Archivée - 2003 TSSTC 002 - Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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R. Abood, J. Chan, C. Ouelette, D. Rai et B. Singh
demandeurs
et
Air Canada
employeur
___________________________
Décision no 03-002
Le 9 janvier 2003

Douglas Malanka, agent d'appel, a mené enquête sur les circonstances qui entourent la décision des agents de santé et de sécurité G. Garron et G. McCabe, prise le 14 septembre 2001 en vertu du paragraphe 129.(4) du Code canadien du travail (ci-après appelé la Partie II ou le Code), concluant à l'absence de danger pour les employés d'Air Canada, messieurs. R. Abood, J. Chan, C. Ouelette, D. Rai et B. Singh. En même temps, avec l'assentiment des parties, Douglas Malanka, agent d'appel, a examiné la décision de l'agent de santé et de sécurité M. Grinblat rendue le 16 octobre 2001 concluant elle aussi à l'absence de danger pour M. C. Matos, un autre employé d'Air Canada. M. Matos a refusé de travaillé essentiellement pour la même raison que celle invoquée dans les refus de travail précédents. Les audiences ont eu lieu le 22 mai 2002 à Toronto (Ontario) et le 4 juin 2002, à Mississauga (Ontario).

Ont comparu

Mme. C. V. Elias, conseillère juridique, Section Air Canada, Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)
Mme. France Pelletier, présidente de la Section de santé et sécurité au travail, SCFP;
Mme D. Salt, Section 4092 de Toronto, Comité de santé et de sécurité au travail, SCFP;
Mme. R. Henderson, conseillère juridique, Air Canada;
Mme K. MacKenzie, gestionnaire du service en vol, Air Canada;
M. Yves Duguay, directeur principal, Sécurité et gestion des risques, Air Canada
M. G. Garron, agent de santé et de sécurité, Développement des ressources humaines Canada.
M. G. McCabe, agent de santé et de sécurité, Développement des ressources humaines Canada
Mme M. Grinblat, agent de santé et de sécurité, Développement des ressources humaines Canada.

[1]  Par suites des attaques terroristes perpétrées aux États-Unis le 11 septembre 2001, Air Canada a interrompu ses vols réguliers à destination d'Israël. Le 13 septembre 2001, la société a décidé de reprendre son service aérien vers Israël, mais a ensuite préféré annuler le vol.

[2]  Le lendemain, soit le 14 septembre 2001, Air Canada la déterminé que le vol 886 vers Tel Aviv s'envolerait à l'heure prévue, soit 23 h 55. L'équipe de cinq (5) agents de bord assignée au vol 886 d'Air Canada (Aéroport international Lester B. Pearson, Toronto, Canada à destination de Tel Aviv, Israël) s'est présentée à l'aéroport et a signifié un refus de travailler. Les agents de bord considéraient que Tel Aviv n'était pas une destination sûre en raison des actes terroristes constant en Israël et à cause des attaques terroristes perpétrées aux États-Unis le 11 septembre 2001. Ils craignaient d'être exposés au terrorisme et blessés durant leur séjour en Israël.

[3]  Les agents de santé et de sécurité Greg Garron et Gerald McCabe ont donc mené une enquête sur ces refus persistants de travailler. M. Singh a ajouté que le danger était encore plus grand pour lui étant donné son teint légèrement basané semblable à celui des gens du Moyen-Orient, et M. Abood, pour sa part, a ajouté que la situation était particulièrement dangereuse puisqu'il est un Canadien né en Irak. Suite à leur enquête, les agents de santé et de sécurité Garon et Mc Cabe ont conclu qu'il n'existait de danger pour aucun des employés et ont informé les parties de leurs décisions, le 18 septembre 2001.

[4]  Le 14 octobre 2001, M. Charles Matos, membre de l'équipe de service en vol d'Air Canada, a été affecté au vol 886 (aéroport international Lester B. Pearson, Toronto, Canada à destination de Tel Aviv, Israël). M. Matos a refusé de travailler indiquant qu'il craignait l'agitation en Israël et le manque de sécurité à l'hôtel Daniel où il serait hébergé durant son escale en Israël. Il a ajouté qu'on éprouvait là-bas une grande animosité envers les Américains, et qu'étant donné qu'il avait l'apparence d'un Américain et qu'il parlait la même langue, il serait automatiquement ciblé. M. Matos s'est en outre plaint de l'absence d'un plan d'urgence pour évacuer les membres de l'équipage hors d'Israël s'il survenait un incident. Son refus persistant de travailler a donc fait l'objet d'une enquête de l'agent de santé et sécurité Mariana Grinblat. Après son enquête, l'agent Grinblat a déterminé qu'il n'existait aucun danger pour M. Matos. Elle a informé les parties de sa décision le 16 octobre 2001.

[5]  Avant les audiences, Mme Elias et Mme Henderson ont remis à l'agent d'appel leurs arguments respectifs ainsi que leurs recueils de textes à l'appui. Pendant les audiences, Mme France Pelletier, présidente de la Section santé et sécurité au travail, SCFP, Mme K. MacKenzie, gestionnaire en vol d'Air Canada et M. Yves Duguay, directeur principal de la sécurité et de la gestion des risques, Air Canada, ont témoigné. Les agents de santé Garron, McCabe et Grinblat ont également déposé des rapports et témoigné aux audiences. Je retiens les éléments suivants des arguments écrits et des témoignages :

[6]  Les cinq membres de l'équipage qui ont refusé de travailler le 14 septembre 2001 ont rencontré un gestionnaire du personnel naviguant d'Air Canada et un gestionnaire du groupe de la Sécurité et de la gestion des risques d'Air Canada pour parler avec eux des questions de sécurité. Le gestionnaire du groupe de la Sécurité et de la gestion des risques a remis aux membres d'équipage :

  • Une lettre de M. Yves Duguay, directeur principal, Sécurité et gestion des risques;
  • Un exemplaire du Bulletin d'information de voyage de Sécurité et gestion des risques, YUL (359)-01-2, mis à jour le 14 septembre 2001.

[7]  La lettre de M. Yves Duguay, directeur principal de la Sécurité et de la gestion des risques, datée du 28 août 2001, porte sur la sécurité à Tel Aviv. Dans cette lettre, M. Duguay indique qu'il s'est rendu en Israël la semaine du 23 juillet 2001 pour y rencontrer les autorités. M. Duguay conclut que les opérations d'Air Canada à Tel Aviv sont sécuritaires. Il confirme également avoir choisi l'hôtel Daniel à Herzliya plutôt que le Sheraton de Tel Aviv pour y loger les membres d'équipage parce que les mesures de sécurité y sont supérieures. La lettre confirme l'existence d'une entente avec les gens de l'hôtel Daniel pour que les équipages soient logés à l'étage de la réception et qu'ils soient autorisés à utiliser le bar salon des gens d'affaires.

[8]  Le Bulletin d'information de voyage remis aux membres d'équipage avertissait qu'il y aurait deux dates importantes pour les Palestiniens en septembre et qu'il pourrait en résulter de la violence à Jérusalem ainsi que dans les territoires occupés. On prévenait les employés d'éviter les voyages à Jérusalem, en Cisjordanie, dans la bande de Gaza, dans certains secteurs du nord d'Israël, y compris la frontière libanaise, Jaffa et une partie du Tel Aviv métropolitain. On prévenait en outre les employés d'éviter les foules, les marchés ouverts, les terminus d'autobus et les transports en commun. Le bulletin indiquait également qu'Air Canada avait consulté les autorités canadiennes et israéliennes et avait conclu que le degré de risque n'était pas plus élevé par suite des attaques terroristes aux États-Unis.

[9]  Dans l'affaire du refus de travailler de M. Charles Matos, Mme Marianne Hurley, gestionnaire du personnel naviguant d'Air Canada, a rencontré M. Matos et lui a remis une copie de la lettre du 28 août 2001 de M. Duguay ainsi qu'une copie du Bulletin émis par Sécurité et gestion des risques d'Air Canada, YUL (359)-01-2, mis à jour le 18 septembre 2001, ainsi qu'une copie de la décision de l'agent Garron concernant le refus de travail des autres employés d'équipage survenu le 14 septembre 2001. Le bulletin du 18 septembre contenait essentiellement les mêmes renseignements que le bulletin précédent daté du 14 septembre 2001, mais mentionnait en plus le fait que les autorités palestiniennes et israéliennes avaient convenu de mettre un terme aux hostilités et de reprendre les pourparlers au cours des prochaines 48 heures. Lisa Whitton, gestionnaire à Air Canada, aurait alors dit à M. Matos qu'Air Canada possédait bel et bien un plan d'urgence pour l'évaluation des équipages, mais qu'elle ne pouvait divulguer ce plan pour des raisons de sécurité.

[10]  D'après son témoignage, M. Yves Duguay, directeur principal de la Sécurité et de la gestion des risques, travaille pour Air Canada depuis août 2000. Auparavant, il était à l'emploi de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à titre d'enquêteur des crimes commerciaux et c'est là qu'il a acquis son expertise dans les enquêtes, la collecte et l'analyse de renseignements. M. Duguay a expliqué qu'à Air Canada, il est responsable de cerner les risques pour la société et ses employés, y compris les actes de terrorisme ou de fraude, et d'élaborer des stratégies et des plans tactiques permettant d'y faire face activement et vigoureusement.

[11]  M. Duguay a expliqué que le risque de terrorisme en Israël est toujours plus ou moins présent depuis 1947. Pour surveiller le risque de terrorisme en Israël et corroborer les renseignements qu'il recueille, il utilise :

  • des sources ouvertes comme les bulletins d'information aux voyageurs émis par les ministères des Affaires étrangères du Royaume-Uni, du Canada et des États-Unis. En général, on peut se procurer ces bulletins sur Internet;
  • les journaux et les services de nouvelles comme CNN, la BBC, et le Jerusalem Post;
  • les fonctionnaires des organismes et ministères gouvernementaux nationaux et internationaux au Canada et en Israël, y compris les fonctionnaires de Transports Canada et des Affaires étrangères;
  • les forces de l'ordre nationales et internationales au Canada, à Paris, à Rome, et en Israël, y compris la GRC, la police israélienne;
  • les agents de liaison de l'hôtel et de l'aéroport.

[12]  En ce qui concerne l'hôtel Daniel, M. Duguay raconte qu'il s'est rendu à Tel Aviv après l'attentat à la bombe du Dolphinarium disc à Tel Aviv. Il a fait le tour de l'Hôtel Sheraton à Tel Aviv et s'est entretenu avec plusieurs de ses dirigeants. Il s'est ensuite rendu à l'hôtel Daniel à Herzliya, lequel est situé à environ 10 kilomètres au nord de Tel Aviv. Après son examen, il a conclu que la sécurité à l'hôtel Daniel était supérieure pour plusieurs raisons, notamment :

  • l'accès au garage et à l'hôtel est contrôlé;
  • l'hôtel est étroitement surveillé au moyen de caméras en circuit fermé, lesquelles sont sous la surveillance constante d'un garde de sécurité;
  • trois agents en civil sont sur place 24 heures par jour.

En ce qui a trait au transport des membres de l'équipage de l'aéroport Ben Gourion jusqu'à l'hôtel Daniel, M. Duguay a indiqué que l'aéroport Ben Gourion est un des aéroports les plus sécuritaires au monde, doté d'un système de sécurité à niveaux multiples rayonnant. Lorsque les membres d'équipage arrivent à l'aéroport, ils sont accueillis par un gestionnaire d'Air Canada qui les informe des conditions locales. Durant la semaine qui a suivi les attaques terroristes aux États-Unis, les gestionnaires d'Air Canada accompagnaient les autobus qui transportaient les membres d'équipage à l'hôtel Daniel. M. Duguay a également souligné que l'autobus est presque toujours conduit par le même chauffeur, que ce dernier emprunte les grandes routes et qu'il est équipé d'un téléphone cellulaire et de numéros de sécurité qu'il peut rejoindre en tout temps.

[13]  M. Duguay a expliqué que lorsqu'il est revenu au Canada, il a rencontré la haute direction d'Air Canada pour parler des mesures que l'on pourrait prendre pour évacuer les équipages d'Israël si on constatait une aggravation des conflits au Moyen-Orient ou si Tel-Aviv devenait une cible d'attaques terroristes. Après avoir évalué les risques liés à l'évacuation des équipages par les routes, le niveau de sécurité à Tel-Aviv et l'infrastructure israélienne disponible à Tel Aviv et à Herzliya, ainsi que le degré élevé de sécurité des forces israéliennes, la direction a convenu qu'il était préférable que les équipages demeurent dans leurs chambres d'hôtel jusqu'à ce qu'on puisse les évacuer en toute sécurité. Selon M. Duguay, Air Canada était responsable de communiquer cette recommandation à ses équipages. Malgré tout, M. Duguay a signalé qu'il avait rencontré l'association des pilotes d'Air Canada et les avait mis au courant de cette décision.

[14]  Pendant son contre interrogatoire, M. Duguay a toutefois concédé que les autorités au Canada et en Israël ne partagent pas forcément toujours ce qu'ils savent des enquêtes sur les activités ou les menaces terroristes. Toutefois, M. Duguay les consulte pour des questions liées aux alertes terroristes qui surviennent lorsqu'il fait ses rondes de collecte de renseignements. Après l'attaque terroriste du 11 septembre 2001 aux États-Unis, tous les intéressés semblaient dire que le niveau de risque d'actes terroristes n'avait pas augmenté et que tout semblait rester calme. Il attribuait cette situation au fait que le Président Arafat avait formulé sa désapprobation par rapport aux attaques aux États-Unis. Il a en outre souligné qu'on avait annoncé un cessez-le-feu le 18 septembre 2001, et qu'on l'avait mentionné dans la mise à jour du Bulletin d'information de voyage montré à M. Matos. En ce qui concerne l'alerte à la bombe à Herzliya, M. Duguay a déclaré qu'il avait appris de la police Israélienne qu'il s'agissait d'une tentative d'extorsion criminelle et non d'un acte terroriste.

[15]  En fin, M Duguay a signalé qu'Air Canada dessert de nombreuses destinations dans le monde, Chypre par exemple, où il peut se produire des actes terroristes. Il a également fait remarquer qu'Air Canada a repris ses vols vers les États-Unis le 14 septembre 2001, soit dès que les autorités américaines ont rouvert l'espace aérien des États-Unis.

[16]  Mme Pelletier, présidente de la Section de santé et de sécurité, SCFP, a affirmé qu'elle avait participé à des réunions les 4 et 5 octobre 2001, où la SCFP et plusieurs autres syndicats ont été mis au courant des mesures de sécurité mises en place suite aux attaques terroristes survenues aux États-Unis le 11 septembre 2001. Des représentants d'Air Canada, de Transports Canada et du SCRS participaient à la réunion. Elle se souvient d'avoir demandé aux représentants d'Air Canada quelles étaient les plans d'urgence mis en place, mais n'avait pas reçu de réponse précise.

[17]  Mme K. MacKenzie, gestionnaire du personnel naviguant d'Air Canada, a affirmé à l'audience qu'Air Canada fournit aux agents de bord des instructions générales ainsi qu'une formation concernant les destinations où l'escale peut présenter des risques pour la santé et la sécurité des employés, y compris les alertes à la bombe, les détournements et les évacuations. Elle a en outre confirmé qu'Air Canada tient ses employés au courant des dangers signalés pour les diverses destinations au moyen de bulletins et de séances d'information.

[18]  Mme Elias, quant à elle, a fait valoir que le terrorisme en Israël est omniprésent, qu'il frappe au hasard et qu'il se manifeste très fréquemment. Par conséquent, les possibilités de terrorisme ne sont pas hypothétiques. Ainsi, elle estime qu'Air Canada a le devoir en vertu du Code de mettre au point et d'établir en consultation avec les employés, des plans d'urgence pour protéger la santé et la sécurité des employés durant leurs séjours; de veiller à ce que l'information soit communiquée aux employés et de veiller à l'évaluation sécuritaire des employés lorsque survient une situation d'urgence. Elle a réitéré que l'unique raison des refus de travailler du 14 septembre et du 14 octobre 2001 était le refus d'Air Canada d'informer les membres d'équipage de leurs plans d'urgence pour veiller à la santé et à la sécurité de l'équipage durant leur séjour en Israël.

[19]  Elle a soutenu que les agents de santé et de sécurité Garron et Grinblat n'avaient pas correctement appliqué la définition de danger étant donné qu'ils jugeaient que, pour qu'il existe un danger, il devait exister une probabilité raisonnable que les membres d'équipage qui avaient refusé de travailler soient victimes d'activités terroristes et qu'on puisse raisonnablement s'attendre à ce que ce risque d'activités terroristes futures engendre des blessures ou une maladie pour les membres de l'équipage. Elle a fait valoir que pour conclure à l'existence d'un danger, un agent devait seulement établir qu'il était raisonnable de s'attendre à ce que le risque posé par le terrorisme puisse causer une blessure ou une maladie à une personne qui y était exposé avant qu'on ait pu éliminer ce danger. Elle a ajouté que les dangers liés au terrorisme ne sont pas des conditions normales pour des employés en escale dans les destinations d'Air Canada.

[20]  Elle a fait valoir que les décisions des agents de santé et de sécurité Garron et Grinblat à l'effet qu'il n'existait aucun danger pour les employés ayant refusé de travailler devraient être annulées étant donné que les agents ont acceptés les faits présentés par Air Canada sans en vérifier la véracité sur des points comme :

  • le degré de menace terroriste en Israël;
  • la sécurité durant le transport entre l'aéroport Ben Gourion et l'hôtel Daniel à Herzliya;
  • la sécurité globale de l'équipage à l'hôtel Herzliya;
  • les mesures de sécurité mises en place en Israël et à quel point ces mesures suffisent à assurer la santé et la sécurité des membres d'équipage en escale;
  • le plan d'urgence qu'Air Canada affirme avoir mis en place pour évacuer les équipages d'Israël, au besoin.

[21]  Mme Elias estimait, pour sa part, que les représentants d'Air Canada n'ont pas l'expertise voulu pour bien évaluer le risque de terrorisme en Israël et que les bulletins d'information de voyage d'Air Canada ne font que relater de l'information tirée des bulletins d'information du gouvernement. Elle a maintenu que les bulletins d'information d'Air Canada et du gouvernement n'abordaient pas le sujet des équipages en escale, qu'ils ne parlaient pas des plans d'urgence pour l'évaluation des employés et qu'ils étaient rapidement désuets. Elle a ajoute que l'absence de plaintes de la part des équipage ne prouve absolument pas que la sécurité en Israël est suffisante ou bien ciblée.

[22]  Elle a en outre fait valoir que l'agent de santé et de sécurité Grinblat s'est appuyé sur les constatations de l'agent Garron même si le refus de travailler de M. Matos est survenu au moins un mois après le premier refus de travailler et des semaines après la mise à jour du Bulletin d'information.

[23]  Mme Henderson a soutenu que le terrorisme ne relève pas du contrôle de l'employeur, que le Code n'a pas été conçu pour traiter de terrorisme et que le terrorisme ne constitue pas un danger au sens du Code. Elle a porté mon attention à la décision Welbourne et Canadien Pacifique Limitée, [2001] C.L.C.R.S.O. n° 9 et a souligné que le concept d'attente raisonnable lié à la définition de danger fournie dans le Code exclut les situations hypothétiques ou potentielles. Elle a également cité David Pratt, (1988) 73di 218, Conseil canadien des relations de travail, décision où le Conseil a déterminé que l'ancienne définition du Code pour la notion de danger n'englobait pas le risque d'attaques terroristes.

[24]  Elle a ajouté que la situation en Israël au moment des refus de travail était sous contrôle et qu'il n'y avait aucune preuve que les activités terroristes s'étaient intensifiées par suites des attaques du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Elle a soutenu que tous les risques que courent les équipages durant leurs escales sont des risques normaux de leur emploi.

[25]  Mme Henderson a insisté sur le fait que les demandeurs n'ont fourni aucune preuve établissant que les affirmations des représentants d'Air Canada quant à la sécurité en Israël et plus particulièrement à l'hôtel Daniel à Herzliya étaient fausses. Elle a en outre fait valoir que l'existence ou l'absence d'un plan d'urgence n'est pas pertinente pour déterminer si un équipage fera ou non l'objet d'une attaque terroriste.

[26]  En ce qui concerne l'enquête menée par l'agent de santé et de sécurité Grinblat, Mme Henderson a maintenu que l'agent Grinblat a utilisé de l'information qui était toujours pertinente et que rien de prouve que l'information était désuète.

[27]  Pour finir, Mme Henderson a soutenu que les agents de santé et de sécurité Garron et Grinblat n'ont pas négligé d'exercer correctement leur compétence en vertu du Code simplement parce qu'ils n'ont pas trouvé d'infractions.

*****


[28]  La question en l'espèce consiste à déterminer si le potentiel d'exposition au terrorisme durant une escale en Israël constitue un danger pour les employés du personnel naviguant d'Air Canada qui ont refusé de travailler à deux occasions, soit le 14 septembre 2001 et le 14 octobre 2001.

[29]  Pour trancher la question, il faut interpréter la définition de danger fournie dans le Code par rapport aux faits liés aux refus de travailler du personnal naviguant d'Air Canada qui était censé travailler sur un vol à destination d'Israël et y faire escale à l'hôtel Daniel, situé à Herzliya. À l'article 122(1) on définit ainsi la notion de danger:

« danger » Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats - avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée tout exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[30]  De toute évidence, cette définition porte à la fois sur les situations et les risques existants et potentiels ainsi que sur les activités courantes et futures. Dans la décision Welbourne et Canadian Pacific Limitée, n° 01-008, datée du 22 mars 2001, l'agent d'appel Serge Cadieux a souligné qu'en vertu du Code, un danger peut être potentiel dans la mesure où le risque, la situation ou à tâche constitue un danger qui peut se réaliser. Toutefois, dans la même phrase, il précise (voir la dernière phrase du paragraphe 18 ci-dessous) qu'un danger peut aussi être éventuel dans la mesure où le risque, la situation ou la tâche peut prendre place et est susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée ou la rendre malade avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Le paragraphe 18 de cette décision est ainsi formulé :

[18]  Selon la définition actuelle du terme, le risque, la situation ou la tâche n'ont plus à être présents uniquement lors de l'enquête de l'agent de santé et sécurité, mais peuvent l'être éventuellement ou dans le futur. Le New Shorter Oxford Dictionary, édition de 1993, définit le mot « potential (éventuel) » ainsi : « possible, par opposition à réel; capable de se produire; latent. » Le dictionnaire Black's Law Dictionary, septième édition, définit « potential » comme « capable de se produire; possible ». L'expression "future activity" (tâche éventuelle) indique que cette tâche n'est pas « réellement » exécutée [en présence de l'agent de santé et sécurité], mais devra être éventuellement effectuée par une personne. Par conséquent, en vertu du Code, le danger peut aussi être éventuel dans la mesure où le risque, la situation ou la tâche peut prendre place et est susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée ou la rendre malade avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.

[31]  Mme Elias a soutenu, au contraire, que pour en conclure à l'existence d'un danger en vertu du Code, il n'est pas nécessaire de s'attendre raisonnablement à ce que le risque, la situation ou la tâche éventuelle se réalise ou ait lieu. Il suffit plutôt à l'agent de décider s'il est raisonnable de s'attendre à ce que la situation ou le risque existant ou éventuel ou la tâche présente ou future puissent causer des blessures à une personne qui y est exposée ou la rendre malade avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.

[32]  Cependant, le problème de cette interprétation est que s'il n'est pas nécessaire qu'on puisse s'attendre raisonnablement à ce qu'une situation , une tâche ou un risque éventuel prenne place, le danger est de nature encore plus hypothétique que potentiel. Depuis toujours, le tribunaux, y compris le présent tribunal, tiennent pour acquis qu'un danger ne peut être hypothétique. Selon moi, les modifications apportées au Code en septembre 2000 n'ont rien changé à cette interprétation. Toutefois, un des principaux changements apportés à la définition de danger en septembre 2000 est que le risque, la situation ou la tâche à laquelle une personne est exposée peuvent être corrigés ou modifiés et ne plus exister au moment de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité.

[33]  En outre, je suis d'avis que, si les faits qui entourent un refus de travailler ne sont pas suffisants pour établir une attente raisonnable que le risque, la situation ou la tâche future se concrétisera ou aura lieu, et qu'une personne y sera exposée, l'agent de santé et de sécurité ne peux pas s'acquitter du mandat que lui confèrent les paragraphes 129(1), (4), (6) et (7) ainsi que le paragraphe 145 (2) du Code. Dans l'affaire Service correctionnel du Canada, établissement Drumheller et Larry DeWolfe, décision n° 02-005, datée du 9 mai 2002, je me rapportais à la décision Welbourne et Canadien Pacifique Limitée, aux paragraphes 39 à 41 inclusivement.

[39]  Bien que je sois d'accord avec les conclusions auxquelles mon collègue a abouti dans cette affaire, je pense qu'il est nécessaire de les développer face aux arguments invoqués par M. Fader dans la présente affaire. Celui ci fait valoir, plus particulièrement, que pour qu'il y ait danger en vertu du Code, les circonstances créant un danger éventuel doivent exister au moment de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité.

[40]   Selon le paragraphe 129.(1) du Code, quand un agent de santé et de sécurité est avisé qu'un employé continue de refuser de travailler, il est tenu de se livrer à une enquête sur ce refus ou de demander à un autre agent de le faire sans tarder. Une fois son enquête achevée, il doit, comme l'exige le paragraphe 129.(4), décider s'il existe ou non un danger au sens où l'entend le Code. S'il décide qu'il y en a un, il est ensuite obligé, aux termes du paragraphe 129.(6), de donner une instruction à l'employeur en vertu du paragraphe 145.(2), lui enjoignant de prendre, entre autres, des mesures pour écarter le risque, corriger la situation, modifier la tâche ou protéger les personnes contre ce danger. Il doit également donner une instruction aux employés en question, leur enjoignant de cesser de faire le travail en cause jusqu'à ce que l'employeur se soit conformé à l'instruction qu'il lui a donnée en vertu de l'alinéa 145(2)a). S'il conclut à l'absence de danger, alors, selon le paragraphe 129.(7), l'employé ne peut se prévaloir de l'article 128 pour maintenir son refus. L'agent décide évidemment s'il y a danger ou non, au sens où l'entend le Code, au moment de son enquête et, par rapport au paragraphe 145.(2.1), si les employés peuvent travailler à un endroit ou faire le travail en question. Les paragraphes 129.(1), (4), (6) (7) et 145.(2) et 145.(2.1) stipulent ce qui suit :

129.(1) Une fois informé, conformément au paragraphe 128(13), du maintien du refus, l'agent de santé et de sécurité effectue sans délai une enquête sur la question en présence de l'employeur, de l'employé et d'un membre du comité local ayant été choisi par les employés ou du représentant, selon le cas, ou, à défaut, de tout employé du même lieu de travail que désigne l'employé intéressé, ou fait effectuer cette enquête par un autre agent de santé et de sécurité.

129.(4) Au terme de l'enquête, l'agent décide de l'existence du danger et informe aussitôt par écrit l'employeur et l'employé de sa décision.

129.(6) S'il conclut à l'existence du danger, l'agent donne, en vertu du paragraphe 145(2), les instructions qu'il juge indiquées. L'employé peut maintenir son refus jusqu'à l'exécution des instructions ou leur modification ou annulation dans le cadre de la présente partie.

145.(2) S'il estime que l'utilisation d'une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l'accomplissement d'une tâche constitue un danger pour un employé au travail, l'agent :

a) en avertit l'employeur et lui enjoint, par instruction écrite, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu'il précise, à la prise de mesures propres :

(i) soit à écarter le risque, à corriger la situation ou à modifier la tâche,

(ii) soit à protéger les personnes contre ce danger;

b) peut en outre, s'il estime qu'il est impossible dans l'immédiat de prendre les mesures prévues à l'alinéa a), interdire, par instruction écrite donnée à l'employeur, l'utilisation du lieu, de la machine ou de la chose ou l'accomplissement de la tâche en cause jusqu'à ce que ses instructions aient été exécutées, le présent alinéa n'ayant toutefois pas pour effet d'empêcher toute mesure nécessaire à la mise en œuvre des instructions.

145.(2.1) S'il estime que l'utilisation d'une machine ou chose par un employé, une situation existant dans un lieu de travail ou l'accomplissement d'une tâche par un employé constitue un danger pour cet employé ou pour d'autres employés, l'agent interdit à cet employé, par instruction écrite, et sans préjudice des instructions données au titre de l'alinéa (2)a), d'utiliser la machine ou la chose, de travailler dans ce lieu de travail ou d'accomplir la tâche en cause jusqu'à ce que l'employeur se soit conformé aux instructions données au titre de cet alinéa.

129.(7) Si l'agent conclut à l'absence de danger, l'employé ne peut se prévaloir de l'article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois - personnellement ou par l'entremise de la personne qu'il désigne à cette fin - appeler par écrit de la décision à un agent d'appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle ci.

[Le soulignement est de moi.]

[41]   Pour décider s'il y a un danger, l'agent de santé et de sécurité doit prendre en compte tous les aspects de la définition du mot danger et, à l'achèvement de son enquête, décider si les faits invoqués dans cette affaire permettent de conclure à un danger au sens où l'entend le Code. Pour cela, il ne doit se fonder que sur des faits convaincants, étant donné que le droit de refus et les dispositions prises dans le Code en matière de danger sont considérés comme des mesures exceptionnelles. Pour qu'un agent de santé et de sécurité puisse conclure qu'une situation ou un risque éventuel constituait, au moment de son enquête, un danger au sens où l'entend le Code, comme dans la présente affaire, les faits invoqués doivent permettre d'établir :

  • que ce risque ou cette situation se présentera;
  • qu'un employé y sera alors exposé;
  • que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que ce risque ou cette situation lui cause une blessure ou une maladie;
  • que la blessure ou la maladie surviendra immédiatement après l'exposition à ce risque ou à cette situation.

[34]  L'agent d'appel Serge Cadieux a, par la suite, écrit ce qui suit dans l'affaire Agence Parcs Canada et Martin et l'Alliance de la fonction publique du Canada, décision 02-009, datée du 23 mai 2002.

[143]  Une des différences entre l'« ancienne » et la nouvelle définition d'un danger réside dans le fait que l'actuelle parle aussi d'une situation, d'une tâche ou d'un risque éventuel, de sorte que cette situation, cette tâche ou ce risque n'a plus besoin d'exister au moment où l'agent de santé et de sécurité mène son enquête. Ce dernier peut donc regarder plus loin que les circonstances entourant immédiatement l'enquête qu'il est en train de mener pour décider si oui ou non un danger existe selon la définition du Code. Il y a, toutefois, certaines limites au concept de « danger » tel que le Code l'a défini.

[144]  La présence du mot « éventuel » dans la définition signifie que l'on peut prendre en considération une tâche susceptible d'être exécutée dans le futur pour déclarer qu'il y a « danger » au sens où l'entend le Code. Il y a, cependant, des limites. Pour conclure à l'existence d'un danger au moment de l'enquête, l'agent de santé et de sécurité doit se faire une opinion sur les points suivants, en se fondant sur les faits recueillis au cours de ladite enquête, à savoir :

  • que la tâche éventuelle en question sera accomplie1;
  • 1 La première condition est redondante dans les cas où l'agent de santé et de sécurité a constaté que la tâche était en train de s'accomplir au moment de son enquête.
  • qu'un employé aura à l'exécuter le moment venu;
  • que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce :
  • que la tâche occasionne une blessure ou une maladie chez l'employé appelé à l'exécuter, et que

    la blessure ou la maladie se produise dès que la tâche aura été entreprise.

    Note : La question de la latence de la blessure ou de la maladie ne sera pas étudiée dans la présente décision, étant donné qu'elle n'a pas été soulevée en l'espèce. J'aimerais, toutefois, renvoyer le lecteur au paragraphe 21 de la décision Welbourne pour plus de clarté.

[145]  Étant donné que l'agent de santé et de sécurité est obligé de procéder à une enquête sur des faits précis en tenant compte des quatre critères objectifs énumérés ci dessus, les cas hypothétiques et théoriques continueront d'être exclus de la définition d'un danger. Après tout, les cas, tant hypothétiques que théoriques, ne reposent sur aucun fait, ce qui est en contradiction flagrante avec le concept de « danger » tel qu'il est défini dans le Code. Il est important de noter ici que même si le « danger » selon la définition du Code peut ne pas exister, une infraction peut exister.

[35]  Dans les deux incidents de refus de travailler du présent cas, des membres d'équipages d'Air Canada ont refusé de travailler avant de quitter Toronto en direction de Tel Aviv, en Israël. Par conséquent, le risque d'actes terroristes auquel ils craignaient d'être exposés en Israël n'était pas lié à un risque ou à une situation existants, ni à une tâche en cours. Étant donné que la situation ou la tâche que craignaient les employés n'existait pas au moment où ils ont refusé de travailler, et puisque je ne suis pas convaincu du bien-fondé de l'interprétation de Mme Elias selon laquelle pour en conclure à l'existence d'un danger, il n'est pas nécessaire que les faits du cas établissent une attente raisonnable qu'un risque, une situation ou une tâche se produira et qu'un employé y sera exposé, c'est sur cette question que je vais avant tout me pencher.

[36]  Mme Elias a fait valoir que les antécédents de terrorisme en Israël et les attaques terroristes perpétrées aux États-Unis le 11 septembre 2001 rendaient le risque d'une exposition à des actes terroristes et de blessures subséquentes assez probable pour justifier que les membres d'équipage d'Air Canada refusent de travailler. Toutefois, en ce qui concerne la logique de Mme Elias en l'espèce, je me permets de faire l'analogie suivante. Au Canada, il semble qu'il se passe rarement une semaine sans qu'on voit à la télévision, qu'on entende à la radio ou qu'on lise dans les journaux des reportages sur des accidents automobiles ayant causé de graves blessures, voire la mort. On pourrait donc raisonnablement en conclure que quiconque accepte de conduire un véhicule automobile sur une de nos autoroutes, s'expose au risque d'avoir un accident d'auto susceptible de le blesser ou de le tuer. Toutefois, je doute fort que quiconque en conclue que le simple fait de conduire un véhicule sur les routes canadiennes constitue un danger pour le conducteur ou les passagers en vertu du Code. Toutefois, si, par exemple, le véhicule dans lequel la personne se déplace ou s'apprête à le faire a été fabriqué avec une composante que les experts déclareront défectueuse par la suite et qui, ayant cessé de fonctionné, aurait causé une perte de contrôle du véhicule à la vitesse approximative indiquée sur l'odomètre, il faudrait réévaluer la situation. Cette réévaluation devrait tenir compte de la fiabilité des preuves concernant les facteurs pertinents d'amplification des risques.

[37]  Je ne tire aucune conclusion de l'exemple hypothétique proposé ci-dessus en ce qui concerne l'existence ou l'absence d'un danger. Je n'ai offert cet exemple que dans le seul but d'illustrer que pour conclure à l'existence d'un danger, il faut avoir des éléments de preuve suffisants pour élever le risque, la situation ou la tâche d'une possibilité potentielle à une attente raisonnable. En ce qui concerne les deux cas de refus de travailler en l'espèce, les preuves n'indiquent pas assez de facteurs d'amplification du risque pour établir qu'il était raisonnable de s'attendre à ce que les employés d'Air Canada qui ont refusé de travailler soient exposés à des actes de terrorisme en Israël qui auraient raisonnablement pu se solder par des blessures ou par une maladie s'ils avaient accepté de travailler.

[38]  En ce qui concerne les affirmations de Mme Elias selon lesquelles la réaction d'Air Canada face au risque laissait à désirer, les preuves ont établi qu'Air Canada a une section de la Gestion du risque et de la sécurité dirigée par un directeur principal, M. Yves Duguay, et que cette section surveille constamment la situation à Tel Aviv. Pour ce faire, la section s'appuie sur des bulletins gouvernementaux à l'intention des voyageurs et par le contact régulier avec les représentants d'organisations gouvernementales et des responsables de la sécurité en Israël et dans d'autres pays. La Section de la sécurité a régulièrement émis ses propres bulletins à l'intention des voyageurs en se fondant sur les renseignements recueillis et a informé les équipages avant leur départ pour Israël. Mme Elias a soutenu qu'Air Canada ne possédait pas l'expertise voulue en matière de terrorisme pour évaluer correctement la gravité du risque. Cependant, je ne suis pas convaincu qu'il en soit ainsi. Selon moi, l'expertise d'Air Canada est tout à fait adéquate pour recevoir et interpréter les renseignements dont l'organisation dispose et y donner suite.

[39]  Selon Mme Elias, les Bulletins et les séances d'information d'Air Canada ne faisaient aucunement allusion à un plan d'urgence pour l'évacuation des membres d'équipage hors d'Israël et ils étaient trop vagues pour aider les employés d'Air Canada qui pourraient être exposés à des actes terroristes en Israël. Elle a en outre soutenu que les Bulletins de voyage et les séances d'information d'Air Canada étaient presque déjà désuets au moment de leur diffusion. Cependant, selon M. Duguay, si Air Canada n'a pas de plan d'évacuation des équipages hors d'Israël dans l'éventualité d'une montée des activités terroristes ou d'un acte terroriste spécifique, c'est parce qu'il est plus sécuritaire pour les employés de rester à leur hôtel que de tenter une évacuation par voies terrestres. Il est regrettable que ce fait n'ait pas été communiqué aux employés qui cherchaient à obtenir des réponses. En ce qui concerne le caractère actuel des Bulletins de voyage d'Air Canada, je comprends parfaitement le stress qu'ont connu les employés d'Air Canada dans les circonstances. Toutefois, il n'existe aucune preuve contradictoire susceptible de démontrer que les Bulletins de voyage et les séances d'information d'Air Canada n'étaient pas fiables ou que des renseignements provenant d'une autre source auraient permis de prévoir où et quand on pouvait raisonnablement s'attendre à ce que le prochain acte de terrorisme se produise ou, encore mieux, ne se produise pas.

[40]  En ce qui concerne les affirmations de Mme Élias, selon lesquelles l'hôtel Daniel à Herzliya n'est pas plus sécuritaire que l'hôtel Sheraton à Tel Aviv, le témoignage de M. Duguay m'a convaincu que le changement était justifié et qu'il était nécessaire d'agir rapidement avant même de consulter les employés. Mme Elias a raison lorsqu'elle dit que le Code stipule que l'employeur doit consulter les employés sur les questions de santé et de sécurité. Cependant, il peut se produire des situations exceptionnelles où des employeurs doivent agir rapidement de manière unilatérale afin de protéger la santé et la sécurité des employés. C'est exactement ce que M. Duguay a fait et, en me fondant sur son témoignage, je suis persuadé que les mesures de sécurité qu'il a décrites sont bel et bien en place à l'hôtel Daniel.

[41]  Les inquiétudes de Mme Elias quant à la possibilité que les agents Garron, McCabe et Grinblat aient commis une erreur parce qu'ils ont négligé de vérifier la véracité de l'information que leur a fourni Air Canada durant leur enquête sur les refus de travail ne sont pas fondées. Je n'estime pas qu'il soit nécessaire pour les agents de remettre en question tous les faits qui leur sont fournis par une partie dans le cadre d'un enquête, à moins qu'il y ait des incohérences et des contradictions entre les éléments de preuve. Le temps et les dépenses nécessaires pour vérifier chaque déclaration ou document fournis par une partie deviendraient prohibitifs et improductifs. Quant au fait que l'agent Ginblat a utilisé les preuves recueillies par les agents Garron et McCabe, rien n'indique que l'information était devenue désuète et avait perdu toute pertinence.

[42]  Les preuves fournies étaient insuffisantes pour me persuader qu'on pouvait raisonnablement s'attendre à ce que la situation ou le risque éventuel lié au terrorisme en Israël se manifesterait à l'égard des employés qui ont refusé de travailler. J'estime que le danger était hypothétique et, par conséquent, non visé par les dispositions du Code. À mon avis, les enquêtes et les conclusions des agents de santé et de sécurité McCabe, Garron et Grinblat étaient raisonnables et correctes. Par conséquent, je confirme leur décision dans les deux cas.




__________________________
Douglas Malanka
Agent d'appel



Résumé de la décision de l'agent d'appel


No de décision : 03-002
Demandeur : R. Abood, J. Chan, C. Ouelette, D. Rai et B. Singh
Employeur : Air Canada
Mots clés : Danger, équipage, personnel naviguant, employés, terrorisme, Israël, Herzliya, Tel Aviv, sécurité, évaluation, escale, bulletin de voyage, séances d'information
Dispositions :
C.L.C. :
122.(1),128, 129
Sommaire :

Le 14 septembre 2001, les 5 agents de bord assignés au vol 886 d'Air Canada (aéroport international Lester B. Pearson, Toronto, Canada à destination de Tel Aviv, Israël) ont refusé de travailler. Les employés estimaient que Tel Aviv n'était pas un endroit sécuritaire étant donné les actes terroristes incessants en Israël et en raison des attaques perpétrées quelques jours auparavant sur le World Trade Center à New York et sur le Pentagon. Ils craignaient d'être victimes d'actes terroristes et d'être blessés durant leur escale en Israël; soit durant le transport de l'aéroport vers l'hôtel Daniel à Herzliya, pendant leur séjour à l'hôtel ou au moment du transport de retour à l'aéroport.

Le 14 octobre 2001, M. Charles Matos un membre de l'équipage assigné au vol 886 d'Air Canada (aéroport international Lester B. Pearson, Toronto, Canada à destination de Tel Aviv, Israël), a refusé de travailler parce qu'il craignait les soulèvements en Israël et l'absence de gardes de sécurité à l'hôtel Daniel. Il a ajouté qu'en Israël, on manifestait de l'animosité envers les Américains et que, puisqu'il parlait anglais et avait l'air d'un Américain, il serait automatiquement ciblé. M. Matos a en outre formulé la plainte qu'Air Canada n'avait aucun plan d'urgence pour l'évacuation des employés hors d'Israël s'il se produisait un incident.

Après avoir effectué son examen, l'agent d'appel a confirmé les décisions des agents de santé et de sécurité à l'effet qu'il n'existait aucun danger pour les employés qui avaient refusé de travailler. De l'avis de l'agent d'appel, les faits établis dans cette affaire ne suffisaient pas à établir qu'on pouvait raisonnablement s'attendre à ce qu'il se produise des actes de terrorisme susceptibles de constituer un danger en vertu du Code.

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