Archivée - 2002 TSSTC 013 - Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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M. Juan Verville et quinze autres agents de correction, requérants
et
Service correctionnel du Canada établissement de Kent, employeur
et
Todd Campbell, agent de santé et de sécurité

No de décision : 02-013

Le 28 juin 2002

[1] Cette cause concerne un appel interjeté par M. Juan Verville et quinze autres agents de correction (AC) en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (le Code), concernant une décision sur l’absence de danger, au sens où l’entend le Code (notion ci-après désignée comme « danger »), donnée par l’agent de santé et de sécurité Todd Campbell, Développement des ressources humaines Canada, le 27 septembre 2001. L’employeur, Service correctionnel du Canada, en a également appelé en vertu du paragraphe 146(1) du Code des instructions que lui a données l’agent de santé et de sécurité en vertu du paragraphe 145(1) pour des mesures contraires à l’article 124 du Code (voir l’annexe).

[2] Les faits relatifs à cette cause ne sont pas en litige. Comme on leur a ordonné de ne pas porter de menottes sur eux, Juan Verville et quinze autres agents de correction ont refusé de s’acquitter de leurs fonctions à l’établissement de Kent, à Agassiz, en Colombie-Britannique. Ce refus de travailler s’est produit le 24 septembre 2001 en soirée. L’agent de santé et de sécurité est arrivé sur les lieux le 25 septembre 2001 afin d’enquêter sur les motifs du refus de travailler. Au cours des dix-huit mois précédents, M. Verville avait toujours des menottes sur lui lorsqu’il se trouvait dans les unités résidentielles, avec le consentement de la direction. Cependant, le 22 septembre 2001, son superviseur l’avisait de ne pas en porter dans les unités résidentielles. Le 24 septembre, on lui a ordonné de ne pas avoir de menottes lorsqu’il travaillait dans les unités résidentielles. En réaction à cette décision de la direction, M. Verville et quinze autres agents de correction ont refusé de travailler dans les unités résidentielles A à H de l’établissement. Le motif invoqué par les agents était leur crainte d’être exposés à un « danger », au sens où l’entend le Code, si on les forçait à travailler dans les unités sans qu’ils puissent porter des menottes.

[3] L’agent de santé et de sécurité a mené une enquête sur le refus de travailler et a conclu qu’il n’y avait en fait aucun danger en vertu du Code, puisqu’« on ne pouvait raisonnablement déduire que l’absence de menottes sur les AC pourrait leur causer des blessures ». Toutefois, en raison de la politique sur les menottes imposée par l’employeur, l’agent de santé et de sécurité a conclu que la santé et la sécurité des agents de correction n’étaient pas adéquatement protégées par l’employeur, Service correctionnel du Canada. Aussi, l’agent de santé et de sécurité a fait valoir qu’il y avait eu violation de l’article 124 du Code. Il a donc donné des instructions à Service correctionnel du Canada, dont voici un extrait pertinent :

[traduction] La santé et la sécurité des agents de correction travaillant dans les unités résidentielles A à H ne sont pas protégées du fait que ces employés n’ont pas le droit de porter sur eux, à leur discrétion, une paire de menottes approuvée par Service correctionnel du Canada lorsqu’ils se trouvent dans ces unités. Le fait de garder le plus près possible ces menottes normalement à la disposition des agents de correction dans les postes de contrôle (ou enceintes vitrées) des unités résidentielles empêche l’accès rapide à cet équipement pour maîtriser et protéger des détenus affichant un comportement violent à l’égard des agents de correction ou d’autres détenus. Le temps nécessaire pour obtenir cet équipement en cas de besoin prolonge l’altercation physique entre les agents de correction et les détenus, exige un déploiement de force physique plus important de la part des agents de correction pour calmer et maîtriser les détenus et, par le fait même, accroît la probabilité et la gravité des blessures pour les agents de correction (et les détenus).

[4] Les employés ont fait appel de la conclusion concernant l’absence de danger, et l’employeur a fait appel de la décision stipulant qu’il y avait violation.

Appel de la décision

[5] En ce qui a trait à la conclusion selon laquelle il n’y avait pas de danger, j’étais moi-même de l’avis de l’agent de santé et de sécurité. En vertu du paragraphe 128 (1) du Code, un employé peut refuser de travailler s’il a des motifs raisonnables de croire que ses fonctions en milieu de travail peuvent représenter un danger pour sa personne ou d’autres employés.

128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche s'il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

(a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

(b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

(c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

(2) L’employé ne peut invoquer le présent article pour refuser de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

(d) son refus met directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne;

(e) le danger visé au paragraphe (1) est inhérent à son emploi ou en constitue une condition normale.

[6] La notion de danger est définie au paragraphe 122(1) du Code, comme suit :

Situation, tâche ou risque existant ou éventuel, susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[7] L’agent de santé et de sécurité avait à déterminer si un tel danger existait pour les employés. Aussi, la véritable question en litige était de savoir si, lorsque l’agent de santé et de sécurité a enquêté sur le refus de travailler, il existait un tel danger qui donnait raison aux employés qui refusaient de travailler dans les unités résidentielles A à H sans menottes.

[8] J’ai moi-même clarifié la norme de preuve appropriée pour déterminer si un danger existe dans la décision de Parcs Canada c. Martin[1], où j’ai déclaré que :

[traduction] Afin de déclarer qu’un danger existe au moment de son enquête, l’agent de santé et de sécurité doit, en s’appuyant sur les faits qu’il a recueillis, formuler l’opinion que :

• l’activité en question se produira dans l’avenir[2];

• un employé sera exposé à l’activité lorsqu’elle se produira;

• on peut raisonnablement s’attendre à ce que :

- l’activité causera une blessure ou une maladie à l’employé qui y sera exposé;

- la blessure ou la maladie se produira immédiatement après l’exposition à l’activité.

[9] Rien n’indique dans la présente cause que les employés sont exposés à une activité qui leur causerait des blessures. Il est vrai qu’ils devaient travailler parmi des détenus dans un établissement à sécurité maximale, mais, ce soir-là, aucune menace ou situation spécifique n’aurait pu être raisonnablement la cause de blessures. Aucune information ne permettait non plus de croire que quelque chose d’anormal se produirait dans un avenir prévisible. Les agents de correction refusant de travailler étaient préoccupés par le risque qu’ils puissent être assaillis en tout temps par surprise. Cette préoccupation se base principalement sur le comportement imprévisible des détenus. Les témoignages des agents de correction étaient éloquents à ce sujet.

[10]Dans un environnement à sécurité maximale, comme l’établissement de Kent, le risque d’être assailli est toujours présent et est inhérent à l’emploi d’un agent de correction (voir la décision de la Cour fédérale dans Canada c. Lavoie[3]). Aussi existe-t-il un risque inhérent d’être assailli par surprise dans un tel environnement. Afin de déterminer si un danger existait, il aurait fallu démontrer, en fonction des faits recueillis durant l’enquête de l’agent de santé et de sécurité, qu’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que les agents de correction s’acquittant de leurs fonctions actuelles ou futures se fassent blesser. Cette attente raisonnable ne devrait pas s’appuyer sur une hypothèse ou des conjectures. De plus, les employés ont invoqué que des blessures se produiraient du fait que les agents de correction ne peuvent porter de menottes à leur discrétion. Cette opinion ne s’appuyait pas sur des faits.

[11]Les employés ont allégué qu’en ne leur permettant pas de porter des menottes, la durée d’une éventuelle bagarre avec un détenu serait prolongée, augmentant ainsi le risque de blessures. Cet argument se fonde sur la possibilité éventuelle d’une bagarre, ainsi que sur l’hypothèse non prouvée qu’une altercation plus longue augmente le risque de blessures. Comme dans la cause de Parcs Canada, je souhaite insister sur le fait que le concept de « danger », au sens où l’entend le Code, est unique dans la mesure où il ne s’applique que dans des circonstances exceptionnelles, et qu’il s’appuie seulement sur des faits. À l’instar de celle de Parcs Canada, cette cause se fonde sur le caractère imprévisible du comportement humain, un concept dont j’ai soulevé l’absence de parenté avec celui de danger, tel que défini dans le Code. J’ai conclu que le risque qui menaçait les agents le 24 septembre n’était rien d’autre que celui inhérent à leur travail.

[12]Pour toutes les raisons ci-dessus, je confirme la décision relative à l’absence de danger qu’a rendue l’agent de santé et de sécurité.

Appel des instructions

[13]En ce qui concerne l’appel des instructions données par l’agent de santé et de sécurité, l’employeur me demande d’intervenir. Ces instructions demandent à l’employeur de permettre le port de menottes à la discrétion des agents lorsqu’ils travaillent dans les unités résidentielles.

[14]Ces instructions se fondent sur une violation de l’article 124 du Code, soit :

L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité.

[15]Le Code permet à quiconque « lésé » par des instructions d’en appeler auprès d’un agent d’appel (par. (1)). L’agent d’appel peut ensuite mener une enquête « sommaire » sur les circonstances ayant donné lieu aux instructions, et peut alors les modifier, les annuler ou les confirmer (par. 146.1(1)). Le rôle de l’agent d’appel est de se mettre à la place de l’agent de santé et de sécurité et de porter le jugement que celui-ci avait à donner. Un appel en vertu du paragraphe 146(1) n’en est pas un au sens technique, et aucune pression n’est donc exercée sur quiconque (voir H.D. Snook[4]). Se basant sur le paragraphe 122.1, qui stipule que l’objet de la Partie II du Code est de « prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions », un agent d’appel n’a pour seul souci que de rendre une décision appropriée sur le plan de la santé et de la sécurité.

[16]Il n’existe aucune contradiction inhérente entre la conclusion qu’aucun « danger » au sens où l’entend le Code ne semble menacer les employés et la violation de la Loi. C’est la raison pour laquelle un agent de sécurité pourrait conclure que, bien qu’il n’y ait aucun « danger », un employeur pourrait ne pas avoir assuré la protection de la santé et de la sécurité de ses employés.

[17]Un agent de santé et de sécurité donne des instructions en vue de corriger une violation à la Loi. Dans la présente cause, l’agent de santé et de sécurité était d’avis que, pour remédier à l’incapacité de l’employeur d’assurer la protection de la santé et de la sécurité de ses employés, ceux-ci devraient avoir le droit de porter des menottes sur eux, à leur discrétion. Je ne suis pas convaincu que l’employeur a négligé de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité de ses employés. Je ne suis pas persuadé non plus que le fait de permettre aux employés de porter des menottes à leur discrétion serait un moyen approprié de régler le problème allégué.

[18]Je ne crois pas qu’il a été établi que l’employeur n’assurait pas la protection de la santé et de la sécurité de ses employés. Pour qu’il y ait violation, il faut conclure que l’employeur n’a pas pris toutes les mesures raisonnables d’assurer la santé et la sécurité de ses employés. À cet égard, les employeurs peuvent, en partie, se fier au paragraphe 122.2, qui stipule que :

La prévention devrait consister avant tout dans l’élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d’équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d’assurer la santé et la sécurité des employés.

[19]Dans la présente cause, selon moi, l’employeur a pris toutes les mesures raisonnables pour assurer la santé et la sécurité de ses employés. Il a tenté (autant que faire se peut dans un milieu carcéral) d’éliminer et de réduire les risques en offrant une formation aux agents de correction, en procédant à une évaluation des risques et en établissant un modèle de sécurité active à des fins d’interaction avec les détenus. Les agents de correction sont également munis d’une alarme de protection individuelle, qui fonctionne comme un « bouton d’urgence » pour demander de l’aide, en plus d’avoir accès à de l’équipement de protection, comme des menottes et un aérosol de OC, dans le poste de contrôle de l’unité résidentielle (enceinte vitrée), où un agent de correction armé demeure en alerte.

[20]Il va de soi que l’employeur pourrait toujours en faire plus pour protéger ses employés. Cependant, dans Westcoast Energy c. Cadieux[5], la Cour fédérale avait clairement établi que l’article 125 (et, par extension, l’article 124) du Code n’imposait pas d’obligations légales à l’employeur au-delà d’une certaine norme minimale. À ce raisonnement avaient succédé des décisions, comme Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Scully[6], dans lesquelles l’agent régional de sécurité (maintenant l’agent d’appel) D. Malanka avait conclu que, pour qu’il y ait violation à l’article 124, il fallait prouver « de façon irréfutable qu’une protection accrue était nécessaire dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail ». Dans une autre décision[7], plus récente, M. Malanka déclarait que, pour demander l’installation d’équipement de sécurité (dans cette cause, un système de prévention des incendies), il devait être convaincu de sa nécessité pour protéger la santé et la sécurité des employés et que, selon toute probabilité, les mesures de sécurité actuelles étaient inadéquates pour assurer la protection des employés.

[21]Il a également été établi dans la cause qui nous intéresse que :

· rien ne prouve que l’absence de menottes sur les agents de correction a déjà été une cause de blessures;

· on demande aux agents de correction de ne pas porter de menottes en raison du modèle de sécurité active, qui requiert des agents qu’ils diminuent les « faits d’armes » (comme le port de menottes) dans le but de rehausser leur sécurité;

· les alarmes de protection individuelle ont un temps de réponse très rapide (pas plus de deux minutes, voire moins d’ordinaire).

[22]Aussi, je ne suis pas convaincu qu’il y a eu infraction à l’article 124, et que des instructions s’avèrent nécessaires.

[23]Par ailleurs, même s’il y avait eu infraction à l’article 124, les instructions données ne remédieraient pas adéquatement à la situation. Les employés ont allégué qu’en ne disposant pas de menottes rapidement, c’est-à-dire sur eux, ils étaient en danger (ou, plus précisément, risquaient d’être en danger) du fait que n’importe quelle altercation physique éventuelle pourrait être prolongée jusqu’à ce que quelqu’un arrive avec des menottes. En supposant que ce soit le cas, il semble qu’il faudrait exiger le port obligatoire des menottes. Comme cet argument se fonde sur le caractère imprévisible d’une bagarre avec un détenu, ainsi que sur la durée variable d’une telle bagarre, tout agent de correction qui choisirait de ne pas porter de menottes ce jour-là, serait aussi désavantagé que celui à qui la direction aurait empêché d’en porter. De la même manière que le port des autres dispositifs de sécurité, comme les casques de protection, n’est pas discrétionnaire dans certaines situations, celui de menottes ne l’est pas, même s’il est vraiment nécessaire. L’utilisation d’équipement de sécurité ne devrait pas faire l’objet d’une décision discrétionnaire de la part des employés.

[24]J’accepte la déclaration de l’employeur en vertu de laquelle un important élément du modèle de sécurité active est le « retrait des symboles d’autorité traditionnels » pendant les interactions entre les détenus et le personnel. De plus, si un agent de correction pressentait des risques plus élevés durant certains quarts de travail, il pourrait alors demander la permission de porter des menottes. L’employeur privilégie cette option parce qu’elle est conforme au modèle de sécurité active. L’employeur peut ainsi se tenir au courant de toute augmentation des risques menaçant ses employés ou les détenus, alors que ce ne serait peut-être pas le cas si les agents de correction portaient des menottes à leur discrétion, sans aucune obligation de rendre des comptes. De fait, l’approche actuelle, qui force l’agent de correction à demander la permission avant de porter des menottes, encourage celui-ci à partager de l’information sur les risques. La dissimulation de l’information pourrait nuire à la capacité de Service correctionnel du Canada de gérer ses pénitenciers d’une manière responsable et diligente. En dépit du fait qu’il existe des risques inhérents à l’emploi, l’employeur doit prendre des mesures afin de s’assurer que toute fonction ou activité ne pose aucun risque superflu. Je crois que l’employeur a pris les mesures nécessaires pour diminuer les risques dans cette cause.

[25]Cependant, je tiens à souligner que je ne suis pas antipathique aux préoccupations exprimées par les agents de correction. Leur travail n’est pas facile, et, depuis au moins 1991[8], les interprètes du Code font part de leur frustration relativement au fait que le Code n’est pas nécessairement le bon véhicule pour régler des problèmes comme celui-ci.

[26]En raison de cela, les problèmes les plus manifestes, comme le fait que certains employés ne se sentent pas confiants à l’égard de l’engagement de leur employeur en matière de santé et de sécurité, ou la confusion caractérisant les exigences stratégiques et celles imposées par l’employeur, incitent à croire que le processus de règlement des plaintes, mentionné au paragraphe 127.1 du Code, répondrait peut-être mieux aux préoccupations des agents de correction

[27]Pour toutes les raisons ci-dessus, j’annule la décision rendue par l’agent de sécurité Todd Campbell, le 27 septembre 2001.

_____________­­­________

Serge Cadieux

Agent d’appel

ANNEXE

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTIONS DONNÉES À L’EMPLOYEUR

EN VERTU DU PARAGAPHE 145(1)

Le 25 septembre 2001, l’agent de santé et de sécurité soussigné a mené une enquête conséquemment au refus de travailler des employés dont les noms figurent à la page ci-jointe, dans le milieu de travail géré par Service correctionnel du Canada, représentant un employeur en vertu du Code canadien du travail, Partie II, boîte postale 1500, 4732 Cemetary Road, Agassiz (Colombie-Britannique), V0M 1A0. Le lieu de travail désigné étant parfois connu sous le nom d’établissement de Kent.

L’agent de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante du Code canadien du travail, Partie II, est violée :

124. L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

La santé et la sécurité des agents de correction travaillant dans les unités résidentielles A à H ne sont pas protégées du fait que ces employés ne peuvent porter sur eux, à leur discrétion, une paire de menottes approuvée par Service correctionnel du Canada pendant qu’ils se trouvent dans ces unités. Le fait de garder le plus près possible ces menottes normalement à la disposition des agents de correction dans les postes de contrôle (ou enceintes vitrées) des unités résidentielles empêche l’accès rapide à cet équipement pour maîtriser et protéger des détenus affichant un comportement violent à l’égard des agents de correction ou d’autres détenus. Le temps nécessaire pour obtenir cet équipement en cas de besoin prolonge l’altercation physique entre les agents de correction et les détenus, exige un déploiement de force physique plus important de la part des agents de correction pour calmer et maîtriser les détenus et, par le fait même, accroît la probabilité et la gravité des blessures pour les agents de correction (et les détenus).

Par conséquent, JE VOUS DONNE PAR LA PRÉSENTE POUR INSTRUCTION, en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, Partie II, de mettre fin à cette violation au plus tard le 11 octobre 2001.

Décision rendue à Surrey, ce 27e jour de septembre 2001.

TODD CAMPBELL

Agent de santé et de sécurité

Destinataire : SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

Établissement de Kent

Boîte postale 1500

4732, Cemetary Road

Agassiz (Colombie-Britannique) V0M 1A0

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION RENDUE PAR L’AGENT D’APPEL

No de décision : 02-013

Requérant : M. Juan Verville et quinze autres agents de correction

Intimé : Service correctionnel du Canada, établissement de Kent

Dispositions :

Code canadien du travail: 122(1), 124, 128(1), 129(7), 145(1), 146(1)

Mots clés : Danger, agents de correction, unités résidentielles, menottes, discrétion de porter des menottes, établissement à sécurité maximale, assaillir, imprévisibilité du comportement humain, risques et voies de fait, mesures de protection nécessaires pour les employés, sécurité interactive, évaluation des risques, alarme de protection individuelle, poste de contrôle de l’unité résidentielle, temps de réponse de l’alarme de protection individuelle, durée d’une altercation, risque inhérent.

Résumé :

On a demandé à un agent de santé et de sécurité d’enquêter sur un refus de travailler à l’établissement de Kent. M. Juan Verville et quinze autres agents de correction (AC) refusaient de travailler dans les unités résidentielles A à H de l’établissement parce que la direction leur avait ordonné de ne pas porter de menottes dans ces unités. L’agent de santé et de sécurité a conclu que les AG n’étaient pas en danger, au sens où l’entend le Code canadien du travail, Partie II (le Code). Cependant, il a conclu que Service correctionnel du Canada (SCC) enfreignait l’article 124 du Code en ne permettant pas aux AC de porter une paire de menottes sur eux, à leur discrétion. L’agent de santé et de sécurité a donné des instructions à SCC en vertu du paragraphe 145(1) du Code. Les employés ont interjeté appel de la décision selon laquelle il y avait absence de danger, alors que SCC en a appelé des instructions reçues.

Lors de l’appel, l’agent d’appel a confirmé la décision selon laquelle il y avait absence de danger et a révoqué les instructions données pour cause de violation.

L’agent d’appel partageait l’avis de l’agent de santé et de sécurité sur l’absence de danger, au sens où l’entend le Code, au moment de son enquête auprès des AC. Il a reconnu l’existence d’un risque inhérent de voies de fait dans un établissement carcéral, mais aucune information à sa disposition ne permettait de conclure au déroulement actuel ou futur d’un incident. L’agent d’appel a conclu que les préoccupations des AC étaient attribuables au caractère imprévisible du comportement des détenus, un concept sans lien avec celui de danger, au sens où l’entend le Code.

En ce qui a trait aux instructions, l’agent d’appel était d’avis que les mesures prises par SCC étaient suffisantes pour protéger la santé et la sécurité des employés. En se fondant sur la décision rendue par la Cour fédérale dans Westcoast c. Cadieux, l’agent d’appel a jugé que l’article 124 du Code n’imposait pas d’obligations légales à l’employeur au-delà d’une certaine norme minimale. Les mesures adoptées par l’employeur pour protéger les AC comprenaient des activités de formation, des exercices d’évaluation des risques et l’établissement d’un modèle de sécurité active à des fins d’interaction avec les détenus. Les AC portent également une alarme de protection individuelle qui leur permet d’obtenir de l’aide en moins de 2 minutes. De plus, ils ont accès à des menottes et à un aérosol de OC, dans le poste de contrôle de l’unité résidentielle où un agent de correction armé demeure en alerte. Pour toutes ces raisons, l’agent d’appel avait la conviction que les mesures prises par SCC étaient suffisantes pour protéger les AC, d’où sa décision de révoquer les instructions.

[1] Agence canadienne des parcs c. Doug Martin et l’Alliance de la fonction publique du Canada (Bureau d’appel canadien, décision no 02-009, 23 mai 2002)

[2] La première condition est redondante dans les causes où l’agent de santé et de sécurité a établi que l’activité se produit au moment où il effectue son enquête.

[3] Canada (procureur général) c. Lavoie [1998] CFJ no 1285, CFSPI 2420-97.

[4] H.D. Snook (1991), 86 di 74, CCRT (Conseil canadien des relations de travail).

[5] Westcoast Energy c. Cadieux [1995], CFJ no 1584, CFSPI 1607-93

[6] Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Scully [2001], CLCRSOD no 3 (QL), paragraphe 35

[7] Buckham Transport Ltd. (in re) [2001], C.L.C.R.S.O.D no 5 (QL), paragraphes 41 et 42.

[8] Stephenson et Conseil du Trésor (solliciteur général) [1991], CRTFP no 70 (Commission des relations de travail dans la fonction publique) (QL).

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