Archivée - Decision: 01-026 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SANTÉ ET SÉCURITÉ

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Roger Perron

demandeur

et

Défense nationale

employeur

et

Mario Thibault

agent de santé et de sécurité

                                                                       

Décision n° 01‑026

Le 28 novembre 2001

Affaire entendue par Michèle Beauchamp, agent d’appel, à Montréal (Québec), le 9 juillet 2001

Ont comparu

Pour le demandeur :

Roger Perron, mécanicien

Pierre Leduc, co-président, comité local de santé et sécurité

Pour l’employeur :

Bernard Pelletier,  analyste, Défense nationale

François Sansfaçon, officier de sécurité de la radiation


[1]        Le présent appel, interjeté en vertu du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail (le Code) par Roger Perron, mécanicien travaillant pour la Défense nationale au dépôt d’ateliers de Longue-Pointe, à Montréal (Québec), vise la décision d'absence de danger rendue le 19 janvier 2001 par Mario Thibault, agent de santé et de sécurité, Programme du travail, Développement des ressources humaines Canada. 

[2]        Roger Perron a fait, le 15 janvier 2001, en vertu du paragraphe 128(1) de la partie II du Code canadien du travail, un refus de travail libellé sous la forme des trois notes de service ci-après, envoyées à ses supérieurs hiérarchiques aux dates indiquées :

1re note de service: 

11 janvier 2001

Note de service

À  Adj, Bélisle

    Chef d’équipe 1ère 2e ligne.

OBJET: Refus de travail

Suite aux derniers développements sur le plan international concernant les munitions a l'uranium qui ont été utilisés dans les Balkans. Je pense que le gouvernement du Canada traite cette question un peu trop légèrement. Comment se fait‑il que d'autres pays membres de l'OTAN font subir à leurs soldats des examens pour savoir si ils ont été contaminés et que nous on accepte les résultats de il personnes comme étant un échantillonnage suffisant. Je pense que nous faisons fausse route.

Je suis très inquiet pour ma santé, les véhicules sur lesquels je travaille ont ils été contaminés par des poussières d'uranium. Nous trouvons régulièrement de la terre, de la poussière et toute sortes de substances dans ces véhicules. Les filtres à air de ces véhicules sont remplis de poussières qui provient des champs et des routes des Balkans.

Hier encore je travaillait sur un bison peint aux couleurs des NU, en démontant les périscopes j'ai trouvé de la poussière qui était emprisonné entre le périscope et la coque (hull) du véhicule. Aucune forme de lavage ou décontamination n'aurait pu atteindre cet endroit.

Je suis très inquiet de la situation, j'en ai parlé hier soir avec ma conjointe et avec mes supérieurs ce matin. Je n'en ai pas encore parlé à mes confrères de travail, je crains de semer la panique parmi les employés du 202, mais je suis inquiet pour eux.

Pour toutes ces raisons je fais un refus de travail et demande à être affecté à d'autres tâches. Un travail ou je ne serait pas près des véhicules, jusqu'à ce que la situation soit plus claire, et convaincu que je ne courre aucun risque.

2e note de service :

11 Janvier 2001

Note de service

À     Adj, Belisle

       Chef d'équipe 1ère 2e ligne.

OBJET            Maintien du refus de travail.

            Suite aux vérifications faites ce matin par M.Sansfaçon, je désire maintenir ou réitérer mon refus de travail.

Les quelques lectures qu'il a fait avec son compteur de radioactivité démontrent que les endroits qu'il a vérifié ne sont pas radioactifs. Les véhicules des Forces Armés Canadienne n'ont pas tous circulé aux mêmes endroits, sur les mêmes routes et au même moment. C'est pourquoi je considère qu'une vérification systématique de tout les véhicules qui entrent dans l'atelier serait nécessaire.

De plus; le niveau de radioactivité n'est pas ma seule source d'inquiétude.

Selon un article du journal "The Gazette" de lundi le 8 janvier 2001.

"L'uranium appauvri ne se vaporise pas complètement au moment de l'impact. Les particules peuvent rester en suspension dans l'air et les sols pour des mois, ce qui comporte deux dangers. L'empoisonnement par les radiations et par les agents chimiques. L'inhalation et l'ingestion des poussières peuvent causer le cancer, l'empoisonnement par les métaux peut conduire à des dommages au foi. Les scientifiques ne sont pas d'accords concernant les niveaux de risques qu'il peut entraîner."

Puisque les dangers que comporte l'uranium appauvri sont encore peu connu, pourquoi ne pas prendre des mesures de sécurité excessives, pour le moment. Nous pourrons les relâcher un peu plus tard lorsqu'il sera clairement démontré quels sont les vrais dangers.

D'ici à ce jour je refuse de prendre des risques, et réitère mon refus de travail.


3e note de service :

15 janvier 2001

Note de service

À: Capitaine Proulx

Chef de processus 1er 2 ligne

Batisse 3

202e Dépôt d'atelier

OBJET: Maintien du refus de travailler.

Suite à la réunion de ce matin ou étaient présents: M. F. Sanfacon , M. M Bouchard, le Cpte Durand, M. D Bélanger, M.F. Bussières, et vous méme. Vous m'avez remis le rapport du RadSO de l'unité M. Bernard Pelletier et une lettre de M. Sanfaçon, attestant qu'ils n'ont pas trouvé de trace de radioactivité dans les emplacements qu'ils ont vérifiés.

Les différentes interventions des participants à la réunion ont apporté des précisions que je trouve très valables. Les lectures prises jusqu'à ce jour ont fait diminuer mes craintes.

Cependant puisque vous refusez toujours d'ordonner une inspection systématique de toute la bâtisse 3 et que vous ne semblez pas en mesure d' identifier avec certitude la provenance des véhicules qui y entre.

Je considère que vous n'êtes toujours pas en mesure de m'assurer que mon milieu de travail ne comporte aucun risque de danger par radiation. C'est pourquoi je vous informe que je maintient mon refus de travail.

[3]        M. Perron a déclaré à l’audience que ses craintes d’être exposé à l’uranium appauvri venaient du fait que les véhicules pouvaient non seulement porter des poussières contaminées, mais aussi certains fragments ou particules qui, en adhérant aux chaussures des militaires, auraient pu être transportés dans les véhicules.

[4]        M. Perron s’est également dit d’avis que la norme de 5 rems d’exposition par année appliquée au Canada devait être remise en cause, compte tenu que, selon différentes lectures qu’il avait faites sur le sujet, le risque d’être victime d’un cancer par suite d’une exposition à l’uranium appauvri demeurait même si cette norme n’était pas dépassée.  Il considérait aussi que la Défense nationale avait échantillonné un nombre insuffisant de véhicules, soit onze véhicules sur les 500 arrivés du Kosovo.

[5]        M. Perron estimait en outre que les salopettes que l’employeur fournissait aux employés pour protéger leurs vêtements personnels pouvaient rester contaminées même après avoir été lavées, tout comme pouvaient l’être les bâtiments où les véhicules étaient stationnés puisque ces bâtiments n‘étaient pas nettoyés.  Il demandait par conséquent une vérification systématique des bâtiments et de chaque véhicule, pour éliminer tout risque d’exposition à l’uranium appauvri.

[6]        Pour sa part, François Sansfaçon, Officier de sécurité générale de l’unité, a déclaré  qu’après le premier refus de travail de Roger Perron, le 11 janvier, l’employeur  a administré des tests pour déceler si les véhicules étaient radioactifs.  Il a lui-même fait deux tests sur 9 véhicules à ce moment-là, sans déceler de radioactivité.  Il a remis les résultats de ces tests à l’agent de santé et de sécurité Thibault.

[7]        Selon M. Sanfaçon, il était fort peu probable que des véhicules qui ne portaient aucune trace d'impact de tirs puissent être radioactifs.  En outre, si un mécanicien constatait la présence de traces de tir sur un véhicule, ce véhicule devait être aussitôt retiré de l’atelier et testé avec un équipement de détection.  Il était donc déraisonnable d’inspecter toute la flotte de véhicules stationnés à l’extérieur. 

[8]        M. Sansfaçon a également précisé à l’audience que les 500 véhicules stationnés à Longue-Pointe avaient d’abord été lavés avant d’être retirés du Kosovo, puis à deux reprises une fois arrivés au Canada, dont une fois à Montréal, sans leur armure.  Des test sophistiqués avaient été administrés pour détecter leur niveau d’exposition à l’uranium appauvri, mais les résultats obtenus ne dépassaient pas le niveau de radiation normal en provenance du sol.

[9]        M. Sansfaçon s’est dit d’avis que le seul danger relativement à l’uranium appauvri surviendrait uniquement si un véhicule était directement atteint par un obus et prenait feu, les fines particules qui s’en dégageraient à ce moment-là devenant alors dangereuses.  Cependant, une fois les véhicules nettoyés, ils ne sont plus contaminés à l’uranium appauvri. 

[10]   M. Sanfaçon a testé quelque 40 véhicules sans trouver de traces de radiation, sauf sur les cadrans, qui contiennent de l’hydrogène radioactif.  Si ces cadrans sont brisés, ils sont éliminés selon la norme pertinente d’Environnement Canada, c’est-à-dire envoyés au laboratoire d’Énergie atomique Canada, à Chalk River, qui se charge de les détruire. 

[11]   En ce qui concerne la terre qui peut se loger entre les parois des véhicules,  M. Sansfaçon a déclaré que le règlement d’Agriculture Canada exige que la Défense nationale récupère la terre et les boues provenant du lavage des véhicules et qu’elle les envoie pour destruction, car Agriculture Canada les considère comme des déchets toxiques susceptibles de contenir des contaminants bactériologiques, à savoir des semences étrangères qui peuvent être nuisibles aux semences canadiennes.

[12]   L’agent de santé et de sécurité Thibault, qui a fait enquête sur le refus de travail de Roger Perron le 15 janvier 2001, a indiqué à l’audience et dans le rapport d’enquête qu’il a remis aux parties que M. Perron lui a dit qu’il avait peur d’être contaminé par les poussières d'uranium appauvri qui pouvaient se trouver sur les véhicules militaires en provenance du Kosovo qu'il devait réparer et qu’il voulait que tous ces véhicules soient systématiquement testés avec un détecteur de radiations.

[13]   L’agent de santé et de sécurité Thibault a administré sur 5 véhicules blindés des tests de radiation avec un appareil Radiation Alert Monitor 4.  Les résultats de ces tests ont tous été négatifs et n’ont permis de déceler que le bruit de fond habituel, c’est-à-dire le niveau de radiation normal en provenance du sol auquel est soumis tout être humain. 

[14]   L’agent de santé et de sécurité Thibault a également constaté que les résultats des tests de radiation menés par la Défense nationale étaient très inférieurs aux normes prescrites par la partie II du Code canadien du travail.

[15]   Avant de rendre une décision sur le refus de travailler, l’agent Thibault a décidé, avec l’accord des parties, de consulter un ingénieur de l’unité des Services techniques de la Direction générale du travail, à Hull.  Il a donc fait parvenir au directeur de l’unité toutes les données qu’il a recueillies sur le lieu de travail, soit les documents suivants :

·        trois notes de service de Roger Perron adressées à ses supérieurs hiérarchiques;

·        « No mandatory testing for ex-peacekeepers », article publié dans The Gazette le 8 janvier 2001;

·        communiqué de B. Arès à François Sansfaçon;

·        rapport « Test de radioactivité sur des véhicules blindés de retour du Kosovo » de François Sansfaçon, daté du 11 janvier 2001;

·        rapport « Situation – 202DA, Uranium Appauvri » de Bernard Pelletier;

·        lettre de François Sansfaçon au capitaine Dany Proulx;

·        « Manuel pour matière radioactive » C-02-040-003/TP-000 de la Défense nationale;

·        « DoD Studies Depleted-Uranium Effects on Gulf Veterans », du American Forces Information Service, tiré du site web www.defense link/mil/news;

·        «Uranium naturel ou uranium appauvri » d’Éric Brasseur, Cybersciences, tiré du site web www.cybersciences.com;

·        « Armes à uranium appauvri » de Dan Falhey, Fondation Laka, tiré du site web www.ib.be/grip/bdg;

·        « Environmental Exposure Report (on) Depleted Uranium in the Gulf », rapport 1‑800-472-6719 publié le 31 juillet 1998 par le US Department of Defense.

[16]   François De Mers, ingénieur en hygiène industrielle, unité des Services techniques, a analysé les documents et résultats que lui a envoyés l’agent de santé et de sécurité Thibault.  Dans une note de service datée du 18 janvier 2001, il avise l’agent de santé et sécurité que « [M]is à part les résultats des prélèvements faits par la Défense nationale (M. Sansfaçon et M. Pelletier), peu [de documents] sont pertinents à la cause qui nous préoccupe ».

[17]   Il l’avise qu’il a par ailleurs trouvé deux documents intéressants sur l’exposition à l’uranium appauvri, soit la mise à jour du 19 décembre 2000 du « Environmental Exposure Report (on) Depleted Uranium in the Gulf » (1-800-497-6261) du US Department of Defense et le rapport du 8 mai 1995 du US Army Research Institute of Infectious Diseases intitulé « PDA Team Activities During Operation Vigilant Warrior ».

[18]   L’ingénieur De Mers l’informe que le rapport 1-800-472-6719 du US Department of Defense est le seul document qu’il a trouvé sur les « doses d’exposition » des soldats et de l’effectif militaire et civil à de l’uranium appauvri pendant la guerre du Golfe. 

[19]   Il explique que, selon ce document, trois catégories de personnes ont été exposées à l’uranium appauvri pendant cette guerre.  Les soldats qui étaient à l’intérieur ou près de véhicules de combat atteints par des obus à l’uranium appauvri et ceux qui les ont secourus immédiatement après l’impact sont les personnes qui ont été les plus exposées.  Dans le pire des cas,  elles auraient reçu une dose maximale de 4,8 rems, ce qui est très près de la norme de 5 rems appliquée au Canada, aux États-Unis et presque partout ailleurs dans le monde.

[20]   La deuxième catégorie vise les personnes qui ont travaillé sur des véhicules de combat endommagés pour estimer l’étendue des dommages et le niveau de radiation, pour enlever les munitions et les équipements ou pour les réparer.  En supposant que  ces personnes ont travaillé sur ces véhicules de une à trois heures d’affilée, elles ont pu, dans le pire des cas, être exposées à une dose maximale variant entre 0,016 rem et 0,065 rem, soit un chiffre de 75 à 300 fois inférieur à la norme. 

[21]   La troisième catégorie comprend les soldats qui ont traversé plusieurs fois les nuages de fumée dégagés par les chars d’assaut irakiens atteints par un missile à l’uranium appauvri et les personnes qui sont entrées à plusieurs reprises dans un véhicule contaminé sur les champs de bataille.  Dans tous ces cas, leur exposition était inférieure à la norme, soit entre 0,000 003 rem et 0,01 rem. 

[22]   L’ingénieur De Mers se dit d’avis qu’un mécanicien du dépôt de Longue-Pointe qui travaillerait uniquement sur des véhicules atteints par un missile à l’uranium appauvri serait, selon les estimés d’exposition applicable aux personnes de la deuxième catégorie, exposé à 0,005 rem par heure.  En supposant qu’il travaille sur ces véhicules 7 heures par jour, 5 jours par semaine et 48 semaines par année, son exposition totale serait de 0,84 rem, soit un chiffre très inférieur à la norme de 5 rems.

[23]   Pour ce qui est de l’exposition à de la terre contaminée par de l’uranium appauvri, l’ingénieur De Mers déclare dans son rapport qu’il a trouvé peu d’informations concernant le niveau de contamination des sols en Irak ou au Kosovo.  Il a cependant trouvé très instructif le document de l’équipe américaine PDA qui s’est rendue au Kuwait, dans un dépôt où avaient été entreposés des centaines de véhicules civils et militaires endommagés pendant la guerre, dont plusieurs avaient été détruits par des missiles à l’uranium appauvri.

[24]   L’équipe a analysé des échantillons de terre se trouvant sur les véhicules qui étaient à proximité des trous d’impact des missiles à l’uranium appauvri, des échantillons de sols dans les rigoles produites par les eaux de ruissellement lors des pluies, ainsi que l’exposition des techniciens qui ont procédé aux prélèvements.  Tous les résultats ont démontré que, si la terre était contaminée, cette contamination ne présentait pas de risque élevé pour celui qui y travaillait.  L’ingénieur De Mers s’est dit « porté à croire qu’il en est ainsi de la terre du Kosovo qui est encore logée dans les coins et les recoins des véhicules de Longue-Pointe ».     

[25]   Examinant ensuite la question du niveau de contamination des véhicules de Longue-Pointe, l’ingénieur De Mers explique que MM. Sansfaçon et Pelletier ont pris des mesures de radiation sur au moins 11 véhicules en provenance du Kosovo et que les résultats variaient de 4 à 5 désintégrations par seconde (cps), soit un niveau presque égal au bruit de fond de 4,6 à 5 cps mesuré sur le lieu de travail.  Selon lui, « il se peut que des résultats aussi près du bruit de fond soient attribuables au fait que la majorité des véhicules stationnées à Longue-Pointe ont été décontaminés à deux reprises.  Une chose est sûre : ils ne sont certainement pas très contaminés par de l’uranium appauvri (s’ils le sont). »

[26]   Se basant sur les stratégies d’échantillonnage adoptées par le National Institute for Occupational Safety and Health des États-Unis (NIOSH) et qui servent de référence au Canada, l’ingénieur De Mers estime aussi, en ce qui a trait au nombre de véhicules échantillonnés par la Défense nationale, que « onze véhicules sur 500 est un échantillon suffisant pour affirmer que nous sommes sûrs à 90 % qu’un de ces prélèvements se trouve parmi les 20 % plus élevés.  Cette stratégie est plus que suffisante pour un dépistage. »

[27]   L’ingénieur De Mers conclut son rapport en ces termes : « Ces deux résultats, la moyenne près du bruit de fond et la stratégie d’échantillonnage utilisée, ajoutés aux données des deux études américaines mentionnées, me suffisent pour affirmer que le travail sur les véhicules en provenance du Kosovo ne présente pas de danger pour les travailleurs au sens que l’entend le Code du travail du Canada. » 

[28]   S’appuyant sur cette conclusion de l’ingénieur De Mers, l’agent de santé et de sécurité Thibault a décidé que l’employé Roger Perron n’était pas exposé à un danger au sens du Code canadien du travail.

*****

[29]   Les paragraphes 146.(1) et 146(2) de la partie II du Code canadien du travail définissent le rôle de l’agent d’appel saisi d’un appel d’une décision d’absence de danger émise aux termes du paragraphe 129(7).   En voici le texte :

146.1(1).  Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci.  Il peut :

a)   soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

b)   soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées.

(2)  Il avise par écrit de sa décision, de ses motifs et des instructions qui en découlent l’employeur, l’employé ou le syndicat en cause; l’employeur en transmet copie sans délai au comité local ou au représentant. 

[30]   M. Perron faisait-il face à un danger, au sens du Code, lorsqu’il a refusé de travailler le 11 janvier 2001 ?  Voici les dispositions de la partie II du Code sur le refus de travail :

   128(1)  Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a)  l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b)    il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

c)  l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

   129(7)  Si l’agent conclut à l’absence de danger, l’employé ne peut se prévaloir de l’article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois – personnellement ou par l’entremise de la personne qu’il désigne à cette fin – appeler de la décision à un agent d’appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci.

[31]   Dans la présente affaire, le témoignage de M. Perron à l’audience démontre clairement son inquiétude d’être exposé à de l’uranium appauvri pendant son travail de mécanicien sur les véhicules de la Défense nationale provenant du Kosovo.  Ses craintes étaient d’autant plus grandes qu’il avait lu des articles parus sur le sujet dans différents journaux, faisant état que des employés civils et des militaires sont atteints ou morts de cancer sans avoir été exposés au-delà de la norme de radiation, que des pays comme l’Angleterre ou les États-Unis font passer différents tests à leurs militaires pour savoir s’ils ont été exposés à de l’uranium appauvri, ou que les informations d’État sur l’uranium appauvri sont délibérément tenues secrètes.

[32]   Son employeur a donné suite à son refus de travail comme il se doit et il a procédé à des tests de radiation dont les résultats étaient négatifs.  C’est également ce qu’a fait l’agent de santé et de sécurité Thibault dans le cadre de son enquête sur le refus de travailler de M. Perron, et les résultats qu’il a obtenu étaient également négatifs.

[33]   Consulté par l’agent de santé et de sécurité Thibualt, l’ingénieur François De Mers, des Services techniques de la direction générale du Travail, a pour sa part fait une recherche poussée pour obtenir les renseignements les plus à jour sur l’exposition à l’uranium appauvri.  Les documents qu’il a examinés et son analyse des résultats des tests administrés par la Défense nationale et l’agent de santé et de sécurité Thibault l’ont amené à conclure que « le travail sur les véhicules en provenance du Kosovo ne présente pas de danger pour les travailleurs au sens que l’entend le Code du travail du Canada. »

[34]   Je comprends très bien que M. Perron ait pu être inquiet d’être exposé à de l’uranium appauvri lorsqu’il travaille sur les véhicules militaires arrivant du Kosovo.  Cependant, l’agent de santé et de sécurité Thibault a administré des tests qui ont donné des résultats négatifs et n’ont permis de déceler que le niveau de radiation normal en provenance du sol.  La Défense nationale a elle aussi mené des tests de radiation dont les résultats ont été très inférieurs aux normes prescrites.  Enfin, l’ingénieur De Mers, après une analyse sérieuse de la documentation disponible sur le sujet, des normes fixées et des résultats d’échantillonnage obtenus par l’agent de santé et de sécurité Thibault et la Défense nationale, a conclu qu’il n’y avait pas de danger pour l’employé au sens du Code canadien du travail.

[35]     Je suis d’accord avec la conclusion que l’ingénieur De Mers a tirée, car elle est basée sur une analyse technique scientifiquement vérifiable.  Le niveau de radiation auquel M. Perron est exposé ne présente aucun risque pour sa santé et sa sécurité.

[36]   Par conséquent, je confirme la décision d’absence de danger rendue par l’agent de santé et de sécurité Thibault.

 

_________________________

Michèle Beauchamp


 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION D’UN AGENT D’APPEL

No de la décision :                         01-026

Demandeur :                                 Roger Perron

Employeur :                                   Défense nationale

Agent de santé et de sécurité :     Mario Thibault

Devant :                                          Michèle Beauchamp

                                                         Agent d’appel

                                                         Développement des ressources humaines Canada

MOT-CLÉ :                           

Absence de danger                         

DISPOSITION :       

Code :            129(7), 146

RÉSUMÉ

Roger Perron, mécanicien au dépôt d’ateliers de Longue-Pointe de la Défense nationale, a refusé de travailler parce qu’il craignait d’être exposé à l’uranium appauvri pendant qu’il travaillait sur des véhicules militaires en provenance du Kosovo.

L’agent de santé et de sécurité a administré des tests de radiation, dont les résultats ont été négatifs.  Après consultation d’un ingénieur des Services techniques du programme du Travail, qui a procédé à une analyse des documents disponibles sur le sujet de l’uranium appauvri, des stratégies d’échantillonnage utilisées par l’agent de santé et sécurité et la Défense nationale et des résultats qu’ils ont obtenus, l’agent de santé et de sécurité a conclu que le travail de M. Perron ne présentait pas de danger au sens de la partie II du Code canadien du travail.

En accord avec la conclusion de l’ingénieur du programme du Travail parce qu’elle est basée sur une analyse technique scientifiquement vérifiable, l’agent d’appel a confirmé la décision d’absence de danger de l’agent de santé et sécurité.

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