Archivée - 2003 TSSTC 001 - Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Gaëtan Auger
Demandeur
et
S. O.
employeur
___________________________
Décision no 03-001
Le 9 janvier 2003

L'agent d'appel Douglas Malanka a examiné les circonstances de la décision de l'agent de santé et de sécurité Serge Marion rendue le 18 avril 2002 aux termes du paragraphe 129.(4) du Code canadien du travail (ci-après appelé la Partie II ou le Code) concluant à l'absence de danger pour M. Gaëtan Auger. L'audience a été tenue le 11 décembre 2002, à Ottawa (Ontario)

Ont comparu :

M. Gerry McCabe, mécanicien en machinerie lourde et représentant des employés de Via Rail Canada Inc.
Comité local de santé et de sécurité au travail
M. Gaëtan Auger, électricien, Via Rail Canada Inc.
M. Elwin Carson, Canadian Auto Workers
La société Via Rail Inc. (VIA) n'a pas pris part à ces procédures.
M. Serge Marion, agent de santé et de sécurité, Développement des ressources humaines Canada.

[1]  Le 10 avril 2002, après l'arrivée du train n° 31 de VIA en gare d'Ottawa, le superviseur de M. Auger, M. Brian Canning, lui a confié la tâche de vérifier si les rallonges électriques qui se trouvaient dans l'armoire électrique des wagons de passagers LRC1 du train pouvaient servir à alimenter en électricité les réfrigérateurs situés dans les mêmes wagons.

1 LRC est un acronyme qui signifie Léger, Rapide, Confortable

[2]  Pendant qu'il s'acquittait de sa tâche, M. Auger a constaté que les rallonges électriques fabriquées de fil électrique de calibre 25 étaient connectées au côté « load » des panneaux de distribution électrique plutôt qu'au côté « line » comme il se devrait. Selon le témoignage de M. Auger, les rallonges ainsi installées n'étaient protégées que par les disjoncteurs de 100 ampères dans les panneaux de distribution. Donc, les fils dans les rallonges électriques et tout appareil qu'on y brancherait seraient soumis à une intensité de courant beaucoup trop élevée dans l'éventualité d'un court-circuit. Il a expliqué que le Code canadien de l'électricité. Partie I, prévoit que des fils de calibre 25 doivent être protégés d'une surcharge de courant par des disjoncteurs ne dépassant pas 15 ampères. Il a en outre ajouté que les rallonges électriques n'étaient pas autorisées dans le wagons et que, par conséquent, elle ne figuraient pas sur les schémas de VIA.

[3]  M. Auger a expliqué à M. Canning que la situation était dangereuse puisque les fils dans les rallonges ou dans les appareils qui y seraient connectés pourraient surchauffer et brûler s'il se produisait un court-circuit. Cela engendrerait un risque de feu, d'exposition à des émissions toxiques ou à des chocs électriques. Il a ajouté que, puisque les rallonges électriques étaient rassemblées avec d'autres fils dans les panneaux électriques, les autres circuits pourraient également être endommagés et poser des risques supplémentaires. M. Auger a affirmé que l'utilisation non autorisée de rallonges électriques posait un danger pour lui, pour les autres employés de VIA ainsi que pour les passagers.

[4]  Par la suite, M. Canning a informé M. Auger que VIA avait décidé de profiter des inspections « E » pour retirer les rallonges électriques dans les wagons LRC, non pas parce qu'elles étaient dangereuses, mais parce qu'elles n'étaient pas autorisées et parce qu'elles n'étaient plus nécessaires. M. Canning a donc accepté de permettre à M. Auger de retirer les rallonges électriques des wagons du train n° 31 s'il jugeait toujours qu'elles étaient dangereuses. Pour sa part, M. Auger voulait que les rallonges soient retirées dans tous les trains de la société VIA et voulait qu'on en avise toutes les personnes concernées, y compris les passagers de VIA. Le 17 avril 2002, il a refusé de travailler.

[5]  Dans son témoignage, l'agent de santé et de sécurité Marion a expliqué qu'il avait mené une enquête sur le refus de travailler de M. Auger dans l'après-midi du 17 avril 2002. Il a indiqué que M. Auger lui avait dit qu'il refusait de travailler parce que la modification engendrait un danger pour lui-même, pour les autres employés et pour les passagers.

[6]  Après son enquête, l'agent de santé et de sécurité Marion a décidé qu'il n'existait aucun danger pour M. Auger. Il a conclu qu'il n'était pas raisonnable dans les circonstances de s'attendre à ce que le danger posé par des rallonges électriques cause des blessures à M. Auger. Il estimait qu'il devrait d'abord se produire toute une suite d'événements improbables avant que ne survienne un court-circuit et qu'il était douteux que cette situation se concrétise. Il a souligné que les rallonges électriques étaient branchées ainsi depuis huit ans sans qu'aucun court-circuit ou blessure ne se soit produit et que seul le personnel autorisé avait accès aux armoires électriques sur les wagons LRC. Il jugeait plus probable que les gens s'éloigneraient spontanément du secteur plutôt que de s'exposer à une fumée toxique ou à la possibilité de chocs électriques s'il survenait un court-circuit.

[7]  Malgré le fait que l'agent de santé et de sécurité Marion ait décidé qu'il n'existait pas de danger, il estimait que la modification électrique en question contrevenait au paragraphe 8.3(1) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, ainsi qu'à la règle 14-000 du Code canadien de l'électricité, Partie I. Il croyait en outre que la contravention était assez grave pour justifier d'émettre une instruction en vertu du paragraphe 145.(1) du Code. L'instruction ordonnait à VIA de rectifier la contravention dans les deux semaines, soit la période se terminant le 2 mai 2002.

[8]  À l'audience, M. Auger a fait valoir qu'un dangereux court-circuit pouvait se produire dans la rallonge électrique même ou dans tout appareil connecté à une rallonge électrique comme un réfrigérateur ou un des aspirateurs dont se servent les employés d'entretien pour nettoyer les wagons. Il a indiqué que le court-circuit pouvait également se produire dans le panneau de distribution électrique si on utilisait une rallonge pour fournir de l'électricité au panneau de distribution depuis la locomotive ou la source d'approvisionnement au quai.

[9]  M. Auger a également parlé d'une vidéocassette qu'il avait soumise avant l'audience. La vidéo montrait une rallonge électrique semblable à celle utilisée dans les wagons que l'on soumettait à divers niveaux de courant électrique. Lorsqu'un courant d'environ 60 ampères était appliqué à la rallonge, l'isolant qui entourait le fil se mettait à émettre de la fumée. Au fur et à mesure que le courant dans le fil montait jusqu'à 88 ampères, la fumée qui s'échappait de la rallonge augmentait en quantité et en densité.

[10]  M. Carson a témoigné que les réfrigérateurs, en fait, étaient connectés à la rallonge avant que l'électricité ne soit fournie par la locomotive ou par le poste d'approvisionnement au quai, et que le personnel d'entretien avait utilisé les rallonges pour faire fonctionner les aspirateurs.

****


[11]  Selon le rapport de l'agent de santé et de sécurité Marion, M. Auger a refusé de travailler parce qu'il jugeait que la présence des rallonges électriques créait un danger pour lui-même ainsi que pour les autres employés et les passagers de VIA.

[12]  Toutefois, le droit de refuser de travailler est un droit individuel, énoncé de manière très spécifique à l'article 128 du Code. L'article 128 du Code est ainsi libellé :

128.(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche s'il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l'utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;
b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;
c) l'accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[13]  En l'espèce, rien n'indique que l'utilisation par M. Auger d'une machine ou d'une chose ou que l'exécution d'une tâche liée à l'utilisation des rallonges électriques en question pouvait causer des blessures à un autre employé. Ceci étant, il faut donc décider si les rallonges électriques incorrectement connectées posaient un danger pour M. Auger.

[14]  Pour trancher cette question, je me reporte à la définition de danger que l'on trouve au paragraphe 122(1) du Code, laquelle est formulée comme suit :

« danger » Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats - avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[15]  Selon cette définition, une situation, une tâche ou un risque, existant ou éventuel, devient un danger lorsque l'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il en découle une blessure ou une maladie pour une personne qui y est exposée avant qu'on ait pu écarter le risque, corriger la situation ou modifier la tâche. Il est donc évident qu'il peut exister dans un milieu de travail des risques, des situations ou des tâches qui ne posent pas de danger. Le cas échéant, l'employeur est néanmoins tenu en vertu du Code de veiller à protéger la santé et la sécurité des employés. Cette obligation est clairement stipulée à l'article 124 du Code et est renforcée aux articles 122.1, 122.2 ainsi qu'au paragraphe 125 (1). Ces dispositions sont les suivantes :

124 L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l'occupation d'un emploi régi par ses dispositions.

122.2 La prévention devrait consister avant tout dans l'élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d'équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d'assurer la santé et la sécurité des employés.

125.(1) Dans le cadre de l'obligation générale définie à l'article 124, l'employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève…

[16]  Dans l'affaire Service correctionnel du Canada - établissement Drumheller et Larry DeWolfe, Décision n° 02-005, datée du 9 mai 2002, j'ai été appelé à interpréter la définition de danger et j'estime que l'interprétation que j'ai fournie aux paragraphes 41 et 42 s'applique à la présente espèce. Les paragraphes 41 et 42 étaient formulés comme suit :

[41]  Pour décider s'il y a un danger, l'agent de santé et de sécurité doit prendre en compte tous les aspects de la définition du mot danger et, à l'achèvement de son enquête, décider si les faits invoqués dans cette affaire permettent de conclure à un danger au sens où l'entend le Code. Pour cela, il ne doit se fonder que sur des faits convaincants, étant donné que le droit de refus et les dispositions prises dans le Code en matière de danger sont considérés comme des mesures exceptionnelles. Pour qu'un agent de santé et de sécurité puisse conclure qu'une situation ou un risque éventuel constituait, au moment de son enquête, un danger au sens où l'entend le Code, comme dans la présente affaire, les faits invoqués doivent permettre d'établir :

  • que ce risque ou cette situation se présentera;

  • qu'un employé y sera alors exposé;

  • que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que ce risque ou cette situation lui cause une blessure ou une maladie;

  • que la blessure ou la maladie surviendra immédiatement après l'exposition à ce risque ou à cette situation.

[42]  Il s'ensuit que si un risque ou une situation existe au moment où l'agent de santé et de sécurité mène son enquête, les faits invoqués doivent seulement permettre d'établir :
  • qu'un employé sera exposé ce risque ou à cette situation;

  • que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que ce risque ou cette situation lui cause une blessure ou une maladie;

  • que la blessure ou la maladie surviendra immédiatement après l'exposition à ce risque ou à cette situation.

[17]  Après avoir examiné soigneusement les faits présentés dans la présente affaire, j'estime que les risques qu'un court-circuit puisse survenir sont négligeables et qu'il n'était pas raisonnable de s'attendre à ce que les rallonges électriques, même si elles étaient incorrectement connectées, puissent causer des blessures à M. Auger, lui-même un électricien compétent, avant qu'on ait pu corriger la situation ou éliminer le risque. Bien que j'accepte la validité des dires de M. Auger à l'effet que les rallonges constituent un risque puisqu'elles n'étaient pas correctement protégées par un disjoncteur, et que ce fait est important pour le programme de prévention des accidents de VIA, cela ne suffit pas pour établir l'existence d'un danger au sens du Code.

[18]  Malgré tout, à l'audience, j'ai été impressionné par la conscience professionnelle de M. Auger en matière de santé et de sécurité. Même si je ne suis pas d'accord avec lui sur la question de l'existence d'un danger, il a tout de même cerné un risque qu'il a signalé à la société VIA, laquelle a pu par la suite corriger la situation et éliminer toute possibilité de blessure.

[19]  Néanmoins, je juge que la décision de l'agent de santé et de sécurité Marion à l'effet qu'il n'existait pas de danger pour M. Auger est correct et raisonnable compte tenu des circonstances, et je confirme cette décision.



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Douglas Malanka
Agent d'appel



Résumé de la décision de l'agent d'appel


No de décision : 03-001
Demandeur : G. Auger
Employeur : Aucun
Mots clés : danger, sécurité de l'électricité, rallonge électrique, LRC, wagons de passagers, modification non autorisée, court-circuit, disjoncteur, choc électrique, réfrigérateur, aspirateur, intensité de courant excessive, Code canadien de l'électricité, Partie I, janvier 1990.
Dispositions :
C.C. T. :
122.(1), 122.1, 122.2, 124, 128, 129
Sommaire :

Le 17 avril 2002, un électricien de VIA Rail a refusé de travail. Il avait découvert des modifications non autorisées apportées aux wagons de passagers LRC de VIA Rail, soit l'ajout de rallonges électriques aux panneaux de distribution électrique des wagons. Il estimait que cette modification constituait un danger au sens du Code puisque le circuit n'était pas protégé contre une intensité excessive de courant. Il estimait que, s'il devait se produire un court-circuit ou une surcharge de couracnt dans la rallonge ou dans un des appareils connectés à la rallonge, la situation pouvait donner lieu à un feu, exposer une personne à des fumées toxiques ou peut-être causer une électrocution.

Après avoir entendu et examiné les faits de la présente espèce, l'agent d'appel a confirmé la décision de l'agent de santé et de sécurité concluant qu'il n'existait de danger pour personne. Il a jugé que les risques qu'il se produise un court-circuit dans les rallonges étaient minimes et qu'il n'était pas raisonnable de s'attendre à ce que des rallonges électriques incorrectement connectées puissent causer des blessures l'employé, lui-même un électricien qualifié.

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