Archivée - 02-014 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Kim Forster
demandeuse

et

Agence des douanes et du revenu du Canada
employeur

et

Betty Ryan
agente de santé et de sécurité
________________________________
No de la décision 02-014
Le 4 juillet 2002

Affaire jugée par Michèle Beauchamp, agente d'appel, après audience tenue à Sussex (Colombie Britannique) le 11 mars 2002

Ont comparu :

Kim Forster, demanderesse
Rita Barill, directrice, Centre fiscal de Surrey, Agence des douanes et du revenu du Canada
Betty Ryan, agente de santé et de sécurité, Programme du travail, Développement des ressources humaines Canada

[1] Le présent appel a été interjeté par Kim Forster le 14 octobre 2001 en vertu du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail suite à une décision d'absence de danger rendue par l'agente de santé et de sécurité Betty Ryan le 5 octobre 2001.

[2] Kim Forster, agente, Établissement des nouvelles cotisations complexes, Centre fiscal de Surrey, a refusé de travailler le 27 septembre 2001. Debbie Dubeau, gestionnaire, Traitement des déclarations de TPS, Centre fiscal de Surrey, a examiné les raisons du refus de Mme Forster et conclut que celle-ci ne courait aucun danger.

[3] L'agente de santé et de sécurité Betty Ryan a été avisée que Mme Forster a persisté dans son refus de travailler le 3 octobre 2001. Elle a examiné les raisons de ce refus le jour même avec l'agente de santé et de sécurité Anna Richter et en présence de l'employée, Kim Forster, de Debbie Dubeau, représentant l'employeur, de Sigrid Hagglund, représentante du syndicat local, et de Sandie McLaughlin, employée membre du comité de santé et de sécurité au travail.

[4] Le refus de travailler de Mme Forster était libellé comme suit :

Mon milieu de travail, rendu pernicieux à cause de conflits non résolus et de graves fausses allégations crée une « situation » persistante (jusqu'à la prise de mesures propres à y remédier) qui présente un réel danger pour ma santé psychologique. Depuis que j'ai reçu la lettre en question, je suis traumatisée et les symptômes de ma déficience psychologique se sont tellement aggravés que je n'arrive plus à faire face du tout.

[5] À l'audience et dans son rapport d'enquête, l'agente de santé et de sécurité Ryan déclare que Mme Forster a fait passer une cassette de son entrevue initiale avec Debbie Dubeau, où étaient exposés les incidents et les situations qui, à son avis, la mettaient en danger. Elle a mentionné sommairement les points suivants dans la partie de son enquête consacrée au récit de l'employée :

  1. Mme Forster souffre d'une dépression clinique invalidante depuis 1998 et de troubles anxieux aggravés par les incidents à l'origine de son refus.
  2. En sa qualité de déléguée syndicale de la section locale, elle a en grande partie pour fonction de recevoir des plaintes concernant les personnes handicapées, l'équité en milieu de travail et l'obligation de tenir compte de la situation des employés.
  3. Elle a eu un arrêt de travail pour invalidité de longue durée de mars 2000 à janvier 2001. Durant les six dernières semaines de cette période, elle avait repris ses activités syndicales et était retournée sur son lieu de travail à cet effet. L'employeur lui a imposé, à ce moment-là, des restrictions d'accès, qu'il a renforcées le 9 mai 2001.
  4. Mme Forster a estimé que ces restrictions ont contribué à créer un climat de « phobie psychologique » sur son lieu de travail.
  5. Les 25 et 26 septembre, trois incidents sont survenus avec Jacquie Hepner, administratrice régionale d'équité en matière d'emploi et membre de la section locale 20040 du CEUDA au Bureau des services fiscaux de Burnaby-Fraser. Il s'agissait de discussions concernant la participation de Mme Forster à la réunion du Comité consultatif régional sur les personnes handicapées. Mme Forster a considéré que Mme Hepner avait mal interprété sa demande d'information au sujet de cette réunion.
  6. Les 25 et 26 septembre également, il y a eu deux fâcheux incidents entre Mme Forster et Rita Barill, directrice du Centre fiscal de Surrey, au sujet de sa participation à la réunion du Comité consultatif régional sur les personnes handicapées. Le 26, Mme Barill a annoncé à Mme Forster par courrier vocal que celle-ci ne serait pas autorisée à assister à la réunion.
  7. Le 27 septembre, Mme Hepner a fait parvenir à Mme Forster, par l'entremise du président de la section locale, une lettre exposant ses préoccupations, dont les conclusions étaient les suivantes : « En ma qualité de membre du syndicat et d'employée de l'ADRC, je vous avise par la présente que votre comportement et votre attitude sont inacceptables et harcelants… Votre comportement tient parfois du harcèlement criminel, ce qui est très déséagréable; c'est mal de tirer profit de votre taille et de vos manières pour chercher à intimider les gens … »

[6] L'agente de santé et de sécurité Ryan a fait une enquête concernant les raisons de ces incidents, y compris celles des restrictions d'accès, afin d'essayer de comprendre s'il y avait une relation avec la santé ou le comportement de Mme Forster, celle-ci étant d'avis que le milieu de travail était « pernicieux » pour sa santé psychologique.

[7] L'agente de santé et de sécurité Ryan a mentionné les faits suivants dans la partie 5 de son rapport d'enquête :

  1. D'après les informations fournies par Mme Forster, l'invalidité, la dépression et les troubles anxieux ont existé avant les incidents. Le milieu prétendument « pernicieux » a encore aggravé cet état.
  2. Les restrictions d'accès ont été imposées à Mme Forster en réaction à ses activités syndicales et à sa conduite dans les questions syndicales. Aucune raison d'ordre médical n'a été invoquée pour les justifier.
  3. Mme Forster n'avait affaire ni à Mme Hepner ni à Mme Barill dans l'exercice de ses fonctions.
  4. Mme Forster ne trouve pas que son travail, celui de contrôleur des déclarations des entreprises, est stressant.
  5. L'employeur n'a pas (et, apparemment, il ne le peut pas) imposé de restrictions à Mme Forster dans l'exercice de ses activités syndicales, si ce n'est qu'il veut avoir un contrôle sur l'endroit où elles ont lieu et les personnes qui y participent.
  6. Mme Forster a déclaré que son psychologue l'avait mise en garde contre les effets que ces activités syndicales ont sur sa santé.
  7. Mme Forster a déposé une plainte pour harcèlement et fait une réclamation concernant les restrictions d'accès.

[8] L'agente de santé et de sécurité Ryan estime que le milieu de travail pourrait avoir aggravé l'état de santé préexistant de Mme Forster, mais qu'il n'en est pas la cause. Elle ajoute que, dans ce type de situation, les employés peuvent être indemnisés au titre d'un accident du travail, mais que la partie II du Code canadien du travail parle d'états physiques, tangibles et matériels, et non de stress émotionnels.

[9] En réponse à une question posée par Mme Forster à l'audience au sujet des modifications apportées en décembre 1996 au Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail pour aplanir les obstacles à l'emploi des personnes handicapées (comme il a été dit dans l'énoncé de l'étude d'impact de la réglementation y afférent), l'agente de santé et de sécurité Ryan fait observer qu'elles visent des états physiques et matériels et non le stress éprouvé par les employés.

[10] Quant à la signification des mots « au travail » utilisés au paragraphe 128(1) de la partie II, elle déclare que, sur la base de son expérience d'agente de santé et de sécurité et de sa connaissance des différentes décisions rendues par le Conseil canadien des relations industrielles ou la Commission des relations de travail dans la fonction publique, cette expression veut dire que l'employée doit être au travail pour pouvoir exercer ce droit.

[11] Les raisons pour lesquelles l'agente de santé et de sécurité Ryan a conclu à l'absence de danger pour Mme Forster sont les suivantes :

L'enquête a révélé qu'il n'y avait pas de relation de cause à effet : la situation en cause, à savoir le « milieu de travail pernicieux », a aggravé un état préexistant.

Cette situation (un état de stress provoqué par des relations interpersonnelles) n'est pas de celles envisagées par le Code, qui sont plutôt objectives, mesurables et susceptibles d'être sanctionnées en justice, telles que le bruit, la contamination de l'air ou la température.

Il convient de noter que si l'agente de santé et de sécurité avait été amenée à décider qu'il y a eu un danger, elle aurait rattaché celui ci aux activités syndicales de Mme Forster et non à son travail. Elle aurait dû alors émettre une instruction, destinée non à l'employeur, mais à Mme Forster, en priant celle-ci de prendre des mesures pour se protéger contre la « tâche dangereuse » comme l'exige l'alinéa 126(1)c) : « L'employé au travail est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer sa propre santé et sa propre sécurité … »

L'agente de santé et de sécurité en a conclu qu'il n'y avait pas de relation de cause à effet, étant donné la préexistence des troubles médicaux, et, en l'absence de danger, elle n'a pas émis d'instruction. Elle recommande vivement à Mme Forster de consulter ses médecins et de suivre leur avis.

[12] Mme Kim Forster déclare que son état est celui décrit dans le document envoyé à notre Bureau par Deb Seaboyer, représentante régionale par intérim, Bureau régional de Vancouver. Alliance de la Fonction publique du Canada. Cet état est résumé dans les paragraphes suivants.

[13] Mme Kim Forster affirme que ce qui semble être l'objet du litige n'est pas la série d'incidents qui se sont produits les 25 et 26 septembre et qui l'ont amenée à exercer son droit de refus. Le litige porte sur la question de savoir si les incidents présentent un danger pour elle au sens défini par le Code canadien du travail, si les dispositions du Code s'appliquent à la situation sur le lieu de travail qui l'a amenée à refuser de travailler, et s'il s'agit là de « travail » au sens où l'entend le Code (ou d'une activité syndicale).

[14] Premièrement, en ce qui concerne le fait qu'elle était à la maison quand elle a exercé son droit de refus en vertu de l'alinéa 128(1)b) du Code canadien du travail, Mme Forster déclare qu'elle ne savait pas qu'elle devait être au travail pour pouvoir l'exercer. Mais l'employeur n'ignorait pas qu'elle était à la maison à ce moment-là et il n'a jamais remis son droit en doute.

[15] Mme Forster était elle « au travail » au sens où l'entend le Code? Elle déclare considérer sans l'ombre d'un doute que les incidents des 25 et 26 septembre étaient le résultat d'une activité professionnelle et non pas syndicale. Elle devait remplacer Brenda Brodland, qui avait été nommée au comité pour représenter les personnes handicapées au Centre fiscal de Surrey, en qualité d'employée et non comme représentante syndicale. La question a également été tirée au clair entre elle, Jacquie Hepner et Rita Barill.

[16] La situation sur le lieu de travail ayant amené Mme Forster à refuser de travailler relève-t-elle du Code? L'agente de santé et de sécurité Ryan a indiqué dans son rapport que « cette situation (un état de stress provoqué par des relations interpersonnelles) n'est pas de celles envisagées par le Code, qui sont plutôt objectives, mesurables et susceptibles d'être sanctionnées en justice, telles que le bruit, la contamination de l'air ou la température ». Mme Forster soutient, toutefois, que ce sont là des limites fixées arbitrairement par l'agente de santé et de sécurité dans l'interprétation du Code. Selon elle, aucun dictionnaire ne restreint l'emploi du mot anglais « condition », traduit en français par « situation », à quelque chose d'objectif, de mesurable et de susceptible d'être sanctionné en justice « ou encore de physique. D'ailleurs, en médecine, le mot anglais « condition » s'emploie aussi bien pour des états physiques que psychologiques. C'est pourquoi, Mme Forster maintient qu'à moins que le Code ne limite expressément l'emploi du mot « condition » à quelque chose d'objectif, de mesurable et de susceptible d'être sanctionné, il faut le prendre dans son sens général et normal.

[17] La situation existant sur le lieu de travail était elle de nature à donner à Mme Forster des motifs raisonnables de croire, comme le dit le paragraphe 128(1) du Code, qu'il y avait un danger pour elle? Mme Forster affirme que c'est précisément l'effet qu'a eu la série d'incidents des 25 et 26 septembre : la conversation du 25 septembre avec Jacquie Hepner, qui lui a parlé « sur un ton incontestablement agité, tendu et agacé »; plus le choc provoqué par le message téléphonique de Mme Barill confirmant la décision négative de Mme Hepner et l'accusant d'affirmations mensongères. C'est là que la situation sur le lieu de travail est entrée en jeu : il y avait des questions non résolues entre elle, en sa qualité de déléguée syndicale, et Mme Barill, laquelle voyait avec suspicion tout ce qu'elle faisait. Par conséquent, Mme Forster estime qu'« il y a plusieurs situations préexistantes dans le cas présent. En plus de mon état de santé, il y a un milieu de travail pernicieux dans lequel, même quand j'agis en toute bonne foi, tous mes actes sont vus avec suspicion ».

[18] Le 26 septembre, Mme Forster est arrivée en retard à son travail parce qu'elle était bouleversée par les incidents de la veille. Pour demander l'aide du syndicat, elle a téléphoné à Johann Ackermann qui lui a lu la lettre qu'il avait reçue de Mme Hepner. Elle affirme ne plus avoir su quoi faire, étant donné que la lettre l'accusait de harcèlement criminel, qui est un délit. Il y avait aussi le fait que plusieurs gestionnaires supérieurs avaient reçu une copie de cette lettre et que Mme Barill considérait déjà avec suspicion tout ce qu'elle faisait. Elle a alors pris la seule mesure qui lui est venue à l'idée et elle a demandé à M. Ackermann d'aller voir Mme Barill en son nom pour l'informer qu'elle exerçait son droit de refus.

[19] Pour Mme Forster, le climat déjà pernicieux de son milieu de travail, rendu tel du fait que la haute direction, en particulier Mme Barill, voyait avec suspicion toutes ses activités, l'était devenu encore davantage avec cette lettre lui reprochant un acte à caractère délictuel. Ses troubles anxieux faisaient également partie de l'équation : Mme Barill l'avait accusée d'affirmations mensongères et Mme Hepner de harcèlement et même de harcèlement criminel, et quelques autres membres de la haute direction avaient reçu une version tendancieuse des incidents survenus les deux derniers jours, dont ils n'avaient rien su auparavant. Tout cela lui a fait penser que si elle allait travailler, elle mettrait en danger sa santé psychologique.

[20] Enfin, Mme Forster soutient que le milieu de travail ne peut être limité à quelque chose de physique, que son état préexistant n'impose pas de restriction à l'application du Code et que si la question en jeu ici est le bien être psychologique d'une employée, cela n'empêche pas l'agent de santé et de sécurité de déterminer s'il y a danger au sens où l'entend le Code, bien que ce soit plus difficile.

[21] Mme Rita Barill, directrice du Centre fiscal de Surrey, appuie la décision d'absence de danger de l'agente de santé et de sécurité Ryan, sauf quand celle-ci déclare qu'au moment où Mme Forster a refusé de travailler, « elle venait d'arriver à son travail, avait reçu la lettre de Mme Hepner des mains de Johann Ackermann et n'accomplissait aucune tâche à ce moment-là ». Elle déclare que Mme Forster n'était pas sur son lieu de travail quand elle a manifesté son refus. Cela, ajoute-t-elle, est corroboré à la fois par M. Ackermann, qui dit avoir appelé Mme Forster chez elle pour lui lire la lettre de Mme Hepner, et Mme Forster elle même, qui a déclaré ne pas être allée au travail avant le coup de téléphone de M. Ackermann et ne pas s'en être sentie capable après avoir eu connaissance du contenu de la lettre. En outre, c'est de son domicile et non de son lieu de travail que Mme Forster a envoyé ses messages officiels par courriel pour faire part de son refus en vertu de l'alinéa 128(1)b) à la surveillante chargée de la noter, Kellie O'Reilly, et à Rita Barill, directrice du Centre fiscal de Surrey.

[22] Mme Barill a connaissance et conscience de l'invalidité de Mme Forster, mais elle estime que celle-ci doit également être tenue pour responsable de son comportement. Elle maintient que Mme Forster avait besoin de l'autorisation de la direction pour pouvoir assister aux réunions du comité et que sa présence à ces réunions ne faisait pas partie de ses fonctions de contrôleur.

[23] Mme Barill fait également savoir qu'au moment où Johann Ackermann l'a informé du refus, elle lui a dit que Mme Forster devait se rendre à son travail pour se conformer à la procédure prévue à cet effet. Debbie Dubeau a alors effectué une enquête, à la suite de laquelle elle a déclaré qu'il n'y avait pas de danger. L'enquête de l'agente de santé et de sécurité Ryan a eu lieu ensuite, le 3 octobre.

[24] Mme Barill confirme que Mme Forster n'a pas été payée pour les deux jours où elle n'a pas travaillé, mais qu'elle l'a été dès que l'agente de santé et de sécurité Ryan a entrepris son enquête.

[25] Mme Barill déclare qu'après avoir eu connaissance de la décision de l'agente de santé et de sécurité Ryan, elle s'est livrée à une enquête pour réunir quelques faits sur la lettre de Mme Hepner, et qu'elle a dit ensuite à Mme Forster que ce n'était pas au sujet de son refus, mais de ses relations avec Mme Hepner. Mme Barill ajoute que les restrictions d'accès imposées à Mme Forster à son retour au travail après son congé de maladie ne limitaient pas ses activités de représentante syndicale, que c'était Mme Forster qui était à l'origine de tous ces incidents et qu'elle contribuait à rendre le climat « pernicieux ».

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[26] Les paragraphes 146(1) et 146(2) de la partie II du Code définissent le rôle de l'agent d'appel lorsqu'une décision d'absence de danger en vertu du paragraphe 129(7) fait l'objet d'un appel. Ils disent ce qui suit :

146.1(1). Saisi d'un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l'article 146, l'agent d'appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles ci. Il peut :

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;
b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu'il juge indiquées.

(2) Il avise par écrit de sa décision, de ses motifs et des instructions qui en découlent l'employeur, l'employé ou le syndicat en cause; l'employeur en transmet copie sans délai au comité local ou au représentant.

[27] La principale décision à prendre ici est de savoir si Mme Forster courait un danger, au sens où l'entend le Code canadien du travail, lorsqu'elle a refusé de travailler le 27 septembre 2001. Voici les dispositions de la partie II concernant la définition du mot danger et le refus de travailler :

122(1) « danger » Situation, tâche ou risque – existant ou éventuel – susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade – même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats – avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

128(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche s'il y a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l'utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui même ou un autre employé;
b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;
c) l'accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui même ou un autre employé.

129(7) Si l'agent conclut à l'absence de danger, l'employé ne peut se prévaloir de l'article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois – personnellement ou par l'entremise de la personne qu'il désigne à cette fin – appeler par écrit de la décision à un agent d'appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci.

[28] Dans sa prise de position, Mme Forster a soumis trois questions à l'agent d'appel : savoir si les incidents lui ont fait courir un danger au sens où l'entend le Code canadien du travail, si le Code s'applique à la situation sur le lieu de travail qui l'a amenée à refuser de travailler, et si l'on peut parler de « travail » au sens où l'entend le Code (ou d'une activité syndicale).

[29] Je n'ai pas à déterminer si ce « travail », c.-à-d. le remplacement par Mme Forster d'une autre employée affectée au comité pour représenter les personnes handicapées au Centre fiscal de Surrey, est un travail au sens où l'entend le Code ou une activité syndicale. Ce que j'ai appris à l'audience et ce que j'avais besoin d'entendre de la bouche des parties et de l'agente de santé et de sécurité, c'est que Mme Forster a un emploi de contrôleur des déclarations des entreprises au Centre fiscal de Surrey, dirigée par Mme Barill, et qu'elle ne trouve pas son travail stressant, comme il est dit dans le rapport de l'agente de santé et de sécurité. La question de savoir qui fait quoi et à quel titre dans le contexte de l'appartenance ou de la participation à des comités internes, n'a pas sa place ici et ne relève pas de moi.

[30] Le Code s'applique-t-il à la situation sur le lieu de travail qui a amené Mme Forster à refuser de travailler? Mme Forster soutient que « c'est là que cette situation est entrée en jeu. Il y a des questions non réglées entre Rita et Kim, dans les fonctions de déléguée syndicale que cette dernière occupe, et à cause de cela, Rita voit avec suspicion tout ce que fait Kim ». Pour sa part, l'agente de santé et de sécurité Ryan a indiqué dans son rapport que « cette situation (le stress découlant de relations interpersonnelles) n'est pas de celles envisagées par le Code, qui sont plutôt objectives, mesurables et susceptibles d'être sanctionnées en justice, telles que le bruit, la contamination de l'air ou la température ». Je suis d'accord avec elle. En ce qui concerne cette affaire, j'estime, après avoir entendu les parties, que ces « questions non résolues » évoquées par Mme Forster ont trait à des relations syndicales et, en tant que telles, elles ne sont pas visées par la partie II du Code canadien du travail.

[31] Les incidents ont-ils fait courir à Mme Forster un danger au sens où l'entend le Code canadien du travail? Selon Mme Forster, c'est précisément l'effet qu'a eu la série d'incidents des 25 et 26 septembre : le « ton incontestablement agité, tendu et agacé » sur lequel lui a parlé Jacquie [Hepner] »; le message que lui adressé Mme Barill pour appuyer la décision négative de Mme Hepner et lui reprocher ses affirmations mensongères, et la détresse qui s'en est suivie pour elle; plus la situation sur le lieu de travail, c.-à-d. les questions non résolues entre elle en tant que déléguée syndicale et Mme Barill.

[32] La définition du mot danger figurant dans le paragraphe 122(1) de la partie II implique que l'agente de santé et de sécurité, quand elle a commencé son enquête sur le refus de travailler de Mme Forster, a eu d'abord à décider si, à ce moment-là, la situation existait réellement (existant[e]) ou allait exister plus tard (éventuel[le]) et, deuxièmement, si l'on pouvait raisonnablement s'attendre à ce que cette situation (existant[e] ou éventuel[le]) cause des blessures ou une maladie avant d'avoir pu être corrigée. C'est exactement ce que l'agente de santé et de sécurité a fait.

[33] J'ai appris en lisant le rapport de l'agente de santé et de sécurité Ryan et en entendant les témoignages présentés à l'audience qu'une série d'incidents malheureux a eu lieu les 25 et 26 septembre et que ceux ci ont eu un effet indéniable sur l'état préexistant de Mme Forster, c.-à-d. le stress découlant des relations interpersonnelles. Je reconnais que ces incidents ont été si difficiles à vivre qu'elle a pu sincèrement se croire en danger en travaillant dans un tel climat. Cependant, en dehors de son témoignage à elle, qui était, bien entendu, « subjectif », je n'ai eu aucun élément de preuve, tel qu'un certificat médical, établissant un lien direct de cause à effet entre ces incidents particuliers et la santé de Mme Forster.

[34] J'estime que ces incidents viennent, au fond, d'un problème de relations syndicales existant « de longue date » et je recommande vivement aux deux parties de chercher par tous les moyens disponibles à le résoudre dans le meilleur intérêt possible de l'une et de l'autre.

[35] Pour ces raisons, je confirme la décision d'absence de danger de l'agente de santé et de sécurité Ryan.



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Michèle Beauchamp
Agent d'appel


Résumé de la décision de l'agente d'appel

Node la décision : 02-014

Demandeuse : Kim Forster

Employeur : Agence des douanes et du revenu du Canada

Mots clés : Refus de travailler, danger

Dispositions : Code 122, 128(1)
RCSST : s/o

Résumé :

L'employée a refusé de travailler en vertu du paragraphe 128(1) du Code, en alléguant que son milieu de travail rendu pernicieux par des conflits non résolus et de graves fausses accusations la plaçait dans une situation dangereuse pour sa santé psychologique.

L'agente d'appel confirme la décision d'absence de danger de l'agente de santé et de sécurité, étant donné qu'en dehors du témoignage de l'employée, elle n'a reçu aucun élément de preuve, tel qu'un certificat médical, établissant un lien direct de cause à effet entre ces incidents particuliers et la santé de l'employée.

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