Archivée - Decision: 99-004 CODE CANADIEN DU TRAVAIL

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Révision, en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail, partie II,

d'une instruction donnée par un agent de sécurité

Décision no:              99-004

Demandeur:              Société de développement du Cap‑Breton

                                   Représenté par : J. Baldwin, ingénieur

Défendeurs:              Mineurs unis d'Amérique

                                   Représenté par : A. McLean

                                  Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, 
                                  du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada

                                  Représenté par : A. Grant

                                  Syndicat canadien de la fonction publique

                                  Représenté par : A. MacEachern

Mis-en-cause:          Bill Gallant

                                   Agent de sécurité

                                   Développement des ressources humaines Canada

Devant:                      Douglas Malanka

                                    Agent régional de sécurité

                                    Développement des ressources humaines Canada

Contexte

Le 22 avril 1998, on s'est aperçu que de la chaleur se dégageait d'un tas de 500 tonnes de morceaux de charbon se trouvant à l'extrémité sans issue de la galerie de fond 7 Est, dans le secteur Cundy de la mine de charbon Phalen, qui est exploitée par la Société de développement du Cap‑Breton (SDCB), près de Waterford, en Nouvelle‑Écosse. Le directeur de la mine a immédiatement informé le comité de sécurité et de santé de la situation et des mesures qu'il entendait prendre pour régler le problème. Il a aussi prévenu les agents de sécurité de Développement des ressources humaines Canada.

Le directeur de la mine a tout d'abord décidé de recouvrir le tas de charbon de mort‑terrain, mais cela n'a pas arrêté le dégagement de chaleur. Il a ensuite décidé de construire une digue temporaire dont la hauteur correspondait environ à la moitié de celle de la galerie afin de retenir de l'eau pour inonder le tas de charbon. La construction de la digue a commencé le 25 avril 1998.

Le 27 avril 1998, le directeur de la mine a écrit à la Commission de la sécurité dans les mines de charbon (ci‑après appelée « la Commission ») au sujet de la construction de la digue temporaire. Il a rappelé à la Commission qu'elle avait déjà approuvé l'installation, à des fins de ventilation, d'une membrane étanche permanente pour retenir le charbon entreposé dans la galerie de fond 7 Est. Il a informé la Commission que les travaux d'installation de la membrane étanche qui avaient déjà été approuvés avaient été réalisés en partie et que le charbon entreposé avait été inondé pour l'empêcher de chauffer. Il a précisé que l'eau, la digue et le charbon seraient enlevés après l'inondation.

Le 29 avril 1998, l'agent de sécurité a rencontré le directeur de la mine pour discuter de l'échauffement du charbon. D'après l'agent de sécurité, le directeur de la mine lui a affirmé qu'il demanderait l'autorisation de la Commission pour construire la digue et inonder temporairement le tas de charbon. Cependant, le 4 mai 1998, l'agent de sécurité a appris que le directeur de la mine n'avait pas présenté de demande d'autorisation à la Commission, qu'on était en train de détruire la digue qui avait été utilisée et qu'on s'apprêtait à recouvrir le charbon de mort‑terrain.

L'agent de sécurité s'est rendu à la mine le 5 mai 1998 et il a donné verbalement une instruction au directeur, instruction qu'il a ensuite confirmée par écrit le même jour. Au point 2 de cette instruction, il est précisé que l'employeur contrevient à l'alinéa 125u) de la partie II du Code canadien du travail (ci‑après appelé le Code ou partie II) ainsi qu'à l'alinéa 158(1)g) du Règlement sur la sécurité et la santé dans les mines de charbon [SDCB] (ci‑après appelé le Règlement sur la SST [SDCB]) car l'employeur n'a pas demandé par écrit à la Commission l'autorisation de construire un réservoir de retenue avant de procéder à sa construction. Dans l'instruction, il est ordonné à l'employeur de rectifier immédiatement la situation. Vous trouverez ci‑joint une copie de cette instruction.

L'agent de sécurité a précisé au directeur de la mine que l'instruction l'obligeait à demander à la Commission d'approuver rétroactivement la construction de la digue, malgré le fait qu'on était en train de démanteler cette dernière quand l'instruction a été donnée. Le 5 mai 1998, l'employeur a demandé à l'agent régional de sécurité de réviser l'instruction en vertu de l'article 146 du Code. La révision de l'instruction a été effectuée à partir des arguments présentés par écrit.

Agent de sécurité

Le 2 juillet 1998, l'agent de sécurité Bill Gallant a remis à l'agent régional de sécurité un rapport écrit contenant les renseignements qui l'ont amené à donner l'instruction datée du 5 mai 1998 ainsi que plusieurs documents se rapportant à cette affaire. Ces documents ont été versés au dossier et l'information qu'ils contiennent ne sera pas répétée ici en entier. J'ai tiré les renseignements suivants des documents déposés par l'agent de sécurité Gallant.

Le 22 avril 1998, on a découvert un cas de combustion spontanée à la mine Phalen. En effet, un tas d'environ 500 tonnes de morceaux de charbon qui se trouvait à l'extrémité sans issue de la galerie de fond 7 Est dégageait de la chaleur et de l'oxyde de carbone.

L'employeur a tenté sans succès d'arrêter la combustion spontanée en faisant répandre du mort‑terrain sur le charbon. Le lendemain, M. Baldwin, le directeur de la mine Phalen, a décidé de construire une digue devant le tas de charbon afin de retenir l'eau qu'il avait l'intention d'utiliser pour stopper la combustion. La construction de la digue temporaire a commencé le 23 avril et a pris fin le 25 avril 1998. Après avoir arrosé le tas de charbon, on a surveillé la situation à l'aide de thermosondes et de détecteurs de gaz.

Le 27 avril 1998, M. Baldwin a écrit à la Commission pour l'informer des mesures qu'il avait prises. Deux jours plus tard, soit le 29 avril 1998, les agents de sécurité K. Beaton et B. Gallant ont rencontré M. Baldwin pour discuter de ce cas de combustion spontanée. Ils ont compris que M. Baldwin avait l'intention de soumettre à la Commission les plans de la digue qu'il avait déjà fait construire.

Le 4 mai 1998, l'agent de sécurité a appris que M. Baldwin n'avait pas soumis les plans de la digue à la Commission. Il est donc retourné à la mine le lendemain et a donné une instruction oralement au directeur, instruction qu'il a ensuite confirmée par écrit le même jour. Au point 2 de l'instruction écrite, il est ordonné à l'employeur de se conformer immédiatement à l'alinéa 125u) du Code et à l'alinéa 158(1)g) du Règlement sur la SST [SDCB].

En réponse à  ma demande de précisions[1], datée du 1er octobre 1998, l'agent de sécurité Gallant a répondu que les articles 162, 163 et 164 s'appliquaient à ce cas de combustion spontanée. Il a par ailleurs confirmé qu'il n'avait pas mentionné la possibilité qu'il y ait contravention à ces articles dans l'instruction qu'il avait donnée le 5 mai 1998.

Il a déclaré que l'alinéa 158(1)g) s'applique à la construction de réservoirs de retenue, ce qui correspond exactement à ce que la compagnie a construit pour venir à bout de la combustion spontanée de son tas de charbon. Il a précisé que le réservoir avait été construit en 13 jours et que l'employeur avait donc eut le temps de présenter sa demande à la Commission. Il a souligné que la Commission s'est déjà réunie suite à un très court préavis et qu'elle a démontré qu'elle peut rendre une décision le jour même où une demande est présentée.

Demandeur

M. Baldwin a exposé par écrit les raisons pour lesquelles il a demandé la révision de cette instruction et il a inclus des copies de la correspondance qu'il a échangée avec la personne déléguée[2] par la Commission. Ces documents ont été versés au dossier et leur contenu ne sera pas retranscrit ici. Les renseignements suivants ont été tirés de cette documentation.

Le 22 avril 1998, on a découvert que les morceaux de charbon entreposés dans la galerie de fond 7 Est du secteur Cundy dégageaient de la chaleur. Le comité de sécurité et de santé et les agents de sécurité de DRHC ont été informés de la situation. Les parties ont été tenues au courant de l'évolution de la situation dès le moment où on a découvert que de la chaleur se dégageait de ce tas de charbon jusqu'à ce que le problème soit réglé.

Il a fallu prendre immédiatement des mesures pour faire baisser la température élevée du charbon entreposé dans la galerie de fond 7 Est du secteur Cundy et c'est pourquoi on a commencé à construire une digue le 23 avril 1998 en vue de retenir l'eau destinée à faire cesser la combustion. L'arrosage du tas de charbon s'est avéré une mesure raisonnable et efficace pour régler ce problème.

M. Baldwin a écrit à la Commission le 27 avril 1998 pour l'informer qu'il allait faire construire une digue temporaire pour retenir l'eau qu'il envisageait d'utiliser en vue de stopper la combustion. Dans l'avis qu'il a fait parvenir à la Commission, il a mentionné le fait que cette dernière avait déjà approuvé l'installation d'une membrane étanche à des fins de ventilation dans la galerie de fond 7 Est. Il a indiqué que la membrane étanche ayant été approuvée avait en partie été installée pour pouvoir inonder le charbon entreposé dans ce secteur. Il a en outre avisé la Commission que l'eau, la digue et le charbon seraient ensuite enlevés.

M. Baldwin ne se souvient pas d'avoir dit à l'agent de sécurité Gallant, le 29 avril 1998, qu'il présenterait à la Commission une demande d'autorisation pour la construction de la digue temporaire destinée à retenir l'eau qui serait utilisée pour éteindre le charbon en combustion.

Le 30 avril 1998, la personne déléguée par la Commission a répondu à M. Baldwin. Elle lui a demandé si l'avis qu'il avait fait parvenir à la Commission le 27 avril 1998 avait pour but d'informer cette dernière qu'il lui soumettrait un plan aux fins d'approbation ou bien si cet avis constituait une demande d'autorisation. La personne déléguée a demandé à M. Baldwin de lui fournir les devis descriptifs et les coefficients de sécurité utilisés dans les calculs attestés par un ingénieur.

Quand l'agent de sécurité Gallant a donné son instruction le 5 mai 1998, on prévoyait finir d'enlever la digue et l'eau qu'elle retenait durant la soirée. L'agent de sécurité Gallant a indiqué à M. Baldwin que, pour se conformer à son instruction, il devait demander à la Commission d'approuver rétroactivement la construction de la digue qui avait été utilisée pour retenir l'eau et inonder le charbon.

M. Baldwin soutient que l'instruction qui lui a été donnée le 5 mai 1998 par l'agent de sécurité Gallant n'est pas valable et qu'elle devrait être annulée parce qu'elle oblige la compagnie à demander à la Commission l'autorisation de construire une digue qui a déjà été détruite après avoir été utilisée.

M. Baldwin allègue que, si l'approbation de la Commission était absolument nécessaire avant la construction de la digue, l'agent de sécurité aurait dû en informer la compagnie avant le début des travaux de construction, car il connaissait les intentions de la compagnie. Il objecte qu'au moment où l'instruction lui a été donnée il ne lui était plus possible de s'y conformer. Il fait remarquer que la Commission a refusé d'examiner la demande que la compagnie lui a présentée par la suite en ce qui concerne la construction de la digue, conformément à l'instruction qui lui avait été donnée.

Suite à la demande de précisions que je lui fait parvenir le 1er octobre 1998, demande dont j'ai déjà parlé, et à la réponse fournie par l'agent de sécurité Gallant, M. Baldwin m'a répondu que la compagnie aurait dû produire un plan de la digue préparé par un ingénieur avant de présenter sa demande d'autorisation à la Commission. Il est d'avis qu'il était plus important pour la compagnie de prendre immédiatement des mesures pour régler le problème.

M. Baldwin indique que le danger que présentait la combustion du charbon était plus grand que celui qui était lié à la construction du réservoir. Il soutient que la digue de 5 pieds qui a servi à retenir l'eau a été conçue et construite en faisant appel à des techniques minières valables. Il affirme que, même si la digue avait cédé, ce qu'il considère comme étant extrêmement improbable, le coup d'eau n'aurait pas été important et n'aurait présenté des risques d'accident que théoriquement.

Il a en outre ajouté que l'instruction n'était pas fondée parce qu'elle avait été donnée le jour même où la compagnie avait commencé à détruire la digue. 

Enfin, M. Baldwin signale qu'il existe une zone d'incertitude dans le Règlement sur la SST [SDCB] en ce qui concerne les mesures qui doivent être prises immédiatement pour faire face à une situation d'urgence sous terre et qui doivent être approuvées par la Commission. Selon lui, il fallait procéder immédiatement à la construction de la digue et cela était plus urgent que de préparer un plan pour le soumettre à l'approbation de la Commission.

Défendeurs

Une copie de tous les documents fournis au bureau de l'agent régional de sécurité a été remise aux défendeurs, lesquels ont répondu que la révision de l'instruction devait être basée sur ces documents écrits.

Décision

Dans cette affaire, il faut déterminer si l'agent de sécurité avait le droit d'inclure le point 2 figurant dans l'instruction qu'il a donnée et si, compte tenu des circonstances dans lesquelles l'instruction a été donnée, cette dernière devrait être modifiée, annulée ou confirmée.

Pour déterminer si l'agent de sécurité Gallant avait le droit d'inclure le point 2 qui figure dans l'instruction qu'il a donnée, il a fallu examiner les dispositions du Code qu'il a citées au point 2. Il s'agit de l'alinéa 125u) du Code et de l'alinéa 158(1)g) du Règlement sur la SST [SDCB]. Il a également été nécessaire de prendre en considération le paragraphe 125.3(1) du Code, qui oblige l'employeur à se conformer à l'alinéa 158(1)g).

En ce qui concerne l'alinéa 125u) du Code, il est stipulé dans cette disposition que l'employeur doit adopter et mettre en œuvre les normes et codes de sécurité

mentionnés dans le Code et dans les règlements pris en application du Code. Cet alinéa se lit comme suit :

125.  Dans le cadre de l'obligation générale définie à l'article 124, l'employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité :

u) d'adopter et de mettre en œuvre les normes et codes de sécurité réglementaires;

Pour sa part, l'alinéa 125.3(1)d) oblige l'employeur à présenter par écrit une demande d'autorisation à la Commission au sujet des travaux qu'il entend réaliser ou des mesures qu'il a l'intention de prendre et dont il faut fournir des plans ou la marche à suivre. Cela comprend les activités énumérées au paragraphe 158(1) du Règlement sur la SST [SDCB].  L'alinéa 125.3(1)d) se lit comme suit :

125.3(1) L'employeur d'employés travaillant dans une mine de charbon:

d) soumet pour approbation à la Commission de la sécurité dans les mines, selon les modalités réglementaires de temps et autres, et préalablement à l'exercice des activités, les plans et procédures qui ont trait à ces activités et dont l'approbation est requise par règlement, une fois l'approbation accordée, il agit conformément à ceux‑ci. [C'est moi qui souligne.]

Enfin, l'alinéa 158(1)g) du Règlement sur la SST [SDCB] oblige l'employeur qui a l'intention de construire un réservoir de retenue pour de l'eau à présenter par écrit une demande d'autorisation à la Commission, au moins 90 jours avant le début des travaux de construction. L'alinéa se lit comme suit :

158(1) L'employeur soumet à l'approbation de la Commission de la sécurité dans les mines de charbon un avis écrit de son intention d'effectuer l'une des opérations suivantes dans la mine de charbon, au moins 90 jours avant de la commencer:

g) la construction d'une digue de retenue des déchets, d'un réservoir d'eau ou d'une structure hors terre pour l'entreposage des explosifs; [C'est moi qui souligne.]

Cependant, après avoir examiné la question attentivement, j'estime, pour les raisons suivantes, que l'alinéa 158(1)g) ne s'applique pas au réservoir de retenue qui a été construit par l'employeur pour stopper le  processus de combustion dans la galerie de fond 7 Est du secteur Cundy.  Premièrement, le titre qui précède le paragraphe 158(1) définit les opérations énumérées comme étant des « Exigences relatives aux travaux préparatoires ».  Je ne pense pas que le fait de retenir de l'eau à l'aide d'une digue pour éteindre du charbon en combustion puisse être considéré comme étant un travail « préparatoire ». Deuxièmement, l'alinéa 158(1)g) fait mention d'un « réservoir d'eau ». Dans le cas qui nous occupe, on n'a pas construit un réservoir d'eau, mais une digue temporaire pour retenir l'eau utilisée pour noyer le tas de charbon qui chauffait. Troisièmement, il est précisé au paragraphe 158(1) que les demandes doivent être déposées au moins 90 jours avant le début de l'opération envisagée. Il est difficile d'imaginer que ce paragraphe puisse s'appliquer aux opérations d'une mine de charbon qui visent à faire face à une situation d'urgence.

Nonobstant ce qui précède, le paragraphe 125.3(2) du Code oblige l'employeur à obtenir l'approbation de la Commission pour utiliser dans sa mine des méthodes pour lesquelles il n'existe aucune norme réglementaire. Le paragraphe 125.3(2) se lit comme suit :

125.3(2) Aucun employeur ne peut exiger ni permettre l'utilisation dans une mine de charbon de méthodes, de machines ou d'appareils miniers ne faisant l'objet d'aucune norme de sécurité réglementaire, sauf si leur utilisation a été approuvée conformément à l'alinéa 137.2(2)a). [C'est moi qui souligne.]

À cet égard, le dictionnaire Webster[3] définit le terme « mining » comme étant « the process or business of working mines » (Dans Le Petit Larousse illustré de 1994 on définit « exploitation » comme étant « Action d'exploiter, de mettre en valeur en vue d'un profit. » et on donne comme exemple « Exploitation d'une mine »). Selon moi, cette définition englobe la construction de la digue utilisée pour arrêter la combustion du tas de charbon. Étant donné que le Règlement sur la SST [SDCB] ne contient pas de normes applicables aux structures permettant de régler un problème d'échauffement ou de combustion spontanée, j'estime que ce paragraphe s'applique à la digue qui a été construite dans ce cas. En conséquence, le paragraphe 125.3(2) oblige l'employeur à demander à la Commission ou à la personne qu'elle a déléguée l'autorisation de construire une digue aux termes de l'alinéa 137.2(2)a).

L'alinéa 137.2(2)a) se lit comme suit :

137.2(2) La Commission ou la personne qu'elle délègue à cette fin peut, sur demande de l'employeur et si elle estime que la sécurité et la santé des employés n'en seront pas pour autant affectées :

a) donner, par écrit, son approbation à l'utilisation par l'employeur dans les mines de charbon de méthodes, de machines ou d'appareils miniers auxquels aucune norme de sécurité réglementaire n'est applicable; [C'est moi qui souligne.]

Dans sa déclaration, M. Baldwin affirme qu'il est allé de l'avant sans demander l'autorisation de la Commission ou de la personne déléguée parce qu'il fallait intervenir rapidement pour régler le problème. Cependant, rien dans l'alinéa 137.2(2)a) du Code n'empêche de présenter une demande sans tarder et d'obtenir rapidement l'autorisation de la Commission ou de la personne déléguée en ce qui concerne l'utilisation dans une mine d'une méthode à laquelle ne s'applique aucune norme réglementaire. L'agent de sécurité Gallant a fait remarquer dans sa déclaration qu'il est déjà arrivé que la Commission et la personne qu'elle avait déléguée traitent une demande le jour même de sa réception. En conséquence, j'accorde peu de poids à l'argument de M. Baldwin qui allègue qu'il ne disposait pas du temps nécessaire pour présenter une demande, que la législation n'est pas claire quand il s'agit, pour un employeur, de faire face à une situation d'urgence et que le Code oblige l'employeur à obtenir l'autorisation de la Commission avant de commencer les travaux.

M. Baldwin allègue en outre que l'instruction devrait être annulée parce qu'elle n'est pas valide. Il soutient que, étant donné qu'on était déjà en train de démanteler la digue en question quand l'instruction a été donnée, cette instruction n'était pas nécessaire. De plus, il objecte qu'il lui était impossible de se conformer à l'instruction après que la digue a été détruite. Comme preuve supplémentaire de l'inutilité de l'instruction, il souligne que la Commission a refusé d'examiner la demande qu'il a présentée le 13 mai 1998, demande concernant la digue qui a été présentée conformément à l'instruction qui lui avait été donnée.

Autrement dit, il me semble que M. Baldwin voudrait que cette instruction soit annulée parce qu'il avait pratiquement fini de contrevenir au Code au moment où elle lui a été donnée et que, techniquement, il n'y avait donc plus contravention au Code. M. Baldwin croit donc qu'il ne pouvait rien faire pour se conformer rétroactivement à l'instruction.

À cet égard, il est stipulé au paragraphe 145(1) du Code:

145.(1) S'il est d'avis qu'il y a contravention à la présente partie, l'agent de sécurité peut ordonner à l'employeur ou à l'employé en cause d'y mettre fin dans le délai qu'il précise et, sur demande de l'un ou l'autre, confirme par écrit toute instruction verbale en ce sens.  [C'est moi qui souligne.]

Toutefois, l'interprétation que M. Baldwin fait du paragraphe 145(1) est trop restrictive, compte tenu de la Loi d'interprétation qui s'applique à l'interprétation des lois fédérales. D'ailleurs, j'attire votre attention sur l'article 12 et le paragraphe 31(2) de la Loi d'interprétation qui se lisent comme suit :

« Article 12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. S.R., ch. I-23, art. 11. »; [C'est moi qui souligne.]

« Paragraphe 31.(2) Le pouvoir donné à quiconque, notamment à un agent ou fonctionnaire, de prendre des mesures ou de les faire exécuter comporte les pouvoirs nécessaires à l'exercice de celui-ci. »

Selon moi, cet article et ce paragraphe signifient qu'un agent de sécurité peut donner une instruction aux termes du paragraphe 145(1) du Code s'il est d'avis que les conditions qui existaient dans le milieu de travail au moment où il y a eu contravention existent encore ou sont « permanentes ». J'ai pris la même position dans l'affaire Brink’s vs Prince, décision non publiée n98-014.

La contravention dont l'agent de sécurité Gallant fait mention dans son instruction n'était pas seulement liée au fait que l'employeur a utilisé dans sa mine une méthode pour laquelle il n'existe pas de normes réglementaires sans avoir obtenu l'autorisation de la Commission ou de la personne déléguée, conformément au Code. Elle est aussi liée au fait que les conditions qui existaient dans ce milieu de travail au moment de la contravention existaient encore au moment où l'instruction a été donnée.

Dans cette affaire, M. Baldwin n'a pas compris qu'il devait à nouveau demander à la Commission ou à la personne déléguée l'autorisation de construire la digue nécessaire pour inonder le charbon ou bien il estimait que la situation était urgente et qu'il devait aller de l'avant sans demander l'autorisation en question. Dans un cas comme dans l'autre, rien n'indique dans les faits qui m'ont été présentés en preuve que l'employeur agirait autrement à l'avenir s'il n'y avait pas eu cette instruction. Cette instruction était donc nécessaire.

Ceci étant dit, je considère que l'employeur pourrait rectifier la situation en prenant les mesures nécessaires pour que ses employés et ses superviseurs comprennent leurs obligations aux termes du Code et les remplissent, et en faisant part à l'agent de sécurité des mesures prises à cet égard. Après coup, on pourrait s'opposer à ce que l'agent de sécurité recommande à l'employeur de se conformer à son instruction en demandant rétroactivement à la Commission d'autoriser le plan de la digue qui a été détruite. La Commission a compris l'inutilité d'un tel exercice et c'est pourquoi elle a rejeté la demande.

En ce qui concerne l'affirmation de M. Baldwin selon laquelle l'agent de sécurité Gallant aurait dû donner son instruction plus tôt, je note que l'agent de sécurité Gallant a répondu qu'il croyait que M. Baldwin allait présenter une demande d'autorisation à la Commission en vue de la construction de la digue. Malgré ce malentendu apparent, le paragraphe 145(1)[4] donne à l'agent de sécurité le pouvoir de donner ou non une instruction, selon les circonstances. En conséquence, il serait erroné de prétendre que l'agent de sécurité était légalement tenu de donner une instruction quand il s'est rendu compte qu'il y avait contravention à la partie II du Code.

Compte tenu de toutes ces raisons, je MODIFIE PAR LES PRÉSENTES le point 2 de l'instruction donnée par l'agent de sécurité Gallant le 5 mai 1998, conformément au paragraphe 145(1) du Code en remplaçant le renvoi à l'alinéa 125u) du Code et à l'alinéa 158(1)g) du Règlement sur la sécurité et la santé dans les mines de charbon [SDCB] par un renvoi au paragraphe 125.3(2) du Code. Le point 2 de l'instruction se lit donc maintenant comme suit :

2.      « Paragraphe 125.3(2) du Code canadien du travail, partie II.

L'employeur n'a pas demandé par écrit à la Commission de la sécurité dans les mines de charbon l'autorisation de construire une digue en vue de retenir l'eau nécessaire pour inonder le tas de charbon entreposé dans la galerie de fond 7 Est du secteur Cundy avant de construire ladite digue. »

Décision rendue le 9 février 1999.

Douglas Malanka

Agent régional de sécurité


ANNEXE

CONCERNANT LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION DONNÉE À L'EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

L'agent de sécurité soussigné ayant, le 5 mai 1998, visité le lieu de travail exploité par la SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT DU CAP‑BRETON, employeur assujetti au Code canadien du travail, partie II, et sis à la MINE PHALEN, NEW WATERFORD, NOUVELLE‑ÉCOSSE, ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom de mine Phalen, et ayant mené une enquête sur ledit lieu de travail, estime que les dispositions suivantes du Code ne sont pas respectées :

1.      Alinéa 125.3(1)a) du Code canadien du travail, partie II; autorisation de la Commission de la sécurité dans les mines de charbon no A98-05.

            La ventilation de la galerie de fond 7 Est de la mine Phalen n'est pas conforme aux plan ayant été approuvé.

2.  Alinéa 125u) du Code canadien du travail, partie II, et alinéa 158(1)g) du Règlement sur la sécurité et la santé dans les mines de charbon [SDCB].

L'employeur n'a pas demandé par écrit à la Commission de la sécurité dans les mines de charbon l'autorisation de construire un réservoir de retenue avant d'amorcer les travaux de construction.

En conséquence, il est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES audit employeur, conformément au paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, partie II, de rectifier immédiatement la situation.

Fait à New Waterford le 5 mai 1998.

Bill Gallant

Agent de sécurité no 1879

DESTINATAIRE :          SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT DU CAP-BRETON

                                       MINE PHALEN

                                       NEW WATERFORD

                                       NOUVELLE‑ÉCOSSE

                                       B1H 2M4


 

SOMMAIRE DE LA DÉCISION DE L'AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

Décision no:              99-004

Demandeur :             SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT DU CAP-BRETON

Défendeurs :              Mineurs unis d'Amérique

                                    Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, 
                                    du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada

                                    Syndicat canadien de la fonction  publique

MOTS CLÉS

Mine de charbon, charbon, dégagement de chaleur, combustion spontanée, réservoir de retenue, membrane étanche partiellement installée, digue temporaire, mort‑terrain, Commission de la sécurité dans les mines de charbon, approbation de plans, contravention, Règlement sur la sécurité et la santé dans les mines de charbon [SDCB].

DISPOSITIONS

Code:           alinéas 125u), 125.3(1)d) et 137(2)a), et paragraphes 125.3(2) et 145.(1)

Règlement sur la sécurité et la santé dans les mines de charbon [SDCB]: alinéa 158.1)g)

RÉSUMÉ            

Le 22 avril 1998, on s'est aperçu que de la chaleur se dégageait d'un tas de 500 tonnes de morceaux de charbon se trouvant à l'extrémité sans issue de la galerie de fond 7 Est du secteur Cundy de la mine de charbon Phalen, qui est exploitée par la Société de développement du Cap‑Breton et qui est située près de Waterford, en Nouvelle‑Écosse. La première mesure prise pour tenter de régler ce problème a été de répandre du mort‑terrain sur le tas de charbon, mais cela n'a pas donné les résultats escomptés. Le directeur de la mine a ensuite décidé de construire une digue temporaire d'une hauteur correspondant à environ la moitié de celle de la galerie afin de retenir l'eau nécessaire pour inonder le tas de charbon.

Le 29 avril 1998, l'agent de sécurité a rencontré le directeur de la mine pour discuter de ce cas de dégagement de chaleur. D'après l'agent de sécurité, le directeur de la mine lui a affirmé qu'il demanderait à la Commission l'autorisation de construire une digue pour provoquer une inondation temporaire, conformément au Code canadien du travail. Cependant, le 4 mai 1998, l'agent de sécurité a appris que le directeur de la mine n'avait pas présenté de demande d'autorisation à la Commission. L'agent de sécurité s'est rendu à la mine le 5 mai 1998 et il a donné une instruction écrite à l'employeur. Au point 2 de cette instruction écrite, il est ordonné à l'employeur de se conformer immédiatement à l'alinéa 125u) du Code canadien du travail, partie II, et à l'alinéa 158(1)g) du Règlement sur la sécurité et la santé dans les mines de charbon [SDCB]. Le 5 mai 1998, l'employeur a demandé à l'agent régional de sécurité de réviser cette instruction en vertu de l'article 146 du Code. La révision de l'instruction a été effectuée à partir des arguments présentés par écrit.

Après avoir révisé l'instruction, l'agent régional de sécurité a confirmé que l'employeur avait contrevenu au paragraphe 125.3(2) du Code plutôt qu'à l'alinéa 125u) du Code, et à l'alinéa 158(1)g) du Règlement sur la sécurité et la santé dans les mines de charbon [SDCB]. L'agent régional de sécurité A MODIFIÉ l'instruction en remplaçant le renvoi à l'alinéa 125u) du Code canadien du travail, partie II, et à l'alinéa 158(1)g) du Règlement sur la sécurité et la santé dans les mines de charbon [SDCB] par un renvoi au paragraphe 125.3(2) du Code.



[1] Le 1er octobre 1998, j'ai écrit aux parties et à l'agent de sécurité Gallant. Dans ma lettre, j'ai demandé à l'agent de sécurité Gallant de commenter l'article 158 du Règlement sur la sécurité et la santé dans les mines de charbon (SDCB) en tenant compte des articles 162, 163 and 164 du même Règlement. J'ai notamment demandé à l'agent de sécurité Gallant s'il pensait que l'article 158 du Règlement voulait dire que l'employeur doit obtenir la permission de la Commission avant de prendre quelque mesure que ce soit pour régler un problème urgent. Dans l'affirmative, j'ai demandé à l'agent de sécurité Gallant de m'indiquer si cela pourrait avoir un effet néfaste sur la santé et la sécurité des employés. 

[2] La « personne déléguée » est celle dont il est question à l'alinéa 137.2(2)a), qui se lit comme suit :

« 137.2(2)a) La Commission ou la personne qu'elle délègue à cette fin peut, sur demande de l'employeur et si elle estime que la sécurité et la santé des employés n'en seront pas pour autant affectées :

a)...donner, par écrit, son approbation à l'utilisation par l'employeur dans des mines de charbon de méthodes, de machines ou d'appareils miniers auxquels aucune norme de sécurité réglementaire n'est applicable; »[C'est moi qui souligne.]

[3] Merrian Webster’s Collegiate Dictionary, 10th Edition, 1998.

[4] Le paragraphe 145(1) se lit comme suit :

« 145(1) S'il est d'avis qu'il y a contravention à la présente partie, l'agent de sécurité peut ordonner à l'employeur ou à l'employé en cause d'y mettre fin dans le délai qu'il précise et, sur demande de l'un ou l'autre, confirme par écrit toute instruction verbale en ce sens.  » [C'est moi qui souligne.]

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