Archivée - Decision: 01-014 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SANTÉ ET SÉCURITÉ

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Cast Terminal Inc.

employeur

et

Syndicat des débardeurs

section locale 375

syndicat

et

Jessica Tran

agent de sécurité

                                                                       

Décision no 01-014

Le 15 juin 2001                    

Affaire entendue par Michèle Beauchamp, agent régional de sécurité, à Montréal (Québec), le 6 mars 2001.

Ont comparu : 

 

Pour l’employeur :

Me Gérard Rochon, avocat

Guy Provost, directeur des Opérations, Cast Terminal Inc.

André Lachaine, directeur, Santé et sécurité, Association des employeurs maritimes

Pour le syndicat :

André Proulx, membre du comité de santé et sécurité,

Daniel Trembaly, conseiller syndical à la santé et sécurité

[1]          Cette affaire concerne une demande de révision présentée en vertu de l’article 146 de la partie II du Code canadien du travail par Me Gérad Rochon, au nom de Cast Terminal Inc., relativement à une instruction (en annexe) émise, le 24 août 2000, par Jessica Tran, agent de sécurité, Programme du travail, Développement des ressources humaines Canada.

[2]          L’instruction et la demande de révision ayant été faites avant l’entrée en vigueur, le 30 septembre 2000, de la partie II du Code canadien du travail (le Code) dans sa forme modifiée, la demande de révision sera traitée sous le Code en vigueur avant cette date.

[3]          Le 15 août 2000, l’agent de sécurité Jessica Tran a procédé à une enquête sur un refus de travail fait, chez Cast Terminal Inc., par André Proulx, opérateur d’un appareil de manutention.  André Proulx avait refusé de travailler parce qu’il croyait qu’empiler plus de deux conteneurs aux croisements des voies de circulation du terminal constituait un danger.  L’agent de sécurité Tran a rencontré les parties pour discuter des motifs du refus, mais n’a pu observer les activités d’empilage, qui avaient cessé pour la journée.

[4]          L’agent de sécurité Tran a expliqué à l’audience qu’elle a poursuivi son enquête le lendemain, 16 août, et qu’elle a fait une visite des lieux avec les parties, dans un véhicule conduit par Guy Provost, directeur des Opérations.   S’ensuivit une discussion sur les motifs du refus.  L’agent de sécurité Tran a ensuite conclu qu’il n’y avait pas de danger au sens du Code concernant l’empilage des conteneurs aux croisements des voies de circulation, ce qu’elle a confirmé par écrit aux parties.   L’employé n’a pas contesté cette décision d’absence de danger.

[5]          L’agent de sécurité Tran a déclaré qu’après avoir rendu sa décision aux parties, les employés Proulx et Tremblay l’ont invitée à faire le tour du lieu de travail pour vérifier la signalisation, ce qu’elle a fait.  Elle a alors considéré que les règles de circulation n’étaient pas respectées et que la signalisation était inadéquate.  Elle a, par exemple,  observé que des véhicules s’engageaient dans une intersection sans avoir une bonne visibilité, sans marquer d’arrêt ou sans ralentir suffisamment pour éviter une collision éventuelle.

[6]          L’agent de sécurité Tran a informé les parties qu’elle avait l’intention d’émettre une instruction à ce sujet, mais qu’elle en discuterait d’abord avec l’agent de sécurité du programme du Travail responsable du secteur portuaire à Montréal, dans le but d’uniformiser les interventions faites par les agents de sécurité dans le port de Montréal.  De plus, l’agent de sécurité Tran savait que cet agent de sécurité avait émis à Cast Terminal Inc., en janvier 1998, une instruction au sujet des consignes de sécurité relatives à la circulation dans le terminal, instruction à laquelle l’employeur s’était d’ailleurs conformé.

[7]          Le 24 août 2000, l’agent de sécurité Tran a émis l’instruction suivante à Cast Terminal Inc. :

Ledit agent de sécurité est d’avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail sont enfreintes :

1.        Article 124 de la Partie II du Code canadien du travail.

L’employeur ne veille pas à ce que les consignes de circulation des véhicules soient bien comprises et respectées par les employés, les camionneurs et les visiteurs.

2.        Article 124 de la Partie II du Code canadien du travail.

Les règles de circulation sont mal définis ce qui représentent un risque de collision entre les différents véhicules dans les voies de circulation qui se rencontrent à l’extrémité des piles.

 

[8]          L’agent de sécurité Tran a déclaré à l’audience avoir émis le premier point de son instruction parce qu’elle a vu un camionneur (qu’elle n’a pu identifier) circulant au centre d’une voie à deux sens.  En outre, bien qu’elle n’ait pas vu d’employés ou de visiteurs enfreindre les consignes de circulation, elle a tenu pour acquis que personne ne respectait le sens des flèches peintes sur la chaussée après avoir vu M. Provost lui-même enfreindre une de ces consignes de sécurité alors qu’il conduisait son véhicule.  Elle a reconnu qu’elle avait vu des affiches énonçant les règles de circulation à l’entrée du lieu de travail et qu’elle savait que les employés avaient reçu une formation adéquate, mais elle n’a pas interrogé d’employés pour savoir s’ils comprenaient les consignes de circulation en vigueur.

 

[9]          Quant au deuxième point de son instruction, l’agent de sécurité Tran a déclaré que, pour elle, l’expression « règles de circulation » correspondait, en fait, à la « signalisation », et qu’elle considérait celle-ci comme étant inadéquate.  Par exemple, à l’extrémité des piles de conteneurs, on ne pouvait voir les flèches peintes sur la chaussée qu’une fois rendu dans la voie de circulation.  En outre, elle n’y a pas vu d’affiches portant les règles de circulation, sauf à un endroit sur le côté ouest de la pile Dauphin.  En réalité, a-t-elle dit à l’audience, elle voulait, par son instruction, que l’employeur définisse mieux les règles existantes. 

 

[10]      En réponse à des questions de Me Rochon, elle a admis avoir émis l’instruction pour contravention à l’obligation générale de veiller « à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail» qu’impose l’article 124 du Code à l’employeur parce que, selon elle, aucun article du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail  (RCSST) ne correspondait exactement aux situations qu’elle avait observées.

 

[11]      Dans le mémoire qu’il a soumis pour les fins de l’audience, Me Rochon a déclaré d’entrée de jeu que l’employeur avait en place toutes les mesures nécessaires pour veiller « à la protection de ses employés en matière de sécurité et de santé au travail», tel que l’exige l’obligation générale imposée à l’employeur par l’article 124.

 

[12]      Selon Me Rochon, l’instruction de l’agent de sécurité Tran était trop imprécise pour permettre à l’employeur de savoir exactement quelles infractions lui étaient reprochées et quelles étaient les mesures correctives recherchées.  À son avis, cette imprécision  démontrait que l’employeur respectait les dispositions de la partie XIV du RCSST sur la manutention des matériaux, traitant spécifiquement de certains des sujets soulevés dans l’instruction de l’agent de sécurité Tran, à savoir : le paragraphe 14.45(1) sur les allées et passages, l’article 14.25 sur les signaux requis lors de la manutention, l’article 14.38 sur les panneaux d’avertissement requis aux approches des aires de manutention, l’article 14.50 sur l’entreposage des matériaux et l’article 14.23 sur la formation des opérateurs.

 

[13]      En outre, selon Me Rochon, l’agent de sécurité Tran n’a pas tenu compte du fait qu’on l’a avisée que le terminal était en voie d’agrandissement et que la chaussée venait d’être pavée.  Il a d’ailleurs signalé à ce sujet que les travaux étaient terminés, y compris la signalisation requise et le marquage du sol.

 

[14]      En ce qui concerne le premier point de l’instruction, Me Rochon a soutenu que l’agent de sécurité ne met pas en doute l’existence des consignes de circulation, mais leur compréhension par les employés, les visiteurs et les camionneurs.   Or, les consignes de circulation en place chez Cast Terminal Inc. sont constituées de directions peintes sur la chaussée, de dos d’ânes et de panneaux indiquant les arrêts, la direction, les limites de vitesse et les interdictions de stationner.  Ces consignes, a-t-il dit, sont claires, utilisées partout dans le port et se passent d’explications.  En outre, a-t-il ajouté, l’agent de sécurité Tran n’a pas interrogé d’employés sur leur compréhension des consignes, ni identifié précisément les visiteurs ou camionneurs qui les auraient enfreintes.

 

[15]      En ce qui concerne le deuxième point de l’instruction, Me  Rochon a soutenu qu’il s’applique uniquement aux « extrémités des piles, là où se rencontrent les voies de circulation, » et que l’agent de sécurité Tran ne précise en aucune manière ce qu’elle entend par « règles mal définis [sic] ».  Selon Me Rochon, les quelque quarante photos qu’il a présentées à l’audience pour témoigner de la présence des consignes de circulation et de la signalisation démontrent que ces règles sont très clairement définies et ne laissent aucune place à l’interprétation.

 

 

 

[16]      M. Provost , directeur des Opérations chez Cast Terminal Inc., a pour sa part ajouté que le sens de la circulation dans les allées de conteneurs est dicté par le fait que les portes des conteneurs doivent être tournées vers l’ouest, de sorte qu’elles soient vers l’arrière lorsque les clients déchargent les conteneurs.  Il a précisé que la configuration du terminal varie, dans certaines limites précises, selon le nombre de conteneurs à charger ou décharger et qu’il n’est pas souhaitable d’avoir des règles rigides et invariables.  Il a en outre affirmé que les consignes de circulation sont établies en collaboration avec le comité local de sécurité et de santé. 

 

[17]      De son côté, dans son mémoire et à l’audience, Daniel Tremblay, conseiller syndical à la santé et sécurité, a soutenu l’instruction de l’agent de sécurité.  Il a affirmé  « que l’employeur semble croire que d’avoir des consignes et de les afficher le dégage de sa responsabilité à les faire respecter ».  Il a déclaré en outre que « l’agent Tran serait la meilleure personne pour expliquer les circonstances qui l’ont amenée à émettre ces instructions ». 

 

***

[18]      Les paragraphes 146(1) et 146(3) de la partie II du Code canadien du travail énoncent quel est le rôle de l’agent régional de sécurité lorsqu’il est saisi d’une demande de révision d’une instruction.   En voici le texte :

146(1).  Tout employeur, employé ou syndicat qui se sent lésé par des instructions données par l’agent de sécurité en vertu de la présente partie peut, dans les quatorze jours qui suivent, en demander la révision par un agent régional de sécurité dans le ressort duquel se trouve le lieu, la machine ou la chose en cause.

146(3).  L’agent régional de sécurité mène une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu aux instructions et sur la justification de celles-ci.  Il peut les modifier, annuler ou confirmer et avise par écrit de sa décision l’employeur, l’employé ou le syndicat en cause.

[19]      À l’appui de sa défense de l’employeur, Me Rochon a présenté à l’audience une quarantaine de photos 8 ½ sur 11 prises chez Cast Terminal Inc.  Toutes ces photos présentaient un tour d’ensemble du terminal.  Elles étaient directement reliées aux deux points de l’instruction de l’agent de sécurité Tran et elles identifiaient de façon précise l’emplacement des panneaux d’arrêt, de direction, de limites de vitesse et d’interdiction de stationner, des directions peintes sur la chaussée et des dos d’ânes.

[20]      Longuement questionnée par Me Rochon au sujet de ces photos, l’agent de sécurité Tran a pu se rappeler de l’emplacement d’une vingtaine de ces photos seulement, souvent de façon hésitante.  Toutes les photos qu’elle a ainsi identifiées, tout comme les autres photos d’ailleurs, étayaient la défense de l’employeur selon laquelle la signalisation et les consignes de circulation étaient bien présentes dans le lieu de travail.

[21]      L’agent de sécurité Tran a allégué que l’employeur n’avait pas veillé à ce que les employés, les visiteurs et les camionneurs comprennent bien et respectent les consignes de circulation.  Pourtant, elle a témoigné à l’audience n’avoir ni questionné les employés, visiteurs ou camionneurs sur leur compréhension de ces consignes, ni identifié ou questionné le seul camionneur qu’elle a vu rouler au centre d’une voie à double sens.

[22]      L’agent de sécurité Tran n’a pas réussi, lors de l’audience, à démontrer avec toute la certitude dont elle aurait dû faire preuve qu’elle était en mesure non seulement d’identifier exactement où les contraventions avaient pris place, mais aussi, lorsqu’elle a émis son instruction, de clairement les indiquer à l’employeur de sorte qu’il puisse les corriger.

[23]      En ce qui concerne le fait que l’agent de sécurité Tran a émis son instruction pour contravention à l’article 124 du Code, je me permets de rappeler ce qu’a déclaré là-dessus Serge Cadieux, agent régional de sécurité, dans l’affaire Western Stevedoring Co. (décision 97-011), opinion avec laquelle je suis tout à fait d’accord.  Il dit :

… l’application de cet article [124] … ne veut pas dire que l’obligation imposée à l’employeur à l’article 124 est absolue sans aucun moyen de défense possible, ni que les agents de sécurité peuvent l’utiliser pour des raisons frivoles.  De fait, l’alinéa 148(6) du Code prévoit que l’accusé peut se disculper d’une infraction à l’article 124 en prouvant qu’il a pris les mesures nécessaires pour veiller sur la santé et la sécurité de toute personne travaillant pour l’employeur.  Par conséquent, en ce qui concerne l’article 124, la prise des mesures nécessaires constitue la norme que les employeurs doivent respecter pour se conformer aux dispositions du Code plutôt que les obligations spécifiques énoncées dans le RCSST pour des infractions à l’article 125. 

[24]      En regard des arguments que l’agent de sécurité a présentés à l’audience pour justifier son instruction, la preuve que Me Rochon a soumise à l’appui de sa défense de l’employeur est telle que force m’est de conclure que Cast Terminal Inc. avait  suffisamment de consignes et de règles de circulation en place pour être conforme à l’obligation générale que lui imposait l’article 124 de la partie II du Code canadien du travail au moment où l’instruction lui a été donnée.

[25]      Par conséquent, j’annule l’instruction émise par l’agent de sécurité Jessica Tran, le 24 août 2000, à Cast Terminal Inc.

Michèle Beauchamp

Agent régional de sécurité


 

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II - SÉCURITÉ ET SANTÉ

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

Le 15 et 16 août 2000, l’agent de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par CAST AMERIQUE DU NORD (1983) INC., employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au section 77 du Port de Montréal, Québec, ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Cast Terminal Inc.

Ledit agent de sécurité est d’avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail sont enfreintes:

1.  Article 124 de la Partie II du Code canadien du travail.

L’employeur ne veille pas à ce que les consignes de circulation des véhicules soient bien comprises et respectées par les employés, les camionneurs et les visiteurs.

2.  Article 124 de la Partie II du Code canadien du travail.

Les règles de circulation sont mal définis ce qui représentent un risque de collision entre les différents véhicules dans les voies de circulation qui se rencontrent à l’extrémité des piles.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention au plus tard le 8 septembre 2000.

Fait à Montréal, ce 24e jour de août 2000.

JESSICA TRAN

Agent de sécurité No. Ac8864

À:        CAST TERMINAL INC.

            305, RUE CURATTEAU

            MONTREAL, QUEBEC

            H1L 6R6

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