Archivée - Decision: 01-008 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SANTÉ ET SÉCURITÉ
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Darren Welbourne
demandeur
et
Canadien Pacifique Limitée
employeur
et
Joseph Brown
agent de santé et sécurité
________________________________
Décision no 01-008
22 mars 2001
La présente cause a été entendue par Serge Cadieux, agent d’appel, à Sudbury, Ontario, le 18 janvier 2001.
Ont comparu
M. Philip Scammell, coprésident, comité de santé et sécurité, au nom de l’employé, M. Darren Welbourne.
M. Carman Veitch, au nom de Canadien Pacifique Limitée.
[1] La présente cause concerne un appel fait par M. Darren Welbourne, conformément au paragraphe129(7) du Code canadien du travail[1], partie II, à propos d’une décision d’absence de danger prise par l’agent de santé et sécurité Joseph Brown, de Transports Canada.
[2] Le 6 décembre 2000, M. Darren Welbourne, chef de train du Canadien Pacifique Limitée (CP Rail), a refusé de travailler. M. Welbourne participait à une séance de formation à la mine d’Inco de Crean Hill. La formation sur la méthode de chargement par la soufflette était donnée par M. Dave Bright de CP Rail. Après la partie théorique de la formation, on a demandé à M. Welbourne d’utiliser la soufflette. Il a informé l’instructeur qu’il ne se sentait pas à l’aise pour utiliser la soufflette. M. Bright a répété la théorie à l’employé et lui a à nouveau demandé d’utiliser la soufflette. M. Welbourne a alors estimé qu’il était dangereux pour lui d’utiliser la soufflette et a invoqué son droit de refuser de travailler.
[3] M. Melbourne a déclaré qu’il refusait de travailler parce que « le tuyau pourrait voler en éclats, et le robinet métallique qui est fixé au tuyau d’air pourrait le frapper à la figure ou au corps. De plus, pendant le chargement du déversoir no 3, lors de la mise en position de la soufflette, le robinet pourrait accrocher le garde-corps, ce qui risquerait de lui faire perdre l’équilibre et de le faire tomber de la plate-forme de chargement, une chute d’environ 10 pieds ».
[4] L’agent de santé et sécurité a enquêté le jour même sur le maintien du refus de travailler à la mine d'Inco de Crean Hill et a assisté à une démonstration de déchargement par la soufflette. Il a été informé que Inco et CP Rail s’étaient entendus par contrat pour que des employés des deux entreprises participent au chargement des wagons de minerai. Chaque entreprise devrait assumer la responsabilité de la formation des employés pour l’exécution des opérations de chargement à la soufflette.
[5] L’agent de santé et sécurité a rédigé un rapport dans lequel il décrit les circonstances ayant mené à sa décision d’absence de danger. Comme cet agent n’a pas pu assister à l’audience, j’ai décidé de reproduire des extraits de la partie narrative de son rapport, intitulé Faits établis par l’agent de santé et sécurité.
M. Scammell et M. Veitch ont tous deux fait savoir qu’ils étaient entièrement d’accord avec la partie du rapport de l’agent de santé et sécurité concernant le fonctionnement de la soufflette.
[6] Voici ces extraits :
(traduction)
Faits établis par l’agent de santé et sécurité :
…Le chargement s’effectue dans le bâtiment de chargement, qui abrite 2 voies ferrées et permet de placer un wagon par voie pour le chargement. On charge un wagon à la fois à partir de silos à minerai surélevés. Il y a une plate-forme de chargement adjacente à chaque voie, fixée au mur central situé entre les deux voies.
Les employés d’Inco chargent les wagons à minerai lorsque les silos sont pleins. L’équipage qui arrive du train s’occupe du chargement. Celui-ci s’effectue à la zone de chargement par soufflette où les wagons de minerai sont placés sous les silos. Les déversoirs à la base des silos sont ouverts et le minerai tombe dans les wagons découverts. Cependant, si un déversoir est obstrué, l’employé doit introduire l’extrémité de la soufflette dans le déversoir, tout en se tenant sur la plate-forme de chargement adjacente et ouvrir un robinet d’air comprimé pour dégager l’obstruction.
La soufflette proprement dite consiste en un tuyau d’air à haute pression (90 lb/po2) d’un pouce, qui est fixé au mur et longe celui-ci sur environ 20 pieds à partir de la valve de coupure, à l’extrémité de la plate-forme de chargement, jusqu’à l’extrémité opposée, où se trouve un tuyau enroulé d’environ 30 pieds, dont le bout est relié à une manette de contrôle. Un morceau de tuyau de 2 pouces est fixé à la sortie de la manette; à l’extrémité du tuyau se trouve un collier avec des bagues intérieures en caoutchouc. La soufflette en aluminium, longue de 10 pieds et d’un diamètre de 1 pouce, est insérée, bien ajustée sur le collier et fixée par un boulon de chaque côté du collier.
La plate-forme de chargement a une longueur d’environ 45 pieds, une largeur de 3 pieds et demi et une hauteur de 8 pieds. Elle est parallèle aux voies ferrées, adjacente aux déversoirs au-dessus desquels sont placés les wagons. Il y a un garde-fou à trois barres haut de 4 pieds sur 3 côtés, le côté arrière s’appuyant sur le mur central du bâtiment. Il y a des marches à une extrémité de la plate-forme, et une échelle à l’autre extrémité. Une chaîne de sécurité ferne l’extrémité de la plate-forme. Le 30 octobre 2000, au cours d’une inspection Jim Trotter, inspecteur de santé et sécurité des mines du ministère du Travail de l’Ontario a demandé que soient installées des poignées de maintien au sommet de l’échelle (rapport ci-joint) et que d’autres mesures soient mises en place avant le 6 décembre 2000.
La méthode de chargement appropriée est celle indiquée sur l’aide-mémoire (ci-joint). S’il faut utiliser la soufflette, le mécanicien se tient près du robinet de coupure principal et l’arrivée d'air est coupée avant et après l’utilisation de la soufflette. Le mécanicien en surveille le fonctionnement et peut, d’où il se trouve, couper l’arrivée de l’air comprimé. Au besoin, le chef de train utilise la soufflette en tenant le tuyau et la manette (une main sur la manette et l’autre sur le tuyau), par dessus le garde-fou. Il introduit ensuite l’extrémité de la soufflette à la base du déversoir et demande au mécanicien d’ouvrir le robinet principal. Le chef de train ouvre alors la manette d’air et dirige le jet d’air vers le déversoir pour libérer le minerai.
Lorsque l’opérateur utilise la soufflette au niveau du déversoir avant no 3, qui est situé du côté opposé à l’extrémité nord de la plate-forme, il doit tendre les bras au-dessus de l’extrémité nord de la plate-forme pour pouvoir introduire la soufflette de 10 pieds dans le déversoir. Cependant, le garde-fou est plus qu’adéquat pour empêcher l’employé de tomber, et celui-ci n’a qu’à tendre les bras pour accomplir sa tâche.
…
Les soufflettes sont utilisées dans diverses opérations à 25 endroits dans la Mine de Crean Hill. Une entrevue effectuée avec le superviseur d’Inco sur place révèle qu’au cours des 29 dernières années, il ne s’est produit aucun incident, accident ou blessure par détachement du collier.
Une entrevue a été effectuée avec l’employé d’Inco qui utilise la soufflette; il a affirmé qu’il se sert de la soufflette depuis 4 ans. À quelques reprises, la soufflette s’est détachée du collier, mais la pression d’air au niveau du collier au moment de la séparation est minime et le tuyau est enroulé de telle sorte que s’il se détache, le souffle d’air l’éloigne du corps de l’employé. Il a affirmé qu’il n’a jamais été blessé par une soufflette qui s’était détachée.
Une entrevue a été effectuée avec l’inspecteur de santé et sécurité des mines du ministère du Travail de l’Ontario, à Sudbury, M. Gerry Giasson. Il a révélé qu’il n’y a jamais eu d’incident, d’accident ou de blessure sur une installation réglementée par la province attribuable à l’utilisation de la soufflette dans les mines de la région de Sudbury.
[7] À la fin de son enquête, l’agent de santé et sécurité a informé l’employé refusant de travailler et son employeur de sa décision :
III. DÉCISION DE L’AGENT DE SANTÉ ET SÉCURITÉ
Après avoir examiné les preuves établies pendant la présente enquête, il faut prendre en considération les conditions prétendument dangereuses perçues par M. Welbourne. Il était inquiet des activités futures qui, selon lui, pouvaient mener à un risque potentiel pouvant constituer un danger.
Les preuves soumises par M. Welbourne reposaient sur son opinion à propos de la possibilité que la soufflette se détache du collier, la possibilité que cela lui cause une blessure ou la possibilité que le robinet s’accroche au garde-fou alors qu’il travaille sur le déversoir n0 3 avec les bras tendus, ce qui pourrait lui faire perdre l’équilibre et le faire tomber. Les faits établis lors de mon enquête démontrent clairement que les opérations actuelles et que l’utilisation antérieure de la soufflette prouvent qu’il n’y a aucun danger. De plus, CP Rail, grâce à l’aide-mémoire, la formation au travail et l’utilisation d’un équipement de protection personnel (EPP) approprié, a pris des mesures pour assurer la sécurité de ses employés. Par conséquent, les preuves soumises par M. Welbourne pour justifier son refus de travailler se fondaient en grande partie sur des hypothèses.
Par définition, une condition dangereuse doit être une «Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats -, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.»
J’en conclus donc qu’il n’y avait aucun danger au sens de l’article 128(1) du Code canadien du travail, partie II, pour justifier le droit de M. Welbourne de refuser un travail dangereux, puisque le «risque éventuel» se basait sur des hypothèses et qu’il n’y avait aucune preuve que cette activité était «susceptible de causer des blessures».
[8] M. Veitch soutient que l’utilisation de la soufflette est sans danger. Une deuxième personne présente près du robinet principal peut couper l’arrivée d’air comprimé avant et après l’utilisation de la soufflette. Cette personne surveille le fonctionnement de la soufflette et peut couper l’arrivée d’air comprimé si la soufflette se détache du collier. De plus, le tuyau est enroulé de telle sorte que si la soufflette se détache, ce tuyau s’éloigne de l’employé sans le frapper. Les employés sont également bien protégés par l’équipement qu’ils portent, comme le casque protecteur, l’écran facial en treillis fixé aux cache-oreilles, les lunettes de sécurité portées en-dessous, les bottes et les gants de sécurité, etc.
[9] M. Veitch a expliqué qu’un aide-mémoire a été rédigé et que les employés reçoivent une formation sur l’utilisation sécuritaire de la soufflette. Il a ajouté que cette opération s’effectue depuis des années et qu’il n’y a jamais eu de blessures provoquées par une soufflette se détachant du collier. Lorsqu’on a voulu modifier la soufflette en y ajoutant un joint coulissant, ce dernier s’est desserré et s’est détaché. Selon M. Veitch, on a alors jugé cette modification dangereuse et elle a été abandonnée. M. Veitch est d’avis qu’avec l’aide-mémoire et la formation donnée, il n’y a aucun risque de blessure.
[10] M. Scammell est inflexible. L’utilisation de la soufflette présente un danger. Il a lui-même refusé de s’en servir dans le passé et a recommandé à ses collègues de ne pas utiliser la soufflette s’ils ne se sentent pas à l’aise avec cet appareil. On sait que la soufflette se détache au niveau du collier. La soufflette n’est pas droite, mais coudée; si elle se détache, elle ne sera pas projetée en ligne droite. Elle peut être expulsée dans n’importe quelle direction et frapper un employé. L’utilisateur n’a aucun contrôle sur la soufflette lorsqu’elle est expulsée, ce qui peut causer des blessures à M. Welbourne et d’autres employés. De plus, il y a un autre employé à proximité du robinet principal, ce qui accroît le risque de blessure d’un employé lorsque la soufflette se détache.
[11] M. Scammell a déclaré que le comité de santé et sécurité n’a pas participé à la rédaction de l’aide-mémoire. Celui-ci a été rédigé conjointement par Inco, les formateurs et CP Rail. En fait, selon M. Scammell, il serait nécessaire de procéder à une évaluation du risque pour pouvoir le contrôler lors de l’utilisation de la soufflette. M. Scammell a ajouté qu’au besoin, la conception de la soufflette devrait être revue pour s’assurer qu’elle ne se détache pas.
***
[12] Le rôle de l’agent d’appel dans le cas d’un appel en vertu du paragraphe 129(7) sur la décision d’absence de danger d’un agent de santé et sécurité lors d’un droit de refus de travailler est expliqué au paragraphe 146.1(1) du Code, qui stipule :
146.1(1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celle-ci. Il peut :
(a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les décisions;
(b) soit donner, en vertu des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées.
[13] Le rôle d’un agent d’appel saisi de l’appel d’une décision d’absence de danger prise par un agent de santé et sécurité à la suite d’un refus de travailler n’est pas d’effectuer une nouvelle enquête sur la cause en appel. L’enquête de l’agent d’appel débute et se base sur l’enquête initiale et le rapport de l’agent de santé et sécurité. L’agent d’appel examine les circonstances qui ont fait l’objet de l’enquête de l’agent de santé et sécurité, analyse les faits qui ont été pris en considération ou présentés, détermine et interprète la législation pertinente aux faits et rend une décision. Finalement, l’agent d’appel décide, comme l’agent de santé et sécurité avant lui, si l’employé ayant refusé de travailler faisait face à un danger au sens du Code et, si c’était le cas, émet les instructions appropriées en vertu du paragraphe 145(2) ou (2.1).
[14] Dans le cas présent, la question consiste à déterminer si M. Welbourne était dans une situation dangereuse, telle que définie par le Code, parce que la soufflette pouvait se séparer du collier. Comme le Code a été modifié il y a très peu de temps, soit le 30 septembre 2000, il est nécessaire d’examiner minutieusement la signification du mot «danger» défini dans le nouveau Code pour appliquer les critères appropriés et déterminer si un danger existe en vertu du Code.
[15] Le Code définit comme suit le terme «danger» au paragraphe 122(1) :
“danger” means any existing or potential hazard or condition or any current or future activity that could reasonably be expected to cause injury or illness to a person exposed to it before the hazard or condition can be corrected, or the activity altered, whether or not the injury or illness occurs immediately after the exposure to the hazard, condition or activity, and includes any exposure to a hazardous substance that is likely to result in a chronic illness, in disease or in damage to the reproductive system. |
“danger” Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats -, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur. |
[16] Cette nouvelle définition du terme est similaire à l’ancienne définition, stipulée avant que le Code soit modifié, et qui se lisait comme suit :
«danger» Risque ou situation susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant qu’il ne puisse y être remédié.
[17] La définition actuelle du «danger» vise à améliorer la définition du même terme que l’on retrouvait avant la modification du Code, qui était jugée comme trop limitative pour protéger la santé et la sécurité des employés. Selon la jurisprudence basée sur l’ancienne notion de danger, celui-ci devait être présent et immédiat au moment de l’enquête de l’agent de santé et sécurité. La nouvelle définition élargit cette notion pour tenir compte des risques, situations ou tâches éventuels. Cette approche reflète mieux le but du Code, énoncé à
l’article 122.1:
122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.
[18] Selon la définition actuelle du terme, le risque, la situation ou la tâche n’ont plus à être présents uniquement lors de l’enquête de l’agent de santé et sécurité, mais peuvent l’être éventuellement ou dans le futur. Le New Shorter Oxford Dictionary, édition de 1993, définit le mot «potential (éventuel)» ainsi : «possible, par opposition à réel; capable de se produire; latent.» Le dictionnaire Black’s Law Dictionary, septième édition, définit «potential» comme «capable de se produire; possible». L’expression «future activity» (tâche éventuelle) indique que cette tâche n’est pas «réellement» exécutée [en présence de l’agent de santé et sécurité], mais devra être éventuellement effectuée par une personne. Par conséquent, en vertu du Code, le danger peut aussi être éventuel dans la mesure où le risque, la situation ou la tâche peut prendre place et est susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée ou la rendre malade avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.
[19] La situation, la tâche ou le risque – existant ou éventuel, mentionné dans la définition doit être susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Donc, cette notion «d’être susceptible de causer» exclut toutes situations hypothétiques.
[20] L’expression «avant que le risque soit écarté ou la situation corrigée» a été interprétée comme signifiant que des blessures ou une maladie vont probablement être causées sur place et à l’instant, c’est-à-dire immédiatement[2]. Toutefois, dans la définition actuelle du terme «danger», la mention de risque, de situation ou de tâche doit être interprétée en tenant compte du risque, de la situation ou de la tâche existants ou éventuels, ce qui semble éliminer de la notion précédente de danger le préalable que des blessures ou la maladie se produiront raisonnablement sur-le-champ. En fait, les blessures ou la maladie ne peuvent découler que de l’exposition au risque, à la situation ou à la tâche. Donc, étant donné la gravité de la situation, il doit y avoir un niveau raisonnable de certitude qu’il y aura effectivement une blessure ou une maladie immédiatement s’il y a une exposition au risque, à la situation ou à la tâche, à moins qu’on élimine le risque, que l’on corrige la situation ou que l’on modifie la tâche. En sachant cela, on ne peut attendre qu’un accident se produise, d’où le besoin d’agir rapidement et immédiatement dans de telles situations.
[21] L’expression anglaise«whether or not the injury or illness occurs immediately after the exposure to the hazard, condition or activity» ajoutée à la nouvelle définition de danger ne se rapporte pas aux circonstances de la présente cause et ne sera pas abordée en détail. Cependant, par souci de clarté et de précision, je renvoie le lecteur à la version française de cette partie de la définition, qui a également force de loi et stipule : «même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats». Traduit à la lettre, cette expression suggère qu’une blessure ou maladie peut se produire lorsque la personne est exposée, même si les effets sur le corps ou la santé de la personne exposée ne sont pas immédiats. Enfin, je n’aborderai pas les modifications apportées à la définition de danger à propos de l’exposition à des substances dangereuses puisqu’elles n’ont rien à voir dans la présente cause.
[22] Dans la présente cause, l’agent de santé et sécurité a tenu compte de tous les faits pertinents reliés au détachement de la soufflette du collier et a déterminé que M. Welbourne n’était pas mis en danger dans un tel cas. J’accepte la conclusion de l’agent de santé et sécurité pour les raisons suivantes :
[23] Il n’y a aucun doute dans mon esprit que l’utilisation de la soufflette dans les conditions actuelles présente quelques risques. En général, on reconnaît qu’elle peut se détacher, et cela se produit effectivement. Contrairement à la suggestion de M. Veith selon laquelle il est peu probable que cela cause des blessures, M. Scammel a soutenu que si la soufflette se détache, elle ne sera pas projetée en ligne droite et pourrait blesser un employé. Donc, M. Welbourne s’expose à des risques de blessure en utilisant la soufflette. La question est de savoir si une telle situation est susceptible de le blesser personnellement.
[24] À mon avis M. Welbourne ou toute autre personne dans la même situation n’est pas susceptible de subir des blessures, dans l’immédiat ou à l’avenir. Les preuves à l’appui de cette conclusion parlent d’elles-mêmes. Par exemple :
· L’agent de santé et sécurité s’est rendu sur le lieu de travail, a analysé et mis à l’épreuve la méthode de travail en tenant compte des craintes exprimées par M. Welbourne et s’est assuré qu’aucune possibilité de blessure n’existe lorsque la soufflette se détache. Son opinion est corroborée par des experts du ministère du Travail de l’Ontario (mines).
· Un cours théorique complet et une formation sur le tas sont donnés par des formateurs qualifiés à chaque employé appelé à effectuer cette tâche. Les formateurs de CP Rail ont été formés par ceux d’Inco, qui ont une longue expérience en ce domaine.
· Un aide-mémoire décrivant en détail la marche à suivre sécuritaire est fourni avec la formation. Le respect des instructions de l’aide-mémoire est indispensable à l’accomplissement de cette tâche.
· Si la soufflette se détache du collier, le tuyau est enroulé de façon à s’éloigner de l’employé, sans le heurter.
· L’arrivée d’air comprimé sera coupée immédiatement par une autre personne qui se tient près du robinet principal où le tuyau se détache du robinet.
· Un équipement de protection personnelle est de toute façon fourni à chaque employé pour le protéger.
· L’opération de chargement avec la soufflette n’est pas une tâche nouvelle. Elle a été largement utilisée par l’industrie dans le passé, et de façon sécuritaire, par les employés d’Inco et, dernièrement, par les employés de CP Rail. Elle est utilisée à 25 endroits dans la mine de Crean Hill.
· L’agent de santé et sécurité affirme qu’au cours des 29 dernières années, Inco n’a jamais rapporté d’incident, d’accident ou de blessures causés par le détachement de la soufflette du collier.
[25] À mon avis, l’enquête de l’agent de santé et sécurité a été minutieuse et reposait sur des faits. Il était convaincu que M. Welbourne ne se trouvait pas dans une situation susceptible de le blesser dans un avenir prévisible. L’expérience et les antécédents de cette méthode pèsent lourdement contre toute probabilité ou possibilité de blessure. La possibilité hypothétique que M. Welbourne pourrait être blessé de la manière qu’il décrit à la suite du détachement de la soufflette du collier ne correspond pas à la définition du mot «danger» énoncée dans le Code.
[26] Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas améliorer la méthode. Au contraire, si la soufflette se détache du collier et qu’il existe une possibilité, même faible, qu’elle soit projetée avec force, alors une évaluation des risques doit être effectuée, comme l’a demandé M. Scammell, pour éliminer tout risque de blessure, aussi faible soit-il. Je reconnais que l’utilisation de la soufflette présente des risques. Toutefois, tout travail présente des risques. Si ceux-ci ont été identifiés et que les contrôles appropriés ont été mis en place, comme dans la cause présente, alors ces risques peuvent être assumés en toute sécurité.
[27] Le Code prévoit actuellement la participation du comité de santé et sécurité dans l’évaluation et la résolution des problèmes sur les lieux de travail. J’encourage fortement le comité à examiner la méthode de chargement avec la soufflette pour s’assurer que tous les employés appelés à utiliser la soufflette soient convaincus que tous les risques ont été pris en compte et qu’au besoin, ces risques ont été réduits ou éliminés.
[28] Pour toutes les raisons ci-dessus, j’accepte la décision de l’agent de santé et sécurité sur l’absence de danger, tel que défini dans le Code, envers M. Welbourne. Je confirme donc la décision de l’agent de santé et sécurité.
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Serge Cadieux
Agent d’appel
RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L’AGENT D’APPEL
No de Décision : 01-008
Demandeur : Darren Welbourne
Employeur : Carman Veitch, Canadien Pacifique Limitée
MOTS CLÉ :
Opération de chargement avec soufflette, pression d’air, détachement de la soufflette du collier, enroulement du tuyau, aide-mémoire, évaluation du risque, rôle de l’agent d’appel, nouvelle définition du mot danger, Code modifié, danger éventuel, grave, raisonnable, susceptibilité, certitude raisonnable de blessure ou de maladie, expérience et antécédents de la méthode, situations hypothétiques.
DISPOSITION :
Code : 122(1), 122.1, 128(1), 129(7), 146.1(1), 145(2), 145(2.1)
RÉSUMÉ :
Un chef de train de CP Rail a refusé d’effectuer une opération de chargement à la soufflette, qui consistait à introduire une soufflette d’air comprimé dans le déversoir surélevé d’un silo à minerai. Le but de cette opération était de déloger le minerai qui bloquait le déversoir et de le faire tomber dans un wagon à minerai. L’employé craignait que la soufflette se détache du collier et le blesse. Après une enquête minutieuse, l’agent de santé et sécurité a conclu que l’employé refusant de travailler n’était pas en danger pour de nombreuses raisons, qui figurent dans le rapport de l’agent.
Après révision, l’agent d’appel est d’accord avec l’agent de santé et sécurité. En examinant la notion de danger définie dans le Code modifié récemment, l’agent d’appel a constaté qu’il y avait aucun risque raisonnable que l’employé soit blessé à n’importe moment dans le futur en utilisant la soufflette. Cette opération est effectuée sans incidents ou accidents depuis de nombreuses années, et l’employeur a de toutes façons pris les mesures appropriées pour protéger l’employé. L’agent d’appel a confirmé la décision de l’agent de santé et sécurité.
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