Archivée - 02-022 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Don Boucher et James Stupor
demandeurs

et

Service correctionnel du Canada
employeur
________________________________
Node la décision 02-022
Le 21 octobre 2002

Cette affaire a été entendue par l'agent d'appel Douglas Malanka le 20 février 2002 à Kingston, en Ontario. Chris Mattson, agent de santé et de sécurité, n'était pas présent à l'audience.

Témoins

M. D. Lee, président, Établissement de Collins Bay, UCCO-SACC- CSN,
M. D. Boucher, et M. Michel Bouchard, agent de correction.
M. John Jaworski, conseiller, Conseil du Trésor, et Mme Julie Blasko, directrice adjointe d'établissement, services de gestion.

[1] Le 20 août 2001, les agents de correction M. Don Boucher et M. James Stupor ont maintenu leur refus de travailler en vertu de l'article 128 de la partie II du Code canadien du travail, (ci-après désigné par le Code ou la Partie II). Les deux agents se sont plaints respectivement que les conditions dans les tours sud-est et sud-ouest de l'établissement de Collins Bay (ÉCB) constituaient un danger en vertu du Code.

[2] L'agent de santé et de sécurité Chris Mattson a enquêté sur leur refus de travailler et a avisé les parties qu'il n'avait pas constaté de danger pour l'un ou l'autre des agents. Ce même jour, il a confirmé sa décision par écrit.

[3] L'agent de santé et de sécurité Mattson n'a pu assister à l'audience et n'a donc pas témoigné. Son rapport écrit, fourni avant l'audience, ne sera pas répété ici, mais a été versé au dossier.

[4] M. Boucher a témoigné à l'audience. Je retiens les passages suivants de ses documents et de son témoignage.

[5] En matinée, le 20 août 2001, M. Boucher est arrivé à son travail, dans la tour sud est de l'ÉCB. D'après son témoignage, quand il est arrivé à la tour, il a senti des émanations nocives. Pour se rendre à son poste, il a indiqué qu'il fallait gravir des marches et grimper à une échelle que l'employeur a comparée aux échelles qu'on trouve sur les navires. On accède au sommet de la tour par une trappe étroite au haut de l'échelle. Un poteau et une rampe facilitent l'accès par la trappe au poste de surveillance.

[6] À mi-chemin de l'échelle, à environ 30 pieds du sol, M. Boucher a glissé. Il a été secoué, mais ne s'est pas blessé. Toutefois, dans sa chute, l'arme qu'il portait a heurté le mur de la tour. Quand il a franchi la trappe, M. Boucher a donné de la tête contre la porte ouverte de la trappe et l'extrémité du canon de sa carabine a également heurté la porte. M. Boucher a déclaré qu'il avait déjà glissé dans ce même escalier, le 14 janvier 2000, subissant une blessure qui l'avait forcé à s'absenter du travail pendant 10 mois. À son retour, il a constaté que les marches de l'escalier étaient disjointes, sales et glissantes et que rien n'avait été fait depuis son accident pour remédier à la situation. Il a déclaré que d'autres employés avaient subi des blessures dans cet escalier et, le matin du 20 août 2000, il a conclu que l'escalier menant au premier palier était dangereux, ainsi que l'échelle et le couvercle de la trappe de la tour. Il a précisé qu'il avait refusé de travailler parce qu'il était frustré et pour forcer les autorités à résoudre le problème.

[7] Par suite de ce refus de travailler, l'agent de correction Boucher a rempli un formulaire intitulé Rapport d'observation ou déclaration d'un agent1 le 20 août 2001. Les passages suivants sont extraits de son rapport.

1 Formulaire du Service correctionnel du Canada, ci-après désigné par le code CSC/SCC 875 (R-94-07)

[TRADUCTION]

  • il y a une odeur nocive dans la tour sud-est;
  • l'isolant à tuyau tombe en lambeaux et on trouve des moisissures partout dans la tour;
  • l'employé éprouve des problèmes respiratoires après un séjour prolongé dans la tour;
  • les marches de l'escalier sont humides, couvertes de pourriture et de moisissures et fendues;
  • le plâtre et le ciment des murs sont craquelés et se désagrègent dans l'escalier;
  • certaines marches du milieu de la tour sont disjointes;
  • la tour n'est pas conforme au Code national du bâtiment;
  • la rampe de l'escalier est trop courte;
  • on y trouve des douilles, des coffrets et des fils électriques dénudés;
  • la trappe d'accès est trop étroite;
  • la tour est souillée de fiente et d'autres traces d'animaux et d'insectes;
  • la tour et son mobilier sont sales, il y a des fuites d'eau dans les toilettes.

[8] M. Stupor n'a pas témoigné à l'audience. Toutefois, il a précisé, dans un document joint à son formulaire d'Enregistrement d'un refus de travailler2, les raisons qui motivaient sa décision :

2 Formulaire de DRHC, désigné par le code LAB 1069 (10-94) B
  • la tour est extrêmement sale et sent mauvais;
  • l'escalier est dangereux;
  • des fils électriques sont dénudés;
  • la trappe est trop étroite;
  • il a heurté son arme en franchissant la trappe et craint qu'elle ait été endommagée;
  • il s'est frappé la tête en franchissant la trappe.

[9] M. David Lee, agent de correction à l'ÉCB et président actuel de la section locale du syndicat à l'ÉCB, a témoigné relativement aux accidents survenus antérieurement dans l'escalier de la tour sud est, où un employé a subi des blessures. M. Lee a déclaré qu'il était habilité à commenter les rapports, car il a aidé les employés blessés à présenter leurs demandes d'indemnisation. M. Lee a mentionné les incidents suivants (on n'a utilisé que les initiales des employés blessés) :

  • A.H. – le 11 juillet 1993 : « J'ai fait une chute dans l'escalier, je me suis cassé une dent et blessé au dos ». Selon M. Lee, l'accident est survenu dans la tour sud-est; l'agent descendait l'escalier.
  • D.B. – le 14 janvier 2000 : « Je suis tombé en montant l'escalier de la tour sud-est. » Selon le Rapport d'enquête de situations comportant des risques, la malpropreté de l'escalier était l'une des causes de l'accident. L'enquêteur a recommandé d'inspecter et de nettoyer l'escalier.
  • B.H. – le 9 janvier 2002 : « En descendant l'escalier de la tour sud-est, j'ai perdu pied et je suis tombé. J'avais une carabine à la main et je me suis blessé au dos. » On a noté dans le Rapport d'enquête de situations comportant des risques qu'on avait répandu une substance antidérapante dans l'escalier et mis une affiche avertissant que les marches sont raides.
  • G.W.W. – le 24 janvier 2002 : « En montant l'escalier, j'ai glissé. Mes chaussures étaient mouillées. J'ai agrippé mon arme pour ne pas tomber et je me suis tenu à la rampe avec mon bras gauche. » L'auteur du Rapport d'enquête de situations comportant des risques a indiqué qu'il fallait inspecter et nettoyer l'escalier.

[10] M. Bouchard a présenté deux documents. Le premier était un rapport intitulé :

CBIIJOHS INVESTIGATION
RE: STAIRWAYS,
Conducted 17 Jul 01.
(Reference : Ontario Building Code (1997), Section 3.4.6.4. Handrails.)

Dans ce rapport, le Comité indiquait qu'un certain nombre de rampes à l'ÉCB n'avaient pas la hauteur appropriée (de 34 à 38 pouces), y compris les rampes de la seconde échelle des tours sud-est et sud-ouest, et la rampe de la première volée de marches de la tour sud-ouest. Le Comité a recommandé de modifier toutes les rampes de l'ÉCB non conformes au Code du bâtiment de l'Ontario.

[11] Le second document était extrait d'une directive de santé et de sécurité du Conseil du Trésor du Canada intitulée « Directive sur l'utilisation et l'occupation des bâtiments ». M. Bouchard a cité la définition d'ouverture dans un plancher et les articles 17.1, 17.7 et 17.12.1. Les articles se lisent comme suit :

  • « Ouverture dans un plancher signifie une ouverture dans un plancher, une plate-forme, la chaussée ou une cour dont la plus petite dimension est d'au moins 300 mm. »
  • 17.1.1 « La conception de projet et la construction de tout bâtiment devront être conformes aux normes énoncées dans les parties 3 à 9 du Code national du bâtiment, Canada 1985, de façon à assurer la sécurité et la santé des employés. »
  • 17.7 « Lorsqu'un employé a accès à une ouverture dans un mur et que la dénivellation est de plus de 1,2 m, ou à une ouverture dans un plancher, l'ouverture doit être munie de garde-fous ou recouverte d'un matériau pouvant supporter toutes les charges qui peuvent y être appliquées. »
  • 17.12.1 « Lorsqu'il y a risque que des outils ou autres objets tombent d'une plate-forme ou de tout autre plan surélevé sur un employé :
  1. un butoir de pied faisant saillie d'au moins 125 mm au-dessus du niveau de la plate-forme ou du plan surélevé doit être installé. »

[12] Mme J. Blasko, directrice adjointe d'établissement, services de gestion de l'ÉCB, et coprésidente du Comité conjoint sur la santé et la sécurité de l'ÉCB, a témoigné à l'audience. Elle a participé à l'enquête sur les refus de travailler des agents de correction Boucher et Stupor. Pour l'enquête, elle a préparé une liste des plaintes des agents Boucher et Stupor relativement à leurs refus de travailler respectifs. Elle a ensuite enquêté et inscrit ses observations et ses commentaires sur chacune des plaintes. Elle a conclu qu'il n'y avait de danger pour aucun des employés.

[13] Elle a déclaré qu'on allait donner suite aux plaintes relatives à la moisissure, au plâtre et au ciment qui s'écaillent, aux fientes et à la malpropreté générale de la tour sud-est. Elle ne pensait pas que l'escalier de bois était dangereux ou couvert de pourriture et de moisissures. Elle a constaté que le fil électrique dénudé était en fait un fil de haut-parleur et a affirmé qu'on avait apporté des corrections aux douilles et aux coffrets électriques, mais que ceux-ci n'avaient jamais présenté un danger pour les agents de correction. Elle a ajouté que les agents n'ont pas besoin d'utiliser l'escalier du sous-sol et que, malgré l'absence de pertinence des plaintes relatives à celui-ci, on y a apporté des modifications.

[14] Concernant la conception des marches et de la rampe de l'escalier, elle a précisé que l'établissement n'avait pas à se conformer au Code national du bâtiment, car la tour a été construite en 1938 et qu'on ne procédait pas actuellement à sa rénovation. Elle a reconnu que la trappe était étroite et qu'il fallait faire preuve de prudence en la franchissant, mais elle a soutenu qu'elle ne présentait aucun danger.

[15] Mme Blasko a également indiqué que chacune des tours est munie d'un dispositif tubulaire, appelé chambre d'essai, dans lequel les agents de correction peuvent tester leur arme pour s'assurer qu'elle est chargée et en bon état. S'ils ne sont pas satisfaits de leur arme, ils peuvent en demander une autre au poste de réception par la radio ou le téléphone qui se trouvent dans chacune des tours.

[16] M. Boucher a soutenu qu'il y avait danger pour les agents de correction Boucher et Stupor et a demandé que j'annule la décision de l'agent de santé et de sécurité Mattson affirmant le contraire.

[17] Il a argué qu'il y avait danger parce qu'aucune rampe ne protège l'ouverture de la trappe, comme l'exige le paragraphe 2.5(1) de la partie II du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail intitulé « Ouvrages permanents ». Le paragraphe 2.5(1) se lit comme suit : 2.5(1) Lorsqu'un employé a accès à une ouverture dans un mur qui présente une dénivellation de plus de 1,2 m du sol, ou à une ouverture dans le plancher, l'ouverture doit être munie de garde-fous très visibles ou couverte de matériaux pouvant supporter toutes les charges qui peuvent y être appliquées.

[18] Il a ajouté que la porte de la trappe n'était pas conforme au paragraphe 2.9(3) du Règlement susmentionné, car il n'y a pas de butoir de pied. Le paragraphe 2.9(3) se lit comme suit :

2.13 Lorsqu'il y a risque que des outils ou autres objets tombent d'une plate-forme ou de tout autre plan surélevé sur un employé :

a) un butoir de pied faisant saillie d'au moins 125 mm au-dessus du niveau de la plate-forme ou du plan surélevé doit être installé.

[19] Il a ensuite soutenu que les trappes des tours étaient trop étroites pour permettre aux agents de correction de se conformer à l'alinéa 2.9(3) du Règlement susmentionné quand ils franchissent la trappe. L'alinéa 2.9(3) se lit comme suit :

2.9.(3) Il est interdit à un employé de transporter des outils ou des matériaux lorsqu'il se déplace sur une échelle fixe, à moins de pouvoir le faire en toute sécurité.

[20] M. Boucher a argué que l'escalier en spirale des tours n'est pas conforme au point 3.4.7.4 du Code national du bâtiment parce que les marches ne sont pas perpendiculaires à la personne, la largeur du rebord antérieur et postérieur des marches n'est pas suffisante et la hauteur des marches n'est pas uniforme.

[21] Enfin, il a soutenu la pertinence des nombreuses raisons relatives à la santé et à la sécurité invoquées par les agents de correction Boucher et Stupor dans leur refus de travailler.

[22] M. Jaworski a déclaré que les faits mentionnés dans l'affaire ne prouvaient pas qu'il y avait danger en vertu du Code et il a cité la décision no 01-008 de l'agent d'appel Serge Cadieux sur Welbourne et Canadien Pacifique Limitée où il interprète la définition de « danger ». Il a demandé que je confirme la décision d'absence de danger de l'agent de santé et de sécurité Mattson par suite de l'enquête sur les refus de travailler des agents de correction Boucher et Stupor.

[23] Il a soutenu que, même si la définition de danger du Code s'applique maintenant à des risques ou des situations réels et potentiels, la décision relative à Welbourne et Canadien Pacifique Limitée avait montré qu'il doit y avoir une probabilité suffisante de blessures ou de maladie avant que le risque soit corrigé pour constituer un danger. Il a rappelé que l'ÉCB avait été construit en 1938 et que les bâtiments plus anciens ne sont pas toujours aussi propres et confortables que les nouveaux. Il a soutenu que les risques et les conditions mentionnés par les agents de correction Boucher et Stupor dans leur refus de travailler concernaient le confort et la propreté plutôt que le danger.

[24] En ce qui concerne l'argument de M. Bouchard selon lequel la partie II du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail intitulé « Ouvrages permanents » exige que la trappe reste entourée d'une rampe et d'un butoir de pied, M. Jaworski a précisé que la porte de la trappe est fermée pendant les quarts de travail et que les agents de correction ne l'ouvrent que pour aller à leur poste au sommet de la tour ou le quitter. Par conséquent, les exigences relatives à une rampe et à un butoir de pied ne s'appliquent pas aux tours de l'ÉCB.

[25] M. Jaworski a admis que l'ouverture de la trappe était étroite et que des agents de forte stature pouvaient trouver difficile de la franchir avec une arme et un sac en bandoulière. Toutefois, il a rappelé que l'ÉCB existait depuis 1938 et que le risque lié à cette situation n'était pas nouveau. Il a soutenu que rien dans cette affaire n'indiquait qu'une arme avait été endommagée et représentait par conséquent un danger. Il a ajouté que si les agents de correction Boucher ou Stupor croyaient que leur arme avait été endommagée, ils pouvaient en tout temps demander par radio ou par téléphone qu'on leur en fournisse une autre. Les agents pouvaient aussi tester leur arme dans une chambre d'essai dans chacune des tours. Aucun d'eux n'a demandé une autre arme ou ne l'a testée dans le dispositif prévu à cette fin.

[26] Bien qu'il ait admis qu'il y ait pu avoir de la moisissure dans la tour, M. Jaworski a souligné que rien ne confirmait cette affirmation ou n'établissait un lien entre la moisissure et la mauvaise odeur mentionnée par l'agent de correction Boucher et les problèmes respiratoires qu'il disait éprouver après un séjour prolongé dans la tour sud-est. À cet égard, il a cité la décision no 12-018 de l'agent d'appel dans l'affaire opposant le Syndicat uni du transport et Laidlaw Transit Ltd. Para Transpo Division, en date du 7 août 2001.

[27] M. Jaworski n'était pas d'accord avec l'affirmation de M. Bouchard, selon laquelle l'escalier en spirale des tours n'était pas conforme au Code national du bâtiment ou aux directives du Conseil du Trésor. Il a précisé que les normes concernent la conception et la construction de nouveaux bâtiments et la rénovation. Comme les tours en question ont été érigées en 1938 et qu'aucune rénovation n'a été entreprise, les normes susmentionnées ne s'appliquent pas.

****

[28] La question dans cette affaire est de savoir s'il y a un danger en vertu du Code pour les agents de correction Boucher ou Stupor comme le laissent entendre à leurs plaintes concernant les tours sud-est et sud-ouest.

[29] Pour interpréter la définition de danger en vertu du Code, je me reporte à l'affaire Welbourne et Canadien Pacifique Limitée, où l'agent d'appel Cadieux affirme, aux paragraphes 19 et 20, que la tâche, la situation ou le risque existant ou éventuel mentionné dans la définition doit être susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Concernant le passage « avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée », il a ajouté qu'on devait pouvoir établir avec une certitude raisonnable qu'il y aurait effectivement une blessure ou une maladie immédiatement s'il y avait exposition au risque, à la situation ou à la tâche, à moins qu'on n'élimine le risque, qu'on ne corrige la situation ou qu'on ne modifie la tâche. En sachant cela, on ne peut attendre qu'un accident se produise, d'où le besoin d'agir dans de telles situations. Je suis d'accord avec cette interprétation et je compte l'appliquer au cas présent. À titre d'information, je reproduis ci-dessous les paragraphes 14 à 21 :

[14] Dans le cas présent, la question consiste à déterminer si M. Welbourne était dans une situation dangereuse, telle que définie par le Code, parce que la soufflette pouvait se séparer du collier. comme le Code a été modifié il y a très peu de temps, soit le 30 septembre 2000, il est nécessaire d'examiner minutieusement la signification du mot « danger » défini dans le nouveau Code pour appliquer les critères appropriés et déterminer si un danger existe en vertu du Code.

[15] Le Code définit comme suit le terme « danger » à l'alinéa 122(1) :

« danger » Situation, tâche ou risque – existant ou éventuel – susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade – même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats –, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur. « danger » means any existing ou potential hazard ou condition ou any current ou future activity that could reasonably be expected to cause injury ou illness to a person exposed to it before the hazard ou condition can be corrected, ou the activity altered, whether ou not the injury ou illness occurs immediately after the exposure to the hazard, condition ou activity, et includes any exposure to a hazardous substance that is likely to result in a chronic illness, in disease ou in damage to the reproductive system.

[16] Cette nouvelle définition du terme est similaire à l'ancienne définition, stipulée avant que le Code soit modifié, et qui se lisait comme suit :

« danger » Risque ou situation susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant qu'il ne puisse y être remédié.

[17] La définition actuelle du « danger » vise à améliorer la définition du même terme que l'on retrouvait avant la modification du Code, qui était jugée comme trop limitative pour protéger la santé et la sécurité des employés. Selon la jurisprudence basée sur l'ancienne notion de danger, celui-ci devait être présent et immédiat au moment de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité. La nouvelle définition élargit cette notion pour tenir compte des risques, situations ou tâches éventuels. Cette approche reflète mieux le but du Code, énoncé à l'article 122.1 :

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l'occupation d'un emploi régi par ses dispositions.

[18] Selon la définition actuelle du terme, le risque, la situation ou la tâche n'ont plus à être présents uniquement lors de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité, mais peuvent l'être éventuellement ou dans le futur. Le New Shorter Oxford Dictionary, édition de 1993, définit le mot « potential (éventuel) » ainsi : « possible, par opposition à réel; capable de se produire; latent ». Le dictionnaire Black's Law Dictionary, septième édition, définit « potential » comme « capable de se produire; possible ». L'expression « tâche éventuelle » indique que cette tâche n'est pas « réellement » exécutée [en présence de l'agent de santé et de sécurité], mais devra être éventuellement effectuée par une personne. Par conséquent, en vertu du Code, le danger peut aussi être éventuel dans la mesure où le risque, la situation ou la tâche peut prendre place et est susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée ou la rendre malade avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.

[19] La situation, la tâche ou le risque – existant ou éventuel, mentionné dans la définition doit être susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Donc, cette notion « d'être susceptible de causer » exclut toutes situations hypothétiques.

[20] L'expression « avant que le risque soit écarté ou la situation corrigée » a été interprétée comme signifiant que des blessures ou une maladie vont probablement être causées sur place et à l'instant, c'est-à-dire immédiatement3 . Toutefois, la définition actuelle du terme « danger », la mention de risque, de situation ou de tâche doit être interprétée en tenant compte du risque, de la situation ou de la tâche existants ou éventuels, ce qui semble éliminer de la notion précédente de danger le préalable que des blessures ou la maladie se produiront raisonnablement sur-le-champ. En fait, les blessures ou la maladie ne peuvent découler que de l'exposition au risque, à la situation ou à la tâche. Donc, étant donné la gravité de la situation, il doit y avoir un niveau raisonnable de certitude qu'il y aura effectivement une blessure ou une maladie immédiatement s'il y a une exposition au risque, à la situation ou à la tâche, à moins qu'on élimine le risque, qu'on corrige la situation ou qu'on modifie la tâche. En sachant cela, on ne peut attendre qu'un accident se produise, d'où le besoin d'agir rapidement et immédiatement dans de telles situations.

3 Brailsford contre Worldways Canada Ltd. (1992), 87 di 98 (CCRT)
Bell Canada contre Travail Canada (1984), 56 di 150 (CCRT)

[21] L'expression anglaise « whether ou not the injury ou illness occurs immediately after the exposure to the hazard, condition ou activity » ajoutée à la nouvelle définition de danger ne se rapporte pas aux circonstances de la présente cause et ne sera pas abordée en détail. Cependant, par souci de clarté et de précision, je renvoie le lecteur à la version française de cette partie de la définition, qui a également force de loi et stipule : « même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats ». Traduite à la lettre, cette expression suggère qu'une blessure ou maladie peut se produire lorsque la personne est exposée, même si les effets sur le corps ou la santé de la personne exposée ne sont pas immédiats. Enfin, je n'aborderai pas les modifications apportées à la définition de danger à propos de l'exposition à des substances dangereuses puisqu'elles n'ont rien à voir dans la présente cause.

[30] Dans la présente cause, l'agent de santé et de sécurité a tenu compte de tous les faits pertinents reliés aux refus de travailler de MM. Boucher et Stupor et a décidé qu'il n'y avait pas danger pour l'un ou l'autre des employés. Je suis d'accord avec cette décision dans chacun des cas pour les raisons exposées ci-dessous.

[31] Bien que les agents se soient plaints de la présence d'odeurs et de moisissures et de la malpropreté générale des tours, ils n'ont pas prouvé que les moisissures, les odeurs ou la malpropreté étaient raisonnablement susceptibles de causer des blessures ou des maladies avant que la situation soit corrigée. Pour qu'il y ait danger, il faut établir une preuve médicale ou scientifique reliant l'inconfort physique éprouvé à une substance dangereuse à laquelle l'employé est exposé.

[32] En ce qui concerne les risques liés à l'installation électrique, je n'ai reçu aucune preuve qu'une ou l'autre des anomalies mentionnées par M. Boucher ou M. Stupor constituait un danger pour l'un ou l'autre. Au contraire, la preuve indique que les anomalies électriques existaient des mois avant leur refus de travailler. De plus, Mme Blasko a affirmé que les agents de correction n'ont pas à accomplir des tâches liées à l'installation électrique de la tour. Le risque qu'ils courent à cet égard est donc réduit.

[33] Relativement aux rampes et aux marches de l'escalier en spirale du premier palier, l'article 2.2 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail exige que la conception et la construction depuis l'entrée en vigueur de la partie intitulée « Ouvrages permanents » réponde aux exigences du Code national du bâtiment de 1995. Concernant les bâtiments construits avant l'adoption du Règlement, comme ceux de l'ÉCB, et les rénovations, l'exigence de conformité de la conception et de la construction au Code national du bâtiment se réduit à la « mesure du possible ». Dans la décision no 92-002 concernant l'Alberta Wheat Pool et Stan Zahn, en date du 18 février 1992, l'agent d'appel Serge Cadieux (alors agent régional de santé et de sécurité) a écrit :

Dans une décision antérieure, The New Brunswick Telephone Company Limited v. Gallant, j'ai indiqué ce qui suit : « Comme le paragraphe 9.12(1) oblige l'employeur à aménager les lieux d'aisance « dans la mesure du possible », j'estime que le législateur voulait que, dans chaque cas, la nécessité d'aménager des lieux d'aisances soit déterminée en fonction de l'importance des travaux que cela représenterait pour l'employeur. »

En outre, il est intéressant de savoir que la province de la Saskatchewan a défini cette expression dans ses lois, définition avec laquelle je suis d'accord et aux termes de laquelle :

[TRADUCTION] « possible » signifie physiquement possible compte tenu des connaissances et des techniques actuelles;
et
« dans la mesure du possible » signifie faisable à moins que la personne qui doit exécuter une tâche puisse prouver qu'il existe une disproportion énorme entre les avantages et les coûts liés à la tâche du point de vue du temps, des efforts et des sommes à consacrer à l'exécution de la tâche. »

Ainsi, compte tenu de l'information qui précède, les points suivants doivent être pris en considération en vue de déterminer si, « dans la mesure du possible », des lieux d'aisances peuvent être aménagés : NOTE : Dans les critères suivants, le terme obligation s'entend de l'obligation d'aménager des lieux d'aisances, comme le prévoit la Loi.

1. Lorsque l'obligation est prévue dans la Loi, une décision doit être prise dans chaque cas quand à la question de savoir si, « dans la mesure du possible », l'employeur peut se conformer à cette obligation.

2. Dans la présente affaire, c'est à l'employeur, Alberta Wheat Pool, qu'il incombe de prouver que celle-ci est prévue en vertu de l'alinéa 125g) de la partie II du Code canadien du travail et de la partie IX (Hygiène) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail.

3. Aux fins de la détermination évoquée ci-dessus, il faut tenir compte des avantages qui découlent de l'obligation par opposition aux coûts, c'est-à-dire du temps, des efforts et des frais que représentent les mesures à prendre par l'employeur pour se conformer à l'obligation.

4. Il faut faire une évaluation en vue de déterminer s'il y a un trop grand écart entre les avantages qui découlent de l'obligation et les coûts. Si un trop grand écart existe, il faut alors conclure qu'il n'est pas possible pour l'employeur de se conformer à l'obligation « dans la mesure du possible ».

Ainsi, l'agent de santé et de sécurité aurait dû tenir compte des quatre critères précédents, ou de considérations semblables, pour déterminer si, « dans la mesure du possible », l'employeur pouvait aménager des lieux d'aisances. Dans la présente affaire, l'agent de santé et de sécurité a admis qu'il avait ordonné à l'employeur d'aménager lesdits lieux d'aisances sans avoir tenu compte des critères ci-dessus. Il a seulement tenu compte du fait qu'il était « possible » d'aménager des lieux d'aisances, c'est-à-dire que cela pouvait être fait selon les normes actuelles, mais il ne s'est pas demandé si l'exigence était raisonnable, comme prévoyait le Règlement.

[34] Dans cette affaire, rien n'indique qu'il était raisonnablement possible de modifier le garde-fou, les marches de l'escalier ou la rampe fixée à l'échelle.

[35] M. Jaworski a argué que la trappe au sommet de la tour est normalement fermée. On ne l'ouvre que pour laisser entrer ou sortir quelqu'un. Dans ces conditions, je suis d'accord avec lui pour dire que les articles 2.12 et 2.13, intitulées respectivement « Garde-fous" et « Butoirs de pied », ne s'appliquent pas aux trappes des tours.

[36] En ce qui concerne les dommages possibles causés aux armes des agents de correction en franchissant la trappe de la tour, je constate qu'ils disposaient d'un dispositif conçu pour les tester s'ils croyaient qu'elles avaient été endommagées. Ils pouvaient aussi demander d'autres armes par radio ou par téléphone. Par conséquent, je ne suis pas d'accord avec eux pour dire que le fait de heurter leur arme contre le mur ou le plafond constituait pour eux un danger. Dans son témoignage concernant la façon correcte de transporter une arme dans la tour en franchissant la trappe, M. Boucher a admis qu'il fallait faire attention de la heurter contre le mur ou le plafond. Je conclus que cela est faisable, si on s'y prend correctement. De plus, les agents ont un recours s'ils craignent que leur arme ait été endommagée.

[37] M. Boucher a mentionné quatre accidents où des employés étaient tombés dans les tours sud-est et sud-ouest. Sur ces accidents, un est survenu en juin 1993, et les autres en hiver, soit un en janvier 2000 et deux en janvier 2002. Selon les rapports d'enquête de situations comportant des risques rédigés par M. Lee, tous les employés tombés en hiver ont déclaré que leurs chaussures étaient mouillées et que les marches étaient sales et glissantes. Ces rapports indiquent que le risque de glisser ou de tomber dans l'escalier ou dans l'échelle est plus grand quand ils sont sales et que les chaussures des agents sont mouillées.

[38] Le refus de travailler des agents de correction Boucher et Stupor a été présenté le 20 août 2001. Dans son rapport de refus de travailler, l'agent de correction Boucher a déclaré que les marches de l'escalier de la tour sud-est étaient mouillées, disjointes et couvertes de poussière de plâtre et de ciment. L'agent de correction Stupor s'est plaint de la hauteur inadéquate de la rampe de l'escalier de la tour sud-ouest. Mme Blasko a déclaré qu'au moment où elle avait enquêté sur les refus de travailler avec le Comité sur la santé et la sécurité au travail, les marches étaient sèches. L'agent de santé et de sécurité Mattson a enquêté sur les refus de travailler plus tard dans la journée et a décidé qu'il n'y avait pas de danger. Il a noté dans son rapport que l'entretien ménager laissait à désirer, mais n'a pas constaté la présence d'eau dans les escaliers ou dans les échelles.

[39] Dans cette affaire, rien n'indique qu'on pouvait s'attendre à ce que les escaliers, les échelles ou les chaussures des employés soient mouillés, de sorte que je ne suis pas persuadé qu'il serait raisonnable que ceux-ci présenteront un danger à leur prochaine utilisation ou que le risque pourrait causer des blessures à un employé avant qu'il puisse être corrigé. Mme Blasko a également déclaré que les escaliers des tours avaient été nettoyés le jour suivant.

[40] Malgré ma conclusion d'absence de danger lié aux escaliers et aux échelles, je suis troublé par les faits entourant les accidents mentionnés durant l'audience et dans les rapports de refus de travailler de MM. Boucher et Stupor. D'abord, dans deux des rapports, rien n'indique qu'un membre du Comité de santé et de sécurité a participé aux enquêtes sur les accidents. Ensuite, en dépit du fait que trois des rapports d'enquête de situations comportant des risques aient mentionné des chaussures et des marches mouillées comme causes d'accident, il ne me semble pas que la direction a pris des mesures soutenues pour assurer la propreté des escaliers et des échelles ou pour permettre aux employés de sécher leurs chaussures avant de monter les marches et de grimper dans les échelles. On peut louer la réaction rapide de Mme Blasko pour remédier aux risques mentionnés par les employés qui ont refusé de travailler, mais il ne faut pas attendre que se produise un incident pour prendre des mesures.

[41] M. Boucher a déclaré qu'il avait refusé par suite d'un sentiment de frustration face à l'inaction de l'ÉCB concernant les risques mentionnés. Bien que sa motivation soit compréhensible, on ne peut invoquer le droit de refuser de travailler pour accélérer la résolution de problèmes de santé et de sécurité au travail. Que les risques mentionnés par les agents de correction Boucher et Stupor constituent une contravention à la partie II et aux règlements afférents, cela ne signifie pas nécessairement qu'il y a un danger.

[42] J'estime que l'enquête de l'agent de santé et de sécurité Mattson sur les refus de travailler était complète et adéquate et je suis d'accord avec sa conclusion d'absence de danger dans les deux cas de refus de travailler.



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Douglas Malanka
Agent d'appel


Résumé de la décision de l'agente d'appel

Node la décision : 02-022

Demandeurs : Don Boucher et James Stupor

Répondant : Service correctionnel du Canada

Mots clés : Refus de travailler, danger, tour de guet, trappe, butoir de pied, escalier, marche et rampe d'escalier, émanations nocives, moisissure, fil électrique dénudé, arme.

Dispositions : CCT : 128., 129., 146.(1), 146.1(1)
Règlement sur la santé et la sécurité au travail du Canada : 2.5, 2.9(3), 2.12, 2.13

Résumé :

Le 20 août 2001, les agents de correction M. Don Boucher et M. James Stupor ont maintenu leur refus de travailler en vertu de l'article 128 de la partie II du Code canadien du travail, (ci-après désigné par le Code ou la Partie II). Les deux agents se sont plaints respectivement que les conditions dans les tours sud-est et sud-ouest de l'établissement de Collins Bay (ÉCB) constituaient un danger en vertu du Code.

L'agent de santé et de sécurité Chris Mattson a enquêté sur les refus de travailler et, après enquête, a avisé les parties qu'il n'y avait pas danger pour les agents. Ce même jour, il a confirmé par écrit sa décision d'absence de danger.

Après enquête, l'agent d'appel a confirmé la décision de l'agent de santé et de sécurité selon laquelle les risques mentionnés par les employés refusant de travailler ne constituent pas un danger en vertu du Code.

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