Archivée - 02-004 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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SCFP, demandeur
et
Air Canada, employeur
et
Jacques Servant et
Diane Holmes
agents de santé et de sécurité

Décision no 02-004

Le 18 avril 2002

La présente affaire a été entendue par M. Doug Malanka, agent d’appel, à Toronto (Ontario),

le 16 octobre 2001.

Personnes présentes

Mme Beth Symes, conseillère, SCFP

M. Timothy Lawson, conseiller, Air Canada

[1] Le 2 janvier 2001, Mme Pamela Sachs, présidente du volet Air Canada et membre du Comité de santé et de sécurité de Toronto, SCFP – Division du transport aérien, a écrit à M. Jacques D. Servant, chef du Programme de santé et de sécurité au travail – Aviation de Transports Canada. Dans sa lettre, elle alléguait qu’Air Canada contrevenait au Code canadien du travail, partie II (ci-après appelé le Code ou la partie II) et aux règlements afférents sur la santé et la sécurité au travail relativement au manuel des agents de bord.

[2] M. Servant a répondu à la lettre de Mme Sachs le jour-même en citant l’article 127.1 (Processus de règlement interne des plaintes) du Code. Il lui expliquait qu’elle devait adresser une plainte à Air Canada avant qu’un agent de santé et sécurité de Transports Canada ne puisse enquêter sur sa plainte. Mme Sachs a immédiatement répondu qu’elle avait déjà présenté une plainte à Air Canada et que les parties n’étaient pas parvenues à s’entendre. Elle a affirmé que les nombreuses contraventions mentionnées dans sa première lettre constituaient un danger, et a demandé à M. Servant d’ordonner à Air Canada, en vertu du paragraphe 145.(2) du Code, de cesser immédiatement la mise en œuvre du nouveau guide à l’intention des agents de bord jusqu’à ce que tout le personnel de bord ait reçu de la formation.

[3] M. Servant a écrit une lettre à Mme Sachs un peu plus tard le même jour en réponse à sa lettre alléguant l’existence d’un danger. Il lui a répondu qu’il avait examiné le manuel révisé à l’intention des agents de bord avec l’aide des gens de l’Inspection des entreprises de transport aérien de Transports Canada, et qu’ils avaient déterminé qu’il n’existait aucun danger pour les agents de bord d’Air Canada en vertu du Code. Il a ensuite écrit à Mme Sachs, le 19 janvier 2001, et l’a informée que Transports Canada enquêtait sur les contraventions mentionnées dans sa lettre du 2 janvier 2001. Il a ajouté qu’il l’informerait des résultats de l’enquête de Transports Canada dès que possible.

[4] Le 7 mai 2001, M. Servant a écrit à Mme Sachs pour lui faire connaître les résultats de l’enquête. Le rapport, sous forme de tableau, énumérait les contraventions en vertu de la partie II alléguées par Mme Sachs et les résultats de l’agent de santé et de sécurité, Diane Holmes, relativement à chacune des contraventions alléguées. Pour tous les points à l’exception de deux, Mme Holmes a jugé qu’Air Canada respectait le Code. Pour les deux points de non-conformité avec le Code, Mme Holmes a accepté une promesse de conformité volontaire[1] de la part d’Air Canada.

[5] Le 5 juin 2001, Mme Symes a écrit au Bureau d’appel canadien en santé et sécurité au travail au nom du SCFP. Elle interjetait appel contre le rapport de M. Servant, en date du 7 mai 2001, en vertu des articles 146 et 146.1 du Code. Elle définissait la lettre du 7 mai 2001 de M. Servant comme une « décision ou instruction » et déclarait que son appel était fondé sur les éléments suivants :

[TRADUCTION]

· « Il existe une crainte raisonnable de partialité à l’égard de l’agent de santé et de sécurité, Mme Diane Holmes.

· L’agent de santé et de sécurité a omis d’enquêter sur les points de la plainte, ou de les examiner.

· L’agent de santé et de sécurité a omis de rencontrer la plaignante, Pamela Sachs, dans le cadre de son enquête.

· L’agent de santé et de sécurité a omis de rencontrer France Pelletier, la présidente de la santé et de la sécurité pour le SCFP – Division du transport aérien, malgré les demandes répétées de Mme Pelletier à cet effet.

· La “décision ou instruction” est fondée sur des conclusions de fait vraisemblablement erronées.

· La “décision ou instruction” contient d’importantes erreurs de droit dans l’interprétation du Code et du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail.

· Tout autre fondement qui pourrait découler du rapport de l’inspecteur de la sécurité. »

[6] Après réception de la lettre de Mme Symes, j’ai téléphoné à son bureau et laissé un message dans son système de messagerie vocale. J’ai souligné que le paragraphe 146.1 du Code ne porte pas sur les promesses de conformité volontaire ou sur la décision d’un agent de santé et de sécurité de ne pas émettre une décision ou une instruction relativement à une contravention. Le jour suivant, le 7 juin 2001, j’ai envoyé à Mme Symes un message par télécopieur en vue de confirmer l’information contenue dans mon message téléphonique du 6 juin. Cette lettre apparaît ci-dessous :

[TRADUCTION]

Le 7 juin 2001

Eberts, Symes, Street and Corbett

Barristers and Solicitors

133, avenue Lowther

Toronto (Ontario)

M5R 1E4

Madame Symes,

Objet : Appel d’une décision ou d’une instruction de M. Jacques D. Servant

en date du 7 mai 2001

Hier, soit le 6 juin 2001, vous avez envoyé par télécopieur une lettre à Mme Jocelynne Paris sur le sujet ci-haut mentionné. Plus tard dans la journée, j’ai examiné votre lettre et les documents, et je vous ai téléphoné pour en discuter. Étant donné que vous étiez absente, j’ai laissé un message. La présente a pour but de souligner et de confirmer l’information que je vous ai transmise.

Le ministre du Travail et de la Santé (sic) désigne des agents de santé et de sécurité en vertu du paragraphe 140.(1) du Code canadien du travail, partie II (le Code ou la partie II). Cela inclut les employés de Transports Canada désignés comme agents de santé et de sécurité. Le paragraphe 140.(1) du Code est ainsi libellé :

140.(1) Le ministre peut désigner toute personne compétente comme agent de santé et de sécurité ou agent régional de santé pour l’application de la présente partie. [Souligné par mes soins.]

En vertu du paragraphe 145.(1) du Code, un agent de santé et de sécurité peut, à sa discrétion, émettre une instruction s’il croit qu’une contravention à la partie II vient d’être commise ou est en train de l’être. Cette mesure comprend la discrétion de ne pas émettre d’instruction. En l’occurrence, l’agent de santé et de sécurité a décidé d’accepter une promesse de conformité volontaire, un instrument ministériel non juridiquement contraignant, de la part d’Air Canada, plutôt que d’émettre une instruction. Le paragraphe 145.(1) du Code stipule :

145.(1) S’il est d’avis qu’une contravention à la présente partie vient d’être commise ou est en train de l’être, l’agent de santé et de sécurité peut donner à l’employeur ou à l’employé en cause l’instruction… [Souligné par mes soins.]

Les mesures relatives à l’interjection d’un appel de la décision ou de l’instruction d’un agent de santé et de sécurité auprès d’un agent d’appel sont expliquées dans les paragraphes 129.(7) et 146.(1) du Code. Ces paragraphes sont ainsi libellés :

129.(7) Si l’agent conclut à l’absence de danger, l’employé ne peut se prévaloir de l’article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois – personnellement ou par l’entremise de la personne qu’il désigne à cette fin – appeler par écrit de la décision à un agent d’appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci. [Souligné par mes soins.]

146.(1) Tout employeur, employé ou syndicat qui se sent lésé par des instructions données par l’agent de santé et de sécurité en vertu de la présente partie peut, dans les trente jours qui suivent la date où les instructions sont données ou confirmées par écrit, interjeter appel de celles-ci par écrit à un agent d’appel. [Souligné par mes soins.]

Le Code n’autorise pas les agents d’appel à examiner les promesses de conformité volontaire acceptées par un agent de santé et de sécurité. À cet égard, je joins à la présente un exemplaire d’une décision non publiée de l’agent d’appel Michèle Beauchamp dans l’affaire du Syndicat canadien de la fonction publique – Division du transport aérien, représenté par Xavier Janssens et France Pelletier, et des Lignes aériennes Canadien International Ltée, représentées par Christine Holliday. La décision porte le numéro 01-007 et a été rendue le 21 mars 2001.

En 1989, la Cour fédérale a déclaré que l’examen d’une décision ou d’une instruction par un agent d’appel est de nature quasi-judiciaire. Par nécessité, le Bureau fonctionne indépendamment du programme de santé et de sécurité au travail à DRHC ou à Transports Canada. Par conséquent, le Bureau ne peut faire de commentaires ou enquêter sur le caractère approprié d’une décision d’un agent de santé et de sécurité d’accepter une promesse de conformité volontaire plutôt que de donner une instruction dans une situation donnée.

Si vous souhaitez obtenir de plus amples renseignements sur le sujet ou en discuter, n’hésitez pas à communiquer avec moi, au (819) 997-8977.

Douglas Malanka

Agent d’appel

p.j.

[7] Mme Symes a laissé un message sur mon répondeur téléphonique peu de temps après. Elle a souligné que le pouvoir de réviser la « décision ou instruction » de M. Servant était justement la question qu’elle désirait débattre et a demandé la tenue d’une audience. Après avoir obtenu ces éclaircissements, j’ai confirmé à Mme Symes que j’entendrais cette affaire.

[8] Le 10 octobre 2001, j’ai tenu une pré-audience par conférence téléphonique avec Mme Symes et M. Timothy Lawson, conseiller pour Air Canada, afin d’établir une date d’audience. Mme Symes a déclaré que la lettre que je lui ai envoyée le 7 juin 2001 constituait un préjugé en droit et qu’elle s’inquiétait du fait que j’instruise l’affaire. J’ai consenti à examiner son objection et à lui en reparler le lendemain.

[9] Le jour suivant, le 11 octobre 2001, j’ai tenu une autre conférence téléphonique avec Mme Symes et M. Lawson, et je les ai informés de mon intention de procéder à une audience verbale. J’ai réaffirmé que ma lettre du 7 juin 2001 n’était qu’à titre informatif et qu’elle ne constituait en rien une décision. J’ai en outre affirmé que la question traitée en audience serait limitée à ma compétence en vertu du Code pour l’examen de la décision prise par un agent de santé et de sécurité de ne pas donner d’instruction après son enquête sur une plainte présentée en vertu de l’article 127.1 du Code. Pour l’audience, j’ai accepté de poser comme principe que l’agent de santé et de sécurité avait fait preuve de partialité et commis des erreurs dans le cadre de son enquête, comme l’avait allégué Mme Symes.

[10] M. Lawson a alors proposé à Mme Symes qu’il ne soumettrait pas que mes communications des 6 et 7 juin 2001 avec cette dernière constituaient une décision si elle acceptait de ne pas faire valoir que ma lettre du 7 juin 2001 constituait un préjugé en droit. Mme Symes a accepté cette offre, et la date et le lieu de l’audience ont été fixés au 16 octobre 2001, à Toronto.

[11] Malgré cette entente, Mme Symes a argumenté lors de l’audience que le message que j’ai laissé dans sa messagerie vocale le 6 juin 2001 ainsi que ma lettre de suivi du 7 juin 2001 soulevaient, à tout le moins, une crainte de partialité. Elle a affirmé qu’elle devait souligner ce fait pour qu’il soit inscrit au dossier.

[12] M. Lawson s’est dit surpris que Mme Symes soulève cette question de partialité. Il a soutenu que la décision de cette dernière le forçait à soutenir la position d’Air Canada à l’effet que mes communications en juin constituaient une décision. M. Lawson a alors porté à mon attention un extrait de la troisième édition du Canadian Labour Arbitration de Brown and Beatty sur l’épuisement des compétences. Selon M. Lawson, le principe de dessaisie (functus officio) de la common law établit essentiellement que, lorsqu’une décision est rendue, elle est définitive et exécutoire, à moins qu’il n’existe une disposition législative habilitante. Il a déclaré que le Code ne confère aucune compétence aux agents d’appel pour revenir sur leur décision ou pour l’élargir. À cet égard, M. Lawson a également souligné l’affaire MacDonald c. Federal Express Canada Limited entendue par l’arbitre T. Jollife, de l’arbitrage des griefs sur le travail, décision no 259 [2001].

[13] M. Lawson a en outre soutenu que Mme Symes ne pouvait avoir le meilleur des deux mondes, qu’il lui fallait choisir. Il a soutenu que, si elle affirme que les deux messages du 6 et 7 juin 2001, le message par téléphone et celui par télécopieur, constituent une crainte de partialité, elle confirme que ces communications constituent une décision. Si tel est le cas, je ne peux entendre cette affaire, car j’en suis alors dessaisi.

[14] Mme Symes a alors soutenu que la décision dans l’affaire MacDonald c. Federal Express Canada Limited établit qu’un arbitre n’est dessaisi que si la question est vraiment celle portée en jugement. Elle a déclaré que la question en litige dans la présente audience est très différente de celle sur laquelle mes communications portaient. Elle a ajouté qu’on ne peut soutenir que les communications des 6 et 7 juin à son bureau constituent une décision parce que je n’avais pas reçu les observations des parties en cause avant de faire connaître mon opinion. Elle a donc soutenu que je devais entendre l’affaire.

[15] Comme la question préliminaire soulevée par Mme Symes portait sur ma compétence à entendre cette affaire, je traiterai cette question en premier.

[16] En général, la partie II porte sur la santé et la sécurité des employés dans leur milieu de travail, et le processus d’appel défini dans le Code permet d’entendre des employés et des employeurs qui ne sont pas représentés. Il n’est donc pas inhabituel que des employés et des employeurs défendent eux-mêmes leur cause lors d’une audience. Il arrive également qu’une seule des parties ait un représentant, ou qu’un conseiller ou un membre du syndicat (dans le cas des employés) ne connaisse pas très bien le processus d’appel devant un agent d’appel, ou même le Code. Pour une plus grande équité, ainsi que pour améliorer l’accès des travailleurs au processus d’appel, il est parfois nécessaire, à mon avis, que l’agent d’appel porte certains éléments du Code à l’attention des parties, ou de leur représentant, et leur suggère même des interprétations possibles pour la présentation de leurs arguments. Tous les efforts nécessaires doivent être faits pour fournir ces commentaires à titre informatif et de manière impartiale.

[17] Le 7 juin 2001, Mme Symes a interjeté un appel auprès du Bureau d’appel canadien en santé et sécurité au travail au nom du SCFP. L’appel portait sur l’acceptation par un agent de santé et de sécurité d’une promesse de conformité volontaire d’Air Canada. Dans la lettre que j’ai envoyée à son bureau par télécopieur, je mentionnais certains paragraphes du Code et je soulignais qu’aucun article ne portait sur la révision d’une promesse de conformité volontaire. Cette communication était une lettre et ne prenait pas la forme d’une décision comme celles qui sont habituellement transmises par le Bureau. Je n’y formulais aucun commentaires sur les présentations des parties étant donné que je n’en avais reçu aucune à cette date. Voici des extraits de ma lettre :

[TRADUCTION] Hier, soit le 6 juin 2001, vous avez envoyé par télécopieur une lettre à Mme Jocelynne Paris sur le sujet ci-haut mentionné. Plus tard dans la journée, j’ai examiné votre lettre et les documents, et je vous ai téléphoné pour en discuter. Étant donné que vous étiez absente, j’ai laissé un message. La présente a pour but de souligner et de confirmer l’information que je vous ai transmise. [Souligné par mes soins.]

Si vous souhaitez obtenir de plus amples renseignements sur le sujet ou en discuter, n’hésitez pas à communiquer avec moi, au (819) 997-8977. [Souligné par mes soins.]

[18] Enfin, pendant la conférence téléphonique avant l’audience, le 11 octobre 2001, les deux conseillers ont accepté de poursuivre la révision et se sont entendus entre eux pour ne pas soulever les questions de partialité ou de dessaisie au cours de l’audience.

[19] Pour toutes ces raisons, j’estime que mes communications avec le bureau de Mme Symes, les 6 et 7 juin 2001, ne constituent pas une décision ou une indication de partialité et je conclus que j’ai la compétence pour entendre le présent appel.

[20] Je me pencherai maintenant sur la question en litige, soit :

Le Code autorise-t-il la révision, par un agent d’appel, de la décision d’un agent de santé et de sécurité de ne pas donner une instruction après qu’un agent d’enquête ait enquêté sur une plainte en vertu de l’article 127.1 du Code, si l’enquête de l’agent est partiale ou erronée?

[21] Pour prendre une décision en l’espèce, je dois au moins répondre aux deux questions suivantes :

· Le Code fournit-il des détails explicites sur ces compétences?

· Si non, suis-je d’accord avec Mme Symes lorsqu’elle déclare qu’une lecture approfondie du Code nous révèle que ces compétences sont implicites?

[22] Pour ce qui est de la première question, M. Lawson a soutenu que la compétence des agents d’appel de mener une révision découle du paragraphe 129.(7), de l’article 146.1 et du paragraphe 146.1(1) du Code qui stipulent :

129.(7) Si l’agent conclut à l’absence de danger, l’employé ne peut se prévaloir de l’article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois – personnellement ou par l’entremise de la personne qu’il désigne à cette fin – appeler par écrit de la décision à un agent d’appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci. [Souligné par mes soins.]

146.(1) Tout employeur, employé ou syndicat que se sent lésé par des instructions données par l’agent de santé et de sécurité en vertu de la présente partie peut, dans les trente jours qui suivent la date où les instructions sont données ou confirmées par écrit, interjeter appel de celles-ci par écrit à un agent d’appel. [Souligné par mes soins.]

146.1(1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

(a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

(b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées. [Souligné par mes soins.]

Il a soutenu que le Code ne confère aucune compétence pour réviser quelque chose qui n’est ni une décision ni une instruction parce que les agents de santé et de sécurité sont des spécialistes qualifiés.

[23] Mme Symes ne remet pas en question la teneur ou l’interprétation de ces paragraphes. Elle a cependant maintenu qu’une lecture approfondie de la partie II et de la jurisprudence confirment que les agents d’appel sont implicitement habilités à réviser le choix des agents de santé et de sécurité de ne pas donner d’instruction lorsqu’une enquête en vertu de l’article 127.1 du Code est teintée de partialité ou fondamentalement erronée.

[24] En me fondant sur tout cela, je conclus que le Code ne confère pas de compétence explicite à un agent d’appel pour réviser la décision d’un agent de santé et de sécurité de ne pas donner d’instruction après une enquête en vertu de l’article 127.1 du Code, que l’enquête soit ou non teintée de partialité ou fondamentalement erronée.

[25] Mme Symes s’est déclarée d’accord avec le fait que l’article 146.1 du Code autorise un agent d’appel à réviser une instruction donnée par un agent de santé et de sécurité en vertu des paragraphes 145.(1) et (2) du Code ou une conclusion d’absence de danger prononcée par un agent de santé et de sécurité en vertu du paragraphe 129.(7). Cependant, elle a soutenu qu’une lecture approfondie du Code ne permet pas de conclure qu’il n’existe pas de mécanisme dans le Code pour interjeter un appel de la décision d’un agent de santé et de sécurité lorsque l’enquête sur une plainte en vertu du paragraphe 127.1(9)[2] du Code est entachée de partialité ou fondamentalement erronée. Elle a apporté des précisions en affirmant qu’elle ne soutenait pas que le droit d’appel est automatique simplement parce qu’une personne n’est pas d’accord avec l’agent de santé et de sécurité. Le Code devrait autoriser les employés à interjeter un appel d’une enquête partiale ou fondamentalement erronée, et que, comme le Code leur confère de vastes compétences, ce sont les agents d’appel qui seraient investis de ce pouvoir.

[26] Mme Symes a tout d’abord porté à mon attention l’article 122.1 qui établit que le Code a pour objet de prévenir les accidents. Elle a soutenu que toute lecture du Code qui concorde avec ce but doit être privilégiée. L’article 122.1 du Code stipule :

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liées à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions. [Souligné par mes soins.]

[27] Elle a ensuite porté notre attention sur les articles 124 et 125 du Code. L’article 124 impose aux employeurs l’obligation de protéger la santé et la sécurité des employés, et l’article 125 leur impose de respecter les normes réglementaires et les codes de pratiques. Elle a soutenu que ces normes sont essentielles pour préserver la vie de tous les employés et qu’on ne peut en faire fi impunément. Elle a en outre soutenu que l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) place la sécurité dans la même catégorie que la liberté et la sécurité des personnes. Les articles 124 et 125 stipulent :

124. L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

125. Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

(a)...de veiller à ce que tous les ouvrages et bâtiments permanents et temporaires soient conformes aux normes réglementaires;…

[28] L’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés stipule :

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

[29] Mme Symes a ensuite souligné que le Code prévoit un système de responsabilité interne ou un processus autogéré pour traiter les non-conformités. Elle a mentionné l’article 134.1 du Code qui oblige les employeurs ayant un personnel de 300 employés ou plus à constituer un comité sur les politiques de santé et de sécurité en vue d’examiner les questions de santé et de sécurité dans l’entreprise. Elle a aussi mentionné le paragraphe 135.(1) qui exige que l’employeur constitue un ou des comités de santé et de sécurité chargé d’examiner les questions qui concernent chacun des lieux de travail. Pour ces deux genres de comité, le syndicat nomme des employés syndiqués pour les milieux de travail syndiqués. Mme Symes a soutenu que le Code exige qu’un comité de ce genre participe à l’enquête et à la résolution des problèmes de santé et de sécurité en consultation avec l’employeur.

[30] Mme Symes a affirmé que le Code reconnaît que certaines questions ne pourront être résolues lorsque les comités ne peuvent arriver à une entente sur des questions de santé et de sécurité, et prévoit la participation des agents de santé et de sécurité pour résoudre ces dilemmes. Elle a porté à mon attention l‘article 127.1 qui stipule :

(8) La plainte fondée sur l’existence d’une situation constituant une contravention à la présente partie peut être renvoyée par l’employeur ou l’employé à l’agent de santé et de sécurité dans les cas suivants :

a) l’employeur conteste les résultats de l’enquête;

b) l’employeur a omis de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation faisant l’objet de la plainte dans les délais prévus ou d’en informer les personnes chargées de l’enquête;

c) les personnes chargées de l’enquête ne s’entendent pas sur le bien-fondé de la plainte.

(9) L’agent de santé et de sécurité saisi de la plainte fait enquête sur celle-ci ou charge un autre agent de santé et de sécurité de le faire à sa place. [Souligné par mes soins.]

(10) Au terme de l’enquête, l’agent de santé et de sécurité :

a) peut donner à l’employeur ou à l’employé toute instruction prévue au paragraphe 145(1);

b) peut, s’il l’estime opportun, recommander que l’employeur et l’employé règlent à l’amiable la situation faisant l’objet de la plainte;

c) s’il conclut à l’existence de l’une ou l’autre des situations mentionnées au paragraphe 128(1), donne des instructions en conformité avec le paragraphe 145(2).

(11) Il est entendu que les dispositions du présent article ne portent pas atteinte aux pouvoirs conférés à l’agent de santé et de sécurité sous le régime de l’article 145;

[31] Mme Symes a soutenu que, pour que le système de responsabilité interne fonctionne de manière appropriée, les agents de santé et de sécurité doivent mener une enquête lorsque les employés et les employeurs ne peuvent arriver à une entente. Selon elle, si un agent de santé et de sécurité n’enquête pas sur une plainte, ou si l’enquête menée est partiale ou fondamentalement erronée, c’est comme s’il n’y avait jamais eu d’enquête. Mme Symes a ensuite porté à mon attention certaines décisions de la Cour fédérale ou d’autres conseils d’arbitrage qui ont annulé les instructions d’agents de santé et de sécurité lorsque les agents ont omis :

[TRADUCTION]

· de se rendre sur les lieux du travail[3];

· de se montrer équitables et de faire preuve d’un esprit ouvert, sans préjugé, dans leur enquête[4];

· de faire place aux deux parties dans leur enquête;[5]

· d’être exhaustifs (p. ex. de tenir compte de tous les aspects de la plainte présentée et de tous les faits pertinents)[6];

· de faire une interprétation approprié de la loi[7].

D’après Mme Symes, si un agent de santé et de sécurité ne satisfait pas une de ces exigences fondamentales d’une enquête, l’enquête est alors teintée de partialité ou fondamentalement erronée. C’est exactement comme si l’enquête n’avait jamais eu lieu.

[32] Mme Symes a convenu que les agents d’appel examinent habituellement les dossiers présentés par les agents de santé et de sécurité comme fondement de l’appel. Elle a néanmoins soutenu que l’intention du Parlement devait être d’autoriser un agent d’appel à prendre un nouveau départ dans son examen du cas compte tenu des vastes pouvoirs qui lui sont conférés en vertu des articles 141 et 146.2 du Code. Le paragraphe 141.(1) et l’article 146.2 du Code stipulent :

141.(1) Dans l’exercice de ses fonctions et sous réserve de l’article 143.2, l’agent de santé et de sécurité peut, à toute heure convenable, entrer dans tout lieu de travail placé sous l’entière autorité d’un employeur. En ce qui concerne tout lieu de travail en général, il peut :

a) effectuer des examens, essais, enquêtes et inspections ou ordonner à l’employeur de les effectuer;

b) procéder, aux fins d’analyse, à des prélèvements de matériaux ou substances ou de tout agent biologique chimique ou physique;

c) apporter le matériel ou se faire accompagner ou assister par les personnes qu’il estime nécessaires;

d) emporter, aux fins d’essais ou d’analyses, toute pièce de matériel ou d’équipement lorsque les essais ou analyses ne peuvent raisonnablement être réalisés sur place;

e) prendre des photographies et faire des croquis;

f) ordonner à l’employeur de faire en sorte que tel endroit ou tel objet ne soit pas dérangé pendant un délai raisonnable en attendant l’examen, l’essai, l’enquête ou l’inspection qui s’y rapporte;

g) ordonner à toute personne de ne pas déranger tel endroit ou tel objet pendant un délai raisonnable en attendant l’examen, l’essai, l’enquête ou l’inspection qui s’y rapporte;

h) ordonner à l’employeur de produire des documents et des renseignements afférents à la santé et à la sécurité de ses employés ou à la sécurité du lieu lui-même et de lui permettre de les examiner et de les reproduire totalement ou partiellement;

i) ordonner à l’employeur ou à un employé de faire ou de fournir des déclarations – en la forme et selon les modalités qu’il peut préciser – à propos des conditions de travail, du matériel et de l’équipement influant sur la santé ou la sécurité des employés;

j) ordonner à l’employeur ou à un employé, ou à la personne que désigne l’un ou l’autre, selon le cas, de l’accompagner lorsqu’il se trouve dans le lieu de travail;

k) avoir des entretiens privés avec toute personne, celle-ci pouvant, à son choix, être accompagnée d’un représentant syndical ou d’un conseiller juridique.

(2) L’agent peut donner à l’employeur ou à l’employé les ordres prévus au paragraphe (1) même s’il ne se trouve pas physiquement sur le lieu de travail.

146.2 Dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 146.1(1), l’agent d’appel peut :

a) convoquer des témoins et les contraindre à comparaître sous serment, oralement ou par écrit, ainsi qu’à produire les documents et les pièces qu’il estime nécessaires pour lui permettre de rendre sa décision;

b) faire prêter serment et recevoir des affirmations solennelles;

c) recevoir sous serment, par voie d’affidavit ou sous une autre forme, tous témoignages et renseignements qu’il juge indiqués, qu’ils soient admissibles ou non en justice;

d) procéder, s’il le juge nécessaire, à l’examen de dossiers ou registres et à la tenue d’enquêtes;

e) suspendre ou remettre la procédure à tout moment;

f) abréger ou proroger les délais applicables à l’introduction de la procédure, à l’accomplissement d’un acte, au dépôt d’un document ou à la présentation d’éléments de preuve;

g) en tout état de cause, accorder le statut de partie à toute personne ou tout groupe qui, à son avis, a essentiellement les mêmes intérêts qu’une des parties et pourrait être concerné par la décision;

h) fixer lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie la possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part;

i) trancher toute affaire ou question sans tenir d’audience;

j) ordonner l’utilisation de modes de télécommunications permettant aux parties et à lui-même de communiquer les uns avec les autres simultanément.

[33] À cet égard, Mme Symes a en outre souligné que les agents d’appel sont mieux placés que la Cour fédérale pour examiner les situations dans lesquelles l’enquête de l’agent de santé et de sécurité est teintée de partialité ou fondamentalement erronée, ou pour rectifier la situation. Elle a fait référence aux vastes pouvoirs d’enquête conférés aux agents d’appel par le Code, et a soutenu que les agents d’appel ont le pouvoir de traiter ces questions de manière opportune. Elle a également ajouté que les agents d’appel ont reçu une formation en santé et en sécurité, et qu’il est logique qu’une plainte fasse l’objet d’un examen par un agent d’appel avant d’être portée en appel devant la Cour fédérale.

[34] En réponse, M. Lawson a répété que le paragraphe 146.1(1) du Code n’autorise l’agent d’appel qu’à examiner les décisions des agents de santé et de sécurité rendues en vertu du paragraphe 129.(7) et les instructions données par ces agents en vertu de l’article 145 du Code. Il a souligné que les articles 146 ou 146.1 ne mentionnent aucun processus d’appel relativement aux enquêtes des agents de santé et de sécurité, et que les dispositions du nouveau système de responsabilité interne ne confèrent pas implicitement des pouvoirs supplémentaires aux agents d’appel. Il a soutenu que l’omission de mener une enquête appropriée pourrait peut-être faire l’objet d’une révision judiciaire, mais que les agents d’appel ne sont pas habilités à réviser les questions d’équité. Il a fait valoir qu’en agissant ainsi, un agent d’appel ferait une erreur en droit.

[35] M. Lawson a déclaré qu’après leur enquête, les agents de santé et de sécurité peuvent donner des instructions, décider de l’existence ou de l’absence d’un danger ou présenter des rapports. Il a suggéré qu’une promesse de conformité volontaire est essentiellement un rapport et a répété que le paragraphe 146.1(1) du Code n’autorise pas un agent d’appel à réviser un rapport ou une promesse de conformité volontaire. Il a ajouté que, si je devais décider que j’ai la compétence de réviser un rapport ou une non-instruction, je devrais tout d’abord établir un critère pour déterminer ce qui constitue une enquête teintée de partialité ou fondamentalement erronée.

[36] Enfin, il a rejeté les cas de jurisprudence présentés par Mme Symes. Il a soutenu que ces affaires traitent de l’examen d’instructions ou de décisions qui ne sont pas régies par le Code.

[37] En ce qui a trait à la question de la partialité de l’agent de santé et de sécurité, M. Lawson a porté mon attention au paragraphe 23 de la décision de l’agent régional de sécurité, Serge Cadieux, dans l’affaire du Canada (Services correctionnels) et du Syndicat du Solliciteur général [1998] décision de l’agent régional de santé et de sécurité du Code canadien du travail no 12, décision no 98-012, en date du 26 octobre 1998. M. Cadieux a écrit :

« Avant de rendre ma décision dans cette affaire, je dois avertir les parties que je ne veux pas commenter les allégations de M. Snyder selon lesquelles la conduite de l’agent de sécurité était entachée de partialité et de parti pris à l’encontre de l’employeur pendant son enquête. Il dispose d’autres recours pour soulever cette question. L’audience devant l’agent régional de sécurité ne fait pas partie de ces recours à moins qu’il soit établi que la mauvaise conduite présumée a directement influé sur la décision de l’agent de sécurité. Je ne suis pas convaincu que celui-ci a agi d’une telle manière. »

****

[38] D’un autre côté, je suis d’accord avec Mme Symes lorsqu’elle soutient que les différents articles qu’elle a mentionnés confirment que le Code régit le fonctionnement du système de responsabilité interne. Je suis en outre d’accord que l’article 127.1 du Code est un élément clé pour le système de responsabilité interne puisqu’il confère à l’agent de santé et de sécurité le mandat d’intervenir lorsque les employeurs et les employés ne peuvent s’entendre sur l’existence d’une contravention, ou sur les solutions à apporter à cette situation. Les seuls autres articles du Code qui touchent le mandat d’enquête d’un agent de santé et de sécurité sont les articles 126 (accidents mortels) et 129.1 (droit de refus). Je dois donc tirer de cela l’interprétation que le Parlement estimait que les enquêtes en vertu de l’article 127.1 avaient ce degré d’importance et ne devaient pas être prises à la légère.

[39] Je comprend aussi très bien son argument à l’effet que le travail de l’agent de santé et de sécurité est tellement important pour la santé et la sécurité des personnes, qu’il n’est qu’équitable que les employés puissent accéder à un examen approprié et opportun des décisions de ces agents lorsque leurs enquêtes en vertu de l’article 127.1 sont entachées de partialité ou fondamentalement erronées. Sans une enquête appropriée, des contraventions sérieuses pourraient ne jamais être détectées ou corrigées comme il se doit.

[40] Elle a également soutenu que les agents d’appel sont bien placés pour fournir des examens opportuns de première instance sur des plaintes de ce genre puisqu’ils sont des spécialistes de la santé et de la sécurité, et que le Code leur confère de grands pouvoirs d’enquête. Je suis d’accord avec elle lorsqu’elle soutient que les affaires mentionnées offrent un critère pour déterminer si une enquête est teintée de partialité ou fondamentalement erronée.

[41] D’un autre côté, je note, en examinant le Code, que le ministre est autorisé à désigner des personnes compétentes à titre d’agent d’appel. L’article 145.1 stipule :

145.1 (1) Le ministre peut désigner toute personne compétente à titre d’agent d’appel pour l’application de la présente partie. [Souligné par mes soins.]

[42] Pour cerner les fonctions d’un agent d’appel, il importe de lire le paragraphe 146.(2) (absence de suspension) et l’article 146.1 du Code qui stipulent :

146.(2) À moins que l’agent d’appel n’en ordonne autrement à la demande de l’employeur, de l’employé ou du syndicat, l’appel n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre des instructions. [Souligné par mes soins.]

146.1 (1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décisions ou les instructions;

b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées.

(2) Il avise par écrit de sa décision, de ses motifs et des instructions qui en découlent l’employeur, l’employé ou le syndicat en cause; l’employeur en transmet copie sans délai au comité local ou au représentant.

(3) Dans le cas visé à l’alinéa (1)b), l’employeur appose ou fait apposer sans délai dans le lieu, sur la machine ou sur la chose en cause, ou à proximité de ceux-ci, un avis en la forme et la teneur précisées par l’agent d’appel. Il est interdit d’enlever l’avis sans l’autorisation de celui-ci.

(4) L’interdiction – utilisation d’une machine ou d’une chose, présence dans un lieu ou accomplissement d’une tâche – éventuellement prononcée par l’agent d’appel aux termes de l’alinéa (1)b) reste en vigueur jusqu’à exécution des instructions dont elle est assortie; le présent paragraphe n’a toutefois pas pour effet de faire obstacle à la prise des mesures nécessaires à cette exécution. [Souligné par mes soins.]

[43] Je n’interprète pas de tout ceci, ou de toute autre partie du Code, que l’agent d’appel possède de vastes responsabilités à l’égard de l’administration générale du Code, y compris les activités d’exécution des agents de santé et de sécurité. Le Code semble plutôt très explicite sur les pouvoirs des agents d’appel.

[44] En outre, le paragraphe 140.(1) du Code autorise le ministre à désigner des personnes compétentes pour assumer les tâches d’agent de santé et de sécurité. Le paragraphe 140.(1) stipule :

Le ministre peut désigner toute personne compétente comme agent de santé et de sécurité ou agent régional de santé et de sécurité pour l’application de la présente partie. [Souligné par mes soins.]

[45] Le terme « personne compétente » est défini dans la partie 1 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, qui stipule :

« personne qualifiée » Relativement à un travail précis, personne possédant les connaissances, la formation et l’expérience pour exécuter ce travail comme il convient et en toute sécurité. [Souligné par mes soins.]

[46] Bien qu’une définition du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail n’ait pas nécessairement force obligatoire sur les termes utilisés dans le Code, je déduis du paragraphe 140.(1) et de l’article 122.1 (objet du Code) que les agents de santé et de sécurité doivent être capables d’exercer la discrétion qui leur est conférée par le Code. Il me semble que, si un employeur ou un employé pense que l’enquête d’un agent de santé et de sécurité est teintée de partialité ou fondamentalement erronée, son recours est de présenter une plainte à Développement des ressources humaines Canada ou directement ou ministre du Travail. J’aurais également tendance à croire que l’employeur ou l’employé pourrait également demander une révision judiciaire.

[47] L’alinéa 127.1(10)a) et le paragraphe 145.(1) du Code confèrent explicitement aux agents de santé et de sécurité des pouvoirs discrétionnaires nécessaires pour donner ou non des instructions dans une situation de contravention à la partie II. Le paragraphe 145.(1) existe, sous une forme ou une autre, depuis au moins 1984. Le paragraphe 127.1 a été ajouté lors de la modification du Code en 2000. Bien que ma position ne soit pas définitive, il me semble que, si le temps avait prouvé que l’absence d’un processus d’appel sur le choix d’un agent de ne pas donner d’instructions sur une contravention était une omission sérieuse, le Parlement aurait eu la possibilité en 2000 de réviser le Code en conséquence et d’y inclure un processus d’appel à cet égard. Il ne l’a pas fait. Actuellement, l’alinéa 127.1(10)a) et l’article 145.1 stipulent :

127.1(10) Au terme de l’enquête, l’agent de santé et de sécurité :

a) peut donner à l’employeur ou à l’employé toute instruction prévue au paragraphe 145(1); [Souligné par mes soins.]

145.(1) S’il est d’avis qu’une contravention à la présente partie vient d’être commise ou en train de l’être, l’agent de santé et de sécurité peut donner à l’employeur ou à l’employé en cause l’instruction :

a) d’y mettre fin dans le délai qu’il précise;

b) de prendre, dans les délais précisés, les mesures qu’il précise pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition. [Souligné par mes soins.]

[48] À cet égard, il me semble logique que le Parlement ait permis aux agents de santé et de sécurité d’exercer certains pouvoirs discrétionnaires en ce qui a trait aux instructions compte tenu du fait que les contraventions au Code n’ont pas toute la même gravité; certaines sont majeures alors que d’autres sont mineures. Dans le cas de contraventions moins importantes, le pouvoir discrétionnaire conféré aux agents de santé et de sécurité en vertu de l’alinéa 127.1(10)a) et du paragraphe 145.(1) leur permet d’en arriver à la conformité par d’autres stratégies d’exécution, comme l’acceptation d’une promesse de conformité volontaire.

[49] Enfin, même si je concluais que les agents d’appel ont l’autorité implicite suggérée par Mme Symes, je ne peux trouver dans le Code aucune compétence pour corriger la situation. L’article 146.1 n’autorise spécifiquement les agents d’appel qu’à donner des instructions lorsqu’il y a un danger et ne traite pas des contraventions. De toute évidence, le Parlement aurait nanti les agents d’appel des compétences nécessaires pour donner des instructions à l’égard d’une contravention ou à renvoyer un dossier à l’agent de santé et de sécurité si telle avait été son intention lorsque le Code a été modifié en 2000. Le paragraphe 146.1(1) stipule :

146.1 (1) Saisi d’un appel en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées. [Souligné par mes soins.]

[50] Pour en arriver à une décision, j’ai trouvé dans la présente affaire que les arguments des deux parties étaient convaincants. Je peux fort bien comprendre l’argument de Mme Symes à l’effet que l’absence dans le Code d’un mécanisme pour en appeler de l’enquête d’un agent de santé et de sécurité qui serait teintée de partialité ou fondamentalement erronée peut sembler contradictoire avec les dispositions du système de responsabilité interne et la disposition sur l’objet de la partie II. Les faits allégués dans la présente affaire (voir le paragraphe [3]), suggèrent que, lorsqu’elle a mené son enquête suite à une plainte d’existence de danger du SCFP, l’agent de santé et de sécurité de Transports Canada ne l’aurait pas fait en présence des employés et des employeurs. Si tel est le cas, on peut comprendre pourquoi le SCFP souhaite poursuivre cette affaire.

[51] Néanmoins, malgré mes efforts, je ne peux me convaincre que le Code autorise implicitement les agents d’appel à réviser la décision d’un agent de santé et de sécurité de ne pas donner d’instruction, que l’enquête soit ou non teintée de partialité ou fondamentalement erronée. C’est à regret que je conclus que je ne possède pas les compétences nécessaire pour entendre cet appel, et le dossier est maintenant clos.

[52] Bien que la présente affaire ne porte pas sur cette question, je crois nécessaire, en raison de ma décision, de rappeler aux employés, aux employeurs et aux agents de santé et de sécurité qu’un employé qui décide d’exercer son droit de refuser de travailler en vertu de l’article 128 du Code n’a pas à déclarer « Je refuse de travailler » ou « J’exerce mon droit de refus de travailler en vertu du Code ». On peut trouver des références sur ce point dans Tremblay c. Bell Canada (1985) CCRT, Paquin c. CAFS Inc. (1991) CCRT, et Simon c. Société canadienne des postes, (1993), CCRT. Dans cette dernière affaire, l’arbitre a écrit :

« Le Conseil a déjà dit qu’il n’existe pas de mot magique, ni de formule-type, ni d’obligation de mentionner de façon explicite les dispositions du Code pour qu’un refus de travail soit suffisamment et correctement exprimé. »

[53] Les employeurs et les agents de santé et de sécurité ne doivent pas confondre un refus de travailler en vertu de l’article 128 et une plainte présentée en vertu de l’article 127.1[8], ou déduire de l’article 127.1 qu’un refus en vertu de l’article 128 doit tout d’abord être adressé à l’employeur en vertu du paragraphe 127.1(1) avant d’agir en refusant de travailler. Le paragraphe 127.1(1) stipule :

127.1(1) Avant de pouvoir exercer les recours prévus par la présent partie – à l’exclusion des droits prévus aux articles 128, 129 et 132 –, l’employé qui croit, pour des motifs raisonnables, à l’existence d’une situation constituant une contravention à la présente partie ou dont sont susceptibles de résulter un accident ou une maladie liés à l’occupation d’un emploi doit adresser une plainte à cet égard à son supérieur hiérarchique. [Souligné par mes soins.]

[54] Ce qui est certain, c’est que la présente décision confirme qu’un agent d’appel n’est pas autorisé par le Code à réviser la décision d’un agent de santé et de sécurité à l’effet qu’il n’existe pas de danger, après que ce dernier a enquêté sur une plainte en vertu de l’article 127.1 du Code.

Douglas Malanka

Agent d’appel

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L’AGENT D’APPEL

No de la décision : 02-004

Demandeur :Pamela Sachs

Employeur : Air Canada

MOTS CLÉS : guide des agents de bord, instruction, absence d’instruction, promesse de conformité volontaire, danger, compétences, agents d’appel, révision ou examen, appel, compétences explicites de révision, compétences implicites de révision

DISPOSITIONS :

Code : 122.1, 124, 125, 127.1, 128, 129, 132, 134.1, 135.(1), 141, 145.(1), 145.(2), 146.(1), 146.1, 146.2

RÉSUMÉ :

Le 7 mai 2001, M. Jacques Servant, agent de santé et de sécurité, a écrit à Mme Pamela Sachs, du SCFP, afin de lui faire part des conclusions de l’agent de santé et de sécurité Diane Holmes qui a mené une enquête sur la plainte présentée par Mme Sachs. Mme Holmes a conclu qu’Air Canada se conformait au Code sur tous les points mentionnés par Mme Sachs, à l’exception de deux. L’agent Holmes a indiqué qu’elle avait accepté une promesse de conformité volontaire de la part d’Air Canada plutôt que de donner des instructions pour les deux infractions.

La conseillère du SCFP a déclaré que la lettre de M. Servant, en date du 7 mai 2001, constituait « une décision ou une instruction ». Elle a allégué que l’enquête de l’agent de santé et de sécurité Diana Holmes était teintée de partialité et fondamentalement erronée. Elle a demandé que le Bureau d’appel canadien en santé et en sécurité au travail révise la « décision ou instruction ».

Une audience a eu lieu le 16 octobre 2001. Elle visait à déterminer si un agent d’appel a les compétences, en vertu de la partie II, pour réviser la décision d’un agent de santé et de sécurité de ne pas donner d’instruction après l’examen d’une plainte en vertu de l’article 127.1, lorsque l’enquête est entachée de partialité ou fondamentalement erronée. Après avoir tenu compte des arguments des deux parties et examiné le Code, l’agent d’appel a conclu qu’il n’avait pas les compétences requises pour mener une telle révision, que l’enquête ait ou non été teintée de partialité ou fondamentalement erronée. L’affaire est maintenant close.


[1] Une promesse de conformité volontaire est, en bref, un document écrit par lequel l’employeur ou l’employé, selon le cas, promet de corriger les éléments contrevenant à la partie II et aux règlements avant une certaine date ou avant la fin d’une période déterminée.

[2] Le paragraphe 127.1(9) stipule :

L’agent de santé et de sécurité saisi de la plainte fait enquête sur celle-ci ou charge un autre agent de santé et de sécurité de le faire à sa place.

[3] Dragseth c. Canada (Conseil du Trésor), ref. Procureur général du Canada et Dragseth et al., Cour d’appel fédérale, le 30 octobre 1991.

[4] Davis (RE) David W. Davis, demandeur, et Alberta Wheat Pool, [2000] CCRI. no 26, CCRI. no 72, dossier 18747-C, S.E. Fitzgerald. En date du 25 mai 2000.

[5] Canada (Service correctionnel) et Syndicat des employés du Solliteur général, [1998] décision de l’agent régional de santé et de sécurité du Code canadien du travail no 12, .décision no 98-012.

[6] Baker c. ministre de la Citoyennenté et de l’Immigration, Canadian Council of Churches et al. Intervenants, dossier de la court no 25823, Cour suprême du Canada, jugement rendu le 9 juillet 1999.

[7] Baker c. ministre de la Citoyennenté et de l’Immigration, Canadian Council of Churches et al. Intervenants, dossier de la court no 25823, Cour suprême du Canada, jugement rendu le 9 juillet 1999.

[8] Bien que les alinéas 127.1(10)a) et c) indiquent que la plainte d’un employé peut donner lieu à une conclusion de présence de danger, on doit prendre note que le paragraphe (1) n’empêche pas un employé d’exercer ses droits en vertu des articles 128, 129 et 132.

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