Archivée - 02-015 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Louise Chiasson
employée

et

Développement des ressources humaines Canada
employeur

et

Denis R. Mador
agent de santé et de sécurité
________________________________
Node la décision 02-015
Le 12 juillet 2002

Affaire décidée par Michèle Beauchamp, agent d'appel, après audience tenue à Bathurst, Nouveau-Brunswick, le 5 février 2002.

Ont comparu :

Pour les employés
Louise Chiasson, membre employée du comité local de santé et sécurité au travail, Centre d'assurance-emploi, Bathurst, Développement des ressources humaines Canada (DRHC)
Colette Hébert, représentante syndicale, membre du comité local de santé et sécurité au travail, Centre d'assurance-emploi, Bathurst, DRHC

Pour l'employeur
Normand Doiron, Superviseur, Centre d'assurance-emploi, Bathurst, DRHC

Agent de santé et de sécurité
Denis R. Mador, DRHC, Programme du travail

[1] Le présent appel a été interjeté en vertu du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail par Louise Chiasson, employée membre du comité de santé et de sécurité au travail du Centre d'assurance-emploi de Développement des ressources humaines Canada (DRHC), à Bathurst, au Nouveau-Brunswick. L'appel vise la décision d'absence de danger rendue, le 15 août 2001, par Denis Mador, agent de santé et de sécurité, Programme du travail, DRHC.

[2] L'agent de santé et de sécurité Mador a relaté les faits décrits dans les paragraphes suivants dans son rapport d'enquête et à l'audience.

[3] Normand Doiron, superviseur au Centre d'assurance-emploi, l'a informé vers 13 h, le 15 août 2001, qu'une employée, Anne Savoie, avait refusé de travailler au bureau de Bathurst après avoir reçu, vers 10 h 45, un appel téléphonique inquiétant au cours duquel elle n'entendait qu'un tic tac. Elle a alors appelé son superviseur immédiat, qui, en présence de Mme Savoie et d'une dizaine d'autres employés, a écouté l'appel : le tic tac continuait et la personne qui était à l'autre bout du fil est restée silencieuse pendant une dizaine de minutes avant de raccrocher. Entre-temps, l'employeur a appelé le service de police de Bathurst, qui a fait enquête, n'a pas réussi à retracer l'appel par l'entremise de la société NBTel et a conclu qu'il s'agissait simplement d'un appel de harcèlement. L'employeur a aussi tenté, mais sans succès, de résoudre le refus à l'aide du processus de règlement interne.

[4] Mme Savoie a ensuite demandé à son superviseur l'autorisation de sortir de l'édifice parce qu'elle ne se sentait pas bien et les employés qui avaient aussi écouté l'appel ont fait de même. Une fois dehors, Mme Savoie et ces employés ont refusé de rentrer dans le lieu de travail, estimant qu'il y avait danger qu'une bombe s'y trouve. Dans l'heure qui a suivi, de 100 à 125 autres employés sont également sortis de l'édifice par petits groupes.

[5] L'agent de santé et de sécurité Mador a communiqué avec le constable McDonald de la police de Bathurst. Celui-ci lui a confirmé qu'il s'agissait sûrement d'un appel de harcèlement puisque rien ne laissait croire à quelque chose de plus sérieux : il n'y avait eu ni message vocal ou écrit, ni paquet suspect indiquant qu'une bombe se trouvait dans le lieu de travail.

[6] À son arrivée au lieu de travail, vers 16 h, l'agent de santé et de sécurité Mador a rencontré Normand Doiron et Jacques Bourdages, les représentants de la direction, ainsi que Louise Chiasson et Linda Boudreault, employées membres du comité local de santé et de sécurité au travail. Mme Savoie n'était pas disponible.

[7] L'agent de santé et de sécurité Mador a écouté les faits relatés par les parties et savait que l'employeur et le comité local de santé en sécurité au travail avaient élaboré et mis en place dans le lieu de travail des procédures en matière d'évacuations et d'alertes à la bombe. Il a informé les parties des conclusions dont lui avait part l'inspecteur Poitras, de la police de Bathurst, à savoir qu'en l'absence de preuves à l'effet qu'une bombe pouvait se trouver dans le lieu de travail, la politique du service de police était de traiter ce genre d'incident comme un appel de harcèlement. L'agent de santé et de sécurité Mador s'est dit du même avis, jugeant qu' il n'y avait pas eu d'alerte à la bombe proprement dite puisque Mme Savoie n'avait rien entendu d'autre qu'un tic tac.

[8] Selon l'agent de santé et de sécurité Mador, l'employeur a respecté la partie II du Code canadien du travail en basant sa décision sur le rapport de police. Lui-même, après enquête, a appuyé sa décision d'absence de danger sur le rapport verbal reçu de la police, d'une part, et, d'autre part, sur son expérience lorsque, employé à la Défense nationale à titre d'agent de santé et de sécurité, il avait été aux prises avec des cas semblables.

[9] Pour sa part, Normand Doiron, représentant de l'employeur, a expliqué qu'il était le seul représentant de la direction dans l'édifice au moment où l'appel a été reçu. Les employés étaient alors en grève et faisaient du piquetage à l'extérieur. Dès qu'il a en été informé, il s'est rendu au bureau où l'appel avait été reçu et a constaté que les employés étaient un peu paniqués. Il a suivi la procédure établie, c'est-à-dire appeler la police avant de décider s'il fallait évacuer. Des agents sont venus immédiatement et le constable McDonald a essayé de retracer l'appel, mais sans succès. Il n'y a pas eu de fouille de l'édifice, la police ayant conclu que l'appel n'était pas un appel à la bombe, mais simplement un appel menaçant.

[10] M. Doiron a permis aux employés qui le demandaient de sortir de l'édifice. Il a contacté la direction (ses bureaux sont dans le même édifice), qui a rencontré les employés à l'extérieur pour leur expliquer la situation et leur demander de rentrer au travail. Après consultation du syndicat, la direction a avisé les employés qui se croyaient encore en danger de se rendre à la cathédrale, située en face, jusqu'à ce qu'un agent de santé et de sécurité fasse enquête et rende une décision.

[11] Compte tenu que, ce jour-là, les membres du comité local de santé et de sécurité faisaient du piquetage à l'extérieur de l'édifice à cause de la grève, M. Doiron n'a pu suivre à la lettre la procédure en cas d'alerte à la bombe. Il a expliqué qu'il y avait déjà eu une alerte à la bombe auparavant, que la procédure avait été suivie comme il se doit et qu'on avait fouillé l'édifice et trouvé un paquet suspect.

[12] M. Doiron a terminé son témoignage en précisant que le comité local de santé et de sécurité au travail devait se réunir le jour même de l'audience pour étudier les exigences de la partie II du Code et que la direction souhaitait améliorer ses connaissances sur la partie II du Code canadien du travail pour mieux gérer ce type de situation.

[13] Quant à Mme Colette Hébert, représentant les employés, elle a précisé que Mme Sirois a d'abord formulé une plainte dans le cadre du processus de règlement interne, vers 10 h 45, puis a refusé de travailler vers 13 h. Le 15 août était un jour de grève générale et des employés désignés travaillaient dans les deux télé-centres de l'édifice. Comme il y a trois sections syndicales locales dans l'édifice et le comité local de santé et de sécurité compte des représentants de chacune, Mme Hébert s'est demandé pourquoi M. Doiron n'a pu au moins contacter des membres remplaçants du comité local de santé et de sécurité au travail pour faire l'enquête sur le refus avec lui.

[14] Selon elle, le Code canadien du travail exige que les employés soient informés de toute situation de ce genre et la procédure d'alerte à la bombe élaborée par le comité local de santé et de sécurité n'a pas été suivie. Pourtant, de 10 h 45 à 11 h 30, aucun représentant de la gestion n'est venu informer les représentants syndicaux et les employés s'occupant de santé et sécurité au travail de la situation. Puis, vers 11 h 30, les représentants syndicaux ont pu informer de l'incident et de leur droit de refus en vertu de l'article 128 du Code canadien du travail tous les employés désignés et les étudiants qui sont sortis de l'édifice pour manger. Mme Hébert a aussi contacté le service de police de Bathurst, qui lui a déclaré que seuls les responsables du lieu de travail pouvaient en ordonner l'évacuation, pas la police.

[15] Vers 12 h 20, Normand Doiron et Jacques Bourdages ont informé les représentants syndicaux, les membres employés du comité local de santé et de sécurité et les employés qui étaient à l'extérieur qu'ils croyaient que l'appel ne constituait pas une menace et qu'il était relié à la grève en cours. Les représentants syndicaux se sont dits mécontents que la gestion ait enquêté sur la situation sans que les membres employés du comité y participent, et qu'elle ait déterminé sans eux que l'appel n'était pas menaçant et qu'il n'y avait pas de danger.

[16] Selon Mme Hébert, le paragraphe 127(1) du Code canadien du travail énonce qu'avant de pouvoir exercer les recours prévus par la partie II, l'employé qui croit à l'existence d'une contravention au Code ou d'une situation susceptible de causer un accident ou une maladie doit adresser une plainte à son supérieur hiérarchique. L'employé et son supérieur hiérarchique doivent alors tenter de régler la plainte à l'amiable dans les meilleurs délais. À son avis, cette nouvelle approche obligatoire vise à s'assurer que l'employeur apaise les préoccupations des employés en matière de santé et de sécurité sans qu'ils aient besoin d'exercer leur droit de refus de travailler. Et ne pas suivre cette approche constitue, selon elle, une infraction.

[17] Les représentants des employés n'ont pu régler la question avec la gestion et les employés l'ont avisée qu'ils n'étaient pas rassurés par son approche. Mais celle-ci n'était pas disposée à faire évacuer l'édifice et à faire enquête avec les représentants des employés en matière de santé et sécurité. Vers 13 h, les gestionnaires ont rencontré les employés qui étaient à l'extérieur, puis deux représentantes des employés, Louise Chiasson et Linda Boudreault, sont rentrées avec eux afin d'être présentes lorsqu'ils rencontreraient les autres employés. La majorité des employés qui avaient été avisés du droit de refus accordé par l'article 128 ont décidé de ne pas revenir au travail et ont refusé de travailler à cause de l'incertitude et de l'insécurité qui prévalaient encore.

[18] Mme Hébert a souligné que le point 7 de la procédure en cas d'alerte à la bombe stipule que le directeur doit consulter la police, l'équipe d'alerte à la bombe et les coprésidents du comité de santé et de sécurité avant de décider quand les employés reviendront dans l'édifice. La gestion a cependant décidé de considérer que l'appel reçu par Mme Sirois n'était pas menaçant, sans avoir consulté le comité, fouillé l'édifice ou demandé à l'agent de sécurité de l'édifice s'il avait vu quelque chose d'inhabituel. En outre, les employés membres du comité local de santé et de sécurité n'ont pu consulter le constable McDonald pour discuter de son enquête.

[19] Selon Mme Hébert, il est essentiel que les gestionnaires et les superviseurs connaissent l'ampleur et les répercussions de la nouvelle définition du danger, de même que les nombreuses conditions et circonstances auxquelles elle s'applique, y compris le fait que le danger soit existant ou potentiel. Cela vaut également pour les agents de relations de travail aux prises avec des refus de travailler et les employés affectés à la santé et la sécurité au travail qui doivent prodiguer des conseils à ce sujet.

[20] Mme Sirois a entendu un bruit de tic tac qu'elle a considéré menaçant puisqu'elle en a avisé son surveillant immédiat. Ce bruit représentait de toute évidence un danger potentiel ou réel parce qu'il pouvait être associé à un engin explosif. La définition du danger implique qu'on s'attend que la personne subisse une blessure si on n'a pas écarté le risque ou corrigé la situation avant qu'elle soit exposée au danger. C'est ce principe que les agents de santé et de sécurité doivent appliquer lorsqu'ils enquêtent sur un refus de travailler.

*****

[21] Les paragraphes 146.1(1) et (2) de la partie II du Code canadien du travail énoncent le rôle de l'agent d'appel saisi d'un d'une décision d'absence de danger émise aux termes du paragraphe 129(7). En voici le texte :

146.1(1). Saisi d'un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l'article 146, l'agent d'appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;
b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu'il juge indiquées.

(2) Il avise par écrit de sa décision, de ses motifs et des instructions qui en découlent l'employeur, l'employé ou le syndicat en cause; l'employeur en transmet copie sans délai au comité local ou au représentant.

[22] Le paragraphe 122(1) du Code canadien du travail définit ainsi le danger : Situation, tâche ou risque – existant ou éventuel – susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade – même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats –, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[23] Mme Sirois, qui a reçu l'appel, et les autres employés qui ont été informés de la situation par la suite avaient sans doute des motifs raisonnables de croire qu'il y avait un danger dans leur lieu de travail. Mme Sirois en a informé son superviseur, qui a également écouté l'appel, puis qui a communiqué avec M. Doiron. Pour effectuer son enquête, M. Doiron a communiqué avec la police. Celle-ci s'est rendue au lieu de travail et a conclu que l'appel était simplement un appel de harcèlement, vu que la personne à l'autre bout du fil était restée silencieuse et qu'il n'y avait rien de suspect dans le lieu de travail.

[24] La direction a ensuite autorisé les employés à se rendre à l'extérieur de l'édifice, où leurs collègues faisaient du piquetage. Elle a également communiqué avec l'agent de santé et de sécurité au travail Mador pour l'aviser du refus de travailler.

[25] L'agent de santé et de sécurité Mador a communiqué avec les policiers, puis il a rencontré les parties en cause, y compris les membres employés du comité local de santé et de sécurité au travail. Après enquête, il a décidé que l'appel reçu ne constituait qu'un appel de menace et qu'il n'y avait pas de danger pour les employés à travailler dans le lieu de travail.

[26] Je suis d'accord avec sa décision. Mme Hébert n'a pas contredit les faits sur lesquels l'agent de santé et de sécurité Mador, pour qui ce n'était pas la première enquête du genre, a basé sa décision : la personne est restée silencieuse pendant une dizaine de minutes, l'appel n'a pas été retracé et il n'y avait pas de colis suspect dans le lieu de travail. Et rien dans son témoignage n'a laissé entendre que l'appel reçu par Mme Sirois était autre chose qu'un appel destiné à établir un climat de travail menaçant.

[27] Mme Hébert a longuement fait valoir que la procédure adoptée conjointement par le comité local de santé et de sécurité au travail n'avait pas été suivie. C'est là, à mon avis, le seul véritable objet de litige qui a incité le syndicat à faire appel de la décision d'absence de danger de l'agent de santé et de sécurité Mador. Et cette question était déjà en voie de règlement au moment de l'audience.

[28] Par conséquent, je confirme la décision d'absence de danger rendue par l'agent de santé et de sécurité Mador.



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Michèle Beauchamp
Agent d'appel


Résumé de la décision de l'agent d'appel

Node la décision : 02-015

Employée : Louise Chiasson

Employeur : Centre d'assurance-emploi de Bathurst, DRHC

Mots clés : Danger

Dispositions : Code 122(1)
RCSST : s/o

Résumé :

Une employée a reçu un appel menaçant, au cours duquel la personne est restée silencieuse pendant une dizaine de minutes. L'agent de santé et sécurité a fait enquête et basé sa décision d'absence de danger sur le rapport de la police et sur son expérience de ce genre de situation. Le véritable objet de l'appel du syndicat était que l'employeur n'avait pas suivi la procédure en cas d'alerte à la bombe élaborée par le comité local de santé et de sécurité.

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