Archivée - Decision: 99-015 CODE CANADIEN DU TRAVAIL

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Révision, en vertu de l’article 146 du Code canadien du travail,

partie II, d’instructions données par un agent de sécurité

Décision no :               99-015

Demandeur :              Revenu Canada

                                    Summerside (I.-P.-É.)

                                    Représenté par : Richard Fader, conseiller juridique

Intimée :                     Alliance de la fonction publique du Canada

                                    Section locale 90060

                                    Charlottetown (I.-P.-É.)

                                    Représentée par :  Mary Ann Arsenault, présidente

                                                                       

Mis en cause:             Pierre St-Arnauld

                                    Agent de sécurité

                                    Développement des ressources humaines Canada

Devant :                      Serge Cadieux

                                    Agent régional de sécurité

                                    Développement des ressources humaines Canada

Une audience a eu lieu le 15 juin 1999 à Summerside (I.-P.-É.).

Contexte

Le 16 février 1999, comme il passait en véhicule devant le Centre fiscal de Summerside, Pierre St-Arnauld remarqua que des employés de Revenu Canada avaient érigé un piquet de grève devant les locaux du Centre fiscal. Il a voulu savoir depuis quand les employés formaient un cordon le long du chemin, et on lui répondit qu’ils se trouvaient là depuis le début de la journée. Après avoir fait quelques appels téléphoniques, l’agent de sécurité a été autorisé à franchir le piquet de grève et il a rencontré M. Dan Woodin, directeur du Centre fiscal de Summerside. L’agent de sécurité a communiqué à M. Woodin plusieurs points en matière de sécurité et de santé, dont l’un se rapportait à la sécurité des employés marchant le long de la route. Selon lui, l’employeur avait l’obligation de prendre des mesures pour protéger les employés qui devaient garer  leurs véhicules le long de la route, étant donné que l’accès au terrain de stationnement était bloqué par les piqueteurs. Il s’est exprimé ainsi dans son rapport :

“ À ce moment-là, c’est-à-dire vers 15 heures, il n’y avait plus de piquet de grève. L’employeur avait autorisé les employés à rentrer chez eux.

Compte tenu des renseignements dont je disposais alors, je suis d’avis que l’employeur était responsable des employés qui attendaient de pouvoir accéder au terrain de stationnement.

Par conséquent, l’employeur avait l’obligation de protéger ses employés ”.

L’agent de sécurité a déclaré que M. Woodin avait demandé que les employés attendent le long de la route jusqu’à ce qu’ils puissent entrer à l’intérieur. Il a expliqué que, puisque les employés étaient payés pour rester à l’extérieur, ils étaient sous l’autorité de l’employeur.

Peu après sa rencontre avec M. Woodin, l’agent de sécurité, en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, partie II (ci-après le “ Code ”), a donné à Revenu Canada des instructions écrites (voir l’annexe) obligeant Revenu Canada à protéger ses employés. Ce sont ces instructions qui font l’objet de la présente révision.

Témoignage de M. Dan Woodin

M. Dan Woodin est le directeur du Centre fiscal de Summerside. Il a expliqué que les employés du Centre avaient le 17 décembre 1998 reçu un avis énonçant la politique du ministère en cas de grève. La politique prévoit que, en cas de grève, le ministère exercera ses activités comme à l’ordinaire. Les employés ont à cet égard des responsabilités précises. Par exemple, ils doivent se présenter au travail comme prévu. S’ils ont du mal à franchir le piquet de grève, ils doivent s’adresser à un représentant de l’équipe de supervision de la direction, sur la ligne de piquetage, lequel leur fera franchir le piquet ou leur demander de se rendre à d’autres endroits.

Le 16 février 1999, la circulation a été retardée pendant une longue période. Les employés qui s’étaient rendus au travail à pied ont été autorisés à entrer, chacun séparément. Vers 14 h 30 ce jour-là, les employés qui attendaient dans leurs véhicules de pouvoir entrer sur le terrain de stationnement du Centre ont été autorisés à retourner chez eux. L’agent de sécurité est arrivé vers 15 heures. À ce moment-là, tous les véhicules étaient partis pour la journée. M. Woodin est catégorique : il n’a jamais demandé aux employés de rester en file et il n’a jamais dit à l’agent de sécurité qu’il le leur avait demandé. Il n’a jamais dit à un employé non gréviste qu’il devait attendre en file.

M. Woodin a expliqué que l’agent de sécurité était d’avis que, puisque les employés étaient payés pendant qu’ils se trouvaient dans les rues, l’employeur était responsable d’eux. Cependant, l’agent de sécurité ne s’est pas informé de la nature de la rémunération reçue par les employés, rémunération qui, en l’occurrence, prenait la forme d’un congé payé en raison d’activités liées à une grève.

Arguments de l’employeur

M. Fader a parlé de l’application de l’article 124 dans  cette affaire, ainsi que la définition de l’expression “  lieu de travail ”, au paragraphe 122(1) du Code, en s’attardant sur les mots “  exécute un travail ”. Il a ajouté :

Nous sommes d’avis que les employés n’exécutaient pas un travail. Ils étaient hors des locaux de l’employeur, ils étaient sur le bas-côté de la route. Ils se trouvaient sur la voie publique, ils étaient payé, et nous croyons que la partie II du Code ne concerne pas davantage les voies publiques qu’elle ne concerne les cafés-restaurants, les stations-service ou autres endroits par lesquels peuvent passer les employés lorsqu’ils se rendent à leur travail.

M. Fader a invoqué deux décisions de la Cour fédérale “ parce qu’elles donnent des directives précises sur ce qu’il faut entendre par “ au travail ”, et, en tant que telles, elles intéressent la présente affaire et nous sommes liés par elles ”. La première décision est l’arrêt Bidulka c. Canada (Conseil du Trésor) (C.A.F.), [1987] 3 F.C.J. no 274, et la deuxième est l’affaire Jackie T.R. Carr et autres c. Société canadienne des postes, Décision no 668 du CCRT.  Ces deux affaires concernaient des piquets de grève. Dans chacune d’elles, il a également été conclu que les événements appréhendés par les employés s’étaient déroulés hors du lieu de travail et n’étaient pas des événements prévus par le Code.

Essentiellement, les arguments de Revenu Canada sont qu’il s’agit là d’une question de relations de travail et non d’une question de sécurité. L’Alliance de la fonction publique du Canada avait décidé d’organiser un piquet de grève devant cette institution à la suite d’un conflit de travail, et les employés ne franchissaient pas le piquet de grève. Lorsqu’une question de sécurité se posa en raison des bouchons entraînés par les véhicules arrêtés le long de la voie, la police prit la situation en main, étant donné qu’elle seule avait le pouvoir de régler ce problème. L’employeur n’avait pas la charge des employés, lesquels pouvaient aller et venir à leur gré.


Arguments de l’employé

Mme Arsenault n’avait aucun argument ni aucune observation à présenter.

Décision

La question à trancher dans la présente affaire est la suivante : l’employeur a-t-il contrevenu à l’article 124 du Code canadien du travail, partie II (ci-après le Code), pour les raisons indiquées dans les instructions? L’article 124 est ainsi rédigé :

124.   L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail. (C’est moi qui souligne).

De toute évidence, pour que l’employeur soit tenu d’assurer la sécurité et la santé de ses employés au travail, il faut que les employés soient effectivement au travail. En l’espèce, les employés n’étaient pas encore arrivés à leur lieu de travail, c’est-à-dire le Centre fiscal de Summerside. Ils étaient empêchés d’entrer sur leurs lieux de travail respectifs par d’autres employés qui formaient un piquet de grève devant le Centre fiscal. L’employeur n’avait pas la maîtrise de cette situation et ne saurait être tenu pour responsable des actes commis par les piqueteurs. Du reste, même si les employés non grévistes étaient rémunérés pour leurs heures non travaillées, et cela en raison d’une grève, il ne s’ensuit pas que l’employeur avait, selon le Code, des obligations en matière de sécurité et de santé. Les employés sont rémunérés en raison d’un avantage négocié qui est inscrit dans leur convention collective.

Je suis persuadé que l’employeur n’a pas ordonné aux employés non grévistes de demeurer en file jusqu’à ce qu’ils puissent entrer dans le centre fiscal. M. Woodin a témoigné en ce sens, et son témoignage n’est pas contredit. En fait, l’affirmation de l’agent de sécurité selon laquelle la direction avait ordonné aux employés de rester en file est fondée sur des allégations faites par quelques employés non identifiés. L’“ avis réglementaire aux employés avant une grève légale ” établit par ailleurs une procédure précise à observer en cas de grève. Nulle part cette procédure ne recommande à la direction d’ordonner à ses employés de rester à proximité du lieu de travail. D’ailleurs, aucun élément de preuve n’a été présenté qui donnerait à entendre que les employés attendant dans leurs véhicules se sont effectivement présentés au travail ou ont communiqué avec un représentant de l’équipe de supervision de la direction, sur la ligne de piquetage, pour qu’il les aide à franchir le piquet ou pour qu’il leur demande de se rendre à d’autres endroits.

Je suis d’accord aussi avec M. Fader pour dire que la protection sur la voie publique relève au premier chef des autorités policières. Revenu Canada n’a aucun pouvoir sur la circulation ou sur la sécurité et la santé des employés qui décident de leur propre gré de marcher le long de l’accotement sans que leur employeur leur ait donné l’ordre d’attendre en file. Les employés n’étaient pas au travail à ce moment-là et, par conséquent, l’employeur n’a aucune obligation d’assurer leur sécurité et leur santé jusqu’à ce qu’ils entrent sur le lieu de travail.

Bien sûr, dans certaines professions, par exemple la livraison du courrier ou le transport routier, pour n’en nommer que quelques-unes, le lieu de travail des employés englobe le trajet sur la voie publique et, dans de tels cas, ils seraient considérés comme des employés au travail. Cependant, ce n’est pas le cas ici.

Je n’ai pas besoin d’aller plus loin pour trancher cette affaire. La situation dans laquelle est intervenu l’agent de sécurité n’est pas visée par le Code parce que les employés n’étaient pas au travail lors de l’enquête de l’agent de sécurité. Les agents de sécurité devraient garder à l’esprit que, dans les affaires de cette nature, il est nécessaire de ne pas confondre les questions de sécurité et de santé avec les intérêts en matière de relations de travail.


Pour tous les motifs ci-dessus, J’ANNULE les instructions données en vertu du paragraphe 145(1) du Code, le 17 février 1999, par l’agent de sécurité Pierre St-Arnauld à Revenu Canada.

Décision rendue le 13 juillet 1999

Serge Cadieux

Agent régional de sécurité

 

 

 

ANNEXE I

CONCERNANT LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL,

PARTIE II – SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTIONS DONNÉES À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

Le 16 février 1999, l’agent de sécurité soussigné a effectué une inspection du lieu de travail exploité par REVENU CANADA, un employeur assujetti au Code canadien du travail, partie II, sis au 275, CHEMIN POPE, SUMMERSIDE (I.-P.-É.), ledit lieu de travail étant parfois appelé CENTRE FISCAL DE SUMMERSIDE.

Le soussigné est d’avis qu’il y a infraction à la disposition suivante du Code canadien du travail, partie II :

1.  Article 124 du Code canadien du travail, partie II.

L’employeur n’a pas offert de protection contre les véhicules en mouvement aux employés qui marchaient le long de la voie, lesdits employés devant se garer sur le bas-côté de la route et attendre de pouvoir accéder au terrain de stationnement de l’employeur.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ, en conformité avec le paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, partie II, de mettre fin à la contravention au plus tard le 16 février 1999.

Charlottetown (I.-P.-É.), le 17 février 1999.

PIERRE ST-ARNAULD

Agent de sécurité

1753

À:         REVENU CANADA

            CENTRE FISCAL DE SUMMERSIDE

            275, CHEMIN POPE

            SUMMERSIDE (I.-P.-É.)

            C1N 5Z7


 

SOMMAIRE DE LA DÉCISION DE L’AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

Décision no:               99-015

Demandeur :              Revenu Canada

                                    Summerside (I.-P.-É.)

Intimée :                     Alliance de la fonction publique du Canada

MOTS CLÉS :

Véhicules en mouvement, piquet de grève, grève, employés au travail.

DISPOSITIONS

Code :              124, 145(1)

Règlement :       sans objet


SOMMAIRE :

Un agent de sécurité a donné des instructions à Revenu Canada parce que l’employeur ne protégeait pas la sécurité et la santé des employés qui étaient garés le long du bas-côté d’une route en raison d’une grève organisée devant ses locaux. L’agent de sécurité a estimé que, puisque l’employeur payait les employés en question, les employés étaient sous sa surveillance et il avait l’obligation de les protéger. Après examen, l’agent régional de sécurité a décidé que, puisque les employés n’étaient pas au travail, l’employeur n’avait pas l’obligation de les protéger sur la voie publique. Cette tâche relevait des autorités policières. Également, le fait que les employés étaient rémunérés était sans rapport avec le Code, mais concernait essentiellement leur convention collective. Pour ces motifs, l’ARS a annulé les instructions.

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