Archivée - 2003 TSSTC 005 - Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

Informations archivées

Les informations archivées sont fournies aux fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elles ne sont pas assujetties aux normes Web du gouvernement du Canada et n'ont pas été modifiées ou mises à jour depuis leur archivage. Pour obtenir ces informations dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Christopher Cathcart
demandeur
et
Canadien national
employeur
___________________________
Décision no 03-005
Le 3 mars 2003

La présente affaire a été entendue par Michèle Beauchamp, agent d'appel, à Winnipeg (Manitoba), le 6 mars 2002.

Personnes présentes

Pour l'employé

Darrell Grywacheski, représentant juridique en santé et sécurité, Fraternité des ingénieurs de locomotives (FIL)
Jeff Johnston, mécanicien de locomotive et représentant de la Fraternité des ingénieurs de locomotives (FIL)

Pour l'employeur

Donald Kruk, conseiller, CN
Craig Bohne, superviseur des transports, gare de triage de Symington, CN
Ron Smith, superviseur général des transports, CN

Agent de santé et de sécurité

Lance Smith, Transports Canada

[1]  La présente affaire porte sur un appel interjeté le 15 janvier 2001 en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail, Partie II, par Christopher Cathcart, mécanicien de locomotive pour le Canadien national à Winnipeg (Manitoba) en raison d'une décision d'absence de danger énoncée verbalement par l'agent de santé et de sécurité Lance Smith le 9 janvier 2001 et par écrit le 18 janvier 2001.

[2]  Christopher Cathcart a refusé de travailler le 9 janvier 2001 pour les raisons qui suivent, tirées du formulaire d'enregistrement du refus de travailler de Transports Canada1 :

1 Transcription de la déclaration manuscrite de Christopher Cathcart le jour du refus.

[TRADUCTION] Je suis préoccupé par la sécurité de l'unité 2504 parce que cette locomotive n'est pas dotée de phares de fossé à l'extrémité arrière pour la fonctionnement en marche arrière. La sécurité du conducteur Lee Rawsthorne, du public et la mienne me préoccupe. Je crains également qu'avec plus de 14 passages à niveau publics, dont 3 ou plus sont des passages importants, en marche arrière et sans phares de fossé, le public ne verra pas le train 486 ou que, comme le train ne possède qu'un petit phare avant, le public ne saura pas que nous sommes en mouvement ou que nous nous dirigeons vers lui. Si une personne décide de franchir le passage à niveau par erreur, elle peut causer un accident qui mettrait le conducteur, le public et moi-même en danger. Cette situation serait particulièrement tragique si nous entrions en collision avec un camion-citerne, un camion de gravier, une niveleuse, un autobus, etc.

[3]  L'agent de santé et de sécurité Neil Ames, qui a enquêté sur le refus de travailler, ne pouvait être présent à l'audience pour expliquer les circonstances qui l'ont mené à conclure à l'absence de danger. Les deux parties croient qu'il aurait été préférable qu'elles aient la possibilité de le questionner sur sa décision. Néanmoins, elles ont décidé de soumettre leur présentation à l'audience et de poser des questions à l'agent de santé et de sécurité Lance Smith qui accompagnait l'agent Ames lors de son enquête sur le refus de travailler. Les deux parties ont accepté de limiter leurs questions à M. Smith à des questions portant sur son rôle d'agent accompagnateur.

[4]  Dans le rapport d'enquête de l'agent Ames, l'employé a déclaré ce qui suit relativement à son refus de travailler :

[TRADUCTION] Faire fonctionner la locomotive CN 2504 en marche arrière comportait des dangers parce qu'elle n'a pas de phares de fossé à l'extrémité arrière. Les personnes qui croiseraient le train ne pourraient pas savoir s'il bougeait ou vers où il se dirigeait. Les personnes conduisant des véhicules sur la route pourraient donc traverser devant le train par erreur et causer un accident.

[5]  Les événements suivants ont mené au refus de travailler de l'employé :

  • Le mécanicien de locomotive Christopher Cathcart et le conducteur Lee Rawsthorne devait mener la rame de LRS 048641-08 du CN de la gare de Transcona à Winnipeg (Manitoba) vers Sioux Lookout (Ontario).
  • Le train pesait 2 265 tonnes et mesurait 1 719 pieds. Il comptait 27 wagons de LRS, deux wagons couverts et une locomotive de 4 400 chevaux vapeur à six essieux, la locomotive CN 2504.
  • Peu après le départ, le mécanicien de locomotive Cathcart a reçu une communication radio d'un détecteur d'impact2 indiquant une lecture élevée d'impacts sur le rail, soit la présence possible de méplats sur les roues de deux des wagons du train.
2 Un détecteur d'impact est un appareil installé sur les rails qui mesure la force avec laquelle les roues frappent le rail afin de détecter les défauts comme des méplats ou des cavités d'exfoliation qui surviennent lorsque des parties de la surface de la roue se brise, causant des imperfections à sa rondeur.
  • Comme la politique du CN consiste à emmener le train à un endroit où on pourra effectuer des réparations lors de lecture élevée d'impacts, M. Cathcart a arrêté le train à la voie de garage suivante. Il s'est assuré de sa sécurité et a informé le contrôleur du trafic ferroviaire de la situation, et ce dernier a ensuite informé M. Craig Bohne, agent des transports à Symington.
  • M. Bohne a demandé à l'équipage du train de tourner le train, d'atteler le wagon de queue et de se préparer à tirer le train vers Transcona, à environ 14 milles de là. L'équipage a fait ce qu'on leur a demandé et a attendu M. Bohne, qui devait venir enquêter.
  • M. Cathcart et M. Bohne ont discuté du déplacement du train vers Transcona où les roues défectueuses seraient changée. M. Cathcart a refusé de mener le train vers Transcona parce que la locomotive ne possédait pas de phares de fossé dans la direction où elle devait aller, étant donné qu'elle devait fonctionner en sens inverse, avec la cabine à l'arrière. Il a également déclaré qu'il avait assumé ses responsabilités en amenant le train vers la voie de garage et que les roues devaient être changées à cet endroit.
  • Les discussions se sont poursuivies, mais M. Cathcart ne changeait pas d'avis. On a donc demandé à un agent de santé et de sécurité de venir enquêter et de prendre une décision sur l'existence ou l'absence d'un danger.

[6]  Darrell Grywacheski, le représentant de la Fraternité des ingénieurs de locomotive, a ajouté à l'audience que M. Cathcart a plus de 23 ans d'expérience, dont 17 ans en tant que mécanicien de locomotive. Étant donné les pratiques antérieures du CN et le type de locomotive à conduire, M. Cathcart croyait qu'il était de son devoir en vertu du Code canadien du travail d'invoquer son droit de refuser de travailler. Son geste était plus que raisonnable en ce sens, parce qu'il ne voulait pas mettre en danger la santé et la sécurité de son collègue et les siennes, a déclaré M. Grywacheski.

[7]  M. Grywacheski a ajouté que M. Bohne, le superviseur des transports, avait effectué une inspection générale du train avant son départ et avait déclaré à l'équipage que tout fonctionnait bien. Néanmoins, M. Grywacheski croyait que les roues étaient probablement déjà endommagées étant donné que M. Cathcart n'a pas utilisé les freins après le départ de Transcona.

[8]  Néanmoins, on a amené le train de manière sécuritaire à la voie de garage d'Anola afin qu'il ne nuise pas au déplacement des autres trains dans les deux directions. On a demandé à l'équipage de tourner leur train et de le ramener à Transcona. Aucune inspection ne devait être effectuée par des inspecteurs qualifiés avant son départ, et le train ne possédait pas de phares de fossé à l'arrière, comme l'exigent les règlements ferroviaires 16.1 et 16.2, a déclaré M. Grywacheski.

[9]  Le syndicat croyait qu'on avait d'autres possibilités pour corriger la situation, mais que le CN avait décidé que la locomotive fonctionnerait en marche arrière, contrairement à ce que les règlements stipulent. La locomotive est dotée d'un pupitre de commandes de style plateau; lorsque le mécanicien est assis à son poste dans un siège surélevé, toutes les commandes sont devant lui. L'unité a été conçu pour une marche avant, et non pour une marche arrière sur quelque distance que ce soit ou quelque période de temps, a affirmé M. Grywacheski.

[10]  Le syndicat a également souligné qu'il croyait que la conduite en marche arrière, c.-à-d. en cabine reculée, contrevenait aux paragraphes 10.5, 10.6 et 10.13 du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (train), qui stipulent :

10.5- La conception et la disposition des cadrans et des tableaux de commande du matériel roulant automoteur ainsi que la conception et la disposition générale de la cabine ou du poste du conducteur ne doivent pas nuire à celui-ci dans ses manœuvres ni l'empêcher de manœuvrer le matériel roulant.

10.6- Le matériel roulant automoteur doit être muni d'un mécanisme de freinage et d'autres mécanismes de contrôle qui à la fois :

a) permettent de régler et d'arrêter en toute sécurité le mouvement du matériel roulant ou de toute pièce d'équipement accessoire qui en fait partie et qui est à bord;
b) obéissent rapidement et de façon sûre à un effort modéré du conducteur.

10.13- L'employeur ne peut obliger un employé à conduire le matériel roulant automoteur à moins que l'employé ne soit capable de le faire en toute sécurité.

[11]  Le syndicat se demandait également pourquoi l'employeur avait déclaré qu'il n'était pas pratique de changer les roues sur place et avait plutôt décidé de déplacer l'équipement endommagé sans qu'il soit tout d'abord examiné par des employés qualifiés, ce qui risquait d'endommager des rails, de créer de plus grands dommages et pouvait même mener à un déraillement.

[12]  Le représentant de l'employeur était d'accord avec une partie de la description des événements fournie par l'employé. Toutefois, il croyait que le mécanicien aurait pu amener le train de manière sécuritaire vers Transcona sans phares de fossé en déplaçant le train à vitesse réduite et en protégeant manuellement les passages à niveau jusqu'à ce que le train y soit engagé.

[13]  La direction du CN a admis que certaines règles spécifiques régissaient la conduite en cas de panne des phares avant, mais qu'aucune règle ne régissait la conduite en cas de panne des phares de fossé. Comme le phare avant fonctionnait normalement et qu'il éclairait bien la voie en avant (l'éclairage fourni par le phare avant est même supérieur à l'éclairage fourni par les phares de fossé), le CN croyait que la conduite du train en marche arrière ne comportait aucun danger.

[14]  En outre, la direction du CN croyait que c'était à elle qu'il incombait de décider de l'endroit le plus près pour effectuer des réparations lors d'un bris sur un wagon. Dans le cas présent, le CN a déclaré qu'il était très difficile de changer des roues sur ce type de wagon lorsqu'il était chargé et que ce travail pouvait être effectué de manière beaucoup plus sécuritaire dans un atelier.

[15]  L'agent de santé et de sécurité a établi les faits suivants, tirés de son rapport d'enquête :

  • Au moment du refus de travailler, l'équipage venait tout juste de garer le train sur une voie de garage à AnoIa. La locomotive avait été amenée à l'autre bout du train et y avait été attelée. On a demandé à l'équipage de retourner sur ses pas et de ramener le train vers Transcona, à 14 milles de là, afin qu'on puisse changer les roues sur un des wagons.
  • M. Cathcart travaillait depuis environ 21 ans comme mécanicien de locomotive et était qualifié selon les règlements en vigueur.
  • Il avait déjà conduit des trains de wagons LRS et comprenait les caractéristiques spéciales de freinage pour ce genre d'équipement.
  • Parce qu'on avait informé l'équipage qu'il pouvait conduire le train à vitesse réduite, M. Cathcart craignait que les automobilistes tentent de franchir les passages à niveau rapidement, à la dernière minute avant le passage du train. Dans ce cas, il pourrait avoir à freiner le train rapidement.
  • M. Cathcart connaissait très bien les caractéristiques du freinage de ce genre de train et n'aurait pas été pris au dépourvu par la dynamique du train s'il avait dû freiner rapidement.
  • Pour améliorer encore sa capacité de freiner rapidement aux passages à niveau, le CN avait informé M. Cathcart qu'il pouvait conduire la locomotive seule jusqu'à 10 milles de là afin de la retourner. Il aurait alors pu faire marche arrière jusqu'au train et le tirer ensuite en marche avant vers Transcona, ce qui lui aurait permis de faire fonctionner le train à la vitesse appropriée et avec ses phares de fossé.
  • Une locomotive qui avance seule peut freiner sur une distance plus courte qu'une locomotive qui traîne des wagons.
  • M. Cathcart persistait à déclarer qu'il avait fait son travail en arrêtant le train sur une voie de garage pour qu'on y effectue les réparations et qu'il n'existait aucune raison pratique de ramener le train vers Transcona. Il a ajouté que la protection manuelle aux passages à niveau prend beaucoup de temps, qu'elle n'était pas pratique et que les règlements stipulaient que les locomotives devaient être dotées de phares de fossé.
  • M. Cathcart a demandé qu'on installe des phares de fossé temporaires avant de ramener le train vers Transcona. Cependant, contrairement à d'autres modèles de locomotives, cette locomotive ne possédait pas les ferrures nécessaires à l'installation de phares de fossé temporaires.
  • Au cours de sa carrière, M. Cathcart avait déjà dû composer avec une panne de phare avant et il avait réussi à diriger le train de manière sécuritaire en respectant le paragraphe 17.1 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REFC), qui traite des pannes de phare avant. Il s'est fié à ce genre de protection de nombreuses fois et a fait appel au conducteur comme protection. Il connaissait également très bien les règles et les pratiques pour la protection manuelle aux passages à niveau.

[16]  Selon le rapport de l'agent de santé et de sécurité Ames, M. Cathcart craignait surtout que l'absence de phares de fossé mettent la sécurité du public en danger, parce que ce dernier connaît l'agencement triangulaire des phares sur un train, mais ne reconnaîtrait pas le mouvement de son train en l'absence des phares de fossé et pourrait, par erreur, traverser un passage devant lui.

[17]  L'agent de santé et de sécurité Ames a vu les phares arrière à haute puissance et a observé que le passage à niveau, qui était à plusieurs centaines de verges de là, était bien éclairé. En outre, on pouvait très bien voir les phares du passage à niveau.

[18]  L'agent de santé et de sécurité Ames a déterminé que l'équipage du train pouvait respecter le règles pour la conduite avec un phare défectueux et avancer en respectant les restrictions du paragraphe 17.1, qui stipule :

a) Si le phare avant tombe en panne et qu'il ne peut être réparé, il faut en informer le CCF le plus tôt possible. Dans ce cas, le train peut poursuivre sa marche en utilisant, si la locomotive en est munie, les phares de fossé ou le phare oscillant en position fixe.

b) Si la locomotive ne possède ni phares de fossé ni phare oscillant, le train peut poursuivre sa marche jusqu'au point où les réparations peuvent être faites, en utilisant les moyens d'éclairage disponibles. Toutefois, il ne doit pas dépasser vingt-cinq milles à l'heure à l'entrée des passages à niveau publics non protégés par un gardien, des barrières ou une signalisation automatique, et tant que le passage à niveau n'est pas entièrement occupé.

[19]  Selon l'agent de santé et de sécurité, les règlements permettent d'éteindre les phares de fossé dans certaines situations, comme lorsque le train roule près d'une autoroute, ce qui indique que ces phares ne sont pas toujours nécessaires pour une conduite sécuritaire. En outre, les lumières de fossé ne constituent pas un élément de sécurité pour le public lorsque le train est déjà engagé sur le passage à niveau, puisque le triangle des phares n'est alors plus visible.

[20]  L'agent de santé et de sécurité a conclu que, comme une panne de phare avant est beaucoup plus grave qu'une panne de phares de fossé, le train pouvait être déplacé de manière sécuritaire si on respectait les règles et si on appliquait la méthode la plus restrictive pour ce déplacement.

[21]  L'agent de santé et de sécurité a décidé que la situation ne comportait pas de danger en se fondant sur les faits établis dans le cadre de l'enquête et sur la définition de danger du Code canadien du travail, Partie II, parce que le mécanicien et le conducteur possédaient les connaissances et l'expérience pratique nécessaires pour déplacer le train comme le CN leur avait demandé en respectant les règles en vigueur; les phares présents sur le train fourniraient un éclairage suffisant pour que l'équipage voit le chemin et, si le train avançait à vitesse réduite, le public pourrait le voir venir.

**********


[22]  Les paragraphes 146(1) et 146(2) de la Partie II du Code définissent le rôle de l'agent d'appel lorsqu'un appel est interjeté à l'égard d'une décision d'absence de danger rendue en vertu du paragraphe 129(7). Ils stipulent :

146.1(1). Saisi d'un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l'article 146, l'agent d'appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;
b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu'il juge indiquées.

(2) Il avise par écrit de sa décision, de ses motifs et des instructions qui en découlent l'employeur, l'employé ou le syndicat en cause; l'employeur en transmet copie sans délai au comité local ou au représentant.

[23]  La question à trancher dans le cas présent consiste à déterminer si l'employé, Christopher Cathcart, était dans une situation de danger selon la définition du Code canadien du travail, Partie II, lorsqu'il a refusé de travailler. Les dispositions de la Partie II qui portent sur la définition du danger et sur les situations pouvant mener à un refus de travailler stipulent :

122(1) « danger » Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats - avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou sur le système reproducteur.

128(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche s'il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l'utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;
b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;
c) l'accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

129(7) Si l'agent conclut à l'absence de danger, l'employé ne peut se prévaloir de l'article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois - personnellement ou par l'entremise de la personne qu'il désigne à cette fin - appeler par écrit de la décision à un agent d'appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci.

[24]  M. Cathcart croyait qu'il était dangereux de faire fonctionner la locomotive sans phares de fossé parce que le public ne pourrait savoir si elle bougeait aux passages à niveau ou ne pourrait savoir si elle avançait dans sa direction.

[25]  Selon la déclaration écrite et les témoignages à l'audience, le refus de travailler de M. Cathcart était motivé par l'absence de phares de fossé qui compromettrait sa sécurité, celle du conducteur Rawstorne et celle du public.

[26]  Dans un cas très semblable3 où un employé a refusé de faire fonctionner une locomotive en marche arrière, le Conseil canadien des relations industrielles a décidé que les employés pouvaient refuser de travailler parce qu'ils percevaient un danger pour le public. Le Conseil a déclaré :

3 Jeff Johnston contre Compagnie de chemins de fer nationaux du Canada, dossier 18750-C, le 3 décembre 1999.

Aux termes de la Partie II du Code, un employé ne peut invoquer les dispositions sur le refus de travailler du Code pour faire valoir un danger qu'il perçoit pour le public. La sécurité publique relève de la compétence du Parlement et des assemblées législatives provinciales. Ces organes adoptent des lois et des règlements et établissent des organismes qu'ils chargent de surveiller et d'appliquer les règles.

Le libellé de l'article 128 du Code est clair. L'employé qui refuse de travailler doit croire qu'un employé risque immédiatement d'être blessé ou de devenir malade avant qu'il ne puisse être remédié à la situation dangereuse. Cela ne veut pas dire que les employés ne peuvent jouer un rôle important en matière de sécurité publique en communiquant leurs préoccupations à cet égard à leur syndicat ou à un représentant de l'employeur. Il pourrait être indiqué de communiquer avec l'organisme chargé d'appliquer des règles particulières de sécurité publique. Si la situation n'est visée par aucune loi, il pourrait s'avérer utile de communiquer avec un représentant élu du gouvernement.

[27]  Bien que cette décision ait été rendue avant l'entrée en vigueur des modifications à la Partie II du Code canadien du travail en septembre 2000, le paragraphe 128(1) indique clairement que cela est encore vrai à l'heure actuelle.

[28]  Dans la même décision, le Conseil canadien des relations industrielles a déclaré :

On peut utiliser à pleine capacité un phare arrière qui fait fonction de phare avant. Cela réduit la possibilité que d'autres personnes puissent ne pas voir le train aussi facilement durant le jour. De plus, le fait de ne pas se conformer à l'ordonnance no O-14 ne signifie pas forcément qu'il existe un danger. Si M. Johnston n'était pas satisfait du fonctionnement du phare à pleine capacité, les REFC prévoient des mesures à prendre dans l'éventualité où un phare ne fonctionnerait pas.

L'absence de projecteurs de fossé ne crée pas non plus un danger. Premièrement, lors de l'enquête, la locomotive à la gare de triage de Pine Falls était à l'arrêt. En de telles circonstances, les règles d'exploitation ferroviaire n'exigent pas que les projecteurs de fossé soient allumés. Deuxièmement, même si l'absence des projecteurs de fossé créait un risque de blessure, c'est le public et non les membres de l'équipe en poste dans la cabine qui y était exposé.

À la suite de l'enquête menée par téléphone, M. Dambly a pris connaissance de la modification apportée au paragraphe 16(2) du Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer. Les locomotives que l'on conduit régulièrement en marche arrière sur une partie du trajet doivent être munies de projecteurs de fossé, ou l'on doit déposer une solution de rechange convenable auprès du Ministère.

[29]  Afin de décider si l'employé Cathcart vivait une situation de danger, j'appliquerai la norme déterminée par l'agent d'appel Cadieux dans la décision 02-0094, et j'examinerai les points suivants :

4 Agence Parcs Canada contre Doug Martin et l'Alliance de la fonction publique du Canada, Bureau d'appel canadien, décision no 02-009, le 23 mai 2002.
  • que la tâche éventuelle en question sera accomplie;
  • qu'un employé aura à l'exécuter le moment venu;
  • que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que :
    • la tâche occasionne une blessure ou une maladie chez l'employé appelé à l'exécuter;
    • la blessure ou la maladie se produise dès que la tâche aura été entreprise.

[30]  Aurait-on pu raisonnablement s'attendre à ce que la tâche occasionne une blessure à M fonctionner le train en marche arrière sans phares de fossé à l'arrière de la locomotive? Aucun des faits ou des témoignages présentés à l'audience ne me porte à conclure en ce sens.

[31]  Je crois qu'on avait présenté des possibilités appropriées au conducteur, c.-à-d. conduire le train à vitesse réduite et protéger manuellement les passages à niveau jusqu'à ce que le train soit engagé. En outre, le phare avant fonctionnait normalement et offrait un éclairage adéquat devant le train. Comme l'a déclaré le Conseil, « l'absence de projecteurs de fossé ne crée par (non plus) un danger ».

[32]  Bien qu'il n'ait pu être présent à l'audience, je suis convaincue que l'agent de santé et de sécurité Ames a mené une enquête approfondie sur le refus de travailler. Quant à l'agent de santé et de sécurité Smith, il a offert des explications réfléchies et explicites de la situation dans le cadre de l'audience.

[33]  Par conséquent, après avoir bien entendu et soupesé tous les témoignages de l'audience, je suis d'avis que l'agent de santé et de sécurité en est venu à la bonne conclusion. Pour cette raison, je confirme la décision d'absence de danger de l'agent de santé et de sécurité Ames.



________________________________
Michèle Beauchamp
Agent d'appel



Résumé de la décision de l'agent d'appel


No de décision : 03-005
Demandeur : Christopher Cathcart
Employeur : Canadien national
Mots clés : Refus de travailler, danger, absence de phares de fossé
Dispositions :
Code :
122(1); 128
Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail : S. O.
Résumé :

Un mécanicien de locomotive travaillant pour le Canadien national à Winnipeg (Manitoba) a refusé de travailler parce qu'il croyait que le fait de conduire une locomotive en marche arrière sans phares de fossé constituait un danger pour le public, lui-même et le conducteur du train.

Après avoir mené une enquête sur le refus de travailler, l'agent de santé et de sécurité a décidé que la situation ne comportait pas de danger pour les employés.

L'agent d'appel a confirmé la décision de l'agent de santé et de sécurité et déclaré que « l'absence de phares de fossé ne constitue pas un danger ». On avait offert au conducteur des possibilités adéquates, c.-à-d. faire avancer le train à vitesse réduite et protéger manuellement chacun des passages à niveau jusqu'à ce que le train y soit engagé. En outre, les phares avant fonctionnaient normalement et offraient un éclairage suffisant de la voie devant le train.

Détails de la page

Date de modification :