Archivée - Decision: 00-015 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II : SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

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Révision, en vertu de l’article 146 de la partie II du Code canadien du travail, d’une instruction donnée par un agent de sécurité

 

Décision n:            00-015

 

Demandeur :           United Grain Growers Limited

                                 Représentée par : M. G.W. Black

 

Défendeur :             Grain Workers’ Union

                                 Section locale no 333

                                 Représentée par :     M. R. Janes, employé

                                                                 Coprésident/chef délégué syndical

 

Mis-en-cause :        M. Dale Corrigall

                                 Agent de sécurité

                                 Développement des ressources humaines Canada

 

Devant :                   M. Douglas Malanka

                                  Agent régional de sécurité

                                  Développement des ressources humaines Canada

 

Contexte

 

Le 3 avril 2000, deux agents de sécurité, MM. Dale Corrigall et Gerry McCabe, ont procédé à une inspection dans le lieu de travail qu’exploite United Grain Growers Limited (ci-après appelée « UGG ») au no 1155 de la rue Stewart, à Vancouver (C.-B.). À la suite de leur enquête, l’agent de sécurité Corrigall a donné une instruction verbale en application du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail (ci-après appelé le « Code » ou la « partie II ») et confirmé par écrit cette instruction le 6 avril 2000. L’instruction écrite, dont une copie est jointe ci-après, comportait 3 (trois) points. Le point no 1 ordonnait à UGG de se conformer aux dispositions de l’alinéa 125p) du Code et du paragraphe 2.12(2) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail (ci-après appelé le « RCSST ») en éliminant les quantités inacceptables de poussière céréalière présentes dans les galeries de convoyeur du sous-sol et de l’installation. Le point no 2 ordonnait à UGG de se conformer aux dispositions de l’alinéa 125p) du Code et des paragraphes 10.4(1) et (2) du RCSST, et de procéder à une enquête sur les situations de risque en vue de déterminer la fréquence des travaux de nettoyage requis pour éviter que les quantités de poussière céréalière n’excèdent les limites acceptables. Le point n3 ordonnait à UGG de se conformer aux dispositions de l’alinéa 125(1)b) du Code et de l’alinéa 10.5b) du RCSST en vue d’établir une procédure d’inspection régulière du lieu de travail qui assurerait l’élimination de la poussière céréalière avant que celle-ci n’excède les niveaux acceptables. UGG a demandé que l’instruction soit révisée afin de faire supprimer les deuxième et troisième points. UGG soutenait que l’agent de sécurité Corrigall l’avait dispensée verbalement de l’obligation de se conformer à ces deux points après que M. Caron, gestionnaire des opérations chez UGG, lui eut expliqué comment l’entreprise se conformerait au point n1 de l’instruction. Une audience de révision a eu lieu le 22 août 2000, à Vancouver (C.-B.).

 

Agent de sécurité

 

Peu après avoir donné son instruction, l’agent de sécurité Corrigall a quitté Développement des ressources humaines Canada (DRHC) pour prendre un congé prolongé, et le dossier a été confié à l’agent de sécurité McCabe. Ce dernier a présenté un compte rendu chronologique des faits ayant mené à l’instruction en cause, et il a témoigné à l’audience. À la suite de celle‑ci, il a écrit au bureau de l’agent régional de sécurité et fourni une copie des promesses de conformité volontaire (PCV) ainsi que le texte de l’instruction dont il avait été question à l’audience. Les commentaires qui suivent sont tirés des documents et du témoignage de M. McCabe.

 

L’agent de sécurité McCabe a déclaré que le problème de l’excès de poussière céréalière à l’élévateur d’UGG était constant. Il a fait référence à cet égard à quatre PCV que DRHC avait auparavant reçues d’UGG, soit le 5 juillet 1996, le 25 mars 1997, le 4 septembre 1997 et le 19 décembre 1997, relativement à un excès de poussière céréalière dans l’élévateur. Il a fait référence aussi à une instruction que l’agent de sécurité Jim Beynon avait donnée à UGG le 28 octobre 1998, ordonnant à l’entreprise d’éliminer les quantités inacceptables de poussière statique, les piles et les déversements qui avaient été découverts au lieu de travail et qui, dans certains cas, étaient en contact avec des pièces mobiles de la machinerie. Juste avant cette instruction-là, les agents de sécurité Jim Beynon et Vince Smith, de même que Mme Mary Huitson, directrice, DRHC, Surrey, avaient rencontré M. A. Graham, gestionnaire du terminal d’UGG, et M. B. Green, d’UGG, le 20 novembre 1998, en vue d’informer l’entreprise qu’elle devait établir un programme d’inspection et de nettoyage des zones intérieures de l’installation. L’instruction dont il est question en l’espèce traitait des mêmes préoccupations concernant un excès de poussière céréalière.

 

L’agent de sécurité McCabe a déclaré ne pas avoir pris part à la conversation tenue le 4 avril 2000 entre l’agent de sécurité Corrigall et M. Caron, conversation où, d’après M. Caron, l’agent de sécurité Corrigall lui avait dit de ne pas se soucier des points nos 2 et 3 de son instruction. Il a reconnu avoir vu la lettre que M. Caron avait envoyée à l’agent de sécurité Corrigall le 18 avril 2000, et qui confirmait ce qu’il pensait, à savoir qu’UGG n’avait pas à se conformer aux points nos 2 et 3 en question. L’agent de sécurité McCabe a expliqué qu’il n’avait pas répondu à la lettre de M. Caron parce que M. A. Graham avait écrit le même jour et demandé qu’un agent régional de sécurité révise l’instruction. Une fois qu’une instruction fait l’objet d’un appel, a-t-il ajouté, l’affaire repose entre les mains de cet agent.

 

Il a déclaré de plus qu’il n’aurait jamais accepté de dispenser UGG de l’obligation de se conformer aux points nos 2 et 3 de l’instruction, car il avait été clairement établi qu’il était nécessaire d’établir un programme d’inspection et de nettoyage des zones situées à l’intérieur de l’installation. Il a indiqué que le jour de l’inspection, l’agent de sécurité Corrigall et lui avaient relevé une quantité excessive de poussière céréalière auprès des courroies C3 et C4, auprès des sections 6, 7 et 15, ainsi que dans les tunnels situés du côté gauche de la courroie C5. Il a déclaré également qu’il avait fallu déverrouiller et nettoyer la courroie C6. Comme il s’agissait là d’un problème de longue date chez UGG, il doutait que qui que ce soit à DRHC aurait accepté qu’UGG n’ait pas à se conformer aux points nos 2 et 3 de l’instruction, parce que lui et M. Corrigall devaient retourner chez UGG seulement trois ou quatre mois plus tard. 

 

Demandeur

 

M. Black a confirmé que les représentants d’UGG qui se trouvaient à l’élévateur à grains ont convenu avec les agents de sécurité que, le jour de leur inspection, il y avait une quantité excessive de poussière céréalière autour des courroies de convoyeur de l’installation et du sous-sol. M. Caron a déclaré avoir appelé l’agent de sécurité Corrigall le 4 avril pour l’informer des travaux de nettoyage qu’UGG avait entrepris en vue de se conformer au point n1 de l’instruction. Il a ajouté qu’au cours de la conversation, l’agent de sécurité Corrigall lui avait dit de ne pas se soucier des points nos 2 et 3 de l’instruction. À cet égard, M. Caron a présenté une lettre qu’il avait écrite à l’agent de sécurité Corrigall le 18 avril 2000 et confirmant qu’à son avis, UGG n’avait pas à se conformer aux points nos 2 et 3. M. Black a déclaré que, dans cette optique, le gestionnaire du terminal, M. Graham, a demandé que l’on révise l’instruction, en application de l’article 146 du Code, de manière à ce que les deux points en question soient supprimés. M. Black a fait remarquer qu’aucun employé de DRHC n’a jamais répondu à la lettre de M. Caron ou contesté le fait que, d’après ce dernier, UGG n’avait pas à se conformer aux points nos 2 et 3 de l’instruction. M. Caron n’a pas contesté la prétention de l’agent de sécurité McCabe selon laquelle le problème d’excès de poussière céréalière à l’élévateur suscitait des préoccupations depuis plusieurs années.

 

Défendeur

 

M. Janes a déclaré que le jour où les agents de sécurité Corrigall et McCabe ont inspecté l’élévateur, il y avait dans les coins une quantité excessive de poussière céréalière d’une hauteur de 2 pouces à 5 pieds et, sous les courroies, d’une hauteur de 2 à 6 pouces. M. Foy a fait remarquer à ce sujet qu’au sous-sol de l’élévateur, les courroies sont très basses et que la poulie de queue ne se trouve qu’à 4 ou 5 pouces du sol. M. Janes a ajouté que l’élévateur a fourni de multiples PCV concernant des quantités excessives de poussière céréalière et que DRHC a commencé à donner des instructions il y a deux ans. Il a ajouté que depuis l’instruction de l’agent de sécurité Corrigall, il a fallu arrêter certaines des courroies en raison d’une accumulation excessive de poussière céréalière.

 

M. Foy a déclaré que lorsque l’élévateur est en service, il y a toujours beaucoup de poussière céréalière en suspension dans l’air et qu’il est fréquent qu’il y ait partout, et surtout au sous-sol, plus de 1/8e de pouce de poussière. M. Janes et lui ont expliqué qu’il peut être indiqué dans un horaire de travail d’UGG qu’un journalier est préposé au nettoyage de la poussière céréalière, mais qu’une fois que le quart de travail commence, cette personne est souvent affectée à une autre tâche. Ainsi, les travaux de nettoyage quotidiens et réguliers ne sont généralement pas effectués.

 

M. Janes a indiqué qu’il est nécessaire d’établir un programme de nettoyage quotidien et régulier. Depuis les dix dernières années, a-t-il déclaré, le nettoyage n’est fait que lorsqu'il s’est accumulé de la poussière céréalière et qu'il faut arrêter une courroie. C’est la raison pour laquelle, bien trop souvent, la poussière céréalière s’accumule jusqu’à la hauteur des courroies et entoure les poulies de queue.

 

Exposé définitif

 

M. Black a confirmé qu’UGG est disposée à se conformer à l’instruction si cette dernière est confirmée. Il a déclaré que l’entreprise demande uniquement que l’instruction soit révisée et que l’on supprime les points nos 2 et 3 parce que l’agent de sécurité Corrigall a déclaré à M. Caron, lors de leur conversation téléphonique du 4 avril, qu’il n’était plus nécessaire de se conformer à ces points parce qu’UGG avait nettoyé les lieux. Il a estimé qu’UGG avait raison de croire qu’il n’était pas obligatoire de se conformer à ces deux points, car aucun des deux agents de sécurité n’avait donné suite à l'instruction malgré la gravité de l’affaire, ou répondu à la lettre dans laquelle M. Caron confirmait ce qu’il pensait de l’obligation de se conformer à l’instruction. D’après M. Black, ce manque de suivi était particulièrement déplorable car l’agent de sécurité Corrigall avait inclus un avertissement dans l'instruction qu'il avait donnée verbalement à UGG.

 

M. Janes a demandé que l’on confirme l’instruction parce que l’entreprise a l’habitude d’attendre qu’il s’accumule des quantités excessives de poussière céréalière et n’intervient qu’après que des employés, le syndicat ou un membre du comité de sécurité et de santé ont déposé une plainte auprès de la direction, ou qu’un agent de sécurité a ordonné un nettoyage ou accepté une PCV au sujet de l’accumulation excessive de poussière céréalière. Il s’est dit d’accord avec l’instruction selon laquelle il est nécessaire d’établir un programme de nettoyage pour veiller à ce que l’on enlève tous les jours la poussière céréalière.

 

M. Foy a déclaré que la plupart des employés d’UGG veulent que l’entreprise soit rentable, car elle est leur gagne-pain; tout ce qu’ils veulent, c’est un lieu de travail sûr.

 

 

Décision

 

Question en litige :

 

La question dont j’ai été saisi dans cette affaire est celle de savoir s’il convient ou non de modifier l’instruction comme l’a demandé UGG, et d’en supprimer les points nos 2 et 3.

 

Dispositions applicables :

 

Pour trancher cette question, il convient d’examiner les dispositions applicables de la partie II du Code et du RCSST. Celles-ci incluent, respectivement, les suivantes :

 

·        L’alinéa 125p) du Code :

 

« 125. Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité :

p) de veiller, selon les modalités réglementaires, à ce que les employés puissent y entrer, en sortir et y demeurer en sécurité; » 

 

·        L’alinéa 125.1b) du Code :

 

« 125.1 Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124 et des obligations spécifiques prévues à l’article 125, mais sous réserve des exceptions qui peuvent être prévues par règlement, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité :

b).de veiller à ce que les substances hasardeuses se trouvant dans un lieu de travail soient entreposées et manipulées conformément aux règlements; »

 

·        Le paragraphe 10.4(1) du RCSST :

 

« 10.4(1) Lorsque la sécurité ou la santé d’un employé risque d’être compromise par une exposition à une substance hasardeuse présente dans le lieu de travail, l’employeur doit sans délai :

a)         nommer une personne qualifiée pour faire enquête sur la situation;

b)         à des fins de participation à l’enquête, aviser le comité de sécurité et de santé ou le représentant en matière de sécurité et de santé, si l'un ou l’autre existe, qu’il y aura enquête et lui communiquer le nom de la personne qualifiée nommée pour faire enquête.

 

     (2) Au cours de l’enquête visée au paragraphe (1), les facteurs suivants doivent être pris en compte :

                 a)         les propriétés chimiques, biologiques et physiques de la substance hasardeuse;

                 b)         les voies par lesquelles la substance hasardeuse pénètre dans le corps;

                 c)         les effets aigus et chroniques sur la santé que produit l’exposition à la substance hasardeuse;

                 d)         la quantité de substance hasardeuse à manipuler;

                 e)         la manière d’entreposer, d’utiliser, de manipuler et d’éliminer la substance hasardeuse;

                 f)          les méthodes de contrôle utilisées pour éliminer ou réduire l’exposition des employés à la substance hasardeuse;

                 g)         la concentration ou le niveau de la substance hasardeuse auxquels l’employé risque d’être exposé;

h)         la probabilité que la concentration d’un agent chimique aéroporté ou le niveau de rayonnement ionisant ou non ionisant soit supérieur à 50 pour cent des valeurs visées respectivement aux paragraphes

10.19(1) et 10.26(3) et (4);

                 i)          la probabilité que le niveau visé à l’alinéa g) soit supérieur ou inférieur au niveau prévu à la partie VI. »

 

·        L’alinéa 10.5b) du RCSST :

 

« 10.5 Après l’enquête visée au paragraphe 10.4(1) et après avoir consulté le comité de sécurité et de santé ou le représentant en matière de sécurité et de santé, si l’un ou l’autre existe :

                        b)         l’employeur doit établir par écrit et appliquer une marche à suivre pour contrôler la concentration ou le niveau de la substance hasardeuse présente dans le lieu de travail. »

 

·        Le paragraphe 146(3) du Code :

 

« 146.(3) L’agent régional de sécurité mène une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu aux instructions et sur la justification de celles-ci. Il peut les modifier, annuler ou confirmer et avise par écrit de sa décision l’employeur, l’employé ou le syndicat en cause. » [C’est moi qui souligne.]

 

Justification de la décision :

 

UGG a demandé en l’espèce que je modifie l’instruction et que j’en supprime les points nos 2 et 3. M. Black n’a pas fait valoir que l’instruction était inutile ou déraisonnable en rapport avec la quantité excessive de poussière céréalière que les agents de sécurité avaient observée le jour de leur inspection. UGG a plutôt demandé que les points nos 2 et 3 de l’instruction soient supprimés de cette dernière parce que M. Caron avait cru comprendre, lors d’une discussion avec l’agent de sécurité Corrigall, qu’il n’était pas nécessaire de se conformer à ces deux points si UGG se conformait au point no 1 et éliminait l’excès de poussière céréalière présent dans l’élévateur.

 

Pour trancher cette affaire, il est fait référence au paragraphe 146(3) du Code, qui établit deux exigences se rapportant à la présente instruction. La première de ces exigences est que le paragraphe 146(3) autorise un agent régional de sécurité à modifier, annuler ou confirmer une instruction. Ce pouvoir ne s’étend pas à un agent de sécurité ou à une autre personne. Cela étant le cas, même si l’agent de sécurité Corrigall voulait modifier son instruction afin d’en supprimer les points nos 2 et 3, il n’était pas habilité à le faire.

 

Indépendamment de cela, il peut arriver qu’un agent de sécurité convienne par la suite que l’instruction émise n’est pas nécessaire, ou que celle-ci contient une erreur technique. Lorsque cela se produit et qu’une partie lésée interjette appel de l’instruction, le paragraphe 146(3) autorise l’agent régional de sécurité « … à [mener] une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu aux instructions et sur la justification de celles-ci… » [C’est moi qui souligne]. À cet égard, l’agent régional de sécurité saisi de l’instruction peut entendre l’agent de sécurité et, sur la foi de tous les éléments de preuve entendus, déterminer si l’instruction est justifiée et s’il convient de la modifier, de l’annuler ou de la confirmer. En l’espèce, il me faut d’abord déterminer si l’agent de sécurité Corrigall a bel et bien convenu qu’il fallait modifier l’instruction, et, si je conclus que oui, s’il faut modifier, annuler ou confirmer l’instruction.

 

En ce qui concerne la première question, soit celle de savoir si l’agent de sécurité Corrigall a convenu qu’UGG n’avait pas à se conformer aux points nos 2 et 3 de l’instruction, je suis convaincu que M. Caron était un témoin digne de foi et qu’il a peut-être vraiment considéré que la conversation téléphonique qu’il avait eue avec l’agent de sécurité Corrigall le 4 avril 2000 voulait dire qu’UGG n’avait pas à se soucier des deux points en question. Sinon, il n’y a pas de raisons pour lesquelles il aurait écrit à l’agent de sécurité Corrigall le 18 avril 2000 pour confirmer ce qui précède, ou qu’un certain A. Graham aurait écrit à DRHC le même jour pour demander qu’un agent régional de sécurité révise l’instruction en vue de supprimer les points nos 2 et 3 de l’instruction. Cela étant dit, je conclus que la teneur de la lettre que M. Caron a envoyée le 18 avril à l’agent de sécurité Corrigall est ambiguë. Au troisième paragraphe, M. Caron écrit ce qui suit :

 

[traduction]

Paragraphe 3 : « … Vous m’avez confirmé dans notre conversation téléphonique que le 4 avril, nos mesures de nettoyage étaient acceptables et que celles-ci satisfont à l’instruction. Vous avez indiqué de plus que la seconde partie de l’instruction n’exige aucune autre mesure de notre part; cependant les aspects pour lesquels des améliorations doivent être apportées sur le plan du nettoyage ont été réglés et des mesures préventives convenables ont été prises, de manière à ce que les niveaux de poussière demeurent acceptables »;

 

et, au quatrième paragraphe, il ajoute ce qui suit :

 

[traduction]

Paragraphe 4 : « Ayant satisfait aux exigences de votre instruction, je vous ai informé que nous allions reprendre nos activités normales. » [C’est moi qui souligne.]

 

Je ferai observer qu'au lieu de confirmer que l’agent de sécurité Corrigall dispensait UGG de l’application des points nos 2 et 3 de l’instruction, la lettre, et surtout le paragraphe 4, semblent confirmer qu’UGG s’est conformée à l’instruction. Il est donc impossible de conjecturer sur ce que l’agent de sécurité Corrigall a pu avoir dit, ou non, au cours de sa conversation avec M. Caron. 

 

Pour sa part, l’agent de sécurité McCabe a insisté pour dire que ni DRHC ni lui n’auraient jamais accepté, comme M. Caron le croyait, qu’UGG n’avait pas à se conformer aux points nos 2 et 3 de l’instruction. Il a déclaré que le problème de l’excès de poussière céréalière chez UGG en était un de longue date et que l’instruction concordait avec l’avis que le Ministère avait signifié à UGG le 20 novembre 1998, à savoir qu’il était nécessaire d’adopter un programme de nettoyage à l’élévateur à grains. Il a expliqué que DRHC n’avait pas répondu à la lettre dans laquelle M. Caron expliquait comment il interprétait l’instruction parce qu’UGG avait interjeté appel de cette instruction auprès d’un agent régional de sécurité. Bien que je m’interroge sur la raison pour laquelle DRHC n’a pas répondu à la lettre de M. Caron sur la foi du Code, je crois que cela explique pourquoi M. Caron croyait qu’UGG n’avait pas à se conformer aux points nos 2 et 3 de l’instruction. Quant au fait que DRHC ait décidé de ne pas répondre à M. Caron, le paragraphe 146(4) du Code précise qu’une demande de révision d’une instruction n’équivaut pas à une suspension. Le texte de cette disposition est le suivant :

 

« 146.(4) La demande de révision n’a pas pour effet de suspendre l’exécution des instructions. [C’est moi qui souligne.]

 

Le Code n’interdisait donc pas à DRHC de clarifier la situation ou d’insister pour qu’UGG se conforme à l’instruction, pendant que celle-ci faisait l’objet d’une révision. Ainsi, je ne comprends pas l’inaction du Ministère, vu la quantité de poussière céréalière que les agents de sécurité Corrigall et McCabe avaient observée à l’élévateur le jour de l’inspection, vu qu’il s’agissait de la sixième intervention de DRHC en trois ans pour la même affaire, et vu le risque de décès et de blessures associé à une explosion attribuable à la présence de poussière céréalière dans un élévateur à grains.

 

Dans cette affaire, je suis convaincu que l’instruction que l’agent de sécurité Corrigall a donnée, y compris les points nos 2 et 3 de cette dernière, était nécessaire. Je fonde ma conclusion sur la preuve selon laquelle il n’existait aucune procédure écrite au sujet de la limitation de la concentration de poussière céréalière dans l’élévateur. Au lieu de cela, la direction tolérait systématiquement l’accumulation de quantités excessives de poussière céréalière, souvent au point où il fallait arrêter sur-le-champ la machinerie pour la dégager. Je fonde ma conclusion sur l’aveu de M. Caron selon lequel l’accumulation de poussière céréalière dans l’élévateur d’UGG est un problème de longue date. Je fonde en outre ma conclusion sur des renseignements contenus dans les PCV et les instructions qu’UGG et DRHC se sont échangées au cours des quatre dernières années. À cet égard, je signale les constatations suivantes tirées des PCV et des instructions précédentes :

 

1)      PCV datée du 5 juillet 1996 : environ 6 observations de poussière céréalière statique, environ 15 observations d’accumulations de céréales ou de poussière céréalière et une observation où une poulie était enfouie dans la poussière céréalière; [C’est moi qui souligne.]

 

2)      PCV datée du 25 mars 1997 : environ 3 observations de poussière céréalière statique, environ 7 observations d’accumulations de céréales ou de poussière céréalière, 3 observations où une poulie était enfouie dans la poussière céréalière, et environ 3 observations concernant des galets, des poulies ou des courroies cassés ou endommagés; [C’est moi qui souligne]

 

3)      PCV datée du 4 septembre 1997 : environ 15 observations d’accumulations de céréales ou de poussière céréalière, et environ 6 observations des tiges d’acier ou de métal risquant de provoquer des étincelles; [C’est moi qui souligne]

 

4)      PCV datée du 19 décembre 1997 : comprenant environ 1 observation de poussière céréalière statique, environ 3 observations d’accumulations de céréales ou de poussière céréalière et 1 observation où un roulement à billes était enfoui dans la poussière céréalière; [C’est moi qui souligne]

 

5)      Instruction donnée le 28 octobre 1998 : indiquant que les secteurs du sous-sol de l’élévateur présentaient des quantités inacceptables de poussière statique, des piles et des déversements de produits, touchant parfois des pièces mobiles de la machinerie. [C’est moi qui souligne]

 

Dans cette affaire, la preuve donne fortement à penser qu’UGG recourt à une approche réactive à l’égard du nettoyage de la poussière céréalière, et que le nettoyage n’a lieu surtout qu’au moment où l’accumulation de poussière céréalière devient hasardeuse, voire dangereuse, au moment où les employés, les représentants syndicaux ou les membres du comité de sécurité et de santé se plaignent à la direction qu’ils craignent pour leur sécurité et leur santé, ou au moment où l’entreprise est inspectée par un agent de sécurité. En fait, le temps mis par DRHC pour prendre des mesures décisives au sujet de l’incapacité d’UGG, durant les quatre années précédentes, de se conformer aux normes minimales du Code et du RCSST au sujet de la poussière céréalière a peut-être incité involontairement UGG à croire que son comportement est en quelque sorte raisonnable ou défendable. Sinon, pourquoi les responsables d’UGG auraient-ils jamais pensé qu’il n’était pas nécessaire de se conformer aux points nos 2 et 3 de l’instruction, relativement à l’élévateur à grains en question. Au cours de l’examen, UGG ne m’a pas demandé de modifier la date de conformité de l’instruction si je décidais de la confirmer. Cependant, si elle l’avait fait, j’aurais refusé. Le manque de mesures proactives et préventives d’UGG à l’égard de la gestion de la poussière céréalière présente dans l’élévateur, ainsi que l’inobservation des dispositions du Code et du RCSST visées dans l’instruction, sont indéfendables, et je souscris entièrement à l’instruction que l’agent de sécurité Corrigall a donnée.

 

Décision :

 

Pour tous les motifs susmentionnés, JE CONFIRME PAR LES PRÉSENTES l’instruction que l’agent de sécurité Corrigall a donnée à UGG le 6 avril 2000, en application du paragraphe 145(1) du Code.

 

Décision rendue le 19 septembre 2000

 

 

 

Douglas Malanka

Agent régional de sécurité

 


 

 

 

 

ANNEXE

 

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

 

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

 

Le 3 avril 2000, l’agent de sécurité soussigné a procédé à une inspection du lieu de travail qu’exploite UNITED GRAIN GROWERS LIMITED, un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, situé au no 1155 de la RUE STEWART, à VANCOUVER (C.-B.).

 

Ledit agent de sécurité estime qu’il y a eu infraction aux dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail :

 

1.                  125. Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité :

 

p) de veiller, selon les modalités réglementaires, à ce que les employés puissent y entrer, en sortir et y demeurer en sécurité;

 

2.12(2) La poussière, la saleté, les déchets et les rebuts dans un lieu de travail à l’intérieur d’un bâtiment doivent être enlevés aussi souvent que nécessaire pour protéger la sécurité et la santé des employés et être éliminés de manière à ne pas compromettre la sécurité et la santé de ceux-ci.

 

Des niveaux inacceptables de poussière ont été observés dans les galeries de convoyeur de l’installation et du sous-sol.

 

2.                  125. Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité :

 

p) de veiller, selon les modalités réglementaires, à ce que les employés puissent y entrer, en sortir et y demeurer en sécurité;

 

10.4(1) Lorsque la sécurité ou la santé d’un employé risque d’être compromise par une exposition à une substance hasardeuse présente dans le lieu de travail, l’employeur doit sans délai :

 

a)         nommer une personne qualifiée pour faire enquête sur la situation;

b)         à des fins de participation à l’enquête, aviser le comité de sécurité et de santé ou le représentant en matière de sécurité et de santé, s’il l’un ou l’autre existe, qu’il y aura enquête et lui communiquer le nom de la personne qualifiée nommée pour faire enquête.

 

(2) Au cours de l’enquête visée au paragraphe (1), les facteurs suivants doivent être pris en compte :

 

a)         les propriétés chimiques, biologiques et physiques de la substance hasardeuse;

b)         les voies par lesquelles la substance hasardeuse pénètre dans le corps;

c)         les effets aigus et chroniques sur la santé que produit l’exposition à la substance hasardeuse;

d)         la quantité de substance hasardeuse à manipuler;

e)         la manière d’entreposer, d’utiliser, de manipuler et d’éliminer la substance hasardeuse;

f)          les méthodes de contrôle utilisées pour éliminer ou réduire l’exposition des employés à la substance hasardeuse;

g)         la concentration ou le niveau de la substance hasardeuse auxquels l’employé risque d’être exposé;

h)         la probabilité que la concentration d’un agent chimique aéroporté ou le niveau de rayonnement ionisant ou non ionisant soit supérieur à 50 pour cent des valeurs visées respectivement aux paragraphes 10.19(1) et 10.26(3) et (4);

i)          la probabilité que le niveau visé à l’alinéa g) soit supérieur ou inférieur au niveau prévu à la partie VI.

 

Il est nécessaire d’effectuer une enquête sur les situations de risque afin de déterminer la fréquence des travaux de nettoyage nécessaires pour garantir que les quantités de poussière n’excèdent pas les limites acceptables.

 

3.         125.1 Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124 et des obligations spécifiques prévues à l’article 125, mais sous réserve des exceptions qui peuvent être prévues par règlement, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité :

 

b).de veiller à ce que les substances hasardeuses se trouvant dans un lieu de travail soient entreposées et manipulées conformément aux règlements;

 

10.5 Après l’enquête visée au paragraphe 10.4(1) et après avoir consulté le comité de sécurité et de santé ou le représentant en matière de sécurité et de santé, si l’un ou l’autre existe :

 

b)         l’employeur doit établir par écrit et appliquer une marche à suivre pour contrôler la concentration ou le niveau de la substance hasardeuse présente dans le lieu de travail.

 

Il est nécessaire d’établir une méthode pour inspecter régulièrement le lieu de travail, et pour garantir que l’on enlève la poussière avant que l’on excède des quantités acceptables.

 

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin aux infractions au plus tard le 5 mai 2000.

 

Fait à Vancouver, le 6e jour d’avril 2000.

 

Dale Corrigall

Agent de sécurité

 

À :        UNITED GRAIN GROWERS

            1155, RUE STEWART

            VANCOUVER (C.-B.)

            V6A 4H4


 

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION PAR L’AGENT RÉGIONAL DE SÉCURITÉ

 

Décision n:           000-015

 

Demandeur :          United Grain Growers Limited

 

Défendeur :            Grain Workers’ Union

 

MOTS CLÉS :         

 

élévateur à grains, poussière céréalière, accumulations de poussière céréalière, poussière céréalière en suspension dans l’air, accumulations de céréales, enquête sur les situations de risque, programme de nettoyage.

 

DISPOSITIONS :

 

Code :                        125p), 125.1b), 146(3) et (4)

Règ. :                          10.4(1), 10.5b)

 

RÉSUMÉ

 

Le 3 avril 2000, des agents de sécurité ont procédé à l’inspection d’un élévateur à grains qu’exploite United Grain Growers à Vancouver (C.-B.) et ont constaté qu'il y avait à plusieurs endroits une accumulation de poussière céréalière. Une instruction verbale a été donnée en vertu du paragraphe 145(1) et, par la suite, confirmée par écrit. L’instruction ordonnait à l’entreprise d’éliminer toute la poussière céréalière présente dans les galeries de convoyeur de l’installation et du sous-sol. Étant donné qu’il s’agissait d’un problème permanent à cet endroit, l’agent de sécurité a ordonné de plus que l’entreprise procède à une enquête sur les situations de risque afin de déterminer la fréquence des travaux de nettoyage qui étaient nécessaires pour que les niveaux de poussière céréalière ne dépassent pas des limites acceptables, et d’établir une procédure d’inspection régulière du lieu de travail qui garantisse que l’on procède au nettoyage de la poussière céréalière avant que celle-ci n’excède des niveaux acceptables. UGG a demandé que l’on révise l’instruction afin d’en éliminer les points nos 2 et 3. L’entreprise soutenait que l’agent de sécurité Corrigall l’avait verbalement dispensée de l’obligation de se conformer aux deux points en question après qu’UGG lui eut expliqué comment elle se conformerait à l’instruction. À la suite de la révision de l’instruction, l’agent régional de sécurité a confirmé celle-ci.

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