Archivée - Decision: 01-015 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SANTÉ ET SÉCURITÉ

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Howard Page

demandeur

et

Service correctionnel du Canada

employeur

et

Chris Matson

agent de santé et de sécurité

                                                                       

Décision n° 01‑015

Le 23 mai 2001

Affaire entendue par Serge Cadieux, agent d’appel, à Kingston (Ontario), le 19 avril 2001.

Ont comparu

M. Michel Bouchard, pour l’employé, M. Howard Page, pour la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

Mme Cindy Harrington, chef des ressources humaines à l’établissement de Collins Bay, Service correctionnel du Canada.


[1]    Il s’agit d’un appel interjeté par M. Howard Page, en vertu du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail (le Code), à l’égard de la décision rendue le 10 novembre 2000 par M. Chris Matson, agent de santé et de sécurité de Développement des ressources humaines Canada (DRHC), ce dernier ayant conclu à l'absence de danger.

[2]    M. Page, qui est agent de correction à l’établissement de Collins Bay, a refusé de travailler le 7 novembre 2000. M. Matson a déclaré avoir été informé du refus de travailler de M. Page le 9 novembre 2000. Après vérification, l’agent de santé et de sécurité a estimé qu’il n’était pas urgent d'aller sur les lieux ce jour‑là car, selon lui, il ne s’agissait pas d’une situation où quelqu’un accomplissait réellement une tâche à ce moment‑là, mais plutôt d’une séance de formation qui allait être donnée. Selon ce qu'avait compris M. Matson, M. Page et un autre employé avaient refusé de prendre part à cette séance. Il a été convenu que M. Matson se rendrait sur les lieux le 10 novembre 2000 pour faire enquête sur l’affaire.

[3]    À son arrivée à l’établissement de Collins Bay, l’agent de santé et de sécurité a fait enquête sur le refus de travailler de l’autre employé et a attendu l’arrivée de M. Page pour discuter de son refus de travailler. En effet, à l’établissement de Collins Bay, les responsables n’avaient pas été mis au courant du refus de travailler de M. Page et n’avaient donc pas rencontré ce dernier lorsque l’agent de santé et de sécurité est arrivé. La direction et M. Page ont tenu une réunion préalable afin d’examiner les doléances de ce dernier et d’expliquer les mesures prises dans le cas du refus de travailler de l’autre employé. Comme les parties ne sont pas parvenues à s’entendre sur le règlement de l’affaire, M. Matson est intervenu et a fait enquête.

[4]    Le point en litige, a déclaré M. Matson, était qu’une cartouche chargée avait été découverte parmi les cartouches factices le 6 novembre 2000. M. Page a expliqué en ces termes, dans une déclaration écrite, pourquoi il avait refusé de travailler [TRADUCTION] :

 « J’ai refusé de travailler au champ de tir de Millhaven parce qu'une cartouche chargée avait été découverte parmi les cartouches factices. Je considère qu'il n'y a pas de consignes de sécurité permettant d'éviter que cela se reproduise, ou que ces consignes ne sont pas respectées. » 

[5]    M. Matson a fait enquête sur le refus de travailler de M. Page et a jugé que ce dernier ne se trouvait pas dans une situation constituant un danger, au sens du Code. À l’appui de sa décision, l’agent de santé et de sécurité a expliqué que la cartouche chargée avait été découverte à une date antérieure et qu’une partie de la formation sur le maniement des armes, c’est‑à‑dire la reconnaissance des cartouches, ainsi que le maniement, le chargement et le déchargement d’une arme, consiste à vérifier le matériel, et entre autres à déterminer si les cartouches utilisées sont des cartouches factices ou chargées.

[6]    M. Matson a fait remarquer qu’il ne se passait rien au moment où M. Page a refusé de travailler et que l’inquiétude de ce dernier découlait d’un incident survenu lors d’une séance de formation tenue le 6 novembre, à laquelle il ne participait pas, où l’on avait découvert une cartouche chargée parmi les cartouches factices. Il a jugé que M. Page ne courait aucun danger, après s’être assuré que l’on prendrait des moyens pour rendre les cartouches factices plus faciles à discerner et que l’on améliorerait la méthode de rangement de ces munitions. Il a conclu que l’inquiétude de M. Page était fondée sur une hypothèse.

[7]    M. Page a expliqué que les cartouches factices ressemblent beaucoup aux cartouches réelles. Elles ont la même forme, mais sont inertes parce qu’elles n’ont pas d’amorce. Les cartouches utilisées le 6 et le 7 novembre sont faites du même métal, c’est‑à‑dire de cuivre. Visuellement, elles sont fort similaires.

[8]    M. Page a reconnu que s’il avait à manipuler des cartouches factices lors d’une séance de formation, il lui faudrait suivre des consignes de sécurité très strictes. Par exemple, un stagiaire ne serait en aucun cas autorisé à pointer l’arme à feu dans la direction d’un autre élève. Son inquiétude était principalement liée au fait que si, pour une raison quelconque, on venait à faire feu dans la salle de cours avec une cartouche chargée non décelée, le risque de ricochet et de blessure serait très élevé.

[9]    M. Page se préoccupait du fait qu’à la suite de son refus de travailler, aucune enquête n’avait été menée pour déterminer comment la cartouche chargée en était venue à se retrouver parmi les cartouches factices. La procédure, selon M. Page, est la suivante : les cartouches factices et les cartouches chargées sont toujours rangées séparément. M. Page a ajouté qu’au moment où il a invoqué son droit de refus, on n’avait pas changé la couleur ni la méthode de rangement des cartouches factices. Lorsqu’il s’est présenté le 7 novembre à la séance de formation, M. Page a constaté que les cartouches factices se trouvaient encore dans une boîte à café vide. L’une de ses préoccupations quant à cette méthode de rangement est que, à première vue, il serait impossible de dire s’il manque une cartouche factice ou si une cartouche chargée a été mélangée aux cartouches factices.

[10] M. Page a expliqué qu’à son arrivée au champ de tir de Millhaven, le 7 novembre, pour la séance de formation, il ne savait pas qu'une cartouche chargée avait été découverte la veille. C’est un des élèves qui a informé le groupe de l’incident. M. Page a dit convenir qu’à ce moment‑là, il n'était peut‑être pas exposé à un danger immédiat, mais il était d'avis que si aucune enquête n'était menée et si la façon de procéder n'était pas modifiée, le risque demeurait. Bien qu’il y ait eu une entente verbale entre l’agent de santé et de sécurité et l’armurier de l’établissement de Collins Bay, Mike Smith, pour que des mesures soient prises en vue d’améliorer la façon de faire, M. Page a dit qu'aucune instruction n’avait été donnée à l’établissement pour que des changements soient apportés parce que le bien‑fondé de son refus de travailler n’avait pas été confirmé.

[11] Mme Harrington, quant à elle, a admis que ni la haute direction ni le bureau des ressources humaines de l’établissement de Collins Bay n’avaient été mis au courant de l’incident survenu le 6 novembre. Des mesures ont été prises depuis, a‑t‑elle dit, pour rectifier la situation. Elle a fait remarquer que l’instructeur, M. Babcock, avait découvert très rapidement la cartouche chargée le 6 novembre et l’avait aussitôt enlevée. Elle a ajouté que d'autres instructeurs avaient déclaré qu’ils pourraient eux aussi repérer immédiatement une cartouche chargée parmi des cartouches factices. Elle a indiqué que la capacité de distinguer une cartouche factice d’une cartouche chargée fait partie du module d’entraînement, en ce sens que les élèves doivent toujours inspecter physiquement chaque cartouche avant de charger et de décharger leur arme. Le respect de cette règle est l’une des conditions de l’entraînement.

[12] Mme Harrington a ajouté que les clés de l’armoire à munitions sont surveillées de manière très rigoureuse et que seuls les instructeurs et l’armurier en possèdent. Dans le passé, les instructeurs préparaient aussi les munitions en vue de la journée d’entraînement, mais aujourd’hui, seul l’armurier est autorisé à le faire, et c’est lui qui les remet aux instructeurs. Les munitions servant à la formation sont aujourd’hui en plastique de couleur orange. Le contenant dans lequel elles sont rangées a lui aussi été changé.

[13] Pour sa part, M. Bouchard a fait valoir qu'il ne devrait jamais y avoir de cartouches chargées dans une salle de cours. Il est bon, a‑t‑il déclaré, que l’on ait pris des mesures pour éviter que ce genre d'incident se reproduise, mais rien n’avait été fait et la direction n’avait pas été avisée de ce qui était arrivé les 6 et 7 novembre 2000. Dans cet appel, ajoute‑t‑il, il est question des événements survenus le 7 novembre. Selon lui, la décision que l’agent de sécurité a rendue à ce moment‑là n'est pas la bonne; ce dernier aurait dû conclure qu’il y avait un danger éventuel.

[14] Mme Harrington reconnaît que ce qui s’est passé le 7 novembre n’aurait jamais dû arriver. Elle est toutefois convaincue que M. Babcock s'était assuré qu’il n’y avait plus de cartouches chargées dans la boîte de conserve le 7 novembre, après avoir découvert, la veille, une cartouche chargée parmi les cartouches factices. Les responsables de l’établissement de Collins Bay sont d’accord avec M. Page, mais ils estiment qu'aucun des employés n’était en danger le 7 novembre.

***

[15]     La question dans cette affaire consiste à déterminer si M. Page – ou tout autre employé – se trouvait dans une situation dangereuse, au sens du Code, lorsqu’il a refusé de travailler le 7 novembre 2000. J’ai traité de la notion de danger dans la décision touchant l'affaire qui opposait Darren Welbourne à Canadien Pacifique Ltée, décision non publiée portant le numéro 01‑008, dans laquelle j’ai écrit ce qui suit :

[15] Le Code [sic] définit comme suit le terme « danger » au paragraphe 122(1) :

“danger” means any existing or potential hazard or condition or any current or future activity that could reasonably be expected to cause injury or illness to a person exposed to it before the hazard or condition can be corrected, or the activity altered, whether or not the injury or illness occurs immediately after the exposure to the hazard, condition or activity, and includes any exposure to a hazardous substance that is likely to result in a chronic illness, in disease or in damage to the reproductive system.

“danger” Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats -, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[16] Cette nouvelle définition du terme est similaire à l’ancienne définition, stipulée avant que le Code soit modifié, et qui se lisait comme suit :

« danger » Risque ou situation susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant qu’il ne puisse y être remédié.

[17] La définition actuelle du « danger » vise à améliorer la définition du même terme que l’on retrouvait avant la modification du Code, qui était jugée comme trop limitative pour protéger la santé et la sécurité des employés. Selon la jurisprudence basée sur l’ancienne notion de danger, celui‑ci devait être présent et immédiat au moment de l’enquête de l’agent de santé et sécurité. La nouvelle définition élargit cette notion pour tenir compte des risques, situations ou tâches éventuels. Cette approche reflète mieux le but du Code, énoncé à l’article 122.1:

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

[18] Selon la définition actuelle du terme, le risque, la situation ou la tâche n’ont plus à être présents uniquement lors de l’enquête de l’agent de santé et sécurité, mais peuvent l’être éventuellement ou dans le futur. Le New Shorter Oxford Dictionary, édition de 1993, définit le mot « potential (éventuel) » [sic] ainsi : « possible, par opposition à réel; capable de se produire; latent. » Le dictionnaire Black’s Law Dictionary, septième édition, définit « potential » comme « capable de se produire; possible ». L’expression « future activity » (tâche éventuelle) indique que cette tâche n’est pas « réellement » exécutée [en présence de l’agent de santé et sécurité], mais devra être éventuellement effectuée par une personne. Par conséquent, en vertu du Code, le danger peut aussi être éventuel dans la mesure où le risque, la situation ou la tâche peut prendre place et est susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée ou la rendre malade avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.

[19] La situation, la tâche ou le risque – existant ou éventuel, mentionné dans la définition doit être susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Donc, cette notion « d’être susceptible de causer » exclut toutes situations hypothétiques.

[20] L’expression « avant que le risque soit écarté ou la situation corrigée » a été interprétée comme signifiant que des blessures ou une maladie vont probablement être causées sur place et à l’instant, c’est‑à‑dire immédiatement2. Toutefois, dans la définition actuelle du terme « danger », la mention de risque, de situation ou de tâche doit être interprétée en tenant compte du risque, de la situation ou de la tâche existants ou éventuels, ce qui semble éliminer de la notion précédente de danger le préalable que des blessures ou la maladie se produiront raisonnablement sur‑le‑champ. En fait, les blessures ou la maladie ne peuvent découler que de l’exposition au risque, à la situation ou à la tâche. Donc, étant donné la gravité de la situation, il doit y avoir un niveau raisonnable de certitude qu’il y aura effectivement une blessure ou une maladie immédiatement s’il y a une exposition au risque, à la situation ou à la tâche, à moins qu’on élimine le risque, que l’on corrige la situation ou que l’on modifie la tâche. En sachant cela, on ne peut attendre qu’un accident se produise, d’où le besoin d’agir rapidement et immédiatement dans de telles situations.

[16]     En l’espèce, M. Page a été mis au courant du fait que l’on avait découvert la veille une cartouche chargée parmi des cartouches factices. Ce genre de situation est manifestement inacceptable et ne peut être toléré. Si la cartouche chargée a été mise délibérément dans la boîte par plaisanterie ou par malveillance, il faudrait trouver le coupable et prendre à son endroit les mesures disciplinaires qui s’imposent. Si, par contre, il s’agit d’une simple erreur attribuable à des consignes de sécurité inadéquates, comme le prétend M. Page, il importe alors de rectifier la situation afin d’éviter qu’elle se reproduise. Je crois comprendre que l’établissement de Collins Bay a pris les mesures voulues pour rectifier les choses après que M. Page eut refusé de travailler. Il n’est donc pas nécessaire que je m’étende davantage sur cette question. Je m’attarderai plutôt aux faits liés à cette affaire.

[17]     D’après les faits, je suis d’avis que la situation qu’appréhende M. Page ne constitue pas un danger, au sens du Code, et ce, pour les raisons qui suivent.

[18]     M. Page n’a jamais eu à manipuler une cartouche chargée pendant l’entraînement, et il n’y a pas lieu de croire qu’il soit un jour exposé à une telle situation, car on ne mélange pas délibérément des cartouches chargées à des cartouches factices. L’exposition à un danger éventuel, comme le fait de trouver une cartouche chargée parmi des cartouches factices, est une condition essentielle à l’existence d’un danger selon le Code. Dans l'affaire qui nous occupe, le fait qu’une cartouche chargée se soit retrouvée parmi des cartouches factices porte nettement à croire qu'il s'agit d'un acte criminel, ce qui n’est manifestement pas régi par le Code.

[19]     La première personne à manipuler les munitions se trouvant dans la boîte de conserve, le 6 novembre, a été un instructeur d’expérience, qui a repéré immédiatement la cartouche chargée. Les autres instructeurs consultés ont également déclaré qu’ils auraient eux aussi repéré la cartouche chargée au premier coup d’œil. J’accorde beaucoup de poids au fait que des instructeurs d’expérience auraient repéré rapidement une cartouche chargée, car ce sont eux qui sont responsables en fin de compte de la distribution de ces munitions. Il est vrai qu'il serait bon de pouvoir distinguer par leur couleur les cartouches factices des cartouches chargées, mais cela ne veut pas dire qu’il est impossible de distinguer les munitions existantes les unes des autres. Il ne faudrait pas se fier uniquement à la couleur pour faire la distinction, car cela pourrait être trompeur et, dans le cas d’un acte criminel, dangereux. Quant à la question du rangement des munitions dans une boîte de conserve, je crois que cela constitue un manque de respect qui n’est pas digne d’un professionnel et qui est inacceptable. Je reconnais néanmoins qu’il est possible qu’une cartouche chargée puisse tomber entre les mains d’un élève.

[20]     Une partie de la formation sur le maniement des armes, c’est‑à‑dire la reconnaissance des cartouches, ainsi que le maniement, le chargement et le déchargement d’une arme, consiste à vérifier le matériel, y compris à déterminer si les cartouches utilisées sont des cartouches chargées ou factices. À l’évidence, étant donné que l'identification des cartouches est un élément essentiel de l’entraînement, force m’est de conclure que l’on repérerait une cartouche chargée avant qu’elle soit chargée dans une arme. J’accorde, en l’espèce, beaucoup de poids à cet aspect de l’entraînement car, dans la pratique, il faudrait intercepter une cartouche chargée avant qu’il arrive un malheur. Je crois comprendre que d’autres établissements pénitentiaires se sont montrés intéressés à garder le même système d’entraînement en ce qui a trait à la ressemblance des cartouches.

[21]     M. Page a admis que, selon les consignes de sécurité qui s’appliquent au maniement des armes lors de l’entraînement, il est interdit à quiconque de pointer son arme dans la direction d’un élève à quelque moment que ce soit, et surtout quand l’arme en question est chargée. En fait, il s’agit là d’une règle universelle, comprise et acceptée par tous, notamment par M. Page. Le fait de ne pas se conformer à cette règle devrait donner immédiatement lieu à une réprimande.

[22]     Si l’on mettait accidentellement dans une arme une cartouche chargée, il faudrait que l’on fasse feu dans la direction d’un élève pour causer des blessures, geste qui est lui aussi interdit, car il ne faut utiliser une arme que dans des conditions bien précises, par exemple pour tirer sur une cible dans un champ de tir.

[23]     Enfin, M. Page a reconnu qu’il n’y avait pas de danger immédiat lorsqu’il a refusé de travailler, mais qu’il courait un danger éventuel. L’une de ses inquiétudes était que, s'il advenait qu'une cartouche chargée non repérée soit tirée dans la salle de classe, le risque de ricochet et de blessure était très élevé. Comme l’agent de santé et de sécurité, j’estime que cette situation est des plus improbable et hautement hypothétique. Or, les situations hypothétiques n'entrent pas dans la définition du mot « danger » que l’on trouve dans le Code.

[24]     Bien que je souscrive de façon générale aux préoccupations dont M. Page a fait état au sujet des consignes en vigueur au moment où il a refusé de travailler, je suis d’accord avec l’agent de santé et de sécurité pour dire que M. Page n'était pas en danger, au sens où le Code l’entend. La possibilité qu’une cartouche chargée se retrouve parmi des cartouches factices, qu’un instructeur expert ne la repère pas, qu’on ne l'identifie pas non plus lors d’une séance sur l’identification des munitions, qu’on la charge sans s’en rendre compte dans l'arme à feu d’un élève, que cet élève pointe par inadvertance son arme dans la direction d’une autre personne et tire accidentellement sur cette personne, ou que le coup ricoche et blesse l’une des personnes présentes dans la salle de classe, est à ce point mince qu’elle est, selon moi, des plus improbable.

[25]     Aucun des faits exposés plus tôt n’étayerait l'allégation selon laquelle M. Page, ou l’un quelconque des autres élèves, se trouvait dans une situation où, pourrait‑on raisonnablement s’y attendre, il risquerait d'être blessé, soit sur le coup soit plus tard. Il n’y a donc pas de probabilité raisonnable que M. Page se blesse. Pour ces motifs, je confirme la décision qu’a rendue l’agent de santé et de sécurité, à savoir qu'il n'y a pas de danger.

__________________________________

Serge Cadieux

Agent d’appel


 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION RENDUE PAR L’AGENT D’APPEL

Décision n°:            01‑015

Demandeur :           Howard Page

Intimé :                    Service correctionnel du Canada, établissement de Collins Bay

MOTS CLÉS :         

Munitions, cartouches chargées, cartouches factices, danger, probabilité raisonnable de blessure, consignes, entraînement, formation, repérage d’une cartouche chargée.

DISPOSITION :        Par. 129(7) du Code canadien du travail

RÉSUMÉ

Un agent de correction a refusé de prendre part à un entraînement sur le maniement des armes à feu organisé par l’établissement de Collins Bay. Cet employé avait appris qu’une cartouche chargée avait été découverte la veille parmi les cartouches factices. Il estimait que les consignes en vigueur n’étaient pas suffisantes pour le protéger. En effet, il était impossible de distinguer la cartouche chargée des cartouches factices par la couleur, la forme ou la méthode de rangement. M. Page craignait que, s'il advenait qu'une cartouche chargée soit tirée dans une salle de cours, la cartouche ricoche et blesse un élève. L’agent de santé et de sécurité qui a fait enquête sur le refus de travailler de M. Page a jugé que cette situation était hypothétique et a conclu à l'absence de danger, au sens du Code.

En appel, l’agent d’appel s’est rangé à l’opinion de l’agent de santé et de sécurité. Selon la définition du mot « danger » que donne le Code, il doit y avoir une probabilité raisonnable de blessure, ce qui n’était pas le cas dans cette affaire. L’agent d’appel a conclu que l'identification des cartouches chargées et des cartouches factices faisait partie intégrante de l’entraînement. Il a fait remarquer qu’un instructeur d’expérience avait immédiatement repéré la cartouche chargée. D’autres instructeurs, qui étaient responsables en fin de compte du maniement des munitions au cours de l’entraînement, avaient déclaré qu’eux aussi repéreraient immédiatement une cartouche chargée qui se trouverait parmi des cartouches factices. L’agent d’appel a conclu que la situation que craignait M. Page était hypothétique, et a confirmé la décision rendue par l’agent de santé et de sécurité, à savoir qu'il n'y a pas de danger.



2 Brailsford v. Worldways Canada Ltd. (1992), 87 di 98 (CCRT)

  Bell Canada v. Travail Canada  (1984), 56 di 150 (CCRT)

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