Archivée - Decision: 99-006 CODE CANADIEN DU TRAVAIL

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Révision, en vertu de l’article 146 de la partie II du Code canadien du travail,

d’une instruction donnée par un agent de sécurité

Décision n° :              99‑006

Demandeur :              Forest Products Terminal Corporation Ltd.

                                    Représenté par :  M. Bruce Harding

                                                               Directeur général des opérations

Intimée :                     Association internationale des débardeurs

                                    Représentée par :  M. Brian Duplessis

                                                                 Association internationale des débardeurs

Mis‑en‑cause :          Pierre St‑Arnauld       

                                    Agent de sécurité

                                    Développement des ressources humaines Canada

Devant :                     Douglas Malanka

                                    Agent régional de sécurité

                                    Développement des ressources humaines Canada

Contexte

Lors d’une visite des installations de la société Forest Products Terminal Corporation Ltd. (Forest Products), un agent de sécurité a observé, en ce qui concerne plusieurs chariots élévateurs à fourche, qu’aucun avertisseur ne fonctionnait lorsque ces véhicules circulaient en marche arrière pendant les opérations de manutention. L’employeur, acceptant de remédier à la situation, a alors fourni à l’agent de sécurité une promesse de conformité volontaire (PCV) à ce sujet. Peu après, l’employeur a écrit à l’agent de sécurité, demandant à le rencontrer pour retirer la PCV. Il a précisé que la question des avertisseurs de marche arrière sur ces véhicules avait fait l’objet de nombreuses discussions par le passé avec d’autres agents de sécurité, lesquels avaient conclu, dans tous les cas, que ces dispositifs n’amélioreraient pas la sécurité ni la santé des employés chez Forest Products. L’agent de sécurité a donc donné à l’employeur une instruction indiquant que ce dernier contrevenait à l’alinéa 125i) du Code canadien du travail, ci‑après appelé Code ou partie II, et à l’article 14.16 du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail, ci‑après appelé Règlement. Dans cette instruction, l'agent a ordonné à l’employeur de mettre fin à la contravention au plus tard le 21 mai 1997. Une copie de l’instruction figure en annexe.

L’employeur a demandé que l’instruction soit révisée par un agent régional de sécurité, et une audience a eu lieu le 15 octobre 1998, à Saint John (Nouveau‑Brunswick).

Agent de sécurité

L’agent de sécurité Pierre St‑Arnauld a déposé une copie de son rapport avant de témoigner lors de l’audience. Son rapport et son témoignage, versés au dossier, ne sont pas reproduits dans le présent document. Voici toutefois les principales informations qui en ressortent.

Lors de sa visite chez Forest Products, le 21 avril 1997, l’agent de sécurité a observé, en ce qui concerne plusieurs chariots élévateurs à fourche, qu’aucun avertisseur ne fonctionnait lorsque ces véhicules circulaient en marche arrière. Il a précisé qu’il lui était impossible de déterminer à ce moment-là si les avertisseurs étaient tout simplement débranchés ou s’ils avaient été carrément retirés des chariots élévateurs. Il a accepté l’engagement volontaire de l’employeur, selon lequel celui‑ci veillerait à ce que les avertisseurs soient en état de marche. Cependant, à son retour sur les lieux, le 7 mai 1997, l’agent de sécurité a observé que les avertisseurs ne fonctionnaient toujours pas quand les chariots élévateurs circulaient en marche arrière. Il a donc donné une instruction ce même jour, soit le 7 mai 1997.

L’agent de sécurité St‑Arnauld a déclaré que Développement des ressources humaines Canada ne possédait aucun document attestant que des agents de sécurité auraient approuvé l’utilisation, chez Forest Products, de chariots élévateurs à fourche dépourvus d’avertisseurs de marche arrière.

Demandeur

M. Harding, directeur général des opérations chez Forest Products, a exposé par écrit les raisons justifiant sa demande de révision de l’instruction. Ce document, versé au dossier, n'est pas reproduit ici. Voici les principaux points que je retiens de son document et de son témoignage.

Forest Products exploite deux installations terminales dans le port de Saint John. Le terminal destiné aux produits forestiers compte quatre entrepôts totalisant 500 000 pieds carrés, ainsi que 20 acres d’aires d’entreposage à ciel ouvert. Le terminal à conteneurs a une superficie d’environ 40 acres, destinée à l’entreposage extérieur. Les deux installations sont exploitées au moyen d’une flotte de véhicules composée comme suit :

1)      environ 80 chariots élévateurs à fourche ayant une capacité de 6 000 à 15 000 livres, utilisés dans les hangars, à bord des navires et dans les aires à ciel ouvert du terminal; la plupart de ces petits chariots élévateurs ne sont pas munis d’avertisseurs de marche arrière, et un grand nombre est dépourvu de la touche basculante d’inversion de marche;

2)      sept chariots élévateurs à fourche ayant une capacité de 20 000 à 36 000 livres, utilisés dans les hangars, à bord des navires et dans les aires à ciel ouvert du terminal; tous ces véhicules sont munis d’avertisseurs de marche arrière;

3)      six chariots élévateurs à fourche ayant une capacité d’environ 23 tonnes, utilisés dans les aires à ciel ouvert du terminal; tous sont munis d’avertisseurs de marche arrière;

4)      vingt tracteurs de manœuvre Ottawa et neuf tracteurs John Deere, utilisés dans les hangars, à bord des navires et dans les aires à ciel ouvert du terminal; tous sont munis d’avertisseurs de marche arrière.

M. Harding a témoigné que le comité de sécurité et de santé au travail du Port de Saint John, après s’être penché sur l’utilisation des avertisseurs de marche arrière sur les petits chariots élévateurs à fourche (d’une capacité de 6 000 à 15 000 livres), a conclu que ces dispositifs n’amélioreraient pas la sécurité ni la santé des employés sur le lieu de travail. Il a également affirmé s’être informé dans de nombreux autres ports au Canada au sujet des avertisseurs de marche arrière. Il a cru comprendre que ces dispositifs ne sont pas en usage sur tous les véhicules.

M. Harding a précisé qu’en raison de la nature des opérations effectuées dans l’entrepôt de la société et à bord des navires, il arrive souvent qu’un grand nombre de chariots élévateurs se déplacent dans un espace restreint. Par exemple, six véhicules ou plus peuvent avoir à circuler dans une zone de moins de 1 000 pieds carrés. Comme les procédures requièrent que les chariots élévateurs soient activés en marche arrière quand le chargement obstrue la vue de l’opérateur, M. Harding estime que ces véhicules circulent en marche arrière la moitié du temps.

Selon M. Harding, étant donné le grand nombre de chariots élévateurs qu’on retrouve souvent dans un espace restreint, tant l’employeur que les employés craignent que les employés deviennent indifférents au son des avertisseurs de marche arrière et commencent à ne plus en tenir compte. Ils croient également que les employés pourraient être désorientés par les avertisseurs de marche arrière et qu’ils auraient ainsi du mal à déterminer où se dirigent et à quelle distance se trouvent les chariots élévateurs. Ils craignent aussi que, si l’utilisation d’avertisseurs de marche arrière devient obligatoire, les employés commencent à porter des protecteurs auditifs pour atténuer le son des avertisseurs.

M. Harding reconnaît la nécessité d’utiliser des avertisseurs quand la visibilité est réduite. Il a toutefois fait valoir que si la visibilité est bonne, il faut tenir compte de la confusion causée par les avertisseurs de marche arrière. M. Harding a fourni de nombreuses photos prises depuis la perspective de l’opérateur à bord de divers chariots élévateurs à fourche afin de montrer que la visibilité n’y est pas réduite.

M. Harding a témoigné que d’autres mesures préventives sont en vigueur chez Forest Products pour assurer la sécurité et protéger la santé des employés. Il a expliqué, par exemple, que tous les opérateurs de véhicules chez Forest Products doivent suivre une formation de trois à cinq jours pour chaque catégorie de véhicule qu’ils doivent manœuvrer. Les employés sont également tenus de porter des gilets de signalisation dans les hangars, dans les aires à ciel ouvert et à bord des navires. En outre, des voies réservées aux piétons ont été tracées dans l’entrepôt, et des procédures sur les déplacements à pied dans les entrepôts ont été établies. M. Harding a répété que la question des avertisseurs de marche arrière a fait l’objet de nombreuses discussions au sein du comité de sécurité et de santé, et que l’on estime que les avertisseurs ou les feux clignotants n’amélioreraient pas la sécurité ni la santé des employés au travail.

Enfin, M. Harding a indiqué que le secteur du débardage diffère de la plupart des autres secteurs, et qu’après s’être informé dans d’autres ports au Canada et aux États‑Unis, il a été incapable de trouver des politiques claires concernant l’utilisation des avertisseurs de marche arrière sur les chariots élévateurs à fourche. Il a ajouté qu’au cours des 13 dernières années, les quatre ou cinq agents de sécurité ayant visité le lieu de travail n’ont pris aucune mesure à l'égard de l’absence de ces dispositifs sur les petits chariots élévateurs utilisés chez Forest Products. M. Harding soutient que la pose d’avertisseurs de marche arrière représente une dépense pour les employeurs et que, si le Règlement doit être appliqué, il doit être appliqué uniformément de sorte que les règles du jeu soient équitables pour tous.

Intimée

Un document signé par quatre employés membres du comité de sécurité et de santé au Port de Saint John, également membres de l’Association internationale des débardeurs (AID), a été déposé avant la tenue de l’audience. Le document confirme que la question des avertisseurs de marche arrière sur les petits chariots élévateurs à fourche chez Forest Products a fait l’objet de nombreuses discussions et que les signataires s’opposent à leur installation et à leur utilisation. Le document, compris dans le lot de documents soumis par l’employeur, a été versé au dossier. Il n'est donc pas reproduit ici. L’un des signataires, M. B. Duplessis, coprésident du comité de sécurité et de santé et représentant de l’AID, a témoigné lors de l’audience. Voici ce que je retiens de son témoignage.

M. Duplessis a affirmé avoir conduit tous les types de chariots élévateurs à fourche depuis 1975. Il est devenu membre de la section locale de l’AID en 1978 et membre du comité de sécurité et de santé chez Forest Products en 1990. Il a mentionné que le nombre d’accidents dans ce lieu de travail a diminué au fil des ans, reflet des bonnes pratiques de travail adoptées.

M. Duplessis m’a dit être actuellement formateur des opérateurs de chariots élévateurs à fourche chez Forest Products. Il a expliqué qu’aux terminaux, on a instauré un programme de formation progressive selon lequel les opérateurs, après avoir acquis de l’expérience avec les petits chariots élévateurs à fourche et suivi une formation complémentaire, passent aux véhicules de taille supérieure. Les conducteurs continuent de recevoir de l'encadrement à mesure qu’ils acquièrent de l’expérience.

M. Duplessis a expliqué que le comité de sécurité et de santé est dynamique et qu’il surveille activement la sécurité et la santé des employés au travail. Il a ajouté que le programme de prévention des accidents mis en application au terminal de Forest Products est axé sur la sensibilisation des employés et sur l’utilisation de gilets de signalisation.

Arguments

Selon M. Harding, la question des avertisseurs de marche arrière au port remonte loin, et ni l’entreprise ni les agents de sécurité du Ministère n’ont appliqué ce volet du Code.

M. Harding a expliqué que l’employeur et le comité de sécurité et de santé ont déjà examiné la question des avertisseurs à maintes reprises, et que l’employeur et les employés sont du même avis : les avertisseurs de marche arrière n’amélioreront pas la sécurité ni la santé des employés au travail.

M. Duplessis a fondamentalement appuyé la position de M. Harding. Selon son dire, le comité de sécurité et de santé du Port de Saint John est inflexible en matière de sécurité et aussi très dynamique. Celui‑ci examine les cas d’accident et prend les mesures qui s’imposent en cas de problème. Il a fait remarquer que le syndicat et la direction ne s’entendent pas toujours sur les questions de sécurité, mais qu’ils sont d’accord sur ce point. M. Duplessis a indiqué que le nombre d’accidents a diminué depuis 1991, année où l’entreprise a commencé à exiger le port du gilet de signalisation et à donner une formation rigoureuse aux employés. D’après lui, on ne devrait pas intervenir avant qu’un problème se pose. M. Duplessis s’est montré préoccupé par le fait que les dispositions du Code et du Règlement ne tiennent pas toujours compte du type de milieu de travail. Il estime que les agents de sécurité devraient se pencher sur les cas où l’employeur et les employés n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente en matière de sécurité et de santé au travail.

Décision

Dans cette affaire, la question est de déterminer si l’agent de sécurité a mal interprété ou appliqué l’alinéa 125i) du Code ou l’article 14.16 du Règlement[1], quand il a donné son instruction du 7 mai 1997 en vertu du paragraphe 145(1).

Selon l’alinéa 125i), l’employeur est tenu de s’assurer que les véhicules utilisés par ses employés sont conformes aux normes de sécurité énoncées, dans le présent cas, dans le Règlement. En voici le texte :

125.  Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité :

i)  de veiller à ce que les véhicules et l’équipement mobile que ses employés utilisent pour leur travail soient conformes aux normes réglementaires de sécurité.

Selon l’agent de sécurité, la norme réglementaire dans le présent cas est énoncé à l’article 14.16 du Règlement, qui est libellé comme suit :

14.16(1)  L’appareil de manutention motorisé qui est utilisé dans une aire occupée par des employés et qui se déplace :

(a)    en marche avant à une vitesse de plus de 8 km/h doit être muni d’un klaxon ou autre avertisseur sonore du même genre;

(b)    en marche arrière doit, sous réserve du paragraphe 14.51(1), être muni d’un klaxon ou autre avertisseur sonore du même genre qui fonctionne automatiquement durant le déplacement en marche arrière. [Non souligné dans le Règlement.]

14.16(2) Lorsque l’avertisseur visé au paragraphe (1) ne peut être entendu clairement eu égard au bruit de l’appareil de manutention motorisé et au bruit ambiant, qu’il n’avertit pas du danger assez tôt pour qu’on puisse l’éviter ou qu’il ne constitue pas par ailleurs un moyen d’avertissement suffisant, d’autres dispositifs ou moyens d’avertissement — visuels, sonores ou tactiles — doivent être utilisés pour que l’avertissement soit suffisant. [Non souligné dans le Règlement.]

14.16(3) Lorsque l’usage de l’avertisseur visé au paragraphe (1) occasionnerait un niveau de bruit excédant celui autorisé, le soir, par les règlements municipaux de la localité où est utilisé l’appareil de manutention motorisé, d’autres dispositifs ou moyens d’avertissement — visuels ou tactiles — peuvent être utilisés le soir s’ils constituent un moyen d’avertissement suffisant.

Cependant, il est précisé à l'article 14.16 que l’alinéa 14.16(1)b) s'applique « sous réserve du paragraphe 14.51(1) », lequel est formulé ainsi :

14.51(1) Sous réserve du paragraphe (3), les appareils de manutention motorisés qui sont utilisés au moment de l’entrée en vigueur des présentes modifications et qui sont conformes aux exigences de la présente partie dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur des modifications sont exemptés de l’application de celles‑ci tant qu’ils répondent à ces exigences. [Non souligné dans le Règlement.]

Conformément à cette disposition, deux conditions devraient être remplies pour que les petits chariots élévateurs à fourche de Forest Products soient exemptés des exigences de l’alinéa 14.16(1)b). En premier lieu, les appareils de manutention motorisés devraient être en service au moment de l’entrée en vigueur des modifications apportées à la partie XIV (DORS/96‑400, 7 août 1996). En second lieu, le matériel devrait aussi être conforme aux exigences des dispositions antérieures, et ce immédiatement avant l’entrée en vigueur des modifications. Dans cette affaire, la preuve établit que les petits chariots à fourche étaient bel et bien utilisés au moment de l’entrée en vigueur des modifications, mais que les avertisseurs de marche arrière sur ces chariots étaient soit non utilisés, soit inexistants. Par conséquent, ces véhicules n’étaient pas conformes aux exigences de l’ancienne version de la partie XIV. Je suis donc d’avis que l’exemption prévue à l’alinéa 14.16(1)b) du Règlement ne s’applique pas aux petits chariots élévateurs à fourche (d’une capacité de 6 000 à 15 000 livres) chez Forest Products. Ainsi, l’article 14.16 de la partie XIV (Manutention des matériaux) du Règlement (DORS/96‑400, 7 août 1996) s’applique bel et bien aux petits chariots élévateurs à fourche.

MM. Harding et Duplessis ont formulé plusieurs arguments pour montrer que le Règlement ne devrait pas s’appliquer à leurs petits chariots élévateurs à fourche. Voici mes commentaires à ce sujet :

Argument n°1

Les opérations de manutention s’effectuent dans un milieu différent des autres lieux de travail assujettis au Code et au Règlement. La loi devrait donc être appliquée différemment.

La partie II et le Règlement établissent des normes minimales en matière de sécurité et de santé au travail et s'appliquent à l’ensemble des entreprises de compétence fédérale. Je remarque que les dernières modifications touchant la partie XIV (Manutention des matériaux) ont été apportées le 7 août 1996 et le 5 décembre 1996, ce qui est assez récent comparativement à d’autres dispositions du Règlement. La version actuelle de la partie XIV du Règlement ne fait aucune mention d’une exemption générale concernant la manutention. Je dois donc conclure que le Parlement souhaitait que ce règlement s’applique aussi à ce secteur.

Argument n°2

Les statistiques sur les accidents ne révèlent aucun problème. On ne devrait donc pas chercher de solutions quand il n'y a pas de problème.

Le Règlement, rédigé en collaboration avec les employeurs, les employés et les syndicats de ressort fédéral, établit les normes minimales en matière de sécurité et de santé au travail. On ne peut pas attendre que survienne le type d’accident que le Règlement tente justement de prévenir pour appliquer la réglementation, car on ne tiendrait pas compte des accidents évités de justesse qui, selon les spécialistes en sécurité et en santé au travail, sont beaucoup plus nombreux que les accidents de travail qui se produisent effectivement.

Argument n°3

De nombreuses photos fournies ne montrent aucun problème de visibilité sur les petits chariots élévateurs à fourche.

Selon l’article 14.25 de la partie XIV du Règlement, un employeur ne peut obliger un opérateur à manœuvrer un appareil de manutention motorisé que si l’opérateur a une vue sans obstacle de l’aire où l’appareil doit circuler, ou s’il est dirigé par un signaleur. L’article 14.25 est formulé comme suit :

14.25 L’employeur ne peut obliger un opérateur à manœuvrer un appareil de manutention motorisé que si cet opérateur, selon le cas :

(a)    est dirigé par un signaleur;

(b)    a une vue sans obstacle de l’aire où l’appareil doit circuler.

Que l’opérateur ait ou non une vue sans obstacle de l’aire où doit circuler l’appareil ne constitue pas un facteur déterminant dans l’application de l’article 14.16 du Règlement, qui fait l’objet de la présente révision. Je crois plutôt que l’article 14.16 vise à réduire les cas d’erreur humaine pouvant survenir quand les opérateurs de chariots élévateurs à fourche, ou d’autres employés se déplaçant dans la zone de manutention des matériaux, deviennent absorbés par leur travail, distraits ou inattentifs en raison de facteurs relatifs au lieu de travail, entre autres. L’argument formulé par MM. Harding et Duplessis, selon lequel les employés sont protégés par le port du gilet de signalisation ainsi que parce qu'ils sont vigilants à l’égard des déplacements des gens et des véhicules, vient appuyer cette notion de facteurs humains. Cependant, ce n’est pas une question de visibilité ici.

En ce qui a trait aux gilets de signalisation, l’article 12.13 du Règlement précise :

12.13 L’employé qui, pendant son travail, est habituellement exposé au risque de heurt avec des véhicules en mouvement doit être protégé par l’un des dispositifs suivants, nettement visible dans toutes les conditions d’utilisation :

(a)    un gilet de signalisation ou un vêtement semblable;

(b)    une barrière. [Non souligné dans le Règlement.]

À mon avis, le gilet de signalisation sert à réduire les risques d’erreur humaine en attirant l’attention de l’opérateur du véhicule sur la personne qui porte le gilet. Le port de ce vêtement s’avère particulièrement important dans les cas où l’opérateur, ou un autre employé travaillant à proximité, pourrait devenir absorbé par son travail, distrait ou inattentif en raison de facteurs relatifs au lieu de travail, entre autres. Aucun passage, à l’article 12.13 du Règlement, ne précise que le port du gilet de signalisation décharge l’employeur de l’obligation que lui impose l’article 14.16 du Règlement.

Argument n°4

L’employeur et le comité de sécurité et de santé ont étudié la question et estiment que les avertisseurs de marche arrière n’amélioreraient pas la sécurité et la santé des employés. Ils craignent que les employés soient désorientés par la multitude d’avertisseurs de marche arrière dans les espaces restreints où circulent de nombreux appareils de manutention motorisés. Ils craignent aussi que les employés commencent à ne plus prêter attention aux avertisseurs ou à porter des protecteurs auditifs pour atténuer le son des avertisseurs.

Dans leurs témoignages, MM. Harding et Duplessis ont manifesté une préoccupation et un intérêt sincères à l’égard de la sécurité et de la santé des employés au travail. J'applaudis leur dévouement. Je suis convaincu, aussi, qu’ils croient sincèrement que les avertisseurs de marche arrière n’amélioreraient pas la sécurité ni la santé des employés dans leur milieu de travail. Cependant, je suis d’avis qu’ils ont adopté ce point de vue sans avoir été suffisamment bien conseillés sur la technologie des avertisseurs et sur d’autres stratégies d’intégration des avertisseurs de marche arrière dans leurs opérations. À cet égard, les agents de sécurité présents lors de l’audience ont parlé en général de la variété des avertisseurs offerts sur le marché, notamment les avertisseurs tactiles, et utilisés dans d’autres milieux de travail.

En dépit des problèmes à résoudre dans un milieu de travail où circulent, dans des espaces restreints, une multitude de chariots élévateurs à fourche munis d’avertisseurs de marche arrière et où les murs et autres surfaces réfléchissent constamment la lumière ou le son des avertisseurs, il faut absolument se conformer à la loi et adopter toutes les mesures préventives prescrites par le Règlement. Il se peut que les avertisseurs donnent lieu à une certaine confusion, mais ceux‑ci pourraient aussi se révéler le dernier moyen pour les employés d'éviter un contact accidentel avec un chariot élévateur à fourche.

L’instruction devrait donc être confirmée, mais une erreur technique est à corriger. Dans le corps de cette instruction, l’agent de sécurité St‑Arnauld invoque l’article 14.16 du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail « en vigueur avant le 1er janvier 1997 ». Comme je l'ai mentionné précédemment dans le présent rapport, l’exemption prévue à l’alinéa 14.16(1)b) du Règlement ne s’applique pas aux petits chariots élévateurs à fourche (d’une capacité de 6 000 à 15 000 livres) chez Forest Products. Par conséquent, l’article 14.16 de l’actuelle partie XIV (Manutention des matériaux) du Règlement (DORS/96‑400, 7 août 1997), s’applique à ces chariots. Dans le seul but de supprimer de l’instruction les mots « en vigueur avant le 1er janvier 1997 », JE MODIFIE PAR LES PRÉSENTES l’instruction donnée, le 7 mai 1997, à la société Forest Products Terminal Corporation Ltd. par l’agent de sécurité Pierre St‑Arnauld en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail. Pour éviter toute erreur possible, voici le nouveau libellé de la partie modifiée de l’instruction :

« L'agent de sécurité soussigné [...] estime que les dispositions suivantes du Code canadien du travail, partie II, ne sont pas respectées :

Alinéa 125i) du Code canadien du travail, partie II, et article 14.16 du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

Des chariots élévateurs à fourche ne sont pas munis de dispositifs avertisseurs. »

Décision rendue le 3 mars 1999.

Douglas Malanka

Agent régional de sécurité


ANNEXE

CONCERNANT LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II ‑ SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION DONNÉE À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

L’agent de sécurité soussigné ayant, le 7 mai 1997, visité le lieu de travail exploité par la société forest products terminal corporation ltd., employeur assujetti au Code canadien du travail, partie II, et sis à NAVY ISLAND, C. P. 3518, SUCCURSALE B, SAINT JOHN (N.‑B.), ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom de FORTERM, et ayant mené une enquête sur ledit lieu de travail, estime que les dispositions suivantes du Code canadien du travail, partie II, ne sont pas respectées :

1.         Alinéa 125i) du Code canadien du travail, partie II, et article 14.16 du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail en vigueur avant le 1er janvier 1997

Des chariots élévateurs à fourche ne sont pas munis de dispositifs avertisseurs.

En conséquence, il est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES audit employeur, conformément au paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, partie II, de mettre fin à la contravention au plus tard le 21 mai 1997.

Fait à Saint John le 7 mai 1997.

PIERRE ST‑ARNAULD

Agent de sécurité no 1753

DESTINATAIRE :        FOREST PRODUCTS TERMINAL CORPORATION LTD.

                                     NAVY ISLAND

                                     C. P. 3518, SUCCURSALE B

                                     SAINT JOHN (N.‑B.)

                                     E2M 4Y1


 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L’AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

Décision n° :        99‑006

Demandeur :        Forest Products Terminal Corporation Ltd.

Intimée :               Association internationale des débardeurs

MOTS‑CLÉS

Manutention, installations terminales, chariots élévateurs à fourche, capacité de 6 000 à 15 000 livres, avertisseurs de marche arrière, avertisseurs visuels, avertisseurs sonores, avertisseurs tactiles, multitude d’avertisseurs, confusion chez les employés, indifférence des employés, gilets de signalisation, exemptions, mesures préventives.

DISPOSITIONS

Code :          125i), 145(1).

Règlement : 14.16, 14.25, 14.51.

RÉSUMÉ

Un agent de sécurité a observé, en ce qui concerne plusieurs chariots élévateurs à fourche d’une capacité de 6 000 à 15 000 livres, qu’aucun dispositif avertisseur ne fonctionnait lorsque ces véhicules circulaient en marche arrière pendant les opérations de manutention. L’employeur, acceptant de remédier à la situation, a alors fourni à l’agent de sécurité une promesse de conformité volontaire (PCV). Peu après, l’employeur a demandé à rencontrer l’agent de sécurité pour retirer sa PCV. Il a précisé que la question des avertisseurs de marche arrière sur ces véhicules avait fait l’objet de nombreuses discussions par le passé avec d’autres agents de sécurité, lesquels avaient conclu, dans tous les cas, que ces dispositifs n’amélioreraient pas la sécurité ni la santé des employés sur le lieu de travail. L’agent de sécurité a donc donné à l’employeur une instruction indiquant que ce dernier contrevenait à l’alinéa 125i) du Code canadien du travail, ci‑après appelé Code ou partie II, et à l’article 14.16 du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail, ci‑après appelé Règlement. Dans cette instruction, l'agent a ordonné à l’employeur de mettre fin à la contravention au plus tard le 21 mai 1997. L’employeur a demandé que l’instruction soit révisée par l’agent régional de sécurité, et une audience a eu lieu le 15 octobre 1998, à Saint John (Nouveau‑Brunswick).

Après avoir examiné l’instruction, l’agent régional de sécurité a conclu que l’exemption prévue à l’alinéa 14.16(1)b) du Règlement ne s’applique pas à cette catégorie de chariots élévateurs à fourche chez Forest Products, car ces véhicules n’étaient pas conformes aux dispositions de la version précédente de la partie XIV au moment où la version révisée du Règlement est entrée en vigueur, soit le 7 août 1996. Par conséquent, l’article 14.16 de l’actuelle partie XIV (Manutention des matériaux) du Règlement (DORS/96‑400, 7 août 1996) s’applique aux petits chariots élévateurs à fourche de Forest Products. Cependant, puisque l’instruction comportait une erreur technique secondaire, l’agent régional de sécurité a MODIFIÉ l’instruction pour apporter les corrections nécessaires.



[1]   Le Règlement ne s'applique pas aux employés qui travaillent à bord des navires. Par conséquent, le Règlement ne s’applique pas aux chariots élévateurs à fourche lorsqu’ils sont utilisés à bord des navires. L’article 1.4 du Règlement se lit comme suit : « Le présent règlement ne s’applique pas aux employés [...] c) travaillant à bord de navires ». Il convient toutefois de noter que le Règlement sur la sécurité et la santé au travail (navires) s’applique aux employés travaillant à bord de navires. Voici ce que dit l’article 12.14 de ce règlement :

12.14  L’appareil de manutention des matériaux doit être muni d’un klaxon ou d’un dispositif avertisseur sonore du même genre dont le son distinctif peut être facilement perçu malgré le bruit de l’appareil et le bruit ambiant.

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