que du point de vue de la forme que l'employeur ne s'est pas conformé aux par. 128.(7) et 129.(1) du Code.

 

5)   le libellé du point 2 de l'instruction dit seulement que l'employeur n'a pas fait enquête sur le refus de travailler en présence d'un membre du comité de sécurité et de santé au travail. Il ne parle pas, contrairement au par. 128.(7) du Code, d'un représentant des employés au sein du comité de sécurité et de santé. Brink's a bel et bien fait enquête sur le refus de travailler en présence de M. Mattew, le représentant de l'employeur au sein du comité de santé et de sécurité.

6)   un agent de sécurité ne peut incorporer des contraventions à l'article 128 du Code dans une instruction donnée en vertu du par. 145 (1) du Code. C'est ce que la Cour fédérale a jugé dans l'affaire Gilmore c. CNR.

Intimé :  

M. Prince a déclaré qu'il ne considérait pas l'entente intervenue entre Brink's et lui-même comme un règlement. En fait, il était convaincu qu'il ne pourrait gagner dans cette affaire et il a capitulé. Il a soutenu pendant l'audience que M. Mathew avait montré qu'il connaissait la Partie II et il aurait dû avertir un agent de sécurité du maintien du refus de travailler. Il estimait également que M. Mathew aurait dû l'informer des dispositions de la Partie II concernant le droit de refuser de travailler, et expliquer le processus à suivre. Il a confirmé que les procès-verbaux des réunions du comité de sécurité et de santé sont affichés chez Brink's.  En rétrospective, il s'est rendu compte qu'il aurait dû communiquer avec M. Milanie, le représentant des employés au sein du comité de sécurité et de santé au travail, au sujet de ses refus de travailler.

Après l'audience, il m'a fourni divers extraits du Code du travail annoté de 1998 de Ronald Snyder. Puisqu'il n'a pas indiqué quelles dispositions de la Partie II il invoquait dans cette affaire, je ne peux tirer de conclusion à partir des extraits soumis.

Décision : 

L'instruction donnée par l'agent de sécurité Hawkins le 9 avril 1998 portait sur les dispositions du Code concernant le refus de travailler et comportait trois points. Toutefois, avant de réviser l'instruction et ses différents points, je dois décider si oui ou non M. Prince a exercé son droit de refuser de travailler le 27mars et le 31 mars 1998, puisque ce fait a été contesté par M. Riendeau, gestionnaire des Relations de travail. Pour cette raison, je dois examiner l'article 124 du Code et les faits particuliers de l'affaire.

L'article 124 du Code dit que l'employeur est en règle générale responsable d'assurer la sécurité et la santé de ses employés. Pour pouvoir s'acquitter de cette responsabilité, à mon sens, les employeurs doivent être au courant de leurs obligations et responsabilités en vertu du Code et notamment des dispositions concernant le refus de travailler. Par conséquent, l'employeur, y compris les gestionnaires et les superviseurs, devraient être en mesure de reconnaître un refus de travailler lorsqu'un employé exprime une préoccupation pour sa sécurité  et sa santé et indique qu'il ne travaillera pas en raison de celle-ci. Dans cette affaire, M. Mahew a confirmé qu'il connaissait les dispositions de la Partie II concernant le refus de travailler.

L'article 124 du Code dit ceci :

«124. L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail.»

M. Prince a témoigné qu'il ne connaissait pas les dispositions du Code concernant le refus de travailler lorsqu'il a exercé son droit de refuser de travailler les 27 et 30 mars 1998 et il n'a pas précisé à son employeur qu'il exerçait son droit de refuser de travailler en vertu de la Partie II. Toutefois, il a bel et bien fait savoir à son employeur qu'il refusait de travailler en raison d'un danger que présentait le camion qu'il conduisait. La preuve non contestée montre qu'il a informé le répartiteur de ses préoccupations pour sa sécurité et qu'il est retourné à la base avec le véhicule. Le fait que l'employeur a vérifié de nouveau si le véhicule était sécuritaire montre qu'il comprenait que le refus de travailler de M. Prince était lié à la sécurité.

Pour ces raisons, je suis convaincu que M. Prince a exercé son droit de refuser de travailler en vertu de la Partie II les 27 et 31 mars 1998.

Maintenant que j'en suis arrivé à cette décision, je peux maintenant examiner les trois points de l'instruction.

Point 1 

L'alinéa 147.a)(iii) du Code précise qu'un employeur ne peut pas imposer une mesure disciplinaire à un employé pour avoir agi en conformité avec la Partie II. Ceci s'applique à un employé qui a exercé son droit de refuser de travailler en vertu du Code. L'alinéa 147.a)(iii) dit que :

 

« Il est interdit à l'employeur :

a) de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction financière ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s'il ne s'était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre – ou menacer de prendre - des mesures disciplinaires contre lui parce que […]

(iii) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer; »

 

Sous réserve de cette disposition, le par. 133.(1) du Code précise que les plaintes de l'employé qui découlent du fait que celui-ci a invoqué son droit de refuser de travailler en conformité avec les articles 128 et 129 du Code doivent être examinées par le Conseil. Le par. 133.(1) précise que:

« 133. (1) L'employé peut présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l'alinéa 147a) parce qu'il s'était prévalu de l'article 128 ou 129. » [c'est moi qui souligne]

 

La Cour fédérale a jugé dans l'affaire Gilmore c. CN Rail que :

 

[traduction]

« ... Le Code accorde au Conseil tous les pouvoirs nécessaires pour mener une enquête et rendre une décision, de même que pour ordonner toutes les réparations qui s'imposent. Le Code dit clairement que le Parlement voulait que les plaintes présentées en vertu de la Partie II soient instruites exclusivement par le Conseil. »

 

Elle a également précisé que :

 

[traduction]

« ... La Partie II du Code n'accorde nulle part à l'agent de sécurité le pouvoir d'ordonner une réparation à l'égard de mesures disciplinaires prises par l'employeur à l'endroit d'un employé qui a exercé les droits que lui confère cette partie.»

 

Pour ces motifs, J'ANNULE PAR LA PRÉSENTE  le point 1 de l'instruction.

 

Point 2

Lorsqu'un employé informe l'employeur qu'il ou elle refuse de travailler, l'employeur doit, conformément au par. 128.(7) du Code, faire enquête sur le refus en présence de l'employé et d'un représentant des employés au sein du comité de sécurité et de santé. Ce paragraphe se lit comme suit :

«128.(7) Dès réception du rapport, l'employeur fait immédiatement enquête à ce sujet en présence de l'employé et, selon le cas :

a) d'au moins un membre du comité de sécurité et de santé auquel le rapport a été adressé, ce membre ne devant pas faire partie de la direction;

b) du représentant en matière de sécurité et de santé;

c) à défaut de comité et de représentant, d'au moins une personne choisie par l'employé. »

     [c'est moi qui souligne]         

Dans cette affaire, la preuve montre que ni M. Prince, ni un représentant des employés au sein du comité de sécurité et de santé n'ont participé à l'enquête effectuée par l'employeur à deux occasions. Par conséquent, l'employeur n'a pas agi en conformité avec le par. 128.(7) du Code.

Point 3

La loi exige que lorsqu'un employé continue de refuser de travailler en raison d'un danger, l'employeur et l'employé communiquent avec un agent de sécurité. Le par. 129.(1) du Code dit que :

« 129. (1) En cas de maintien du refus, l'employeur et l'employé notifient sans délai le refus à l'agent de sécurité lequel, dès la réception de l'un ou l'autre des avis, effectue une enquête sur la question en présence de l'employeur et de l'employé ou du représentant de celui-ci, ou fait effectuer cette enquête par un autre agent de sécurité. » [c'est moi qui souligne]

D'après les faits de l'affaire, je suis d'avis que M. Prince a maintenu son refus de travailler aux deux occasions où l'employeur a nié qu'il existait un danger.

Ayant établi que l'employeur n'a pas agi en conformité avec la Partie II en ce qui a trait à la nécessité de faire enquête sur les refus de travailler et d'avertir un agent de sécurité des deux refus, je dois examiner la preuve et les arguments présentés par les parties avant et pendant l'audience et décider si les points 2 et 3 de l'instruction doivent être confirmés, modifiés ou annulés.

M. Vassos a soutenu que l'objet du Code est de prévenir les accidents et les blessures chez les employés et que, pour cela, la Partie II encourage la collaboration entre l'employeur et les employés. Il a déclaré que personne n'a été blessé à la suite du refus, que l'employeur a été éclairé sur les refus et que les parties se sont entendues, quoique tard, sur la question de la mesure disciplinaire avant l'audience. Par conséquent, l'instruction est inutile.

Je suis d'accord avec M. Vassos pour dire que la collaboration entre les employeurs et les employés est importante du point de vue de la sécurité et de la santé au travail, mais la collaboration ne peut remplacer la nécessité pour l'employeur et l'employé de respecter les exigences minimales du Code. Les employeurs sont encouragés à dépasser les normes minimales de sécurité et de santé prévues par la Partie II, mais il ne leur est pas permis de ne pas les atteindre même s'ils collaborent avec les employés.

M. Vassos a soutenu ensuite que la convention collective renferme une clause portant sur la sécurité des véhicules et que c'est cette clause que la compagnie a suivie pour faire enquête sur le refus de travailler. Toutefois, l'article 131 du Code précise que les employés ne peuvent être exclus de l'application des articles 128 à 130 du Code à moins que les parties à la convention collective déposent une demande conjointe au ministère et que ce dernier soit convaincu que les dispositions de la convention collective sont au moins aussi efficaces que les articles 128 à 130. L'article 131 dit ceci :

« 131. Sur demande conjointe des parties à une convention collective, le ministre peut, s'il est convaincu que les dispositions de cette convention sont au moins aussi efficaces que celles des articles 128 à 130 pour protéger la sécurité et la santé des employés contre tout danger, soustraire ceux-ci à l'application de ces articles pendant la période de validité de la convention collective. »

L'employeur n'a pas présenté de preuve montrant qu'une telle demande a été déposée ou que le ministre a accepté d'exclure les employés de Brink's de l'application du Code. Par conséquent, Brink's est obligé de traiter les refus de travailler en conformité avec les dispositions de la Partie II. Par conséquent, je suis convaincu que M. Prince a exercé son droit de refuser de travailler en vertu du Code et que c'est au moyen de ce mécanisme que Brink's devait faire enquête sur cette question.

M. Vassos a soutenu que les points 2 et 3 de l'instruction devaient être annulés parce que le paragraphe 145.(1) du Code autorise un agent de sécurité à donner une instruction seulement si la contravention se poursuit au moment de l'instruction. Il a déclaré que l'employeur n'a aucun moyen pratique de se conformer à ces points et qu'ils n'ont plus leur raison d'être puisque l'agent de sécurité a déjà fait enquête sur le refus et a décidé qu'il n'y avait pas de danger.

Pendant l'audience, l'agent de sécurité Hawkins a témoigné que les points 2 et 3 de son instruction datée du 9 avril 1998 étaient nécessaires pour faire en sorte que la direction du Terminal de Brink's à Windsor se conforme aux paragraphes 128.(7) et 129. (1) du Code la prochaine fois où un employé exercerait son droit de refuser de travailler en vertu de la Partie II. Cette affirmation est conforme à son instruction, qui précise que la contravention « se poursuit » et qui dit, aux points 2 et 3, que l'employeur doit cesser de contrevenir aux par. 128.(7) et 129.(1). Les deux points en question n'ont pas trait expressément à M. Prince. Par conséquent, je conclus que l'agent de sécurité Hawkins estimait que les conditions qui ont donné lieu aux violations existaient encore au Terminal de Brink's à Windsor au moment où il a donné son instruction verbale, qui a été confirmée par son instruction écrite le 9 avril 1998, et qu'il fallait prendre des mesures de réparation pour éviter d'autres contraventions aux dispositions.

En ce qui concerne l'interprétation des dispositions législatives, je signale que la Loi d'interprétation dit à l'article 12 et au paragraphe 31.(2) que :

Article  12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

Par. 31.(2) Le pouvoir donné à quiconque, notamment à un agent ou fonctionnaire, de prendre des mesures ou de les faire exécuter comporte les pouvoirs nécessaires à l'exercice de celui-ci.

J'interprète ces dispositions comme signifiant qu'un agent de sécurité peut donner une instruction en vertu du par. 145.(1) du Code s'il est d'avis que les conditions du lieu de travail qui ont donné lieu à la violation existaient toujours ou « se poursuivaient  ». Malgré les arguments présentés au nom de Brink's en vue d'obtenir l'annulation de l'instruction, la direction du Terminal de Brink's à Windsor n'a pas indiqué qu'elle avait pris des mesures de réparation. Je conclus que les conditions qui ont donné lieu aux violations se poursuivaient au Terminal de Brink's à Windsor au moment où l'agent de sécurité Hawkins a donné son instruction verbale le 6 avril 1998, instruction qui a été confirmée par écrit le 9 avril 1998.

Dans un autre argument. M. Vassos a exprimé l'opinion que, puisque le CCRT avait décidé dans l'affaire Atkinson que le défaut de se conformer aux procédures concernant le droit de refuser de travailler n'annulait pas ce droit, il serait logique et équitable de penser que ce défaut ne constitue pas une violation de la Partie II. Toutefois, cette opinion n'est pas conforme à l'importance que le Parlement a accordé aux dispositions sur le droit de l'employé de refuser de travailler dans le cadre d'un régime préventif de sécurité et de santé au travail lorsqu'il a inclus les dispositions sur le droit de refuser de travailler dans la Partie II, et aux procédures précises qui y sont rattachées.  Le par. 145.(1) du Code autorise un agent de sécurité à ordonner à un employeur ou à un employé de cesser de contrevenir à la Partie II et cela comprend selon moi les violations des par. 128.(7) et 139.(1) du Code. La Partie II précise en outre que le défaut de se conformer à l'instruction de l'agent de sécurité constitue une violation de l'alinéa 125.w) du Code en ce qui concerne les employeurs et de l'alinéa 126.i) en ce qui concerne les employés. Les décisions du Conseil citées plus haut n'établissent pas que l'on ne s'attend pas à ce que les employeurs et les employés respectent les procédures liées au refus de travailler ou qu'il faudrait empêcher un agent de sécurité d'intervenir lorsque ces procédures ne sont pas respectées.

Pour ce qui est de l'équité, le pouvoir de l'agent de sécurité de donner une instruction orale ou écrite en vertu du par. 145.91) est discrétionnaire. Par conséquent, il peut arriver et arrive effectivement qu'une instruction soit donnée à une partie et non à une autre. Les parties qui trouvent cette pratique discriminatoire et qui veulent s'y opposer peuvent porter leur objection devant le Ministère. M. Vassos a confirmé pendant l'audience qu'il n'allait pas soulever la question de l'équité au regard de la Charte. Par conséquent, je ne la commenterai pas davantage.

M. Vassos a soutenu que le point 2 de l'instruction devait être annulée parce qu'il ne parle pas d'un représentant des employés au sein du comité de sécurité et de santé, comme il est dit au par. 128.(7) du Code. Toutefois, l'article 146 du Code me donne le pouvoir de modifier une instruction pour corriger une erreur dans une citation, ce que je ferai dans cette affaire. Donc, je ne peux accorder de poids à cet argument.

M. Vassos a finalement soutenu que, dans l'affaire Gilmore, la Cour fédérale a jugé qu'un agent de sécurité ne peut ordonner à l'employeur ou à l'employé, en vertu du par. 145.(1) du Code, de cesser de violer l'article 128. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec cette interprétation pour la raison suivante. Dans sa décision, la Cour fédérale a précisé que la question qu'elle devait trancher est celle de savoir si un agent de sécurité avait compétence, en vertu du par. 145.(1) du Code, pour donner une instruction relativement à l'alinéa 147.a) du Code. À la suite de l'examen des dispositions de la Partie II, la Cour a jugé qu'un agent de sécurité n'est pas autorisé à le faire. Je n'interprète pas cette décision comme voulant dire qu'un agent de sécurité ne peut invoquer le par 145.(1) du Code pour ordonner à un employeur ou à un employé de cesser de violer l'article 128 du Code. Il ne s'agit pas de la question dont la Cour a traité.

Pour ces raisons, et compte tenu du fait que j'ai déjà annulé l'article 1 de l'instruction originale, JE MODIFIE PAR LA PRÉSENTE, comme il suit, l'instruction donnée par l'agent de sécurité M. Hawkins, à Brink's Canada Limited, le 9 avril 1998, en vertu du par. 145.(1) du Code;

a)     le point 1 de l'instruction est supprimé

b)       le point 2 deviendra le point 1, et les termes suivants seront ajoutés, « qui ne fait pas partie de la direction », à la fin de la phrase, et

c)       le point 3 deviendra le point 2.

 

La partie modifiée de l'instruction se lit maintenant comme suit :

« L'agent de sécurité estime que la disposition suivante du Code canadien du travail, Partie II, est violée :

1.         Le par. 128(7) du Code canadien du travail, Partie II.

             L'employeur, après avoir été averti du refus de travailler, a omis à deux reprises, soit le 27 mars 1998 et le 31 mars 1998, de faire enquête sur le refus de travailler en présence d'au moins un membre du comité de sécurité et de santé qui n'est pas membre de la direction.


2.          Le par. 129(1) du Code canadien du travail, Partie II.

L'employeur a omis à deux occasions, soit le 27 mars 1998 et le 31 mars 1998, de notifier sans délai un agent de sécurité du fait qu'un employé avait maintenu un refus de travailler.»

Décision rendue le 23 décembre 1998

Douglas Malanka

Agent régional de sécurité


ANNEXE

 

AFFAIRE CONCERNANT LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

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INSTRUCTION DONNÉE À L'EMPLOYEUR EN VERTU DU PAR. 145(1)

Le 6 avril 1998, l'agent de sécurité soussigné a mené une enquête au lieu de travail exploité par BRINK'S CANADA LIMITED, un employeur assujetti au Code canadien du travail, Partie II, et dont les locaux sont situés au 3275, Electricity  Drive, Windsor, ONTARIO.

Ledit agent de sécurité est d'avis que les dispositions suivantes du Code canadien du travail, Partie II, sont violées :

1.                  Le sous-alinéa 147a)(iii) du Code canadien du travail, Partie II. 

Un employé, Phil Prince, a été discipliné à deux reprises par son employeur, soit le 27 mars 1998 et le 31 mars 1998, pour avoir refusé d'exécuter un travail qu'il considérait comme dangereux.

2.                              Le par. 128(7) du Code canadien du travail, Partie II.

Après avoir été averti du refus de travailler, l'employeur a omis à deux reprises, soit le 27 mars 1998 et le 31 mars 1998, de faire enquête sur le refus de travailler en présence d'au moins un membre du comité de sécurité et de santé au travail.

3.                  Le par. 129(1) du Code canadien du travail, Partie II.

L'employeur a omis à deux reprises, soit le 27 mars 1998 et le 31 mars 1998, de notifier un agent de sécurité du fait qu'un employé avait maintenu un refus de travailler.


Par conséquent, je vous DONNE PAR LA PRÉSENTE POUR INSTRUCTION, en vertu du par. 145(1) du Code canadien du travail, Partie II, de mettre fin à cette violation avant le 9 avril 1998 au plus tard.

Fait à London, Ontario, le 9 avril 1998.

MARK HAWKINS

Agent de sécurité

1777

Pour :  BRINK'S CANADA LIMITED

           Electricity Drive

           Windsor Ontario

           N9A 5C9


 

    

 

DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

 

Décision :       98-014

Requérant :     Brink's Canada Limited

Intimé :           M. Phil Prince (employé de Brink's au moment de l'instruction)

MOTS CLÉS :

Danger, droit de refuser de travailler, convention collective, discipline, agent de sécurité, enquête, sécurité d'un véhicule, direction, freins, aucun danger, enquête de l'employeur, notification de l'agent de sécurité, mesures réparatrices non prises, contravention qui se poursuit.

DISPOSITIONS :

Code :                        124, 128.(7), 129.(1), 131, 133.(1), 145.(1), 147.a)

RÉSUMÉ:

Un agent de sécurité a fait enquête sur deux refus de travailler de la part d'un employé de la compagnie susmentionnée qui estimait qu'il avait des problèmes avec les freins et la direction du camion blindé qu'il conduisait. L'agent de sécurité a fait inspecter et tester le véhicule par un mécanicien indépendant qualifié qui a certifié que les freins et la direction répondaient aux normes provinciales applicables à ce véhicule et qu'ils étaient sécuritaires. L'agent de sécurité a décidé qu'il n'y avait pas de danger pour l'employé et il a informé ce dernier ainsi que l'employeur de sa décision. Toutefois, il a donné à Brink's, en vertu du par. 145.(1) du Code, une instruction écrite qui comprenait trois points. Le point 1 précisait que l'employeur avait contrevenu au sous-alinéa 147a)(iii) du Code en imposant une mesure disciplinaire à l'employé pour avoir invoqué son droit de refuser de travailler. Le point 2 précisait que l'employeur avait contrevenu au par. 128.(7) du Code en omettant à deux reprises de faire enquête sur le refus de travailler de l'employé en présence d'au moins un membre du comité de sécurité et de santé. Le point 3 disait que l'employeur avait contrevenu au par. 129.(1) du Code en omettant à deux reprises de notifier sans délai un agent de sécurité du fait qu'un employé avait refusé de travailler. L'employeur a soutenu entre autres que les violations ne se poursuivaient pas au moment où l'agent de sécurité a donné son instruction et qu'elle devait être annulée.

Après réexamen, l'agent régional de sécurité a ANNULÉ le point 1 de l'instruction parce que le par. 145.(1) du Code n'autorise pas un agent de sécurité à donner une instruction relativement à une mesure disciplinaire prise par un employeur à l'endroit d'un employé qui a exercé son droit de refuser de travailler. L'agent régional de sécurité a approuvé la décision de l'agent de sécurité selon laquelle les points 2 et 3 constituaient des violations de la Partie II et a MODIFIÉ l'instruction comme suit : le point 2 est devenu le point 1 et les termes « qui ne fait pas partie de la direction » ont été ajoutés. Le point 3 est devenu le point 2.  



[1] Cour fédérale du Canada, Section de première instance, Gilmore c. Canadian National Railway, (1995) F.J.C. No 1601. Cette décision confirmait la décision antérieure de l'agent régional de sécurité Serge Cadieux selon laquelle le Code n'autorise pas un agent de sécurité à donner une instruction au sujet d'une mesure disciplinaire découlant d'un refus de travailler. Décision de l'agent régional de sécurité 93-105.

[2]  Le terme «danger» est défini comme suit dans la Partie II :

«danger» Risque ou situation susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant qu'il ne puisse y être remédié.

       

[3]  La clause 23.09 de la convention collective dit ceci :

«[traduction] Clause 23.09 – Aucun employé ne sera tenu de conduire un véhicule qui n'est pas sécuritaire ou qui n'est pas convenablement équipé, conformément aux règlements municipaux, provinciaux ou nationaux. […]» 

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